En cause:
le recours en annulation partielle du décret de la Région wallonne du 19 juillet 2018 « modifiant les décrets du 12 avril 2001 relatif à l'organisation du marché régional de l'électricité et du 19 janvier 2017 relatif à la méthodologie tarifaire applicable aux gestionnaires de réseau de distribution de gaz et d'électricité en vue du déploiement des compteurs intelligents et de la flexibilité », introduit par l'ASBL « Groupe de Réflexion et d'Action Pour une Politique Ecologique » et autres.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, des juges J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du président émérite A. Alen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I Objet du recours
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 4 mars 2019 et parvenue au greffe le 5 mars 2019, un recours en annulation des articles 2, 2° et 5°, 4, 14°, 7, 8, 12, 4° et 5°, 14 à 18, 24, 27 et 28 du décret de la Région wallonne du 19 juillet 2018 « modifiant les décrets du 12 avril 2001 relatif à l'organisation du marché régional de l'électricité et du 19 janvier 2017 relatif à la méthodologie tarifaire applicable aux gestionnaires de réseau de distribution de gaz et d'électricité en vue du déploiement des compteurs intelligents et de la flexibilité » (publié au Moniteur belge du 6 septembre 2018) a été introduit par l'ASBL « Groupe de Réflexion et d'Action Pour une Politique Ecologique », l'ABSL « Fin du nucléaire », l'ASBL « Nature & Progrès Belgique », l'ASBL « Institut Supérieur de Naturopathie Traditionnelle », Éric Defourny et Martine Dardenne, assistés et représentés par Me D. Brusselmans, avocat au barreau de Namur.
Des mémoires et mémoires en réplique ont été introduits par :
- le Gouvernement flamand, assisté et représenté par Me D. Verhoeven, Me F. Judo et Me T. Souverijns, avocats au barreau de Bruxelles;
- le Gouvernement wallon, assisté et représenté par Me G. Block, avocat au barreau de Bruxelles.
Les parties requérantes ont introduit un mémoire en réponse.
Par ordonnance du 15 juillet 2020, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs P. Nihoul et T. Merckx-Van Goey, a décidé que l'affaire était en état, qu'aucune audience ne serait tenue, à moins qu'une partie n'ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, qu'en cas d'une telle demande, l'affaire serait prise à l'audience du 22 septembre 2020, à l'heure ultérieurement fixée par le président, et qu'en l'absence d'une telle demande, les débats seraient clos le 1er septembre 2020 et l'affaire mise en délibéré.
À la suite de la demande du Gouvernement wallon à être entendu, le président, par ordonnance du 31 août 2020, a fixé l'heure de l'audience à 16 heures 15.
À l'audience publique du 22 septembre 2020 :
- ont comparu :
. Me D. Brusselmans, pour les parties requérantes;
. Me J. Van Orshoven, avocat au barreau de Bruxelles, loco Me D. Verhoeven, Me F. Judo et Me T. Souverijns, pour le Gouvernement flamand;
. Me G. Block et Me L. Hage, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement wallon;
- les juges-rapporteurs P. Nihoul et T. Merckx-Van Goey ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- l'affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l'emploi des langues ont été appliquées.
II En droit
A Argument
Quant à la recevabilité
A.1. Les trois premières parties requérantes justifient leur intérêt au recours en se prévalant de leurs buts statutaires respectifs et des actions qu'elles ont menées contre le déploiement de compteurs électriques communicants, dont l'organisation et la participation à un collectif. La cinquième partie requérante, résidant dans un immeuble situé en Région wallonne, souffre d'un syndrome d'intolérance aux champs électromagnétiques associé à un syndrome d'hypersensibilité aux produits chimiques. La sixième partie requérante réside dans un immeuble situé en Région wallonne équipé d'un compteur électrique et de panneaux solaires.
A.2.1. Le Gouvernement wallon remarque que les parties requérantes n'expliquent pas, pour les dispositions dont elles demandent l'annulation, en quoi chacune d'entre elles serait contraire aux normes de référence. Les parties requérantes ne critiquent que les articles 16 et 24 du décret du 19 juillet 2018 « modifiant les décrets du 12 avril 2001 relatif à l'organisation du marché régional de l'électricité et du 19 janvier 2017 relatif à la méthodologie tarifaire applicable aux gestionnaires de réseau de distribution de gaz et d'électricité en vue du déploiement des compteurs intelligents et de la flexibilité » (ci-après : le décret du 19 juillet 2018). Le recours est donc irrecevable en ce qu'il est dirigé contre les articles 2, 2° et 5°, 4, 14°, 7, 8, 12, 4° et 5°, 14, 15, 17, 18, 27 et 28 du même décret.
A.2.2. Le Gouvernement wallon soutient par ailleurs que le décret du 19 juillet 2018 n'affecte pas le but statutaire de la première partie requérante puisqu'il s'inscrit dans le cadre de la politique belge et européenne de la protection de l'environnement. En outre, les statuts de la première partie requérante ne font pas mention de la protection de la vie privée ou de la prévention des risques sanitaires, de sorte que la première partie requérante n'a pas intérêt aux deuxième et troisième moyens. Quant à la deuxième partie requérante, il est paradoxal qu'une association luttant pour la réduction de la consommation d'énergie s'oppose au déploiement de compteurs électriques intelligents qui contribuent à une utilisation plus rationnelle de l'énergie. La quatrième partie requérante n'expose pas en quoi le décret du 19 juillet 2018 affecte son but statutaire. Par conséquent, le décret du 19 juillet 2018 n'affecte pas le but statutaire des quatre premières parties requérantes, de sorte que celles-ci n'ont pas intérêt au recours.
A.3. Le Gouvernement flamand observe que seuls les articles 16 et 24 du décret du 19 juillet 2018 sont attaqués, de sorte que le recours est irrecevable pour le surplus.
A.4.1. Dans leur mémoire en réponse, les parties requérantes reconnaissent que les moyens visent les articles 16 et 24 du décret du 19 juillet 2018. Toutefois, les autres dispositions attaquées dépendent des articles 16 et 24 et forment un ensemble cohérent avec ceux-ci, de sorte qu'une annulation de ces derniers doit entraîner l'annulation de l'ensemble des dispositions attaquées.
A.4.2. Les parties requérantes observent ensuite que le Gouvernement wallon conteste l'intérêt des première et deuxième parties requérantes sur la base du postulat selon lequel les compteurs intelligents contribueraient à une réduction des émissions de gaz à effet de serre et à une utilisation plus rationnelle de l'énergie. Ensuite, le Gouvernement wallon perd de vue que les quatre associations requérantes sont à l'origine ou sont des membres du collectif « Stop compteurs communicants », de sorte qu'elles ont intérêt au deuxième moyen et, plus largement, au recours.
A.5.1. Dans son mémoire en réplique, le Gouvernement wallon soutient que les dispositions relatives aux compteurs intelligents ne sont pas indissociablement liées entre elles, de sorte que le recours est irrecevable en ce qu'il porte sur des dispositions autres que les articles 16 et 24 du décret du 19 juillet 2018.
A.5.2. Le Gouvernement wallon précise ensuite qu'aucun des moyens n'a trait à des prétentions écologiques et que ni la problématique des compteurs intelligents, ni la participation au collectif « Stop compteurs intelligents » ne figurent dans le but statutaire des parties requérantes.
A.6. Le Gouvernement flamand réplique que les parties requérantes ne démontrent pas en quoi les dispositions attaquées autres que les articles 16 et 24 du décret du 19 juillet 2018 seraient inconstitutionnelles. La cohérence et la lisibilité des textes législatifs en cas d'annulation des articles 16 et 24, précités, doivent être assurées par le législateur et ne sont pas un critère pertinent pour déterminer l'étendue du contrôle de la Cour.
Quant au fond
En ce qui concerne le premier moyen
A.7.1. Les parties requérantes prennent un premier moyen, dirigé contre l'article 16 du décret du 19 juillet 2018, de la violation des articles 10, 11 et 23 de la Constitution, de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 2, 3, paragraphe 3, deuxième alinéa, et 9 du Traité sur l'Union européenne et des articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
A.7.2. Dans une première branche, elles soutiennent que l'article 16, attaqué, du décret du 19 juillet 2018 prévoit, sans justification raisonnable, un déploiement différencié des compteurs intelligents. La justification fournie dans les travaux préparatoires n'est pas convaincante. Ainsi, premièrement, il est inexact d'affirmer que le remplacement d'un compteur électrique existant par un compteur intelligent serait une hypothèse visée par la directive 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 « relative à l'efficacité énergétique, modifiant les directives 2009/125/CE et 2010/30/UE et abrogeant les directives 2004/8/CE et 2006/32/CE ». Deuxièmement, il est peu crédible d'affirmer que le remplacement des compteurs à budget par des compteurs électriques intelligents doit s'effectuer parce que le fabricant de compteurs à budget a arrêté sa production. Troisièmement, il n'est pas démontré non plus que les utilisateurs consommant plus de 6 000 kWh par an, ceux qui sont équipés d'une installation de production d'électricité de plus de 5 kWe ou ceux qui recourent à des points publics de recharge électrique, sont davantage susceptibles de profiter d'un compteur intelligent que les autres utilisateurs. En effet, si l'objectif poursuivi est de tendre vers une plus grande efficacité énergétique et de permettre à l'utilisateur d'être un acteur sur le marché de l'énergie, l'on ne voit pas pourquoi le déploiement des compteurs intelligents ne concernerait pas l'ensemble des utilisateurs. Quatrièmement, il n'existe aucune disposition qui organise le déploiement échelonné dans le temps des compteurs intelligents, le soin d'organiser ce déploiement étant laissé au gestionnaire de réseau de distribution.
A.7.3. Dans une seconde branche, les parties requérantes critiquent le fait que la disposition attaquée impose le placement d'un compteur intelligent pour certains utilisateurs, sous peine que ceux-ci perdent leur accès au réseau. Il est inadmissible de prévoir une telle exclusion de l'accès au réseau puisque la fourniture d'électricité constitue un service d'intérêt public qui est différent du comptage de l'électricité fournie. Les citoyens qui refusent l'installation d'un compteur intelligent ne disposent donc plus des droits les plus élémentaires, comme le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine. La justification fournie dans les travaux préparatoires, à savoir ne pas vouloir entraver le déploiement des compteurs intelligents, ne justifie pas la violation de ce droit fondamental et du principe de l'égalité de traitement.
A.8.1. À propos de la première branche du moyen, le Gouvernement wallon estime qu'il n'existe pas de différence de traitement entre les utilisateurs du réseau. En effet, chaque utilisateur peut obtenir l'installation d'un compteur intelligent sur simple demande. En outre, l'éventuelle différence de traitement n'est que temporaire puisque le déploiement des compteurs intelligents a vocation à s'étendre aux autres catégories d'utilisateurs.
A.8.2. Le Gouvernement wallon fait ensuite valoir que les différentes catégories d'utilisateurs ne se trouvent pas dans des situations comparables. En effet, les clients dont la consommation annuelle est supérieure à 6 000 kWh ont intérêt à disposer d'outils destinés à réduire ou à moduler leur consommation afin de limiter leurs dépenses. Quant aux utilisateurs du réseau dont l'installation de production a une puissance supérieure à 5 kWe, ils ont aussi intérêt à adapter leur consommation en fonction de leur production. Les profils de consommation et de production des différentes catégories d'utilisateurs du réseau sont donc différents, de sorte que ces catégories ne tirent pas le même profit des systèmes de comptages intelligents et n'ont pas la même incidence sur la gestion des réseaux de distribution. Il est donc justifié de prévoir des rythmes de déploiement différenciés.
A.8.3.1. Le Gouvernement wallon soutient ensuite que les critères de distinction entre les utilisateurs sont objectifs, raisonnables et proportionnés. Non seulement les gestionnaires des réseaux de distribution disposent d'une marge de manœuvre limitée quant à la planification du déploiement des compteurs intelligents, mais encore, en ce qui concerne l'objectif de déploiement de 80 % de compteurs intelligents chez certains utilisateurs, le législateur a cherché à trouver un équilibre entre le déploiement effectif des compteurs intelligents et la maîtrise des coûts générés par ce déploiement. C'est pourquoi un système progressif a été privilégié. Un déploiement généralisé aurait été moins proportionné puisqu'il aurait méconnu le fait que les utilisateurs n'ont pas le même intérêt à posséder un compteur intelligent. En outre, il est possible de déroger à l'obligation d'installation d'un compteur intelligent. Le caractère proportionné de la mesure est enfin assuré par la création d'un comité de suivi visant à répondre aux questions des acteurs concernés.
A.8.3.2. En ce qui concerne les situations dans lesquelles un compteur intelligent doit systématiquement être installé à partir du 1er janvier 2023, les dispositions attaquées sont proportionnées au but poursuivi. Tout d'abord, le fait qu'un client résidentiel déclaré en défaut de paiement doive accepter l'installation d'un compteur intelligent ne se distingue pas de la situation antérieure où ce client était tenu d'accepter le placement d'un compteur à budget. Le compteur à budget a d'ailleurs vocation à disparaître parce que le fabricant a arrêté sa production. Ensuite, il serait contraire aux principes de bonne administration et de protection de l'environnement de remplacer simultanément tous les compteurs électromécaniques. À l'inverse, il est proportionné de ne remplacer que ceux qui sont arrivés en fin de vie ou qui sont défectueux. Quant à l'installation d'un compteur intelligent dans le cas d'un nouveau raccordement, on ne force pas un utilisateur à renoncer à un compteur électromécanique existant. Enfin, la possibilité donnée à tout utilisateur de demander l'installation d'un compteur intelligent est un droit garanti par l'article 21 de la nouvelle directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 « concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE ».
A.8.4. Quant à la seconde branche du moyen, le Gouvernement wallon considère que la Cour n'a pas encore reconnu l'existence d'un droit à l'approvisionnement en énergie sur la base de l'article 23 de la Constitution. En toute hypothèse, les dispositions attaquées ne réduisent pas le niveau de protection offert aux utilisateurs du réseau mais accordent à ceux-ci de nouveaux droits et avantages. D'une part, le réseau est toujours soumis au respect de diverses normes techniques obligatoires et le décret du 19 juillet 2018 ne déroge pas aux procédures et garanties préalables à l'éventuelle déconnexion du réseau d'un utilisateur. D'autre part, le déploiement des compteurs intelligents améliore la situation des utilisateurs, en augmentant la qualité des services fournis par les gestionnaires des réseaux de distribution, en permettant une facturation plus claire et en donnant aux gestionnaires des réseaux une meilleure connaissance des flux électriques, ce qui est essentiel pour déployer l'électromobilité et les sources d'énergie renouvelables décentralisées. De toute manière, la production des compteurs électromécaniques et des compteurs à budget va progressivement disparaître au profit des compteurs intelligents, de sorte que le seul moyen de garantir l'accès au réseau est d'équiper les utilisateurs du réseau de compteurs intelligents.
