En cause:
le recours en annulation des articles D.6, D.8, D.19, D.34, D.48, D.49, D.50, D.51, D.57, D.59 et D.90 du Code wallon du Bien-être des animaux (décret de la Région wallonne du 4 octobre 2018), introduit par l'ASBL « Fédération Wallonne de l'Agriculture Etudes - Information ».
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, et des juges T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I Objet du recours
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 28 juin 2019 et parvenue au greffe le 2 juillet 2019, l'ASBL « Fédération Wallonne de l'Agriculture Etudes - Information », assistée et représentée par Me E. Grégoire et Me A. Grégoire, avocats au barreau de Liège, a introduit un recours en annulation des articles D.6, D.8, D.19, D.34, D.48, D.49, D.50, D.51, D.57, D.59 et D.90 du Code wallon du Bien-être des animaux (décret de la Région wallonne du 4 octobre 2018, publié au Moniteur belge du 31 décembre 2018).
Des mémoires et mémoires en réplique ont été introduits par :
- l'ASBL « Global Action in the Interest of Animals » (GAIA), l'ASBL « Sans Collier » et l'ASBL « Animaux en Péril », assistées et représentées par Me A. Godfroid, avocat au barreau d'Anvers;
- le Gouvernement wallon, assisté et représenté par Me X. Drion, avocat au barreau de Liège;
- le Gouvernement flamand, assisté et représenté par Me J.-F. De Bock et Me V. De Schepper, avocats au barreau de Bruxelles.
La partie requérante a introduit un mémoire en réponse.
Par ordonnance du 7 octobre 2020, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs P. Nihoul et T. Merckx-Van Goey, a décidé que l'affaire était en état, qu'aucune audience ne serait tenue, à moins qu'une partie n'ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu'en l'absence d'une telle demande, les débats seraient clos le 21 octobre 2020 et l'affaire mise en délibéré.
Aucune demande d'audience n'ayant été introduite, l'affaire a été mise en délibéré le 21 octobre 2020.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l'emploi des langues ont été appliquées.
II En droit
A Argument
Quant à l'intérêt
A.1. La partie requérante justifie son intérêt au recours en faisant valoir que son but statutaire qui consiste, d'une part, dans le support logistique au développement de l'organisation syndicale « Fédération Wallonne de l'Agriculture » et, d'autre part, dans la contribution au développement de l'agriculture, est réellement poursuivi
et distinct de l'intérêt général. Elle défend, par ailleurs, un intérêt collectif. Enfin, les dispositions attaquées étant applicables aux animaux d'élevage et animaux de rente, elles affectent directement et défavorablement le but statutaire de la partie requérante.
A.2. Le Gouvernement wallon estime que la partie requérante ne défend pas son intérêt personnel mais celui de l'association de fait « Fédération Wallonne de l'Agriculture ». Ensuite, en ce que le but statutaire de la partie requérante consiste à assurer le « support logistique nécessaire à la réalisation et au développement de l'organisation de défense professionnelle Fédération Wallonne de l'Agriculture », il n'ouvre pas un intérêt à l'annulation des dispositions attaquées. À l'inverse, en ce que le but statutaire de la partie requérante consiste à assurer toute mission pouvant contribuer au développement de l'agriculture en général, il est de nature à justifier un tel intérêt.
A.3. Selon le Gouvernement flamand, le fait que le Code wallon du Bien-être des animaux concerne le bétail détenu à des fins agricoles n'implique pas en soi que les dispositions attaquées ont des conséquences négatives sur la partie requérante. Le champ d'application du Code ne permet pas non plus de déduire de quelle manière la partie requérante serait directement et négativement concernée par les dispositions attaquées. Elle n'explique pas non plus en quoi consiste concrètement le but statutaire relatif au support nécessaire à la réalisation et au développement de la « Fédération Wallonne de l'Agriculture ».
A.4. Les trois parties intervenantes, l'ASBL « Global Action in the Interest of Animals » (ci-après : l'ABSL « GAIA »), l'ASBL « Sans Collier » et l'ASBL « Animaux en Péril », justifient leur intérêt à intervenir par le fait que les dispositions attaquées, tantôt reproduisent des règles de la loi du 14 août 1986 « relative à la protection et au bien-être des animaux », tantôt constituent une amélioration du bien-être animal, objectif que les parties intervenantes visent à protéger. Comme la Cour l'a jugé par l'arrêt n° 53/2019 du 4 avril 2019, il convient de reconnaître à l'ASBL « GAIA » un intérêt à intervenir.
A.5. La partie requérante répond qu'elle dispose d'un intérêt au recours au regard des deux volets de son but statutaire. Les normes attaquées sont susceptibles de l'affecter directement et défavorablement. Ensuite, la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle ne subordonne pas la recevabilité d'un recours en annulation à l'exposé d'un intérêt au moyen. Enfin, alors qu'il invoque l'irrecevabilité partielle des quatrième et cinquième moyens, le Gouvernement flamand n'a pas été placé dans l'impossibilité de répondre à l'argumentation de la partie requérante.
A.6. Dans son mémoire en réplique, le Gouvernement wallon maintient que le recours est irrecevable.
A.7. Le Gouvernement flamand réplique que la partie requérante ne répond pas à son argumentation.
Quant au fond
En ce qui concerne le premier moyen
A.8.1. La partie requérante prend un premier moyen de la violation, par les articles D.8, D.19, D.34 et D.59 du Code wallon du Bien-être des animaux, des articles 6, § 1er, V, alinéa 2, 2°, 6, § 1er, XI, 10, 17, 20 et 78 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.
A.8.2. Premièrement, selon la partie requérante, les dispositions attaquées empiètent sur la compétence de l'autorité fédérale relative à la santé animale et, plus précisément, sur la compétence concernant les normes et le contrôle relatifs à la santé des animaux ainsi qu'à la qualité des produits d'origine animale en vue d'assurer la sécurité de la chaîne alimentaire. Les dispositions attaquées concernent, en effet, la santé animale, et non le bien- être animal.
Concrètement, l'article D.8 du Code wallon du Bien-être des animaux impose au détenteur d'un animal de lui procurer une alimentation, des soins et un logement ou un abri qui conviennent notamment à l'état de santé de l'animal. L'article D.19 du Code donne une habilitation au Gouvernement wallon pour prendre des mesures qui limitent la reproduction de certains animaux, ce qui a pour objectif d'éviter les blessures et la transmission de maladies ou d'infections, objectif qui relève de la compétence fédérale en matière de santé animale. L'habilitation
donnée au Gouvernement wallon par l'article D.34 du Code pour fixer les conditions d'agrément des marchés d'animaux, outre le fait qu'elle est trop large, participe à un objectif sanitaire relevant de la compétence de l'autorité fédérale. Quant à l'article 59 du Code, il habilite le Gouvernement wallon à fixer des conditions relatives à la mise à mort d'animaux, à savoir des mesures relatives aux modalités et conditions d'abattage, une matière qui a trait à la santé animale et à la sécurité de la chaîne alimentaire.
A.8.3. À l'estime de la partie requérante, l'empiétement de compétence ne peut pas être justifié par la théorie des pouvoirs implicites. Tout d'abord, les travaux préparatoires ne contiennent aucune justification relative à l'éventuelle nécessité d'empiéter sur la compétence de l'autorité fédérale relative à la santé animale. La nécessité des dispositions attaquées est d'ailleurs douteuse parce que le législateur fédéral aurait pu lui-même prendre ces mêmes dispositions sur la base de sa compétence relative à la santé des animaux. Ensuite, l'incidence de l'empiétement de compétence n'est pas marginale, compte tenu du caractère large des habilitations données au Gouvernement wallon.
A.8.4. Deuxièmement, les parties requérantes critiquent le fait que les dispositions attaquées ne fixent pas elles-mêmes les éléments essentiels de la réglementation mais qu'elles habilitent le Gouvernement wallon à déterminer les conditions de détention et d'hébergement pour les différentes espèces et catégories d'animaux, à prendre des mesures pour limiter la reproduction de certains animaux, à établir les conditions d'agrément des marchés d'animaux et à fixer les conditions et modalités relatives à la mise à mort des animaux. Ces habilitations sont à ce point larges qu'il y a un risque important que le Gouvernement wallon empiète sur la compétence fédérale en matière de santé animale. La section de législation du Conseil d'État a d'ailleurs relevé le manque de clarté de la portée des articles D.8, § 3, et D.19, § 2, du Code. Or, un empiétement de compétence ne peut être que l'apanage du législateur et non du pouvoir exécutif, dès lors que les éléments essentiels d'une matière doivent être déterminés par l'assemblée législative.
A.9.1. Le Gouvernement wallon insiste sur le fait que, lors du processus d'élaboration du Code, le législateur décrétal a été attentif à ne pas empiéter sur la compétence réservée à l'autorité fédérale en matière de santé animale. L'examen des travaux préparatoires permet de le constater. Il y a été rappelé à de nombreuses reprises que les recommandations contenues dans l'avis de la section de législation du Conseil d'État ont été prises en considération. C'est le cas pour le commentaire général de description du Code et pour les commentaires des articles D.8, D.12, D.25, D.36, D.39, D.43, D.44 et D.54. Tantôt le législateur a revu la disposition en projet en fonction des observations du Conseil d'État, tantôt il a précisé que les exigences liées au bien-être animal n'érigent aucune condition spécifique ou ne prévoient aucune réglementation en matière de santé animale. Ces exigences se contentent de renvoyer à la pratique vétérinaire ou aux règles arrêtées par l'autorité fédérale. Enfin, l'interprétation donnée par la partie requérante aux dispositions attaquées reviendrait, si elle était suivie, à empêcher les régions de faire référence, dans un décret, à la notion de « santé animale ».
A.9.2. En ce qui concerne les habilitations données au Gouvernement wallon par les articles D.8, D.19, D.34 et D.59, celui-ci précise que la section de législation du Conseil d'État n'a pas indiqué qu'elles seraient inconstitutionnelles. Enfin, la portée de l'habilitation donnée au Gouvernement wallon est précisée dans l'article D.1, alinéa 2, du Code wallon du Bien-être des animaux qui indique que ce Code vise à protéger la sensibilité de l'animal et à assurer son bien-être. Le Gouvernement wallon ne pourra donc pas se départir de l'objet du décret, lorsqu'il mettra en œuvre les compétences que le Code lui attribue.
A.10.1. Le Gouvernement flamand conteste que les articles D.8, D.19, D.34 et D.59 du Code wallon du Bien-être des animaux concernent la santé animale. Il ressort des travaux préparatoires de l'article 6, § 1er, XI, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles que le terme « bien-être des animaux » doit être interprété largement et que les matières y relatives sont traitées par ou en exécution de la loi du 14 août 1986 « relative à la protection et au bien-être des animaux » (ci-après : la loi du 14 août 1986). En l'espèce, toutes les matières traitées par les dispositions attaquées sont aussi traitées par la loi du 14 août 1986 et concernent, en conséquence, le bien-être animal. Au surplus, le bien-être animal n'est pas une matière à contenu fixe mais peut naturellement intégrer de nouveaux aspects de la politique.
A.10.2. Le Gouvernement flamand précise ensuite qu'en ce qui concerne les normes et le contrôle en matière de santé animale, il s'agit d'une matière qui était contenue dans la loi du 24 mars 1987 « relative à la santé des
animaux » dont l'objectif était de combattre les maladies d'animaux pour assurer la santé publique et fournir un soutien économique aux producteurs. Cette matière ne concerne pas la santé animale en vue du bien-être des animaux. Il est par ailleurs logique que la détermination précise de la compétence en matière animale ne soit toujours pas claire. Pour déterminer à quelle matière une règle peut être rattachée, c'est le but de la règle qui est prédominant. Les travaux préparatoires faisant apparaître que le but poursuivi est le bien-être animal, les dispositions attaquées se situent dans le giron de la compétence régionale en la matière.
A.10.3. Concernant les habilitations de pouvoir en faveur du pouvoir exécutif, le Gouvernement flamand observe que si un arrêté pris en exécution des dispositions attaquées violait les règles répartitrices de compétences, cet arrêté pourrait être contesté devant la section du contentieux administratif du Conseil d'État. La constitutionnalité des dispositions attaquées n'est pas pour autant remise en question et a d'ailleurs été confirmée par la section de législation du Conseil d'État. Celle-ci a seulement observé que les dispositions attaquées doivent être lues de telle manière qu'elles concernent bien le bien-être animal et non la santé des animaux. Pour le reste, il n'y a pas d'interdiction de conférer des délégations dans cette matière. Les dispositions attaquées contiennent les principes de base dans le cadre duquel le pouvoir exécutif doit agir.