A.9.1. Le Gouvernement flamand estime que le premier moyen est irrecevable en ce qu'il est pris de la violation de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, cet article ayant un caractère accessoire, et de l'article 23 de la Constitution, à défaut de démontrer en quoi cette disposition constitutionnelle aurait été violée.
A.9.2. Le Gouvernement flamand soutient ensuite que la première branche du moyen est non fondée. La différence de traitement dénoncée n'existe pas puisque chaque utilisateur du réseau peut demander l'installation d'un compteur intelligent. De toute manière, elle est temporaire dès lors que le but du décret du 19 juillet 2018 est d'équiper tous les utilisateurs d'un compteur intelligent.
A.9.3. Selon le Gouvernement flamand, il n'y a pas non plus de violation de l'article 9 de la directive 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 « relative à l'efficacité énergétique, modifiant les directives 2009/125/CE et 2010/30/UE et abrogeant les directives 2004/8/CE et 2006/32/CE », parce que le point a) de cette disposition prévoit explicitement qu'un compteur existant peut être remplacé par un compteur intelligent. En tout état de cause, les États membres peuvent prévoir d'autres hypothèses de placement d'un compteur intelligent que celles qui sont visées par la directive 2012/27/UE. Ensuite, l'argument selon lequel la production des compteurs à budget sera arrêtée en 2020 n'est qu'un argument parmi d'autres pour justifier le remplacement des compteurs à budget par des compteurs intelligents. Les compteurs intelligents peuvent techniquement proposer les mêmes fonctionnalités que les compteurs à budget, de sorte que le remplacement de ces derniers a pu être décidé afin de réaliser le but principal qui est de répondre aux obligations de déploiement des compteurs intelligents fixées au niveau européen. Enfin, les parties requérantes n'ont pas intérêt à soutenir que les compteurs à budget doivent subsister puisqu'elles n'en ont pas elles-mêmes. La critique est aussi non fondée parce que le système des compteurs à budget a fait ses preuves et que son abandon est un choix politique qui ne peut être censuré par la Cour.
A.9.4. Le Gouvernement flamand fait encore valoir que la différence de traitement dénoncée repose sur des critères objectifs, à savoir le volume de la consommation, la capacité de production et le caractère public de la station de recharge. La différence de traitement est, par ailleurs, raisonnablement justifiée. Il ressort des travaux préparatoires que, par l'introduction progressive des compteurs, le législateur vise à trouver un accord équilibré entre les intérêts de ceux qui sont pour et de ceux qui sont contre le déploiement des compteurs intelligents. Il n'est pas disproportionné de ne pas introduire de manière généralisée une nouvelle norme qui peut avoir une influence considérable sur les ménages et sur les entreprises et de la réserver d'abord à ceux qui ont le plus intérêt à profiter des avantages du nouveau système. Dans le cadre de l'introduction graduelle des compteurs intelligents, le législateur décrétal a agi après avoir obtenu l'avis favorable de la Commission wallonne pour l'Énergie (ci-après : la CWaPE) et de Synergrid, la fédération des gestionnaires de réseaux électricité et gaz en Belgique, en conformité avec la directive 2009/72/CE du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil « concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE », et en faisant usage d'une large marge d'appréciation sur une question ayant une incidence budgétaire importante. Enfin, la première branche du premier moyen et le troisième moyen sont contradictoires.
A.9.5. Le Gouvernement flamand soutient ensuite que la seconde branche du premier moyen n'est pas fondée. La disposition attaquée ne prévoit pas une privation d'accès au réseau. Elle impose seulement des modalités techniques concernant l'équipement qui permet d'avoir un accès au réseau. Pour certains utilisateurs du réseau, cet accès est désormais lié à l'installation d'un compteur intelligent. Le même raisonnement vaut d'ailleurs en ce qui concerne les règles issues du règlement technique pour la gestion et l'accès au réseau. En effet, quiconque ne respecte pas ces règles dispose certes d'un droit d'accès au réseau, mais l'exercice de ce droit peut lui être refusé parce que la jouissance de ce droit est subordonnée au respect des règles techniques.
A.9.6. Selon le Gouvernement flamand, l'obligation d'accepter le placement d'un compteur intelligent n'est pas disproportionnée car elle permet à la Région wallonne d'atteindre l'objectif consistant à introduire des compteurs intelligents, lequel est imposé par l'Union européenne. Cette obligation d'acceptation se situe dans le prolongement du pouvoir des autorités de décider de déployer des compteurs intelligents. Elle n'implique pas que l'utilisateur doit également accepter les fonctionnalités commerciales des compteurs intelligents.
A.9.7. Le Gouvernement flamand considère par ailleurs que les compteurs intelligents n'entraînent pas d'inconvénients pour les utilisateurs, hormis ceux qui sont intolérants aux compteurs intelligents et pour lesquels il existe une dérogation à l'obligation d'accepter le placement du compteur. À l'inverse, les avantages pour la société sont nombreux, notamment le fonctionnement optimal du réseau électrique et le bénéfice de conditions commerciales plus intéressantes pour l'utilisateur. En outre, le décret du 19 juillet 2018 protège suffisamment la vie privée, contient une dérogation en faveur des personnes intolérantes et prévoit la création d'un comité de suivi. Enfin, ni la CWaPE, ni la section de législation du Conseil d'État n'ont critiqué l'obligation d'installation des compteurs intelligents dans certaines hypothèses. Il s'ensuit que la différence de traitement repose sur un critère objectif, pertinent et proportionné.
A.9.8. Le Gouvernement flamand conclut au non-fondement du moyen.
A.10.1. Les parties requérantes répondent quant à la première branche que la critique ne porte pas sur le fait que le déploiement des compteurs intelligents ne soit pas prévu pour l'ensemble des utilisateurs du réseau, mais sur le fait que la différence de traitement entre les catégories d'utilisateurs du réseau ne repose pas sur un critère objectif et n'est pas raisonnablement justifiée.
A.10.2. Les parties requérantes répondent encore qu'en affirmant que chaque utilisateur peut demander l'installation d'un compteur intelligent, le Gouvernement wallon oblitère une différence de traitement, pourtant manifeste, entre ceux qui se voient imposer l'installation d'un compteur intelligent et ceux qui peuvent la demander. Or, si tous les utilisateurs avaient la liberté de demander l'installation d'un compteur intelligent, il n'existerait pas de discrimination. À l'inverse, éradiquer l'inégalité de traitement par l'installation simultanée des compteurs intelligents chez tous les utilisateurs est une hypothèse impossible d'un point de vue technique, financier et temporel, d'autant plus que l'inclusion de nouveaux segments ou secteurs prioritaires dans le plan de déploiement dépend des gestionnaires de réseau de distribution.
A.10.3. Les parties requérantes répondent ensuite qu'elles ne comprennent pas pourquoi les objectifs visés par la mesure du déploiement des compteurs intelligents doivent être atteints préférentiellement par les « gros consommateurs », plutôt que par l'ensemble des utilisateurs. Tous les utilisateurs de réseau se trouvent pourtant dans une situation identique au regard de ces objectifs.
A.10.4. Les parties requérantes répondent encore qu'à suivre le Gouvernement wallon, le déploiement des compteurs intelligents par segments prioritaires se justifie pour autant qu'un tel déploiement permette de maintenir « le coût répercuté aux utilisateurs ». Toujours à suivre la thèse du Gouvernement wallon, seuls les gros consommateurs seraient alors à même de supporter un tel coût, ce qui justifierait de les rendre prioritaires. Il y a là un paradoxe puisqu'il n'existe pas, à l'égard du consommateur ordinaire, de raisons en vertu desquelles l'installation reportée des compteurs intelligents permettrait davantage de répercuter le coût qu'un déploiement simultané. Les finalités du déploiement valent pour tous les consommateurs. Cette situation paradoxale est encore accentuée pour les clients qui se trouvent en défaut de paiement et qui sont déjà équipés d'un compteur à budget. Outre le fait que l'argument de l'arrêt de la fabrication de ces compteurs est fallacieux, aucune obligation européenne n'impose le placement d'un compteur intelligent en cas de remplacement d'un compteur en fin de vie ou défectueux.
A.10.5. Quant à la seconde branche, les parties requérantes répondent que le Gouvernement wallon fait abstraction du fait que, souvent, la mise en place des compteurs intelligents vise des utilisateurs du réseau disposant d'un compteur analogique qui remplit son office. En cas de refus d'installation d'un compteur intelligent, la sanction ne consiste pas seulement à se voir priver du nouveau compteur d'intelligent, mais également du compteur électromécanique existant et fonctionnel.
A.10.6. Les parties requérantes répondent ensuite que les avantages présumés des compteurs intelligents sont l'expression d'une opinion peu étayée. Enfin, l'abandon de la fabrication des compteurs électromécaniques ne fait que répondre à la décision des autorités d'imposer un nouveau type de compteur.
A.11.1. Le Gouvernement wallon réplique, quant à la première branche, que la coexistence d'un régime coercitif et d'un régime volontaire dans le cadre de l'installation des compteurs intelligents est conforme à l'article 21 de la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 « concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et modifiant la directive 2012/27/UE ». Ensuite, tous les utilisateurs du réseau ne sont pas en mesure de tirer le même profit des systèmes de comptage intelligent et n'ont pas la même incidence sur la gestion des réseaux de distribution. Ces différences de situations justifient que la Région wallonne prévoie des rythmes de déploiement différenciés pour les différentes catégories d'utilisateurs. La marge d'appréciation dont disposent les gestionnaires de réseau pour le déploiement des compteurs intelligents est d'ailleurs fortement encadrée.
A.11.2. Paradoxalement, les parties requérantes indiquent dans leur mémoire en réponse que l'installation simultanée de compteurs intelligents chez tous les utilisateurs serait impossible techniquement, financièrement et temporellement. Le déploiement séquencé fondé sur des catégories d'utilisateurs prioritaires serait donc le seul moyen d'atteindre le but recherché.
A.11.3. En outre, les seuils de 6 000 kWh et 5 kWe choisis pour définir les catégories prioritaires sont raisonnables et proportionnés. Ces seuils ont fait l'objet d'un examen parlementaire et ont été suggérés par des experts et à la suite de comparaisons avec d'autres régions et pays. Contrairement à ce que prétendent les parties requérantes, il n'appartient pas au régulateur wallon, c'est-à-dire la CWaPE, d'inclure de nouveaux segments prioritaires dans le plan de déploiement des gestionnaires de réseaux. Le régulateur doit publier chaque année un rapport sur le déploiement des compteurs intelligents et examiner la possibilité d'inclure de nouveaux segments. Enfin, l'obligation de remplacer un compteur arrivé en fin de vie ou qui est défectueux n'est que la transposition de l'article 9, paragraphe 1, a), de la directive 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 « relative à l'efficacité énergétique, modifiant les directives 2009/125/CE et 2010/30/UE et abrogeant les directives 2004/8/CE et 2006/32/CE ».
A.11.4. Quant à la seconde branche, le Gouvernement wallon réplique que les parties requérantes font abstraction, en premier lieu, du fait que le décret du 19 juillet 2018 n'a pas pour vocation première d'imposer des compteurs intelligents et qu'il vise davantage à encadrer leur déploiement, lequel est une tendance générale du marché et serait, en l'absence de tout décret, entièrement entre les mains des gestionnaires de réseau. En second lieu, les parties requérantes perdent de vue que les fabricants de compteurs sont actifs sur des marchés plus larges que les marchés wallon et belge.
A.12. Le Gouvernement flamand réplique que les utilisateurs qui se trouvent dans un segment prioritaire et ceux qui ne s'y trouvent pas ne sont pas comparables. En outre, même s'ils l'étaient, le Gouvernement flamand a déjà démontré que le droit européen permet un déploiement étalé des compteurs intelligents, de sorte qu'il ne saurait exister la moindre discrimination.
En ce qui concerne le deuxième moyen
A.13.1. Les parties requérantes prennent un deuxième moyen, dirigé contre l'article 24 du décret du 19 juillet 2018, de la violation de l'article 22 de la Constitution, de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 2, 3, paragraphe 2, et 6 du Traité sur l'Union européenne, des articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, des articles 5, 6 et 13 de la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 « concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive vie privée et communications électroniques) » et des articles 5, 6, 7, 17, 18, 21, 22 et 32 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 « relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) » (ci-après : le RGPD).
A.13.2. Les parties requérantes soutiennent que la disposition attaquée ne respecte pas le RGPD pour trois raisons.
A.13.3.1. Premièrement, la disposition attaquée permet au gestionnaire de réseau de distribution de traiter les informations issues des compteurs intelligents pour réaliser ses missions légales ou réglementaires, alors que le RGPD prévoit la possibilité d'utiliser ces informations uniquement pour assurer le respect d'une obligation légale à laquelle le responsable du traitement est soumis. Or, la mission légale ou réglementaire du gestionnaire de réseau de distribution peut être plus large que l'obligation légale en matière de traitement de données, de sorte que l'autorisation conférée au gestionnaire de réseau de distribution pour traiter des données personnelles est trop étendue.
A.13.3.2. Deuxièmement, la disposition attaquée permet de conserver les données personnelles au-delà du délai de cinq ans prévu par le RGPD, sans prévoir de droit à l'effacement durant cette période.
A.13.3.3. Troisièmement, la disposition attaquée permet de transmettre les informations issues d'un compteur intelligent à un sous-traitant du responsable du traitement des données, alors que la notion de « sous-traitant » est floue. Le fait que le « sous-traitant » doit agir au nom et pour le compte du gestionnaire de réseau de distribution n'y change rien.
A.14.1. Le Gouvernement wallon soutient que seul l'article 24 du décret du 19 juillet 2018 est réellement visé par le moyen, de sorte que celui-ci est irrecevable en ce qu'il vise d'autres dispositions du même décret. Ensuite, il ressort des développements du moyen que seuls les articles 5, 6 et 17 du RGPD seraient violés. Ainsi, le moyen est irrecevable en ce qu'il est pris de la violation d'autres normes de référence.
A.14.2. Selon le Gouvernement wallon, le premier grief des parties requérantes n'est pas fondé, dès lors qu'il repose sur le postulat erroné selon lequel l'article 35septies, § 2, alinéa 2, du décret du 12 avril 2001 « relatif à l'organisation du marché régional de l'électricité », inséré par l'article 24 du décret du 19 juillet 2018, aurait pour objet d'identifier la base légale du traitement au sens de l'article 6 du RGPD. Or, la disposition attaquée a pour objet, en réalité, d'identifier les finalités pour lesquelles le traitement de données peut être effectué par le gestionnaire de réseau de distribution, à savoir soit pour réaliser les missions légales ou réglementaires de ce dernier, soit pour toute autre mission légitime. Dès lors, cette disposition ne concerne pas la licéité du traitement de données mais bien les finalités de ce traitement.
A.14.3. Le Gouvernement wallon poursuit en déclarant que, si le législateur régional n'avait pas défini les finalités de traitement autorisées afin de mieux protéger les personnes concernées, chaque gestionnaire de réseau de distribution aurait été libre d'identifier lui-même ces finalités. Ce n'est que lorsqu'ils traitent des données pour des finalités autres que la poursuite de leurs missions légales ou réglementaires que les gestionnaires de réseau de distribution doivent obtenir le consentement de la personne concernée. La disposition attaquée ne fait que limiter les finalités autorisées mais n'a pas entendu préciser la base légale du traitement. Dès lors, il est inexact d'affirmer que les gestionnaires de réseau auraient reçu une permission plus vaste que ce qui est autorisé par le RGPD.
A.14.4. Quant au grief relatif aux « missions légales ou réglementaires » des gestionnaires de réseau de distribution, le Gouvernement wallon considère que la disposition attaquée doit être replacée dans son contexte. Il en résulte que les gestionnaires de réseau de distribution doivent réaliser les obligations qui leur incombent dans le cadre du déploiement et de la gestion des compteurs intelligents à titre d'obligation en matière d'activité de service public, imposée par voie de décret.
A.14.5. Le Gouvernement wallon estime, à propos de la durée de conservation des données et du droit à l'effacement, que le grief repose sur une lecture erronée du RGPD. Celui-ci traite distinctement la question de la fixation d'une durée de conservation de celle de l'exercice des droits par les personnes concernées durant cette période, dont le droit à l'effacement. Ainsi, l'obligation faite au gestionnaire de réseau de distribution de fixer une durée de conservation des données au regard des finalités poursuivies par le traitement et d'en informer les personnes concernées est distincte de son obligation de permettre à ces personnes d'exercer leurs droits durant cette période. Le législateur régional n'a pas dérogé à ces principes. Il a réglementé la durée maximale de conservation des données et a imposé une obligation de motivation en cas de dérogation, pour éviter que les gestionnaires de réseau de distribution fixent des durées de conservation différentes. Rien n'indique que le législateur aurait ce faisant exclu l'exercice par les personnes concernées d'un de leurs droits durant la durée de conservation maximale.
A.14.6. Selon le Gouvernement wallon, le grief relatif à la transmission d'informations à des sous-traitants n'est pas fondé. En effet, l'hypothèse dans laquelle le responsable du traitement recourt à un sous-traitant est expressément prévue par le RGPD. De même, la notion de sous-traitant n'est pas vague puisqu'elle correspond à celle du RGPD. Le fait qu'aucune précision ne soit donnée sur le type d'actes que le sous-traitant peut accomplir au nom et pour le compte du gestionnaire de réseau de distribution ne viole pas les articles 5 et 6 du RGPD. En effet, il est clair que le sous-traitant ne peut accomplir que les actes que le gestionnaire de réseau de distribution peut lui-même accomplir et qui sont spécifiés.
A.15.1. Le Gouvernement flamand observe que la Cour est incompétente pour connaître du moyen en ce qu'il est pris de la violation des articles 2, 3, paragraphe 2, et 6 du Traité sur l'Union européenne, des articles 5, 6 et 13 de la directive 2002/58/CE précitée et des articles 7, 18, 21, 22 et 32 du RGPD, étant donné que la Cour est appelée à contrôler le décret du 19 juillet 2018 directement au regard de ces dispositions. Par ailleurs, le recours est partiellement irrecevable puisque les parties requérantes indiquent uniquement en quoi il y aurait une violation à l'égard des articles 5, 6 et 17 du RGPD mais non à l'égard des autres dispositions visées dans le moyen.
A.15.2. Le Gouvernement flamand soutient ensuite que le moyen n'est pas fondé.
A.15.3.1. Premièrement, l'article 24, attaqué, du décret du 19 juillet 2018 précise la finalité des traitements de données effectués par le gestionnaire de réseau de distribution, à savoir la réalisation des missions légales et réglementaires de ce dernier. Le traitement de données litigieux trouve dès lors son fondement juridique dans l'article 6, paragraphe 1, b), c), et e), du RGPD.
A.15.3.2. Deuxièmement, le RGPD étant directement applicable, le droit à la suppression de données existe en faveur de tous les utilisateurs du réseau, bien que le décret du 19 juillet 2018 ne le prévoie pas explicitement . Ensuite, les dispositions du décret relatives à la durée de conservation des données sont conformes aux règles du RGPD.
A.15.3.3. Troisièmement, un sous-traitant qui agit pour le nom et pour le compte du responsable du traitement est un concept défini par le RGPD lui-même. Il est légitime de recourir à un sous-traitant non seulement dans l'hypothèse visée à l'article 6, paragraphe 1, a), du RGPD mais aussi pour l'une des cinq autres raisons énumérées par l'article 6, paragraphe 1, du RGPD.
A.16.1. Les parties requérantes répondent que les dispositions du décret du 19 juillet 2018 relatives au respect de la vie privée ne sont pas organisées selon des rubriques équivalentes à celles du RGPD. Cela étant, la formulation de l'article 35septies, § 2, alinéa 2, du décret du 12 avril 2001, inséré par l'article 24, attaqué, du décret du 19 juillet 2018, renvoie manifestement à l'article 6, paragraphe 1, c), du RGPD. La disposition attaquée ne doit donc pas être reliée à l'article 5 du RGPD mais à l'article 6 du RGPD.
A.16.2. Quant au droit à l'effacement, les parties requérantes répondent que, tant qu'il est nécessaire en vertu de l'article 24 précité de conserver les données, celles-ci ne peuvent pas faire l'objet d'un effacement. Ainsi, la conservation des données peut être maintenue sans limites tant que le gestionnaire de réseau a l'obligation de conserver ces données pour la réalisation de ses missions, ce qui est général et peu explicite. Les dispositions du décret du 19 juillet 2018 entraînent donc une oblitération du droit à l'effacement des données.
A.16.3. Les parties requérantes répondent encore que la disposition attaquée ne contient pas de référence à la mission spécifique des sous-traitants, contrairement au RGPD. Aucune précision n'est donc donnée sur le type de mission qui peut être confié aux sous-traitants. La notion de sous-traitant dans le décret du 19 juillet 2018 est donc beaucoup plus large que celle qui est employée dans le RGPD.
A.17.1. Le Gouvernement wallon réplique que les dispositions attaquées ne sont pas indissolublement liées à l'article 24, attaqué, du décret du 19 juillet 2018.
A.17.2. Il poursuit ensuite en déclarant que le texte de l'article 35septies, § 2, alinéa 2, du décret du 12 avril 2001 permet de relier cette disposition sans ambiguïté à l'article 5 du RGPD, qui concerne les finalités du traitement, et non à l'article 6 du même règlement, qui concerne la licéité du traitement. Par ailleurs, l'effacement des données peut être sollicité pour différents motifs et non pas uniquement lorsque les données à caractère personnel ne sont plus nécessaires au regard des finalités pour lesquelles elles ont été collectées ou traitées d'une autre manière. Ensuite, le fait d'imposer au responsable du traitement de fixer une durée de conservation en fonction de ce qui est nécessaire pour la réalisation des finalités poursuivies n'exclut pas qu'une personne concernée puisse exercer son droit à l'effacement. Si cette personne établit que les données ne sont plus nécessaires à la réalisation des finalités, elle peut faire valoir son droit à l'effacement, même si la période de conservation est en cours. La lecture de l'article 35septies, § 2, alinéa 3, du décret du 12 avril 2001 permet par ailleurs de constater que l'article 24, attaqué, n'autorise pas la conservation des données sans limites, ni sans possibilité d'effacement. Ensuite, la faculté dont dispose le gestionnaire de réseau de conserver des données personnelles au-delà du délai maximal de cinq ans suppose que le gestionnaire doive motiver la durée choisie par rapport à l'obligation de réaliser ses missions. La notion de mission n'est pas vague. La faculté du gestionnaire de réseau de dépasser la période maximale de conservation ne prive pas non plus la personne concernée d'exercer, durant ce délai, son droit à l'effacement.
A.17.3. Le Gouvernement wallon précise enfin que la notion de sous-traitant n'est pas vague et qu'il est erroné de prétendre que le RGPD définirait le « sous-traitant » uniquement par référence au service ou à l'organisme qui traite des données à caractère personnel.
A.18.1. Le Gouvernement flamand réplique que les termes « pour réaliser ses missions légales ou réglementaires » renvoient à la finalité, et non à la licéité, du traitement, contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes. L'affirmation des parties requérantes selon laquelle, pour être licite, le traitement doit être nécessaire au respect de l'obligation légale à laquelle est soumis le responsable du traitement des données ne s'appuie pas sur le texte du décret et est contraire aux travaux préparatoires.
A.18.2. Le Gouvernement flamand réplique encore que les parties requérantes cherchent à créer la confusion en liant le droit à l'effacement au délai de conservation. Le RGPD prévoit uniquement le principe selon lequel les données personnelles ne peuvent pas être conservées plus longtemps que nécessaire à la réalisation des finalités pour lesquelles elles sont traitées. Si le responsable du traitement peut démontrer qu'une durée de conservation plus longue est requise, il répond aux obligations qui lui incombent au titre du RGPD. Pour autant, le droit à l'effacement de la personne concernée reste intact.
A.18.3. Le Gouvernement flamand réplique enfin que la définition du sous-traitant dans le RGPD a effet direct dans l'ordre juridique interne. Il n'est pas requis qu'il doive s'agir d'un opérateur spécialisé, comme cela ressort des positions adoptées par le « Groupe de travail article 29 » et de l'Autorité de protection des données. La définition du sous-traitant dans le décret du 19 juillet 2018 et celle qui est employée dans le RGPD sont donc les mêmes.
En ce qui concerne le troisième moyen
A.19.1. Les parties requérantes prennent un troisième moyen, dirigé contre l'article 16 du décret du 19 juillet 2018, de la violation de l'article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution, de l'article 6, paragraphe 1, du Traité sur l'Union européenne, de l'article 35 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des « principes de précaution et de standstill ».
A.19.2. Dans une première branche, les parties requérantes soutiennent que les critères à remplir pour invoquer valablement une intolérance aux ondes électromagnétiques afin de refuser l'installation d'un compteur intelligent sont indéterminés. Il n'existe donc aucune garantie que la santé des utilisateurs présentant une telle intolérance soit protégée. La disposition attaquée donne au Gouvernement une habilitation pour déterminer la procédure et les mesures à prendre par le gestionnaire de réseau de distribution mais non pour déterminer les critères d'objectivation du problème d'intolérance. Le gestionnaire de réseau a donc la plus grande latitude à cet égard, sans contrôle possible. En outre, non seulement les personnes électrohypersensibles, mais encore toutes les personnes exposées aux ondes subissent des conséquences nocives pour leur santé. La disposition attaquée entraîne donc un recul significatif du degré de protection offert en matière de protection d'un environnement sain, sans que ce recul repose sur des motifs d'intérêt général. Il est à craindre, enfin, que les critères d'objectivation finalement appliqués aboutissent à une quasi-exclusion de toute possibilité d'échapper à l'obligation d'accepter l'installation d'un compteur intelligent.
A.19.3. Dans une seconde branche, les parties requérantes observent que ni le texte du décret du 19 juillet 2018, ni les travaux préparatoires n'évoquent la « sécurité incendie » des compteurs intelligents, puisqu'il y est uniquement question de « sécurité opérationnelle du réseau ». Or, le risque qu'un compteur intelligent provoque un incendie est réel. À défaut de justification et de validation technique des compteurs intelligents concernant la protection contre l'incendie, le déploiement de ces compteurs entraîne donc un risque majeur pour les utilisateurs. Qui plus est, aucun critère lié au risque d'incendie ne permet de limiter le déploiement des compteurs intelligents.
A.20.1. Le Gouvernement wallon soutient, à titre principal, que le moyen est irrecevable.
A.20.2. D'une part, les parties requérantes n'indiquent pas clairement les dispositions du décret du 19 juillet 2018 qui violeraient les dispositions visées dans le moyen. Par ailleurs, elles n'expliquent pas en quoi l'article 16 de ce décret contreviendrait à l'article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution, à l'article 6, paragraphe 1, du Traité sur l'Union européenne et à l'article 35 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
D'autre part, les griefs des parties requérantes concernent les normes techniques auxquelles les compteurs intelligents doivent répondre. Or, la matière relative à la protection des consommateurs et à la sécurité des produits et des services relève de la compétence de l'autorité fédérale. Le législateur décrétal n'a donc pas la compétence d'interdire la mise sur le marché d'un produit. Les normes de sécurité pour les compteurs intelligents sont d'ailleurs fixées dans la directive 2014/30/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 « relative à l'harmonisation des législations des États membres concernant la compatibilité électromagnétique (refonte) », mise en œuvre par l'arrêté royal du 15 avril 2016 « relatif aux instruments de mesure ».
A.20.3. À titre subsidiaire, le Gouvernement wallon fait valoir que le décret du 19 juillet 2018 respecte les principes fondamentaux liés aux droits à la santé et à la protection d'un environnement sain. Le législateur décrétal a tenu compte de l'état de la recherche scientifique. Actuellement, il n'existe pas de base scientifique permettant d'associer les symptômes de l'hypersensibilité électromagnétique à l'exposition aux champs électromagnétiques. Le législateur décrétal a néanmoins prévu la possibilité de déroger à l'installation des compteurs intelligents pour des personnes intolérantes aux compteurs en question, sur la base du principe de précaution, notamment pour tenir compte des préoccupations exprimées au cours des travaux préparatoires.