A.10.4. Le Gouvernement flamand conclut que le moyen n'est pas fondé.
A.11.1. La partie requérante répond qu'il ne peut être admis que les dispositions attaquées contiennent simplement une référence à la matière de la santé animale pour laquelle l'autorité fédérale est compétente. Les dispositions attaquées empiètent bel et bien sur la compétence fédérale en matière de santé animale. Ce n'est pas parce que les travaux préparatoires indiquent que les critiques de la section de législation du Conseil d'État ont été prises en considération que le décret serait irréprochable. L'indication répétée dans le commentaire des articles selon laquelle il convient de lire le décret attaqué comme relevant du bien-être animal, et non de la santé animale, est non seulement stéréotypée mais encore elle ne permet pas en soi de conclure au respect des règles répartitrices de compétences. Certains commentaires d'articles qui sont invoqués par le Gouvernement wallon ne concernent d'ailleurs pas les dispositions attaquées.
A.11.2. La partie requérante répète que l'empiétement de compétence ne peut être que l'apanage du pouvoir législatif et non celui du pouvoir exécutif, dès lors que les éléments essentiels d'une matière doivent figurer dans un texte législatif. En ce qu'ils ne fixent pas eux-mêmes les éléments essentiels de la réglementation, mais qu'ils confèrent une habilitation au Gouvernement, les articles D.8, D.19, D.34 et D.59 du Code wallon du Bien-être des animaux violent les articles 10, 17, 20 et 78 de la loi spéciale du 8 août 1980. Si la section de législation du Conseil d'État n'a pas indiqué que les dispositions attaquées sont inconstitutionnelles, elle est loin d'en avoir validé la constitutionnalité. Il est enfin erroné d'affirmer que, lors de l'exécution du décret attaqué, le Gouvernement wallon n'empiétera pas sur la compétence fédérale puisque les dispositions attaquées concernent la santé animale et que le libellé des dispositions attaquées est très large.
A.12.1. Le Gouvernement wallon réplique que l'intention affichée du législateur lors du processus législatif a toute son importance lorsque, comme en l'espèce, deux matières qui présentent des « zones de contact » sont confiées à des entités différentes. La lecture des règles répartitrices de compétences par la partie requérante vise à empêcher le Gouvernement wallon et, plus généralement, les entités fédérées d'exercer leur compétence en matière de bien-être animal et, corrélativement, l'autorité fédérale d'exercer sa compétence en matière de santé animale.
A.12.2. Le Gouvernement wallon réplique encore qu'il lui appartiendra de veiller à rester dans la sphère de compétences tracée par l'article 6 de la loi spéciale du 8 août 1980 lorsqu'il prendra les arrêtés d'exécution du Code wallon du Bien-être des animaux. À ce stade, la partie requérante est dépourvue d'arguments pour soutenir que l'habilitation légale est en elle-même contraire à la loi spéciale du 8 août 1980 et que l'intention du législateur est de ne pas respecter le périmètre de sa compétence.
A.13.1. Dans son mémoire en réplique, le Gouvernement flamand estime, tout d'abord, que l'argumentation de la partie requérante est faible et qu'elle ne répond pas à ses arguments.
A.13.2. Ensuite, le Gouvernement flamand réplique qu'il appartient au législateur, dans des matières qui ne sont pas réservées à la loi par la Constitution, de décider s'il règle une matière lui-même ou s'il en confère le soin
au gouvernement. Au surplus, même si elle renvoie à la doctrine et à la jurisprudence, la partie requérante n'expose pas en quoi celles-ci seraient applicables à la présente affaire. C'est plutôt l'arrêt n° 36/2012 du 8 mars 2012 qui est pertinent pour la présente affaire, en ce que la Cour y a jugé que la question préjudicielle est recevable parce qu'elle a trait au principe d'égalité et de non-discrimination et non pas aux règles gouvernant la répartition de compétences entre les pouvoirs législatif et exécutif. Enfin, l'affirmation de la partie requérante selon laquelle la disposition attaquée ne contiendrait pas elle-même les éléments essentiels de la réglementation est inexacte, étant donné qu'il n'existe pas d'interdiction de conférer une délégation dans cette matière et qu'il ne s'agit pas d'une délégation illimitée.
A.14.1. Les parties intervenantes soutiennent qu'il est évident que l'article D.8, attaqué, en ce qu'il habilite le Gouvernement à prendre des règles plus précises concernant la détention et l'hébergement d'animaux, concerne uniquement le bien-être animal. De bonnes conditions de détention et d'hébergement des animaux participent, en effet, à leur bien-être. Une disposition similaire se trouvait d'ailleurs pendant des années dans l'ancienne législation fédérale sur le bien-être des animaux. L'article D.12 du Code, qui organise l'aide aux animaux abandonnés, perdus ou errants, participe aussi au bien-être animal. L'article D.19 du Code, relatif au contrôle de la reproduction des animaux, a principalement une incidence sur le bien-être animal et seulement de manière très accessoire sur la santé animale. L'article D.34 du Code, qui se limite à permettre au Gouvernement de fixer les conditions d'agrément des marchés d'animaux, est une disposition qui ne peut pas utilement être contestée devant la Cour constitutionnelle. Si cette disposition donne lieu à des arrêtés d'exécution irréguliers, il appartient à la partie requérante de saisir le Conseil d'État. Il en va de même de l'article D.59 du Code. La partie requérante se trompe d'instance juridictionnelle.
A.14.2. Les parties intervenantes concluent que le premier moyen n'est pas fondé.
En ce qui concerne le deuxième moyen
A.15.1. La partie requérante prend un deuxième moyen de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que l'article D.6 du Code wallon du Bien-être des animaux instaure le principe d'un permis de détention d'animaux, applicable tant aux personnes qui détiennent des animaux à des fins de production agricole qu'aux personnes qui détiennent des animaux domestiques. Il existe, au surplus, une confusion, relevée par la section de législation du Conseil d'État, entre le permis de détention d'un animal, immatériel et sans portée véritable, et l'autorisation de détenir un animal à prévoir par le Gouvernement wallon.