A.20.4.1. À propos de la première branche du moyen, le Gouvernement wallon estime que les parties requérantes formulent une critique de légalité. Or, la Cour n'est pas compétente pour vérifier si le législateur décrétal a fixé tous les éléments essentiels dans le décret du 19 juillet 2018, obligation qui ne ressortit pas à l'article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution. Ensuite, il appartient au Gouvernement wallon de déterminer la procédure et les mesures à prendre par le gestionnaire de réseau de distribution, sous le contrôle du juge ordinaire et du Conseil d'État, mais non de la Cour. De toute manière, le législateur décrétal est incompétent pour fixer les conditions de reconnaissance de cette intolérance et les normes techniques du compteur intelligent.
A.20.4.2. Le Gouvernement wallon avance ensuite l'argument selon lequel le grief relatif à la prétendue violation du principe de précaution repose sur une lecture erronée de l'article 16, attaqué, du décret du 19 juillet 2018, puisque la dérogation à l'installation des compteurs intelligents a précisément été introduite en vertu du principe de précaution.
A.20.4.3. Quant à la prétendue violation de l'obligation de standstill, le Gouvernement wallon observe que les parties requérantes ne proposent aucune comparaison entre une norme litigieuse et une norme de base, laquelle n'a pas été identifiée. En toute hypothèse, il n'y a pas de recul du degré de protection offert puisque les études scientifiques ne démontrent aucun lien entre les plaintes liées à l'hypersensibilité électromagnétique et l'exposition aux champs électromagnétiques. Les parties requérantes n'apportent pas la preuve du contraire.
A.20.4.4. Enfin, le Gouvernement wallon observe qu'il est contradictoire de critiquer, d'une part, l'absence de possibilité pour les utilisateurs ne souffrant d'aucune intolérance de refuser le placement d'un compteur intelligent et de soutenir, d'autre part, dans le premier moyen, que le législateur décrétal aurait dû imposer immédiatement à tous l'installation de compteurs intelligents.
A.20.5.1. À propos de la seconde branche du moyen, le Gouvernement wallon rappelle qu'elle est irrecevable en ce que les parties requérantes n'indiquent pas les dispositions du décret qui sont visées et en ce qu'elles formulent une critique de légalité. La seconde branche est, par ailleurs, non fondée parce qu'elle met en cause la législation fédérale en matière de sécurité des consommateurs, de normes de produit et de protection contre l'incendie. Il n'existe pas non plus de preuve scientifique concernant l'éventuel risque d'incendie.
A.21.1. Selon le Gouvernement flamand, le moyen est partiellement irrecevable en ce qu'il vise la violation de l'article 6, paragraphe 1, du Traité sur l'Union européenne, de l'article 35 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des « principes de précaution et de standstill ». La Cour est appelée à vérifier si ces dispositions sont violées, sans que celles-ci n'aient été invoquées en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution. Il ne peut pas non plus être soutenu que l'article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution comporte des droits analogues à ceux que consacrent ces dispositions internationales.
A.21.2. Le Gouvernement flamand considère, quant à la première branche, que le législateur décrétal a fondé son choix de déployer des compteurs intelligents sur une pondération minutieuse des risques en cause. Il ressort des études utilisées par le législateur décrétal que le niveau de rayonnement des compteurs intelligents est largement en dessous du niveau autorisé. Il n'y a donc pas de recul du degré de protection offert. Néanmoins, le législateur décrétal a chargé le Gouvernement wallon de déterminer la procédure et les mesures à prendre lorsqu'un utilisateur déclare être intolérant aux compteurs intelligents. En outre, il a instauré un comité de suivi composé, entre autres, de représentants d'organisations de protection des consommateurs et du régulateur wallon. Les études et interviews produites par les parties requérantes n'y changent rien. Outre le fait que certaines études sont plus anciennes que celles sur lesquelles le législateur décrétal s'est fondé, ce dernier dispose d'une large marge d'appréciation pour prendre des dispositions qui conduisent à une utilisation plus rationnelle de l'énergie. Par ailleurs, il appartient au Gouvernement wallon, sous le contrôle du juge ordinaire et du Conseil d'État, de déterminer les mesures que le gestionnaire de réseau de distribution doit prendre en cas d'intolérance aux compteurs intelligents. Les parties requérantes ne démontrent pas en quoi cette délégation conférée au Gouvernement wallon violerait une disposition visée dans le moyen. Qui plus est, la Cour n'est pas compétente pour se prononcer sur l'exécution d'une disposition légale.
A.21.3. Quant à la seconde branche, le Gouvernement flamand précise que le législateur décrétal a intégré une garantie dans le décret du 19 juillet 2018 en prévoyant que l'installation d'un compteur intelligent n'a pas lieu lorsqu'elle est techniquement impossible. Cette hypothèse est à définir plus précisément par le Gouvernement wallon. La Cour n'est pas compétente pour opérer un contrôle de l'exécution du décret. Ensuite, en matière de protection contre l'incendie, l'autorité fédérale est compétente pour prendre les normes de base, alors que les communautés et les régions sont compétentes pour compléter et appliquer ces normes, sans pouvoir les modifier. Dès lors, bien que le décret du 19 juillet 2018 ne contienne pas de normes spécifiques en matière de protection contre l'incendie, les normes de base fédérales restent d'application. Du reste, le décret du 19 juillet 2018 respecte également les règles européennes de sécurité en matière d'incendie et d'introduction d'un produit sur le marché. Enfin, dans ce cas également, le comité de suivi et le régulateur wallon du marché de l'électricité peuvent inciter le Gouvernement wallon à prendre des mesures spécifiques.
A.21.4. Le Gouvernement flamand conclut au non-fondement du moyen.
A.22.1. Les parties requérantes répondent, quant à la première branche, que le Gouvernement wallon n'indique pas que les compteurs d'énergie électrique visés par l'arrêté royal du 15 avril 2016 « relatif aux instruments de mesure » font référence aux compteurs intelligents.
A.22.2. Les parties requérantes ne comprennent pas, en ce qui concerne l'application du principe de précaution, comment le problème de l'intolérance aux compteurs intelligents pourrait être dûment objectivé si, à suivre le point de vue du Gouvernement wallon, aucune base scientifique ne permet d'associer les symptômes de l'hypersensibilité électromagnétique à l'exposition aux champs électromagnétiques. En outre, les critères permettant d'objectiver le problème de l'intolérance aux compteurs intelligents ne sont pas indiqués dans le décret, ni prévus dans une disposition d'exécution. Puisque ces critères ne peuvent être déterminés à l'avance, la disposition attaquée, apparemment fondée sur le principe de précaution, est inapplicable. Enfin, il n'existe pas de « norme de base », ni de « norme litigieuse », dès lors que l'existence même d'une hypersensibilité liée à la pollution électromagnétique ne fait pas l'unanimité dans le monde scientifique. Il est toutefois évident que la disposition attaquée doit avoir un contenu complet et directement applicable et, dès lors, comporter des précisions sur les éléments essentiels à prendre en considération dans l'objectivation de l'hypersensibilité électromagnétique.
A.22.3. Quant à la seconde branche, les parties requérantes répondent qu'elles ne peuvent présenter aucune preuve scientifique concernant le problème d'incendie lié aux compteurs intelligents, parce que ceux-ci ne sont pas encore installés en Région wallonne.
A.23.1. Le Gouvernement wallon réplique que les parties requérantes se méprennent sur l'absence de renvoi explicite au principe de précaution, fait lors des travaux préparatoires. Ce principe a justement guidé l'action du législateur qui a pris en considération l'état actuel de la recherche scientifique.
A.23.2. Le Gouvernement wallon observe ensuite que les parties requérantes confirment qu'il n'existe pas de normes de base. En outre, il n'y a pas de violation de l'obligation de standstill parce qu'il n'y a pas d'atteinte particulièrement grave et donc pas de recul du degré de protection existant. Les études scientifiques ne démontrent aucun lien entre les plaintes liées à l'hypersensibilité électromagnétique et le rayonnement des compteurs intelligents, lequel est même inférieur au niveau autorisé.
A.23.3. Le Gouvernement wallon réplique ensuite que la notion de « compteurs » employée à l'article 3 de l'arrêté royal du 15 avril 2016 « relatif aux instruments de mesure » vise tous les compteurs d'énergie électrique, y compris les compteurs intelligents. Enfin, c'est aux parties requérantes d'apporter la preuve de la non- conformité de ces compteurs, ce qu'elles reconnaissent ne pas être à même de faire.
A.24.1. Le Gouvernement flamand réplique que l'article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution garantit le droit à la protection d'un environnement sain mais non un droit à la santé. Le moyen, qui se fonde sur une atteinte à la santé des utilisateurs des compteurs intelligents, est dès lors irrecevable.
A.24.2. À propos des critères d'intolérance, le Gouvernement flamand réplique que les parties requérantes ne démontrent pas en quoi la délégation conférée au Gouvernement wallon violerait les dispositions visées dans le moyen. L'affirmation selon laquelle le Gouvernement wallon ne serait pas habilité à fixer les critères d'octroi d'une dérogation à l'installation des compteurs intelligents n'y change rien. D'une part, il ressort des travaux préparatoires que le Gouvernement wallon peut fixer les « modalités » de la reconnaissance d'un problème d'intolérance, ce qui est une habilitation large. D'autre part, le Gouvernement wallon dispose d'une compétence générale pour exécuter les décrets qui ne saurait être interprétée restrictivement. Le cadre du décret à exécuter lui permet dès lors de fixer les critères pour déterminer une intolérance aux compteurs intelligents.
A.24.3. Le Gouvernement flamand observe ensuite, premièrement, que les parties requérantes ne critiquent pas l'étendue de la délégation donnée au Gouvernement wallon. En effet, elles n'invoquent pas la violation des dispositions qui règlent la délégation de compétences du législateur décrétal au Gouvernement wallon, mais la violation des dispositions qui assurent le droit à la protection d'un environnement sain. Quoi qu'il en soit, en matière de protection d'un environnement sain et de la santé, le législateur décrétal dispose d'un large pouvoir de délégation. Il suffit dès lors que le législateur décrétal définisse l'objet de la réglementation, ce qu'il a fait en l'espèce. Deuxièmement, même à supposer qu'il y ait eu un recul significatif du degré de protection offert, il existe des motifs d'intérêt général qui le justifient, à savoir les objectifs contraignants au niveau européen en matière d'efficacité énergétique.
B Point de vue de la cour
Quant aux dispositions attaquées et leur contexte
B.1.1. Les parties requérantes sollicitent l'annulation de plusieurs dispositions du décret de la Région wallonne du 19 juillet 2018 « modifiant les décrets du 12 avril 2001 relatif à l'organisation du marché régional de l'électricité et du 19 janvier 2017 relatif à la méthodologie tarifaire applicable aux gestionnaires de réseau de distribution de gaz et d'électricité en vue du déploiement des compteurs intelligents et de la flexibilité » (ci-après : le décret du 19 juillet 2018).
Les dispositions attaquées modifient principalement le décret de la Région wallonne du 12 avril 2001 « relatif à l'organisation du marché régional de l'électricité » (ci-après : le décret du 12 avril 2001). L'article 28, attaqué, du décret du 19 juillet 2018 complète le décret de la Région wallonne du 19 janvier 2017 « relatif à la méthodologie tarifaire applicable aux gestionnaires de réseaux de distribution de gaz et d'électricité ».
B.1.2. Le compteur intelligent est défini ainsi dans l'article 2, 29°bis, du décret du 12 avril 2001, inséré par l'article 2, 2°, attaqué, du décret du 19 juillet 2018 :
« Un système électronique qui peut mesurer l'énergie prélevée ou injectée en ajoutant des informations qu'un compteur classique ne fournit pas, qui peut transmettre et recevoir des données sous forme de communication électronique et qui peut être actionné à distance afin d'assurer les fonctionnalités prévues à l'article 35bis, § 2. Ce système électronique de mesure s'applique au raccordement basse tension dont la puissance de raccordement est inférieure ou égale à 56kVA ».
Les compteurs intelligents sont un des éléments d'un « réseau intelligent », défini comme suit dans l'article 2, 29ter, du décret du 12 avril 2001, inséré par l'article 2, 2°, attaqué, du décret du 19 juillet 2018 :
« Réseau d'énergie avancé composé de systèmes de communication bidirectionnel, de compteurs intelligents et de systèmes de mesure et de gestion du fonctionnement du réseau ».
B.1.3. Les compteurs d'électricité intelligents sont dotés, dès leur installation ou, le cas échéant, dès l'activation d'une fonction communicante, de fonctionnalités qui les distinguent des compteurs d'électricité classiques, c'est-à-dire des compteurs analogiques ou électroniques non dotés de la capacité de transmettre et de recevoir des données.
Les fonctionnalités minimales d'un compteur d'électricité intelligent sont, en vertu de l'article 35bis, § 2, du décret du 12 avril 2001, les suivantes :
- le fonctionnement en mode prépaiement et l'affichage d'une estimation du solde disponible sur l'écran du compteur;
- la lecture à distance, de façon sécurisée, des index pour l'énergie active prélevée et injectée par plage horaire tarifaire. Les index journaliers par plage horaire tarifaire doivent couvrir les quarante derniers jours et les index mensuels par plage horaire tarifaire les treize derniers mois;
- la définition de différentes plages tarifaires;
- la coupure et l'autorisation de rétablissement à distance du compteur;
- la lecture à distance des courbes de charges, au sens du règlement technique, pour les dix derniers jours;
- la modulation à distance de la puissance contractuelle;
- la supervision à distance et l'enregistrement d'alarmes;
- la reconfiguration et la réalisation des mises à jour à distance;
- le suivi de l'évolution de la tension.
B.2.1. Le déploiement le plus étendu possible des compteurs d'électricité intelligents est imposé par le droit de l'Union européenne et participe à la réalisation de la politique de l'Union européenne en matière d'énergie.
B.2.2.1. L'article 3, paragraphe 11, de la directive 2009/72/CE du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil « concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE » (ci-après : la directive 2009/72/CE) dispose :
« Afin de promouvoir l'efficacité énergétique, les États membres ou, si un État membre le prévoit, l'autorité de régulation, recommande vivement aux entreprises d'électricité d'optimiser l'utilisation de l'électricité, par exemple en proposant des services de gestion de l'énergie, en élaborant des formules tarifaires novatrices ou, le cas échéant, en introduisant des systèmes de mesure ou des réseaux intelligents ».
B.2.2.2. L'annexe I (« Mesures relatives à la protection des consommateurs ») de la même directive dispose en son point 2 :
« Les États membres veillent à la mise en place de systèmes intelligents de mesure qui favorisent la participation active des consommateurs au marché de la fourniture d'électricité. La mise en place de tels systèmes peut être subordonnée à une évaluation économique à long terme de l'ensemble des coûts et des bénéfices pour le marché et pour le consommateur, pris individuellement, ou à une étude déterminant quel modèle de compteurs intelligents est le plus rationnel économiquement et le moins coûteux et quel calendrier peut être envisagé pour leur distribution.
Cette évaluation a lieu au plus tard le 3 septembre 2012.
Sous réserve de cette évaluation, les États membres, ou toute autorité compétente qu'ils désignent, fixent un calendrier, avec des objectifs sur une période de dix ans maximum, pour la mise en place de systèmes intelligents de mesure.
Si la mise en place de compteurs intelligents donne lieu à une évaluation favorable, au moins 80 % des clients seront équipés de systèmes intelligents de mesure d'ici à 2020.
Les États membres, ou toute autorité compétente qu'ils désignent, veillent à l'interopérabilité des systèmes de mesure à mettre en place sur leur territoire et tiennent dûment compte du respect des normes appropriées et des meilleures pratiques, ainsi que de l'importance du développement du marché intérieur de l'électricité ».
B.2.3.1. Le « système intelligent de mesure » est défini par l'article 2, 28), de la directive 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 « relative à l'efficacité énergétique, modifiant les directives 2009/125/CE et 2010/30/UE et abrogeant les directives 2004/8/CE et 2006/32/CE » (ci-après : la directive 2012/27/UE). Il s'agit d'un « système électronique qui peut mesurer la consommation d'énergie en apportant plus d'informations qu'un compteur classique et qui peut transmettre et recevoir des données en utilisant une forme de communication électronique ».
La définition du système intelligent de mesure, utilisée au niveau européen, se confond donc largement avec celle du « compteur intelligent » contenue dans l'article 2, 29°bis, du décret du 12 avril 2001.
B.2.3.2. L'Union européenne considère les systèmes intelligents de mesure comme une étape vers la création de réseaux intelligents de mesure.
Le « réseau intelligent de mesure » est défini comme « un réseau d'énergie avancé, auquel ont été ajoutés un système de communication numérique bidirectionnelle entre le fournisseur et le consommateur, un système intelligent de mesure et des systèmes de suivi et de contrôle » (point 3, a), de la recommandation de la Commission du 9 mars 2012 « relative à la préparation de l'introduction des systèmes intelligents de mesure (2012/148/UE) » (ci- après : la recommandation 2012/148/UE), et point 2, a), de la recommandation de la Commission du 10 octobre 2014 « concernant le modèle d'analyse d'impact sur la protection des données des réseaux intelligents et des systèmes intelligents de mesure (2014/724/UE) » (ci-après : la recommandation 2014/724/UE)).
L'instauration de réseaux intelligents de mesure est « la condition préalable à la mise en œuvre d'éléments clés de la politique énergétique ». Considérés comme l'« épine dorsale du futur système électrique décarboné », les systèmes intelligents de mesure « jouent un rôle reconnu pour faciliter la transformation des infrastructures énergétiques afin de permettre l'augmentation de la part des sources d'énergie renouvelables, variables par nature, et l'amélioration de l'efficacité énergétique, et de garantir la sécurité d'approvisionnement » (extraits des considérants 1 et 2 de la recommandation 2014/724/UE et du considérant 1 de la recommandation 2012/148/UE).
B.2.3.3. L'article 9 de la directive 2012/27/UE dispose :
« 1. Les États membres veillent à ce que, dans la mesure où cela est techniquement possible, financièrement raisonnable et proportionné compte tenu des économies d'énergie potentielles, les clients finals d'électricité et de gaz naturel reçoivent, à des prix concurrentiels, des compteurs individuels qui indiquent avec précision leur consommation réelle d'énergie et qui donnent des informations sur le moment où l'énergie a été utilisée.
Un tel compteur individuel à des prix concurrentiels est toujours fourni :
a) lorsqu'un compteur existant est remplacé, à moins que cela ne soit pas techniquement possible ou rentable au regard des économies potentielles estimées à long terme;
b) lorsqu'il est procédé à un raccordement dans un bâtiment neuf ou qu'un bâtiment fait l'objet de travaux de rénovation importants, tels que définis dans la directive 2010/31/UE.
2. Lorsque et dans la mesure où les États membres mettent en place des systèmes intelligents de mesure et des compteurs intelligents pour le gaz naturel et/ou l'électricité conformément aux directives 2009/72/CE et 2009/73/CE :
a) ils veillent à ce que les systèmes de mesure fournissent aux clients finals des informations sur le moment où l'énergie a été utilisée et à ce que les objectifs d'efficacité énergétique et les avantages pour les clients finals soient pleinement pris en compte au moment de définir les fonctionnalités minimales des compteurs et les obligations imposées aux acteurs du marché;
b) ils veillent à assurer la sécurité des compteurs intelligents et de la communication des données ainsi qu'à garantir la protection de la vie privée des clients finals, conformément à la législation de l'Union en matière de protection des données et de la vie privée;
c) pour l'électricité et à la demande du client final, ils exigent des exploitants des compteurs qu'ils veillent à ce que le ou les compteurs puissent tenir compte de l'électricité injectée sur le réseau depuis les locaux du client final;
d) ils veillent à ce que, si le client final le demande, les données du compteur relatives à sa production ou à sa consommation d'électricité soient mises à sa disposition ou à celle d'un tiers agissant au nom du client final, sous une forme aisément compréhensible qu'ils peuvent utiliser pour comparer les offres sur une base équivalente;
e) ils exigent que des informations et des conseils appropriés soient donnés aux clients au moment de l'installation de compteurs intelligents, en particulier sur toutes les possibilités que ces derniers offrent en termes d'affichage et de suivi de la consommation d'énergie ».
B.2.3.4. Le décret attaqué du 19 juillet 2018 transpose partiellement la directive 2012/27/UE.
B.2.4.1. Postérieurement au décret du 19 juillet 2018, la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 « concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et modifiant la directive 2012/27/UE (refonte) » (ci-après : la directive (UE) 2019/944) a été adoptée.
L'article 19 de cette directive dispose :
« 1. Afin de promouvoir l'efficacité énergétique et d'autonomiser les clients finals, les États membres ou […] l'autorité de régulation, recommandent vivement aux entreprises d'électricité et aux autres acteurs du marché d'optimiser l'utilisation de l'électricité, notamment […] en introduisant des systèmes intelligents de mesures qui sont interopérables, en particulier avec des systèmes de gestion énergétique des consommateurs et des réseaux intelligents, conformément aux règles de l'Union applicables en matière de protection des données.
2. Les États membres veillent au déploiement sur leurs territoires de systèmes intelligents de mesure qui favorisent la participation active des clients au marché de l'électricité. Ce déploiement peut être subordonné à une évaluation coûts-avantages, qui est menée conformément aux principes fixés à l'annexe II.
[…]
4. Les États membres qui procèdent au déploiement des systèmes intelligents de mesure veillent à ce que les clients finals contribuent aux coûts liés au déploiement d'une manière transparente et non discriminatoire, tout en tenant compte des avantages à long terme pour l'ensemble de la chaîne de valeur. […]
[…] ».
B.2.4.2. L'annexe II de cette directive (« Systèmes intelligents de mesure ») dispose :
« 1. Les États membres veillent au déploiement sur leur territoire de systèmes intelligents de mesure qui peut être subordonné à une évaluation économique à long terme de l'ensemble des coûts et des bénéfices pour le marché et pour le consommateur, pris individuellement, ou à une étude déterminant quel modèle de compteurs intelligents est le plus rationnel économiquement et le moins coûteux et quel calendrier peut être envisagé pour leur distribution.
2. Cette évaluation prend en considération la méthode d'analyse des coûts et des avantages et les fonctionnalités minimales prévues pour les systèmes intelligents de mesure prévues dans la recommandation 2012/148/UE de la Commission, ainsi que les meilleures techniques disponibles pour assurer le niveau le plus élevé de cybersécurité et de protection des données.
3. Sous réserve de cette évaluation, les États membres ou, si un État membre l'a prévu ainsi, l'autorité compétente désignée, fixent un calendrier, avec des objectifs sur une période de dix ans maximum, pour le déploiement de systèmes intelligents de mesure. Lorsque le déploiement de systèmes intelligents de mesure donne lieu à une évaluation favorable, au moins 80 % des clients finals seront équipés de compteurs intelligents soit dans un délai de sept ans à compter de la date de cette évaluation favorable, soit d'ici 2024 pour les États membres qui ont entamé le déploiement systématique de systèmes intelligents de mesure avant le 4 juillet 2019 ».
Quant à l'étendue du recours
B.3.1. Le Gouvernement wallon et le Gouvernement flamand soutiennent que les premier et troisième moyens sont uniquement dirigés contre l'article 16 du décret du 19 juillet 2018, tandis que le deuxième moyen porte seulement sur l'article 24 du même décret. Pour le reste, le recours serait irrecevable, faute de griefs.
B.3.2. Dans leur mémoire en réponse, les parties requérantes reconnaissent que les moyens sont dirigés contre les articles 16 et 24 du décret du 19 juillet 2018, mais elles considèrent que les autres dispositions attaquées sont intimement liées à ces dispositions.
B.4.1. La Cour détermine l'objet du recours en annulation à partir du contenu de la requête et, en particulier, en tenant compte de l'exposé des moyens.
Elle n'examine que les dispositions attaquées contre lesquelles un moyen est dirigé.
B.4.2. Les moyens développés dans la requête ne sont effectivement dirigés que contre les articles 16 et 24 du décret du 19 juillet 2018.
La Cour limite dès lors son examen à ces dispositions.
Quant à la recevabilité
B.5. Le Gouvernement wallon conteste l'intérêt des première, deuxième et quatrième parties requérantes, parce que les dispositions attaquées n'affecteraient pas leur but statutaire.
B.6. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.
Lorsqu'une association sans but lucratif qui n'invoque pas son intérêt personnel agit devant la Cour, il est requis que son but statutaire soit d'une nature particulière et, dès lors, distinct de l'intérêt général; qu'elle défende un intérêt collectif; que la norme attaquée soit susceptible d'affecter son but; qu'il n'apparaisse pas, enfin, que ce but n'est pas ou n'est plus réellement poursuivi.
B.7.1. Le recours en annulation est introduit par quatre associations sans but lucratif et deux personnes physiques.
B.7.2. Le but statutaire de la première partie requérante consiste en la promotion d'une « véritable politique écologique », ce qui peut englober une réflexion sur le bien-fondé du déploiement des compteurs d'électricité intelligents. Le décret attaqué est, en conséquence, susceptible d'affecter le but statutaire de la première partie requérante. Les autres conditions relatives à la reconnaissance de l'intérêt au recours étant également remplies, la première partie requérante dispose d'un intérêt au recours, ce qui suffit à déclarer le recours recevable.
Quant au fond
En ce qui concerne le premier moyen
B.8. Les parties requérantes prennent un premier moyen de la violation des articles 10, 11 et 23 de la Constitution, de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 2, 3, paragraphe 3, deuxième alinéa, et 9 du Traité sur l'Union européenne et des articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
B.9.1. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme n'a pas d'existence indépendante puisqu'il ne vaut que pour la « jouissance des droits et libertés » reconnus dans la Convention (CEDH, grande chambre, 19 février 2013, X et autres c. Autriche, § 94).
Les parties requérantes n'invoquent pas d'autres dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme lues en combinaison avec son article 14. Le moyen est donc irrecevable en ce qu'il est pris de la violation de l'article 14 de cette Convention.
B.9.2. Par ailleurs, les parties requérantes ne démontrent pas en quoi seraient violés les articles 2, 3, paragraphe 3, deuxième alinéa, et 9, du Traité sur l'Union européenne. En revanche, les parties requérantes entendent démontrer en quoi l'article 23 de la Constitution serait violé.
B.10. En conséquence, la Cour n'examine le moyen qu'en ce qu'il est pris de la violation des articles 10, 11 et 23 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui garantissent également le principe d'égalité et de non-discrimination.
Première branche
B.11. Les parties requérantes critiquent le fait que l'article 16, attaqué, du décret du 19 juillet 2018 organise, sans justification raisonnable, un déploiement segmenté des compteurs d'électricité intelligents, c'est-à-dire un déploiement qui vise prioritairement certaines catégories d'utilisateurs du réseau d'électricité, à l'exclusion d'autres.
B.12.1. L'article 16, attaqué, du décret du 19 juillet 2018 rétablit l'article 35 du décret du 12 avril 2001, dans la rédaction suivante :
« § 1er. Tout en tenant compte de l'intérêt général et dans des conditions d'optimisation des coûts et bénéfices, le gestionnaire de réseau de distribution déploie les compteurs intelligents sur son réseau pour les segments ou secteurs décrits aux alinéas 2 et 6. Il définit son plan de déploiement en l'intégrant dans son plan d'adaptation visé à l'article 15.
Au plus tard le 1er janvier 2023, l'installation et l'activation de la fonction communicante d'un compteur intelligent a lieu systématiquement dans les cas suivants à moins que cela soit techniquement impossible ou non économiquement raisonnable :
1° lorsque l'utilisateur du réseau est un client résidentiel déclaré en défaut de paiement tel que visé à l'article 33bis/1;
2° lorsqu'un compteur est remplacé;
3° lorsqu'il est procédé à un nouveau raccordement;
4° lorsqu'un utilisateur du réseau de distribution le demande.
Le Gouvernement détermine les conditions pour qu'un placement ou l'activation de la fonction communicante d'un compteur intelligent soient considérés comme techniquement impossible ou non économiquement raisonnable.
Le Gouvernement précise les obligations du gestionnaire de réseau de distribution en cas d'impossibilité d'activation de la fonction communicante, notamment en termes d'information de l'utilisateur et de délai maximum d'activation.
Le Gouvernement précise le délai maximum à charge du gestionnaire de réseau de distribution pour le placement du compteur intelligent dans le cas visé à l'alinéa 2, 4°.