Les personnes qui détiennent des animaux à des fins de production agricole et les personnes qui détiennent des animaux de compagnie sont traitées de façon identique, dès lors qu'elles doivent toutes être titulaires d'un permis de détention d'animaux. Or, ces deux catégories de personnes se trouvent dans des situations totalement différentes. En effet, les personnes qui détiennent des animaux à des fins de production agricole sont soumises au régime du permis d'environnement et de la déclaration environnementale prévue par le décret du 11 mars 1999 « relatif au permis d'environnement » (ci-après : le décret du 11 mars 1999). Le permis d'environnement ou la déclaration environnementale valent dès lors intrinsèquement permis de détention d'animaux. En revanche, les personnes qui détiennent des animaux de compagnie ne sont pas soumises au décret du 11 mars 1999. L'identité de traitement de ces deux catégories de personnes crée une discrimination, en ce que les personnes qui détiennent des animaux à des fins de production agricole se voient soumises, en plus du régime du permis d'environnement, au régime du permis de détention d'animaux instauré par la disposition attaquée.
A.15.2. L'objectif du Code wallon du Bien-être des animaux est de protéger les animaux et d'assurer leur bien-être. Le décret, attaqué, du 4 octobre 2018 « relatif au Code wallon du Bien-être des animaux », qui contient ce Code, comporte aussi des dispositions modificatives du décret du 11 mars 1999 pour y intégrer l'objectif de garantir le bien-être animal. Dès lors, l'objectif de protéger les animaux et de garantir leur bien-être est déjà atteint par le régime du permis d'environnement. Pour cette raison, le législateur wallon a prévu que le permis d'environnement et la déclaration environnementale valent permis de détention d'animaux. Il s'ensuit qu'il n'est pas pertinent de soumettre au permis de détention d'animaux les personnes qui détiennent des animaux à des fins de production agricole puisque cette mesure ne permet pas d'atteindre l'objectif de protection des animaux et de garantie de leur bien-être.
A.15.3. Enfin, il est disproportionné d'imposer aux personnes qui détiennent des animaux à des fins de production agricole un régime de permis de détention d'animaux qui s'ajoute au régime prévu par le décret du 11 mars 1999 et aux normes et réglementations auxquelles elles sont déjà soumises.
A.16.1. Le Gouvernement wallon indique que ni l'article D.6, ni aucune autre disposition du Code wallon du Bien-être des animaux n'imposent aux détenteurs d'animaux à des fins de production agricole de disposer d'un permis d'environnement ou d'effectuer une déclaration environnementale. Ces hypothèses sont régies par le décret du 11 mars 1999. En assimilant le permis d'environnement ou la déclaration environnementale au permis visé par l'article D.6, le législateur ne traite pas de manière identique des personnes qui se trouvent dans des situations différentes. Le régime applicable est différent puisque le permis de détention d'animaux est réputé acquis selon les fins pour lesquelles les animaux sont détenus et pour autant qu'un permis d'environnement a été obtenu ou qu'une déclaration environnementale a été effectuée.
A.16.2. Le Gouvernement wallon conclut que le moyen manque en fait.
A.17.1. Le Gouvernement flamand observe que le deuxième moyen repose sur une lecture erronée de l'article D.6. En effet, il n'est pas correct de soutenir que les détenteurs d'animaux à des fins agricoles qui sont déjà soumis au régime du décret du 11 mars 1999 devraient disposer en plus d'un permis de détention visé à l'article D.6, attaqué.
A.17.2. Selon le Gouvernement flamand, le moyen est, par ailleurs, contradictoire, en ce que la partie requérante soutient, d'une part, que les catégories de personnes concernées sont traitées de manière identique et, d'autre part, que les détenteurs d'animaux à des fins de production agricole se voient imposer une charge supplémentaire par le fait de devoir détenir deux permis. En outre, il est incohérent de soutenir que le permis de détention est une charge pour les détenteurs d'animaux à des fins agricoles et d'affirmer en même temps que le permis de détention n'implique pas de contenu matériel.
A.17.3. Le Gouvernement flamand conclut que le moyen n'est pas fondé.
A.18. La partie requérante répond que le moyen ne manque pas en fait, dès lors qu'il dénonce l'application uniforme du régime du permis prévu par le Code wallon du Bien-être des animaux à des personnes se situant dans des situations différentes, à savoir celles qui sont des éleveurs professionnels déjà soumis au régime du décret du 11 mars 1999 et les personnes détenant des animaux domestiques. Le fait que l'article D.6, § 3, dudit Code prévoit que le permis d'environnement vaut permis de détention n'a pas pour effet que les catégories de personnes subissent un traitement différent, puisqu'elles doivent toutes les deux être titulaires d'un permis de détention.
A.19. Dans son mémoire en réponse, le Gouvernement wallon répète que l'article D.6 du Code n'impose pas aux personnes qui détiennent des animaux à des fins de production agricole un régime qui les soumettrait à de nouvelles obligations.
A.20. Dans son mémoire en réplique, le Gouvernement flamand estime que la partie requérante semble reconnaître que le permis d'environnement vaut permis de détention d'un animal, mais qu'elle n'adapte pas son argumentation en conséquence. Or, il est clair que les personnes qui détiennent des animaux à des fins agricoles ne se voient pas imposer de charge supplémentaire.
A.21.1. Après avoir expliqué le système du permis de détention d'animaux consacré par l'article D.6 du Code, les parties intervenantes ne voient pas quel droit constitutionnel serait concrètement violé, étant donné que le régime contesté n'entraîne aucune prestation complémentaire de la part des personnes qui sont déjà soumises au permis d'environnement ou à la déclaration environnementale en vue de détenir des animaux à des fins agricoles. Enfin, il n'existe pas de discrimination entre les détenteurs d'animaux domestiques et les détenteurs d'animaux agricoles puisque les situations dans lesquelles ils se trouvent sont très différentes. En effet, il n'existe pas, pour la plupart des détenteurs d'animaux de compagnie, d'obligation de disposer d'une déclaration environnementale ou d'un permis d'environnement.
A.21.2. Les parties intervenantes concluent que le moyen n'est pas fondé.
En ce qui concerne le troisième moyen
A.22. La partie requérante prend un troisième moyen de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 26, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 « sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort » et avec les articles 20, 21 et 22 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en ce que le décret, attaqué, du 4 octobre 2018 n'a pas fait l'objet d'une notification préalable à la Commission européenne. Or, l'article 26, paragraphe 2, du règlement européen précité prévoit une obligation de notification, qui aurait dû intervenir dans les meilleurs délais. Il en résulte une violation des articles 10 et 11 de la Constitution, dès lors que les personnes visées par le décret sont privées des droits et garanties liés à l'obligation de notification à la Commission européenne.
A.23. Le Gouvernement wallon produit la notification du décret, attaqué, du 4 octobre 2018 à la Direction générale Santé et Sécurité alimentaire de la Commission européenne et conclut que le moyen manque en fait.
A.24. Le Gouvernement flamand observe que l'article 26, paragraphe 2, du règlement européen précité ne prévoit pas de sanction à l'absence de notification à la Commission européenne et conclut que le moyen n'est pas fondé.
A.25. Dans son mémoire en réponse, la partie requérante se désiste du moyen.
A.26. Le Gouvernement flamand prend acte du désistement et estime que le moyen est à tout le moins non- fondé.
En ce qui concerne le quatrième moyen
A.27.1. La partie requérante prend un quatrième moyen de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec le principe de la liberté de commerce et d'industrie, des articles II.3 et II.4 du Code de droit économique et des articles 16 et 20 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 « relative aux services dans le marché intérieur » (ci-après : la directive 2006/123/CE), en ce que les articles D.48, D.49, D.51, D.57 et D.90 du Code wallon du Bien-être des animaux restreignent de manière discriminatoire la liberté d'entreprendre des éleveurs d'animaux agréés.
A.27.2. Concrètement, d'une part, les articles D.48, D.49 et D.51 contiennent des mesures qui encadrent la publicité destinée à la commercialisation des animaux en vue d'éviter des achats impulsifs. Or, les éleveurs agréés et les commerçants du milieu agricole ne sont pas concernés par la problématique d'achats impulsifs d'animaux, contrairement aux personnes souhaitant acquérir un animal de compagnie. En outre, l'obligation de passer par un site internet risque de multiplier les recours aux intermédiaires et, dès lors, les situations dans lesquelles les animaux doivent être transportés, ce qui n'est pas favorable à leur bien-être. Il en résulte aussi une situation de concurrence déloyale.
A.27.3. D'autre part, les articles D.57 et D.90 sont relatifs à la mise à mort d'animaux. L'interdiction totale de mise à mort sans étourdissement préalable est disproportionnée au regard de l'absence de généralisation de ce processus, notamment en Région de Bruxelles-Capitale ou dans d'autres pays de l'Union européenne. L'exportation de viande issue des régions où l'abattage doit nécessairement être précédé d'un étourdissement est rendue plus difficile.
A.27.4. Il en résulte une discrimination pour les commerçants qui sont soumis à ces exigences en matière de publicité et de mise à mort d'animaux et ceux qui ne le sont pas, tels les habitants de la Région de Bruxelles- Capitale.
A.28.1. Le Gouvernement wallon observe que des modifications ont été apportées aux dispositions attaquées pour tenir compte des remarques de la section de législation du Conseil d'État. Toutefois, l'amendement prévoyant un régime de publicité différencié pour les animaux de rente et principalement les bovins n'a pas été adopté, précisément parce que ce qui était proposé dans l'amendement était déjà couvert par
l'article D.49, § 2, alinéa 2, du Code. En outre, les articles 16 et 20 de la directive 2006/123/CE ne fixent aucune règle qui serait violée par les dispositions attaquées. La partie requérante ne démontre pas non plus en quoi l'obligation de recourir à un site internet spécialisé risquerait de multiplier le recours aux intermédiaires et d'augmenter les hypothèses dans lesquelles les animaux doivent être transportés. Enfin, en ce qui concerne l'interdiction de mise à mort sans étourdissement préalable, aucune restriction à la liberté d'entreprendre n'est imposée par les articles D.57 et D.90.
A.28.2. Le Gouvernement wallon conclut que le moyen manque en fait.
A.29.1. Le Gouvernement flamand indique, tout d'abord, que le moyen est irrecevable pour absence de griefs, en ce qu'il est dirigé contre les articles D.49, D.51 et D.90 du Code.
A.29.2. Le Gouvernement flamand rappelle ensuite que la liberté de commerce et d'industrie n'est pas absolue. En l'espèce, il n'y a pas de restriction de cette liberté et a fortiori pas d'atteinte manifestement déraisonnable au regard du but poursuivi.
A.29.3. En ce qui concerne les règles de publicité édictées par les articles D.49 et D.50 du Code, une publicité est autorisée dans des revues spécialisées et au sein d'un groupe restreint de médias sociaux pour les animaux pouvant être détenus. L'article D.49 du Code autorise expressément la publicité en vue de donner ou de vendre des animaux destinés à des fins de production agricole. Le Gouvernement flamand ne voit donc pas en quoi de telles dispositions contiennent une restriction de la liberté de commerce et d'industrie. L'argument de la partie requérante selon lequel l'obligation de recourir à un site internet accroît nécessairement le transport d'animaux ne permet pas de soutenir le contraire. Cet argument ne correspond d'ailleurs pas au contenu des dispositions attaquées.
A.29.4. En ce qui concerne l'abattage sans étourdissement préalable, le Gouvernement flamand se réfère à diverses études scientifiques qui démontrent que ce type d'abattage entraîne une atteinte importante au bien-être des animaux. L'abattage rituel implique pour chaque animal un long et douloureux combat contre la mort. En outre, il n'y a pas de raison de croire que l'exportation de viande et de produits de viande en provenance de la Région wallonne soit affectée par les dispositions attaquées.
A.29.5. Le Gouvernement flamand conclut que le moyen n'est pas fondé.
A.30.1. La partie requérante répond que les Gouvernements wallon et flamand n'ont pas répondu à ses arguments visant à critiquer l'absence de nuances dans le régime de publicité organisé par les dispositions attaquées pour les animaux du monde rural. Or, les réalités du monde rural sont spécifiques en ce que les éleveurs d'animaux ne se livrent pas à des achats impulsifs d'animaux, contrairement aux détenteurs d'animaux domestiques. Par ailleurs, les animaux d'élevage ou de bétail ne risquent pas d'être abandonnés.