Au plus tard au 31 décembre 2029, le gestionnaire de réseau de distribution atteint l'objectif de quatre-vingt pour cent de compteurs intelligents installés sur son réseau pour les utilisateurs de réseaux répondant à l'une des caractéristiques suivantes :
1° la consommation annuelle standardisée est supérieure ou égale à 6 000kWh;
2° la puissance électrique nette développable de production d'électricité est supérieure ou égale à 5kWe;
3° les points de recharge ouverts au public.
§ 2. La CWaPE publie annuellement un rapport sur l'évolution du déploiement des compteurs intelligents en ce compris le développement de services annexes en Région wallonne. Ce rapport comprend également un volet sur l'évolution du nombre de compteurs à budgets et sur la possibilité d'intégrer de nouveaux segments ou secteurs prioritaires dans le plan de déploiement des gestionnaires de réseaux de distribution.
Sur base de ce rapport, la CWaPE peut proposer au Gouvernement d'introduire des mesures visant à favoriser l'interopérabilité technique des compteurs avec les différents services développés par le marché.
Les gestionnaires de réseaux de distribution mettent en place, un Comité de suivi en vue d'accompagner le déploiement des compteurs intelligents chargé de traiter, notamment, de toute question de nature sociale, économique ou environnementale.
Ce Comité est animé et présidé par des représentants des gestionnaires de réseaux de distribution.
Les gestionnaires de réseaux de distribution établissent le Comité qui est composé de représentants d'organisations de défense des droits des consommateurs, de représentants d'organisations syndicales, d'un représentant issu de chaque groupe politique représenté et reconnu au sein du Parlement wallon, de représentants des entreprises actives en fourniture de services et d'énergie et d'énergie et de toute personne justifiant d'une expertise en ces matières. Chaque organisation désigne ses représentants.
Un représentant de la CWaPE, un représentant du Ministre ayant l'énergie dans ses attributions et un représentant de l'Administration assistent aux réunions en tant qu'observateurs.
Le Comité de suivi se réunit au minimum semestriellement et pour la première fois dans les trois mois après le début du déploiement.
§ 3. Nul ne peut s'opposer au placement d'un compteur intelligent ni en demander la suppression sous peine de ne pouvoir exercer son droit d'accès au réseau.
Par dérogation à l'alinéa précédent, le Gouvernement détermine la procédure et les mesures à prendre par le gestionnaire de réseau de distribution lorsqu'un utilisateur ou toute autre personne vivant sous le même toit se déclare souffrant d'un problème d'intolérance lié au compteur intelligent et dûment objectivé ».
B.12.2. Aux termes de l'article 35, § 1er, alinéas 1er, 2 et 6, du décret du 12 avril 2001 précité, les gestionnaires de réseau de distribution déploient sur leur réseau, en tenant compte de l'intérêt général et dans des conditions d'optimisation des coûts et bénéfices, des compteurs d'électricité intelligents pour certains segments ou secteurs. En vue de ce déploiement, les gestionnaires de réseau élaborent un plan de déploiement qui est intégré dans leur plan d'adaptation. Le plan d'adaptation est soumis à la surveillance et au contrôle de la Commission wallonne pour l'Énergie (ci-après : la CWaPE), en vertu de l'article 15, § 5, du décret du 12 avril 2001.
B.12.3. Les segments ou secteurs que les gestionnaires de réseau de distribution doivent viser pour le déploiement des compteurs intelligents sont déterminés dans l'article 35, § 1er, alinéas 2 et 6, du décret du 12 avril 2001.
Il s'agit, d'une part, des segments ou secteurs constitués par les utilisateurs du réseau :
- qui sont des clients résidentiels déclarés en défaut de paiement;
- dont le compteur est remplacé;
- pour lesquels un nouveau raccordement est créé ou
- qui demandent l'installation d'un compteur d'électricité intelligent.
Pour ces utilisateurs, l'installation d'un compteur intelligent a systématiquement lieu au plus tard le 1er janvier 2023 à moins que cela soit techniquement impossible ou non économiquement raisonnable (article 35, § 1er, alinéa 2, du décret du 12 avril 2001).
Il s'agit, d'autre part, des segments ou secteurs constitués par les utilisateurs du réseau :
- dont la consommation annuelle standardisée est supérieure ou égale à 6 000 kWh;
- dont la puissance électrique nette développable de production d'électricité est supérieure ou égale à 5 kWe;
- qui disposent de points de recharge ouverts au public.
Pour ces utilisateurs du réseau, le gestionnaire de réseau de distribution doit atteindre, pour le 31 décembre 2029 au plus tard, un objectif de 80 % de compteurs d'électricité intelligents installés sur le réseau (article 35, § 1er, alinéa 6, du décret du 12 avril 2001).
B.13. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.14.1. Lorsqu'est invoquée une violation du principe d'égalité et de non-discrimination, il faut en règle générale préciser quelles catégories de personnes doivent être comparées et en quoi les dispositions attaquées créeraient une différence de traitement discriminatoire.
Ces exigences sont dictées notamment par le souci d'offrir aux autres parties au procès la possibilité de répliquer aux arguments de la partie requérante, en sorte qu'il est indispensable de disposer d'un exposé clair et univoque des moyens.
B.14.2. Les parties requérantes n'identifient pas les catégories de personnes à comparer et critiquent seulement l'exactitude et la pertinence du choix du législateur décrétal de prévoir un déploiement segmenté des compteurs d'électricité intelligents par les gestionnaires de réseau de distribution.
B.14.3. Il ressort toutefois des écrits de procédure que les Gouvernements wallon et flamand ont pu comprendre que les parties requérantes mettent en cause la différence de traitement entre, d'une part, les utilisateurs du réseau qui forment un secteur ou un segment pour lequel le déploiement des compteurs d'électricité intelligents est systématiquement prévu au plus tard le 1er janvier 2023 ou les utilisateurs du réseau qui sont visés par l'objectif d'un déploiement des compteurs intelligents à hauteur de 80 % pour le 31 décembre 2029 au plus tard et, d'autre part, les autres utilisateurs du réseau.
B.15. Les utilisateurs du réseau de distribution, qu'ils appartiennent ou non à un segment ou secteur prioritaire pour le déploiement des compteurs d'électricité intelligents, sont suffisamment comparables.
B.16. Quant aux objectifs poursuivis par le déploiement des compteurs d'électricité intelligents, il ressort des B.2.1 à B.2.4 que l'Union européenne impose aux États membres de déployer des « systèmes intelligents de mesure » principalement en vue de promouvoir l'efficacité énergétique, en donnant aux utilisateurs du réseau la possibilité de prendre une part active sur le marché de l'énergie. En effet, les compteurs d'électricité intelligents permettent aux utilisateurs du réseau de disposer d'une connaissance précise de leur consommation, voire de leur production, d'électricité, et notamment des moments précis où cette consommation ou production a lieu. À l'aide de cette connaissance détaillée, les utilisateurs sont en mesure d'adapter leur consommation et de tendre vers une diminution de consommation d'électricité.
En outre, le législateur européen vise à augmenter la part des sources d'énergie renouvelables dans l'énergie produite, à réduire la consommation d'électricité et à garantir la sécurité d'approvisionnement, notamment par une connaissance détaillée, par le gestionnaire de réseau de distribution, de la consommation et des injections d'électricité sur le réseau dont il assure la gestion.
B.17.1. La Cour constate à cet égard que les avantages d'un déploiement segmenté et d'une approche intégrée de l'électricité afin d'optimiser les coûts d'installation ont été étudiés, comme l'invite à le faire le législateur européen dans l'annexe I de la directive 2009/72/CE, dans l'annexe II de la directive (UE) 2019/944 et dans la recommandation 2012/148/UE.
B.17.2. Une telle étude a été réalisée en Région wallonne en 2012 par la CWaPE et actualisée en 2016.
B.18. En décidant, sur la base des études réalisées par la CWaPE, de limiter le déploiement des compteurs d'électricité intelligents à certains secteurs ou segments du réseau, le législateur décrétal poursuit l'objectif européen de promouvoir l'efficacité énergétique, tout en veillant à garantir un juste équilibre entre les coûts de ce déploiement et les bénéfices pour la collectivité.
L'exposé des motifs indique :
« En vue de minimiser le coût pour la société, de limiter l'impact sur la facture des citoyens et de maximiser le bien-être collectif, le déploiement des compteurs intelligents doit se faire en veillant à une juste répartition des coûts et des bénéfices » (Doc. parl., Parlement wallon, 2017-2018, n° 1129/1, p. 4).
B.19. En raison de la technicité de la matière, il convient de reconnaître au législateur décrétal une marge d'appréciation étendue dans le choix des critères de distinction entre les utilisateurs du réseau selon qu'ils forment ou non des segments ou secteurs prioritaires pour le déploiement des compteurs d'électricité intelligents.
B.20.1.1. En ce qui concerne les quatre catégories d'utilisateurs du réseau pour lesquelles l'installation d'un compteur d'électricité est systématiquement prévue au plus tard le 1er janvier 2023, les travaux préparatoires mentionnent :
« Si tous les consommateurs résidentiels ne doivent pas être équipés au même rythme, il importe d'équiper les segments par ordre de priorité décroissant, compte tenu de la finalité d'utilisation des compteurs intelligents et des contraintes industrielles (p.ex. les compteurs à budget ne sont plus fabriqués). Sur cette base, les segments prioritaires ont été identifiés comme suit :
- le remplacement des compteurs à budget;
- le remplacement des compteurs en fin de vie et lors de nouveaux raccordements;
- le placement lorsque le client en fait la demande à moins que cela ne soit pas techniquement possible ou économiquement raisonnable » (ibid., p. 5).
Le commentaire des articles précise :
« L'alinéa 2 prévoit certains cas d'installation systématique conformément aux obligations européennes :
- en cas de remplacement d'un compteur existant (2°);
- ainsi qu'en cas de nouveau raccordement (3°).
D'autres cas d'installation systématique sont prévus, à savoir :
- lorsque le client final résidentiel est déclaré en défaut de paiement (1°). Le compteur intelligent dispose, en effet, d'une fonction de prépaiement pouvant être activée à distance et remplacera, à terme, les actuels compteurs à budget. Ceux-ci sont en effet amenés à disparaître puisque le fabricant de compteur à budget a arrêté sa production (épuisement des stocks prévu en 2020) et que le contrat lié au support informatique de la plate-forme y relative prendra fin en 2023. Sont visés également les cas de remplacement de compteurs à budget.
Sur demande de l'utilisateur (4°) qui souhaiterait bénéficier d'un compteur intelligent avant son placement tel que programmé dans le cadre du plan d'adaptation de son gestionnaire de réseau de distribution. Sont visés, notamment, les prosumers qui pourraient avoir intérêt, dans certains cas, à disposer d'un compteur intelligent pour valoriser leur surplus de production ou offrir des services de flexibilité. Le gestionnaire de réseau de distribution est tenu, dans ce cas, de placer le compteur intelligent endéans le délai qui sera fixé par le Gouvernement » (ibid., p. 11).
B.20.1.2. On ne peut reprocher au législateur décrétal d'avoir tenu compte de ce que la production de compteurs d'électricité mécaniques sera bientôt arrêtée et de ce que le fournisseur des compteurs à budget a annoncé l'arrêt de la production des compteurs à budget actuels et du support informatique y relatif, en prévoyant un déploiement prioritaire des compteurs intelligents pour les clients résidentiels déclarés en défaut de paiement.
B.20.1.3. Par ailleurs, en prévoyant qu'un compteur d'électricité intelligent sera installé en cas de remplacement d'un compteur ou lorsqu'il est procédé à un nouveau raccordement, l'article 16, attaqué, ne constitue que la transposition de l'article 9, paragraphe 1, second alinéa, a) et b), de la directive 2012/27/UE.
Comme il ressort du B.2.3.3, cette disposition prévoit, en effet, deux hypothèses dans lesquelles les « compteurs individuels qui indiquent avec précision [la] consommation réelle d'énergie [des clients finals] et qui donnent des informations sur le moment où l'énergie a été utilisée », ce qui vise les compteurs intelligents, sont toujours fournis : lorsqu'un compteur existant est remplacé, à moins que cela ne soit pas techniquement possible ou rentable au regard des économies potentielles estimées à long terme (article 9, paragraphe 1, second alinéa, a)), et lorsqu'il est procédé à un raccordement dans un bâtiment neuf ou qu'un bâtiment fait l'objet de travaux de rénovation importants (article 9, paragraphe 1, second alinéa, b)).
B.20.1.4. Il est, par ailleurs, évident que le législateur décrétal a pu permettre l'installation d'un compteur d'électricité intelligent auprès des utilisateurs du réseau qui le demandent. Il s'agit d'ailleurs d'un droit de chaque utilisateur du réseau, prévu par l'article 21 de la directive (UE) 2019/944.
B.20.2.1. Quant au choix des utilisateurs du réseau formant la catégorie d'utilisateurs pour lesquels le gestionnaire de réseau doit viser un objectif de 80 % de déploiement de compteurs d'électricité intelligents, les travaux préparatoires mentionnent :
« La directive 2009/72/CE évoquait un roll out à hauteur de 80 % en 8 ans. Le recast de cette même directive (toujours en négociation) vise un objectif de 80 % en 10 ans.
Au vu des résultats de l'étude menée par la CWaPE, il ressort que les délais imposés par l'Europe sont sub-optimaux. Il convient que le délai de déploiement permette à la fois de limiter l'impact sur la facture et de profiter dans un laps de temps raisonnable des bénéfices attendus du système pour les utilisateurs consommant plus de 6 000kWh/an. Pour ces utilisateurs, il est proposé de fixer un délai égal à 1 fois le délai déterminé par l'Europe, à savoir 10 ans.
L'objectif de déploiement est donc que 80 % des utilisateurs consommant plus de 6 000kWh ou disposant d'un outil de production de plus de 5kWe ou de points de recharges ouverts au public soient équipés d'un compteur intelligent pour le 31 décembre 2029 » (ibid., p. 5).
B.20.2.2. En commission, le ministre de l'Énergie a précisé :
« […] plusieurs intervenants de qualité ont été entendus […]. Certains de ces acteurs sont par essence plus prudents ou plus conservateurs que d'autres, mais il a été tenu compte de la nécessité de trouver une solution équilibrée entre la volonté d'y aller sans attendre et celle de ne pas y aller ‘ de force ' lorsque la mentalité n'y est pas.