A.30.2. La partie requérante indique que le site internet spécialisé, visé à l'article D.49, § 1er, alinéa 3, est un site existant, qui souffre toutefois d'un manque de notoriété. Les éleveurs et agriculteurs ont tendance à se tourner vers les « petites annonces » de la presse papier ou vers les marchands. Un tel retour en arrière occasionne des déplacements supplémentaires d'animaux, les intermédiaires étant multipliés, ce qui réduit le bien-être animal. L'atteinte à la liberté de commerce et d'industrie est disproportionnée parce qu'elle rend plus difficiles les transactions commerciales relatives au bétail sans atteindre l'objectif d'une meilleure protection du bien-être animal. Il y a une distorsion du marché en ce que ce système ne s'applique pas en Région flamande.
A.30.3. La partie requérante se désiste du moyen en ce qu'il est dirigé contre l'article D.90 du Code, applicable aux animaux sur lesquels des expériences sont réalisées. Pour le reste, l'obligation d'étourdissement préalable empêche la réalisation d'un abattage conformément à certains rites religieux, tel que le rite « halal », de sorte que les éleveurs se voient privés d'une partie du marché national, mais aussi de la possibilité d'exporter vers des pays qui requièrent ce type d'abattage.
A.31.1. Le Gouvernement wallon réplique que les sites internet destinés au secteur agricole pour la commercialisation d'animaux de rente ne sont pas soumis à une autorisation préalable. Le site « easy-agri » est un site spécialisé conçu pour la commercialisation d'animaux destinés à des fins agricoles et automatiquement autorisé. Il ne s'agit toutefois pas du seul site de ce type. Le moyen manque en fait à cet égard.
A.31.2. Le Gouvernement wallon réplique ensuite qu'en ce qui concerne l'abattage sans étourdissement préalable, la liberté de commerce et d'industrie n'est pas absolue. En l'espèce, l'objectif poursuivi par le Parlement wallon était de promouvoir le bien-être animal, notamment en réduisant la souffrance animale, ce qui est garanti par l'étourdissement préalable. Cette idée se trouve exprimée dans l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne C-497/17 du 26 février 2019.
A.32. Le Gouvernement flamand réplique que l'argument de la partie requérante selon lequel l'interdiction d'abattage sans étourdissement préalable prive les agriculteurs wallons d'une part du marché belge de la viande n'est pas fondé. Il est toujours possible de procéder à des abattages rituels d'animaux. Le Gouvernement flamand ne voit pas non plus de quelle part de marché la partie requérante serait privée. Il existe, par exemple, une série de pays dont la majorité de la population est islamique et où l'étourdissement est bel et bien appliqué dans les faits. La Nouvelle-Zélande est ainsi présente sur le marché de la viande halal en dépit de l'interdiction d'abattage sans étourdissement préalable.
A.33.1. Les parties intervenantes estiment, tout d'abord, que le moyen est irrecevable puisque le but statutaire de la partie requérante ne porte pas sur la liberté d'entreprendre. Ensuite, le bien-être animal est aujourd'hui reconnu par la jurisprudence comme un objectif légitime de l'action du législateur. Aucune des dispositions attaquées n'entraîne d'effets disproportionnés sur la liberté de commerce et d'industrie. La Cour ne peut opérer qu'un contrôle marginal. Concernant l'argument relatif à la faible notoriété du site internet « easy- agri », les parties intervenantes constatent qu'il n'existe pas de liste limitative de ce qui est visé en tant que « site internet spécialisé » et que des initiatives peuvent être prises pour rendre ce site plus attractif.
A.33.2. Elles concluent que le moyen n'est pas fondé.
En ce qui concerne le cinquième moyen
A.34.1. La partie requérante prend un cinquième moyen de la violation de l'article 19 de la Constitution, éventuellement lue en combinaison avec l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que l'habilitation donnée au Gouvernement par l'article D.49 pour mettre en place un régime d'enregistrement ou d'autorisation préalable, sans davantage de précision, est de nature à restreindre la liberté de manifester ses opinions. Tel est le cas, comme la section de législation du Conseil d'État l'a observé, si la disposition attaquée permet de soumettre le contenu d'une annonce à une vérification préalable.
A.34.2. La restriction apportée au droit fondamental de la liberté d'expression ne résiste pas aux tests de nécessité, de proportionnalité et d'habilitation légale. Premièrement, la disposition attaquée ne permet pas de vérifier s'il est nécessaire d'instaurer un enregistrement préalable pour les éleveurs agréés qui sont déjà soumis à un contrôle en vue d'obtenir l'agrément d'éleveur. Deuxièmement, il est impossible de vérifier si la mesure est proportionnée puisque l'habilitation donnée au Gouvernement quant aux modalités du contrôle qui peut être exercé sur les éleveurs et à leur enregistrement préalable est imprécise. En l'absence de précision, le Gouvernement jouit d'une importante latitude quant aux modalités à déterminer. Rien ne garantit qu'en pratique, aucune atteinte n'est portée à la liberté d'expression. Troisièmement, seul le principe d'un enregistrement préalable étant prévu par le texte de la disposition attaquée, l'exigence de disposer d'une habilitation légale n'est pas respectée.
A.35. Le Gouvernement wallon confirme que la volonté du législateur n'est pas d'habiliter le Gouvernement à restreindre la liberté d'expression. L'article D.49, § 1er, alinéa 5, du Code a été réécrit en conséquence afin de supprimer la référence à la notion d'autorisation. Le Gouvernement wallon conclut que le moyen manque en fait.
A.36.1. Selon le Gouvernement flamand, le cinquième moyen est irrecevable, à défaut de préciser les dispositions qui sont visées par le moyen. À tout le moins, l'examen du moyen doit être limité à l'article D.49, § 1er, alinéa 5.
A.36.2. Le Gouvernement flamand fait ensuite valoir que le moyen repose sur une lecture erronée de la disposition attaquée, puisqu'il n'est pas question d'une appréciation portée au préalable sur le contenu d'une publicité. Ensuite, en ce que le moyen vise l'article D.49, § 1er, alinéa 5, qui concerne les groupes fermés, la partie requérante n'a pas d'intérêt au moyen. La partie requérante ne démontre pas en quoi cette disposition concernerait le groupe de personnes qu'elle défend et elle n'est pas, en conséquence, touchée par la disposition attaquée.
A.36.3. À titre subsidiaire, le Gouvernement flamand soutient qu'en l'espèce, il n'y a pas de restriction de la liberté d'expression puisqu'il n'y a pas de contrôle préalable du contenu des communications. En ce qu'il prévoit que le Gouvernement détermine les modalités et l'usage des groupes fermés, l'article D.49, § 1er, alinéa 5, du Code n'emporte pas de restriction de la liberté d'expression.
Si la Cour estime qu'il y a néanmoins une restriction de la liberté d'expression, il convient d'observer qu'elle est contenue dans la loi et qu'elle est nécessaire à la protection du bien-être animal. La volonté d'éviter des achats impulsifs d'animaux est légitime. La mesure contestée est proportionnée parce qu'il n'y a pas d'interdiction de faire de la publicité pour les animaux détenus à des fins agricoles. Même la loi du 14 août 1986 prévoyait déjà, depuis 1995, une restriction de la publicité.
A.36.4. Le Gouvernement flamand conclut que le moyen n'est pas fondé.
A.37.1. Dans son mémoire en réponse, la partie requérante précise que la norme qu'elle critique est l'article D.49, § 1er, alinéa 5, du Code wallon du Bien-être des animaux.
A.37.2. Elle répond ensuite que l'article D.49, § 1er, alinéa 4, du même Code et la possibilité de placer de la publicité dans une revue ou sur un site internet destinés au secteur agricole sont insuffisants. En outre, contrairement à ce que soutient le Gouvernement flamand, toute atteinte à la liberté d'expression ne peut être justifiée par la volonté de protéger le bien-être animal. Ensuite, le texte légal manque de nuance en ce que de multiples dispositions s'appliquent sans exception aux animaux du monde agricole, alors qu'elles ont été conçues pour des animaux de compagnie, comme les dispositions visant à lutter contre la problématique de l'abandon d'animaux. Enfin, l'argumentation du Gouvernement flamand manque en fait, en ce qu'elle évoque des pratiques répréhensibles, telles que l'utilisation de profils de particuliers ou l'achat ou la vente d'animaux au noir par des agriculteurs.
A.38. Le Gouvernement wallon réplique que l'article D.49, § 1er, alinéa 5, du Code n'a pas la portée que lui donne la partie requérante, en ce sens que cette disposition n'autorise pas le Gouvernement wallon à porter une appréciation préalable sur le contenu des annonces.
A.39. Dans son mémoire en réplique, le Gouvernement flamand constate que la partie requérante reconnaît que seul l'article D.49, § 1er, alinéa 5, du Code, est visé par le moyen et qu'elle omet de répondre à l'argument selon lequel elle n'a pas intérêt au moyen. La seule réponse de la partie requérante selon laquelle des achats impulsifs ne concerneraient pas des animaux détenus à des fins de production agricole n'est pas pertinente.
A.40.1. Les parties intervenantes soutiennent que la Cour ne peut exercer qu'un contrôle marginal à l'égard d'une disposition qui vise à promouvoir le bien-être animal en luttant contre la pratique très contestable d'achats impulsifs d'animaux.
A.40.2. Elles concluent au non-fondement du moyen.
En ce qui concerne le mémoire en intervention
A.41. Les parties intervenantes exposent de manière générale que le bien-être animal est une des valeurs de l'Union européenne. Le bien-être animal constitue aussi une raison légitime permettant d'apporter une restriction à une disposition constitutionnelle. Le législateur décrétal a agi de manière raisonnable et proportionnelle. Toutes les mesures attaquées cadrent avec la marge de manœuvre du législateur décrétal qui doit uniquement
respecter le principe de proportionnalité. En l'espèce, il n'apparaît pas en quoi ce principe aurait été violé par une restriction d'un droit fondamental. Les dispositions attaquées ne rendent d'ailleurs pas non plus impossible l'exercice de leur profession par les détenteurs d'animaux à des fins agricoles et les commerçants. Les dispositions attaquées ne peuvent donc pas être annulées.
B Point de vue de la cour
Quant à l'étendue du recours
B.1.1. La partie requérante demande l'annulation des articles D.6, D.8, D.19, D.34, D.48, D.49, D.50, D.51, D.57, D.59 et D.90 du Code wallon du Bien-être des animaux, introduit par l'article 1er du décret de la Région wallonne du 4 octobre 2018 « relatif au Code wallon du Bien-être des animaux ».
Ces dispositions ont trait à la détention, à l'hébergement, à la reproduction d'animaux, aux marchés d'animaux, à la publicité visant la commercialisation et le don d'animaux et à leur mise à mort.
B.1.2. Dans son mémoire en réponse, la partie requérante se désiste de son recours en ce qu'il vise l'article D.90 du Code wallon du Bien-être des animaux.
Rien n'empêche la Cour de décréter ce désistement.
B.1.3. Pour satisfaire aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.
La partie requérante critique les articles D.8, D.19, D.34 et D.59 (premier moyen), l'article D.6 (deuxième moyen), les articles D.48, D.49 et D.51 (quatrième et cinquième moyens) et l'article D.57 (quatrième moyen) du Code wallon du Bien-être des animaux. Aucun grief n'est spécifiquement dirigé contre l'article D.50 du même Code.
B.1.4. En conséquence, la Cour limite son examen aux articles D.6, D.8, D.19, D.34, D.48, D.49, D.51, D.57 et D.59 du Code wallon du Bien-être des animaux.
B.1.5. Les articles D.57 et D.59 font également l'objet de demandes de suspension et de recours en annulation dans les affaires nos 7154 et 7155. Par son arrêt n° 115/2019 du 18 juillet 2019, la Cour a rejeté les demandes de suspension. La Cour a également suspendu l'examen des recours en annulation jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne ait rendu un arrêt dans l'affaire C-336/19 en réponse aux questions que la Cour a posées par son arrêt n° 53/2019 du 4 avril 2019.
Les griefs des parties requérantes ne présentent aucun lien avec les questions soumises à la Cour de justice, de sorte qu'il n'y a pas lieu de surseoir à l'examen du présent recours.
Quant à la recevabilité
B.2. Les Gouvernements wallon et flamand contestent l'intérêt au recours de la partie requérante. Ils soutiennent que les dispositions attaquées n'affectent pas son but statutaire et que la partie requérante n'est pas directement et personnellement concernée par celles-ci.