[…] Il faut d'abord convaincre par une approche phasée.
[…]
Il y a, tout d'abord, une diminution du périmètre de déploiement qui vise aujourd'hui les consommateurs plus importants, c'est-à-dire consommant sur base annuelle plus de 6 000 kilowattheures. [La] moyenne wallonne est de 3 500 kilowattheures.
[…]
On peut aujourd'hui mieux préciser comment on visera en priorité les consommateurs les plus importants. Cela se justifie pour plusieurs raisons très compréhensibles. Ces consommateurs sont les plus susceptibles d'utiliser leur compteur et leur motivation est a priori plus élevée. En termes d'utilisation rationnelle ou de flexibilité, ces consommateurs sont les plus susceptibles d'impacter le réseau. Ils peuvent montrer l'exemple pour progressivement convaincre les autres consommateurs de l'intérêt. Le coût sera moindre pour la collectivité.
Il a également été prévu de faire évoluer annuellement la mise en œuvre du déploiement par la CWaPE. Le Gouvernement aura alors l'opportunité d'envisager d'élargir le périmètre du déploiement.
M. le Ministre espère ainsi que les plus petits consommateurs, soit ceux inférieurs à 6 000 kilowattheures, montreront progressivement un intérêt pour ces compteurs. Si tel est le cas, on pourrait envisager d'ici quelques années de descendre le seuil pour viser un plus grand nombre de consommateurs. Tout cela devra se faire à la lumière d'un suivi transparent et de l'engagement des citoyens dans la transition. Il conviendra de les y mener progressivement en évitant de passer en force » (Doc. parl., Parlement wallon, 2017-2018, n° 1129/5, pp. 5-6).
B.20.2.3. En vue de réaliser l'objectif d'un taux de déploiement des compteurs d'électricité intelligents jusqu'à concurrence de 80 % auprès de certains utilisateurs du réseau, il est raisonnablement justifié de cibler les utilisateurs dont la consommation d'électricité est importante, ceux qui injectent sur le réseau une certaine quantité d'électricité qu'ils produisent et ceux qui disposent d'un point de recharge électrique ouvert au public.
Comme il ressort des travaux préparatoires et du mémoire du Gouvernement wallon, ces utilisateurs sont les plus susceptibles de tirer des avantages, en termes d'utilisation rationnelle de l'énergie, d'une connaissance précise de leur consommation ou production d'électricité, qui est considérée comme une première étape vers une meilleure maîtrise et une réduction de la consommation d'électricité. Le législateur décrétal a donc pu présumer un degré d'acceptation plus important de la nouvelle technologie des compteurs intelligents chez ces utilisateurs. Par ailleurs, il est raisonnable de penser que l'acceptation des compteurs d'électricité intelligents par ces premiers utilisateurs peut inciter d'autres utilisateurs à se doter aussi d'un compteur d'électricité intelligent. En outre, il s'agit des utilisateurs du réseau qui ont une incidence importante sur les flux électriques du réseau en raison de leur consommation ou de leur production, de sorte qu'il est avantageux pour les gestionnaires de réseau de distribution de connaître ces flux dans le but de réaliser leur mission légale de gestion du réseau.
B.21. Enfin, il n'apparaît pas que le choix des segments ou des secteurs prioritaires pour le déploiement des compteurs d'électricité intelligents crée des effets disproportionnés. Les utilisateurs du réseau qui ne sont pas visés par le déploiement prioritaire des compteurs intelligents peuvent toujours solliciter le placement d'un tel compteur. Quant aux utilisateurs du réseau qui se voient imposer le placement d'un compteur intelligent ou qui sont visés prioritairement par le déploiement segmenté, le législateur décrétal a prévu un suivi régulier de l'évolution du déploiement des compteurs intelligents, sous la forme d'un comité de suivi et d'un rapport annuel sur l'évaluation du déploiement établi par la CWaPE. Il a également prévu des possibilités de dérogation au déploiement, en cas d'impossibilité technique, d'absence de rapport raisonnable entre les coûts et les bénéfices et d'intolérance aux compteurs intelligents dûment objectivée.
B.22. En conséquence, le déploiement segmenté des compteurs d'électricité intelligents, tel qu'il est organisé par l'article 16, attaqué, du décret du 19 juillet 2018, n'est pas dénué de justification raisonnable.
B.23. Le premier moyen, en sa première branche, n'est pas fondé.
Seconde branche
B.24. Les parties requérantes soutiennent que l'article 35, § 3, du décret du 12 avril 2001, inséré par l'article 16, attaqué, du décret du 19 juillet 2018, viole les dispositions visées au moyen, en ce qu'il interdit à l'utilisateur du réseau de s'opposer au placement d'un compteur d'électricité intelligent et d'en demander la suppression sous peine de ne pouvoir exercer son droit d'accès au réseau.
B.25. Les travaux préparatoires indiquent :
« […] un utilisateur ne peut pas refuser le placement d'un compteur intelligent ni en demander la suppression sous peine de ne pouvoir exercer son droit d'accès au réseau. L'objectif est de ne pas entraver le déploiement des compteurs intelligents » (Doc. parl., Parlement wallon, 2017-2018, n° 1129/1, p. 12).
B.26. L'article 23 de la Constitution dispose que chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine. À cette fin, les différents législateurs garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels et ils déterminent les conditions de leur exercice. L'article 23 de la Constitution ne précise pas ce qu'impliquent ces droits dont seul le principe est exprimé, chaque législateur étant chargé de les garantir, conformément à l'alinéa 2 de cet article, en tenant compte des obligations correspondantes.
L'article 23 de la Constitution contient une obligation de standstill qui interdit au législateur compétent de réduire significativement le degré de protection offert par la législation applicable, sans qu'existent pour ce faire des motifs d'intérêt général.
B.27. À supposer que la disposition attaquée porte atteinte à un des droits fondamentaux garantis par l'article 23 de la Constitution, droit qui n'a pas été spécifié par les parties requérantes dans leur requête, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner si cette atteinte éventuelle occasionne un recul significatif dans la protection offerte par un tel droit, il existe en toute hypothèse des motifs d'intérêt général qui justifient ce recul.
En effet, en organisant le déploiement des compteurs d'électricité intelligents en Région wallonne, le législateur décrétal a dû tenir compte de l'objectif fixé au niveau européen d'organiser un large déploiement de compteurs intelligents pour tendre vers l'efficacité énergétique, dans le respect d'un équilibre entre les coûts et les bénéfices de ce déploiement, comme il est dit en B.18. Pour atteindre cet objectif, il n'est pas sans justification raisonnable de prévoir que l'utilisateur du réseau ne peut ni s'opposer au placement d'un compteur d'électricité intelligent, ni en demander l'enlèvement pour un motif autre que celui d'une intolérance liée aux compteurs d'électricité intelligents et dûment objectivée.
B.28. Le premier moyen, en sa seconde branche, n'est pas fondé.
En ce qui concerne le deuxième moyen
B.29. Les parties requérantes prennent un deuxième moyen de la violation de l'article 22 de la Constitution, de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 2, 3, paragraphe 2, et 6 du Traité sur l'Union européenne, des articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, des articles 5, 6 et 13 de la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 « concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive vie privée et communications électroniques) » et des articles 5, 6, 7, 17, 18, 21, 22 et 32 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 « relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) » (ci-après : le RGPD).
B.30.1. Il ressort de la requête que le moyen est dirigé contre l'article 24 du décret du 19 juillet 2018, en ce qu'il insère un article 35septies dans le décret du 12 avril 2001.
B.30.2. Les parties requérantes ne développent pas en quoi il y aurait une violation du droit au respect de la vie privée garanti par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et par les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui englobe le droit à la protection des données à caractère personnel, autrement que par une violation des articles 5, 6 et 17 du RGPD.
B.30.3. En conséquence, la Cour limite son contrôle à l'article 24 du décret du 19 juillet 2018 au regard de l'article 22 de la Constitution, lu en combinaison avec les articles 5, 6 et 17 du RGPD.
Première branche
B.31. Les parties requérantes soutiennent que la disposition attaquée permet au gestionnaire de réseau de distribution de traiter les informations issues des compteurs d'électricité intelligents pour réaliser ses « missions légales ou réglementaires », alors que le RGPD prévoit la possibilité d'utiliser licitement ces informations uniquement pour assurer le respect d'une « obligation légale ». La notion d'« obligation légale » employée dans le RGPD serait moins large que celle de « missions légales ou réglementaires » utilisée dans le décret.
B.32. Tel qu'il est inséré par l'article 24, attaqué, du décret du 19 juillet 2018, l'article 35septies, §§ 1er et 2, du décret du 12 avril 2001 dispose :
« § 1er. Le gestionnaire de réseau de distribution garantit la protection de la vie privée des utilisateurs du réseau conformément à la législation en vigueur et aux dispositions du Règlement 2016/679/UE.
Les compteurs et réseaux intelligents doivent être conçus de manière à éviter la destruction, accidentelle ou illicite, l'accès et la modification des données à caractère personnel ainsi qu'à permettre une communication sécurisée de ces données.
§ 2. Le gestionnaire de réseau de distribution est le responsable de traitement des données à caractère personnel issues du compteur intelligent qu'il collecte.
Le gestionnaire de réseau de distribution traite les informations issues du compteur intelligent uniquement pour réaliser ses missions légales ou réglementaires ou pour réaliser toute autre mission légitime pour laquelle le consentement des personnes concernées a été donné de manière libre et explicite pour des finalités spécifiques.
Les données de comptage à caractère personnel en ce compris les données personnelles dérivées ne peuvent être conservées que le temps nécessaire à la réalisation des finalités pour lesquelles elles ont été collectées. En tout état de cause, ce délai ne peut pas excéder cinq ans, sauf dans le cas où le gestionnaire du réseau de distribution a l'obligation pour la réalisation de ses missions de conserver les données pour une durée supérieure à cinq ans. Dans ce cas, le gestionnaire du réseau de distribution motive la durée plus longue.
Les données à caractère personnel sont transmises de façon anonyme dès que leur individualisation n'est plus nécessaire pour la réalisation des finalités pour lesquelles elles ont été collectées ».
En vertu du paragraphe 2, alinéa 2, de cette disposition, le gestionnaire de réseau de distribution, qui est le responsable du traitement en vertu de l'alinéa 1er du même paragraphe, traite les informations issues d'un compteur d'électricité intelligent « uniquement pour réaliser ses missions légales ou réglementaires ou pour réaliser toute autre mission légitime pour laquelle le consentement des personnes concernées a été donné de manière libre et explicite pour des finalités spécifiques ».
B.33. Le RGPD s'applique au traitement de données à caractère personnel, automatisé en tout ou en partie, ainsi qu'au traitement non automatisé de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans un fichier (article 2, paragraphe 1, dudit règlement).
Le « traitement » de données vise « toute opération ou tout ensemble d'opérations effectuées ou non à l'aide de procédés automatisés et appliquées à des données ou des ensembles de données à caractère personnel, telles que la collecte, l'enregistrement, l'organisation, la structuration, la conservation, l'adaptation ou la modification, l'extraction, la consultation, l'utilisation, la communication par transmission, la diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l'interconnexion, la limitation, l'effacement ou la destruction » (article 4, 2), du RGPD).
Les « données à caractère personnel » sont « toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable (ci-après dénommée ‘ personne concernée '); est réputée être une ‘ personne physique identifiable ' une personne physique qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un identifiant, tel qu'un nom, un numéro d'identification, des données de localisation, un identifiant en ligne, ou à un ou plusieurs éléments spécifiques propres à son identité physique, physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle ou sociale » (article 4, 1), du RGPD).
B.34.1. L'article 5 du RGPD établit les principes applicables au traitement des données à caractère personnel.
Les données à caractère personnel doivent être traitées de manière licite, loyale et transparente au regard de la personne concernée (article 5, paragraphe 1, a), du RGPD). Elles doivent également être collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne pas être traitées ultérieurement d'une manière incompatible avec ces finalités (article 5, paragraphe 1, b), du RGPD).
B.34.2. L'exigence de licéité du traitement des données, énoncée à l'article 5, paragraphe 1, a), du RGPD, est détaillée dans l'article 6 du même règlement. L'article 6, paragraphe 1, dispose :
« Le traitement n'est licite que si, et dans la mesure où, au moins une des conditions suivantes est remplie :
a) la personne concernée a consenti au traitement de ses données à caractère personnel pour une ou plusieurs finalités spécifiques;
b) le traitement est nécessaire à l'exécution d'un contrat auquel la personne concernée est partie ou à l'exécution de mesures précontractuelles prises à la demande de celle-ci;
c) le traitement est nécessaire au respect d'une obligation légale à laquelle le responsable du traitement est soumis;
d) le traitement est nécessaire à la sauvegarde des intérêts vitaux de la personne concernée ou d'une autre personne physique;
e) le traitement est nécessaire à l'exécution d'une mission d'intérêt public ou relevant de l'exercice de l'autorité publique dont est investi le responsable du traitement;
f) le traitement est nécessaire aux fins des intérêts légitimes poursuivis par le responsable du traitement ou par un tiers, à moins que ne prévalent les intérêts ou les libertés et droits fondamentaux de la personne concernée qui exigent une protection des données à caractère personnel, notamment lorsque la personne concernée est un enfant
Le point f) du premier alinéa ne s'applique pas au traitement effectué par les autorités publiques dans l'exécution de leurs missions ».
B.35. Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, en ce qu'il permet au gestionnaire de réseau de distribution de traiter les informations issues des compteurs d'électricité intelligents uniquement pour réaliser ses « missions légales ou réglementaires », l'article 35septies, § 2, alinéa 2, du décret du 12 avril 2001 n'autorise pas le gestionnaire de réseau de distribution à traiter des données personnelles en dehors des hypothèses limitatives de l'article 6 du RGPD. En effet, en vertu de l'article 6, paragraphe 1, c), du RGPD, le traitement des données personnelles est licite s'il est nécessaire au respect d'une « obligation légale ». Ce renvoi « au respect d'une obligation légale » ne signifie pas que cette obligation doit nécessairement s'inscrire dans une « loi » au sens formel du terme, étant donné que le renvoi se situe dans une norme européenne. Ainsi, le renvoi à une « obligation légale » se borne à faire référence à toute obligation découlant d'une norme de l'ordre juridique de l'Union ou de l'État membre, comme le confirme l'article 6, paragraphe 3, du RGPD qui dispose que « le fondement du traitement visé au paragraphe 1, points c) et e), est défini par : a) le droit de l'Union; ou b) le droit de l'État membre auquel le responsable du traitement est soumis ».
En conséquence, le fait que le gestionnaire de réseau peut, conformément à l'article 35septies, § 2, alinéa 2, précité, traiter des données personnelles pour réaliser ses missions légales ou réglementaires n'entraîne aucune violation de l'article 6, paragraphe 1, c), du RGPD.
Deuxième branche
B.36. Les parties requérantes estiment que la possibilité donnée au gestionnaire de réseau de distribution de conserver les données personnelles issues des compteurs d'électricité intelligents au-delà du délai de conservation maximal de cinq ans, prévu par l'article 35septies, § 2, alinéa 3, du décret du 12 avril 2001, rend ineffectif le droit à l'effacement des données personnelles reconnu par l'article 17 du RGPD. En particulier, le terme « missions », utilisé dans l'article 35septies, § 2, alinéa 3, précité, serait flou et peu explicite.
B.37. L'article 35septies, § 2, alinéa 3, du décret du 12 avril 2001 règle la conservation des données à caractère personnel par le gestionnaire de réseau de distribution. En vertu de cette disposition, les données personnelles issues d'un compteur d'électricité intelligent ne peuvent être conservées que « le temps nécessaire à la réalisation des finalités pour lesquelles elles ont été collectées ». En toute hypothèse, le délai de conservation maximal est de cinq ans « sauf dans le cas où le gestionnaire de réseau de distribution a l'obligation pour la réalisation de ses missions de conserver les données pour une durée supérieure à cinq ans. Dans ce cas, le gestionnaire de réseau de distribution motive la durée plus longue ».
B.38.1. L'article 5, paragraphe 1, e), du RGPD consacre le principe de la limitation dans le temps relative à la conservation des données personnelles, plus précisément pendant une durée n'excédant pas celle qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées.
Traduisant la même idée, l'article 17, paragraphe 1, a), du RGPD consacre le droit, pour la personne concernée, d'obtenir l'effacement des données à caractère personnel la concernant et l'obligation corrélative du responsable du traitement d'effacer ces données dans les meilleurs délais, lorsqu'elles ne sont plus nécessaires au regard des finalités pour lesquelles elles ont été collectées ou traitées d'une autre manière.
B.38.2. Le droit à l'effacement est toutefois tempéré par l'article 17, paragraphe 3, du RGPD. En vertu de cette disposition, le droit à l'effacement ne peut pas être exercé « dans la mesure où ce traitement est nécessaire : […] b) pour respecter une obligation légale qui requiert le traitement prévue par le droit de l'Union ou par le droit de l'État membre auquel le responsable du traitement est soumis, ou pour exécuter une mission d'intérêt public ou relevant de l'exercice de l'autorité publique dont est investi le responsable du traitement; […] ».
B.38.3. Il en ressort qu'une personne concernée peut être empêchée d'exercer son droit à l'effacement des données personnelles la concernant, dans les hypothèses limitativement énumérées par le RGPD. Une de ces hypothèses vise le cas où le traitement des données personnelles est nécessaire pour « respecter une obligation légale qui requiert le traitement […] ou pour exécuter une mission d'intérêt public ou relevant de l'exercice de l'autorité publique dont est investi le responsable du traitement » (article 17, paragraphe 3, b), du RGPD).
B.39. Ainsi, en permettant au gestionnaire de réseau de distribution de conserver des données personnelles issues des compteurs d'électricité intelligents au-delà d'une durée de cinq ans lorsqu'il y est obligé pour réaliser ses « missions », l'article 35septies, § 2, alinéa 3, du décret du 12 avril 2001 s'inscrit dans le droit fil de l'article 17, paragraphe 3, b), du RGPD. En effet, les « missions » auxquelles il est fait référence dans cette disposition décrétale visent les missions d'intérêt général qui sont attribuées par voie légale ou réglementaire au gestionnaire de réseau de distribution, sans qu'il soit nécessaire de les énumérer exhaustivement. Ainsi, si un traitement des données personnelles, qui peut entraîner la conservation de ces données, est nécessaire pour réaliser une mission légale ou réglementaire du gestionnaire de réseau de distribution, le droit à l'effacement ne peut pas s'exercer pendant le temps limité à l'exercice de cette mission, sans que cela ne viole l'article 5, paragraphe 1, e), ni l'article 17, paragraphe 1, du RGPD.
Troisième branche
B.40. Les parties requérantes soutiennent que la notion de « sous-traitant » figurant dans l'article 35septies, § 3, du décret du 12 avril 2001 est plus large que celle qui est utilisée dans le RGPD. Dans le décret, cette notion serait floue parce qu'aucune précision n'y est donnée quant au type de missions dont le sous-traitant peut être investi.
B.41. L'article 35septies, § 3, alinéa 1er, du décret du 12 avril 2001 dispose :
« Sans préjudice du droit permanent du gestionnaire du réseau de distribution, nul ne peut lire, exporter ou traiter les informations d'un compteur intelligent sans l'accord préalable, libre, spécifique, éclairé et univoque de l'utilisateur du réseau concerné sauf lorsque la divulgation à un tiers est autorisée par une disposition légale ou réglementaire et/ou lorsque les informations sont transmises à un sous-traitant agissant au nom et pour le compte du gestionnaire de réseau de distribution ».
Cette disposition permet de transmettre les données à caractère personnel issues d'un compteur d'électricité intelligent, en vue d'une lecture, d'une exportation ou d'un traitement de ces données, entre autres à un sous-traitant qui agit au nom et pour le compte du gestionnaire de réseau de distribution, sans que l'accord préalable, libre, spécifique, éclairé et univoque de l'utilisateur du réseau de distribution doive être obtenu.
B.42. L'article 4, 8), du RGPD définit la notion de « sous-traitant » comme suit :
« La personne physique ou morale, l'autorité publique, le service ou un autre organisme qui traite des données à caractère personnel pour le compte du responsable du traitement ».
B.43. Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, la notion de « sous-traitant » dans l'article 35septies, § 3, du décret du 12 avril 2001, n'est ni floue, ni plus étendue que celle qui est contenue dans le RGPD.
Il est clair que le « sous-traitant » visé par l'article 35septies, § 3, précité, est celui qui opère, au nom et pour le compte du gestionnaire de réseau de distribution, un traitement des données personnelles dans le cadre de l'exécution d'une ou de plusieurs missions légales et réglementaires confiées à ce dernier. En effet, comme il est dit en B.32, en vertu du paragraphe 2, alinéa 2, de l'article 35septies, le gestionnaire de réseau de distribution peut uniquement traiter les données personnelles issues des compteurs d'électricité intelligents pour réaliser ses missions légales ou réglementaires ou pour réaliser toute autre mission légitime pour laquelle le consentement des personnes concernées a été donné de manière libre et explicite pour des finalités spécifiques. Le traitement de données par un sous-traitant qui agit au nom et pour le compte du gestionnaire de réseau de distribution doit se situer dans ce même cadre, c'est-à-dire dans le cadre précis de l'exécution des missions dont le gestionnaire de réseau de distribution est investi par la loi ou le règlement.
B.44. Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen n'est pas fondé.
En ce qui concerne le troisième moyen
B.45.1. Les parties requérantes prennent un troisième moyen de la violation de l'article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution, de l'article 6, paragraphe 1, du Traité sur l'Union européenne, de l'article 35 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des « principes de précaution et de standstill ».
B.45.2. Étant donné que les parties requérantes ne démontrent pas en quoi l'article 6, paragraphe 1, du Traité sur l'Union européenne et l'article 35 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, lus en combinaison avec l'article 23 de la Constitution, seraient violés, la Cour limite son examen à la violation alléguée de l'article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution.
Première branche
B.46. Les parties requérantes soutiennent, pour l'essentiel, que le déploiement des compteurs d'électricité intelligents entraîne un recul significatif dans la protection du droit à un environnement sain, en ce que ces compteurs émettent des ondes électromagnétiques dont l'innocuité pour l'être humain ne peut être présumée. Ce recul résulterait aussi du fait que l'habilitation conférée au Gouvernement wallon de déterminer la procédure et les mesures à prendre par le gestionnaire de réseau de distribution, lorsqu'une personne déclare souffrir d'un problème d'intolérance lié aux compteurs intelligents, ne s'étend pas à la fixation des critères d'objectivation de cette intolérance. Ces critères demeureraient dès lors entièrement flous.
B.47. L'article 23 de la Constitution dispose :
« Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.
A cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.
Ces droits comprennent notamment :
[…]
4° le droit à la protection d'un environnement sain;
[…] ».
L'article 23 de la Constitution contient une obligation de standstill qui interdit au législateur compétent de réduire significativement le degré de protection offert par la législation applicable, sans qu'existent pour ce faire des motifs d'intérêt général.
B.48.1. L'article 35, § 3, du décret du 12 avril 2001, inséré par l'article 16, attaqué, du décret du 19 juillet 2018, dispose :
« Nul ne peut s'opposer au placement d'un compteur intelligent ni en demander la suppression sous peine de ne pouvoir exercer son droit d'accès au réseau.
Par dérogation à l'alinéa précédent, le Gouvernement détermine la procédure et les mesures à prendre par le gestionnaire de réseau de distribution lorsqu'un utilisateur ou toute autre personne vivant sous le même toit se déclare souffrant d'un problème d'intolérance lié au compteur intelligent et dûment objectivé ».
B.48.2 Le commentaire des articles précise :
« L'alinéa 2 est introduit, sur base du principe de précaution, en vue de tenir compte des impacts potentiels des compteurs intelligents sur la santé de certains utilisateurs.
Une étude de l'ISSeP (Rapport n° 542/2016) sur l'exposition aux rayonnements électromagnétiques dus aux compteurs intelligents (communication sans fil et G3-PLC) a été réalisée en date du 19 avril 2016.
Cette étude conclut que lorsque le compteur intelligent communique, les niveaux d'émissions sont très largement inférieurs aux niveaux de référence admis et notamment aux recommandations de l'OMS. Ces niveaux d'émissions sont encore plus faibles pour les communications en G3-PLC que pour les communications sans fil.
Les compteurs intelligents qui seront installés en Wallonie peuvent, en effet, être classés selon deux catégories en fonction de leur moyen de communication :
- les compteurs avec communication sans fil, c'est-à-dire via réseau cellulaire - GPRS/3G/4G ou via réseau Radio Fréquence pour le gaz;
- les compteurs avec communication filaire : câble ethernet ou G3-PLC via le réseau électrique de distribution.
Les compteurs intelligents envoient leurs données de consommation une fois par jour. La durée de communication est très courte et les volumes de données transférées sont minimes.
Dans tous les cas, l'étude démontre que les niveaux mesurés sont bien moindres que ceux émis par la plupart des objets utilisés au quotidien et pour certains depuis de nombreuses années(1).
(1)Ainsi, en page 91 de ce rapport, dans le cas des appareils destinés à être installés chez le client, l'ISSeP indique que dans le pire des cas, c'est-à-dire avec une transmission vers le réseau 2G, le champ moyen maximum à 1 m d'un compteur est d'environ 1 V/m pendant l'émission. C'est au minimum 37 000 fois moins que le niveau de référence de la recommandation européenne 1999/519/CE. A titre de comparaison, 1 V/m est le champ moyen atteint à 2 ou 3 m d'un téléphone portable utilisé dans de mauvaises conditions de couverture (v. paragraphe 8.2). La durée de la transmission quant à elle n'excède pas quelques secondes.
Cette conclusion rejoint celle de l'étude française publiée le 15 décembre 2016 et révisée en 2017 par l'Agence nationale de sécuritaire sanitaire, alimentation, environnement, travail (l'Anses).
Néanmoins des mesures seront prises pour les cas extrêmes d'un utilisateur ou de toute autre personne vivant sous le même toit se déclarant souffrant d'un problème d'intolérance lié au compteur intelligent » (Doc. parl., Parlement wallon, 2017-2018, n° 1129/1, pp. 12-13; Doc. parl., Parlement wallon, 2017-2018, n° 1129/5, p. 4).
B.49.1. Selon les travaux préparatoires, même en l'absence d'une base scientifique permettant d'associer les symptômes de l'hypersensibilité électromagnétique aux compteurs d'électricité intelligents, le législateur décrétal a prévu que les personnes déclarant souffrir d'un problème d'intolérance aux compteurs intelligents, dûment objectivé, peuvent s'opposer à l'installation d'un tel compteur. Dès lors, ces utilisateurs du réseau peuvent bénéficier d'une dérogation à l'installation d'un tel compteur.
B.49.2. La circonstance que les critères d'objectivation du problème d'intolérance lié aux compteurs intelligents ne sont pas fixés dans le décret attaqué, mais le seront, contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, par le Gouvernement wallon sur la base du pouvoir général d'exécution qu'il détient en vertu de l'article 20 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, n'y change rien. La crainte des parties requérantes que ces critères demeurent flous, ce qui laisserait une grande latitude aux gestionnaires de réseau de distribution pour déterminer les personnes considérées comme fondées à se prévaloir de la dérogation à l'installation d'un compteur d'électricité intelligent, relève de l'exécution de la disposition attaquée, ce dont la Cour ne peut connaître.
B.49.3. Compte tenu de ce qui précède, il n'y a pas de recul dans le degré de protection du droit à un environnement sain pour ces utilisateurs du réseau.
B.50. Le troisième moyen, en sa première branche, n'est pas fondé.
Seconde branche
B.51. Les parties requérantes critiquent le fait que le décret attaqué n'assure pas les utilisateurs du réseau contre le risque d'incendie qui émane des compteurs d'électricité intelligents.
B.52. Le décret attaqué ne fait pas obstacle à l'application des diverses normes contenant les exigences légales et réglementaires en matière de sécurité des produits et, en particulier, en matière de protection contre l'incendie, auxquelles les compteurs d'électricité intelligents installés en Région wallonne doivent répondre.
En ce qu'il repose sur l'hypothèse d'une incompatibilité des compteurs d'électricité intelligents avec ces normes ou sur celle d'une insuffisance de ces normes pour protéger les utilisateurs du réseau, le grief ne porte pas sur le décret qui fait l'objet du recours.
B.53. Le troisième moyen, en sa seconde branche, n'est pas fondé.
Décision
Par ces motifs,
la Cour
rejette le recours.