B.3. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.
Lorsqu'une association sans but lucratif qui n'invoque pas son intérêt personnel agit devant la Cour, il est requis que son but statutaire soit d'une nature particulière et, dès lors, distinct de l'intérêt général; qu'elle défende un intérêt collectif; que la norme attaquée soit susceptible d'affecter son but; qu'il n'apparaisse pas, enfin, que ce but n'est pas ou n'est plus réellement poursuivi.
B.4.1. Le recours en annulation est introduit par l'ASBL « Fédération Wallonne de l'Agriculture Etudes – Information ». Son but statutaire consiste, d'une part, à assurer le support logistique nécessaire à la réalisation et au développement de l'organisation professionnelle et association de fait « Fédération Wallonne de l'Agriculture » et, d'autre part, à assurer toute mission pouvant contribuer au développement de l'agriculture en général.
B.4.2. En ce qu'elles s'appliquent aux animaux détenus par des agriculteurs et aux marchés d'animaux agricoles, et qu'elles réglementent la manière dont ces animaux sont détenus, hébergés, reproduits, commercialisés, donnés et mis à mort, les dispositions attaquées sont susceptibles d'affecter directement le but statutaire de la partie requérante.
Les autres conditions relatives à la reconnaissance de l'intérêt au recours étant également remplies, la partie requérante justifie de l'intérêt requis.
Quant à la répartition des compétences entre l'autorité fédérale et les régions
B.5. La partie requérante prend un premier moyen de la violation, par les articles D.8, D.19, D.34 et D.59 du Code wallon du Bien-être des animaux, de l'article 6, § 1er, V, alinéa 2, 2°, et XI, et des articles 10, 17, 20 et 78 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. Dans la première branche du moyen, elle fait valoir que les dispositions attaquées règlent la matière de la santé des animaux, pour laquelle l'autorité fédérale est compétente.
B.6.1. Avant la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l'État, les compétences en matière de santé des animaux et de bien-être des animaux, en tant qu'exceptions à la politique agricole pour laquelle les régions sont compétentes, étaient attribuées expressément à l'autorité fédérale. En effet, depuis son remplacement par la loi spéciale du 13 juillet 2001 portant transfert de diverses compétences aux régions et communautés, l'article 6, § 1er, V, de la loi spéciale du 8 août 1980 disposait :
« § 1. Les matières visées à l'article 107quater de la Constitution sont :
[…]
V. La politique agricole et la pêche maritime, sans préjudice de la compétence fédérale afférente :
[…]
2° aux normes et à leur contrôle relatifs à la santé et au bien-être des animaux, ainsi qu'à la qualité des produits d'origine animale en vue d'assurer la sécurité de la chaîne alimentaire;
[…]
L'accord des gouvernements régionaux concernés est requis pour les mesures de l'autorité fédérale en matière de bien-être des animaux lorsque ces mesures ont une incidence sur la politique agricole ».
B.6.2. La compétence en matière de bien-être des animaux a été transférée aux régions par l'article 24 de la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l'État. Depuis cette modification, l'article 6, § 1er, XI, de la loi spéciale du 8 août 1980 attribue aux autorités régionales la compétence en matière de bien-être des animaux. La compétence relative à la santé des animaux est toutefois restée fédérale.
Tel qu'il a été remplacé par l'article 16 de la loi spéciale du 6 janvier 2014, l'article 6, § 1er, V, de la loi spéciale du 8 août 1980 dispose :
« Les matières visées à l'article 39 de la Constitution sont :
[…]
V. En ce qui concerne l'agriculture :
1° la politique agricole et la pêche maritime;
2° l'intervention financière à la suite de dommages causés par des calamités agricoles;
3° les règles spécifiques concernant le bail à ferme et le bail à cheptel.
L'autorité fédérale est toutefois compétente pour :
[…]
2° les normes et leur contrôle relatifs à la santé des animaux, ainsi qu'à la qualité des produits d'origine animale en vue d'assurer la sécurité de la chaîne alimentaire;
[…] ».
B.6.3. Il ressort des travaux préparatoires de la loi spéciale du 6 janvier 2014 :
« La présente proposition de loi spéciale transfère aux régions la compétence afférente à l'établissement des normes relatives au bien-être des animaux et au contrôle de celles-ci (nouveau XI dans l'article 6, § 1er, de la loi du 8 août 1980 de réformes institutionnelles). La notion de ‘ bien-être des animaux ' est très large et concerne les matières réglées par ou en vertu de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux.
L'autorité fédérale restera compétente pour les normes et leur contrôle relatifs à la santé des animaux, ainsi qu'à la qualité des produits d'origine animale en vue d'assurer la sécurité de la chaîne alimentaire. Ces normes sont contenues dans la loi du 24 mars 1987 relative à la santé des animaux.
L'Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (AFSCA) continuera dès lors à relever de la compétence fédérale. La politique d'exécution et de contrôle en matière de bien- être des animaux en ce qui concerne les animaux producteurs de denrées alimentaires se trouve actuellement au sein de l'AFSCA, et relèvera dorénavant de la compétence des régions.
Le Conseil du bien-être des animaux, institué auprès du service public fédéral Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement, devra être abrogé suite au transfert de cette compétence. Les régions seront toutefois libres de coordonner leur politique.
Les compétences fédérales existantes en matière de CITES (Convention on International Trade in Endangered Species of Wild Fauna and Flora) ne sont pas modifiées.
Vu l'article 20 du règlement n° 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort, un point de contact unique sera désigné pour l'assistance scientifique » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2232/1, p. 153; Doc. parl., Sénat, 2013-2014, n° 5-2232/5, p. 57).
B.7. Le Constituant et le législateur spécial, dans la mesure où ils n'en disposent pas autrement, ont attribué aux communautés et aux régions toute la compétence d'édicter les règles propres aux matières qui leur ont été transférées.
B.8. La section de législation du Conseil d'État considère, depuis un avis rendu en chambres réunies le 26 mars 2002 (avis n° 32.235/VR/3), que la matière réservée à l'autorité
fédérale en matière de santé des animaux concerne l'ensemble de la politique de protection de la santé animale et ne se limite pas aux aspects de cette politique qui se rapportent à la sauvegarde de la sécurité de la chaîne alimentaire.
Dans son avis sur l'avant-projet de décret devenu le décret attaqué, la section de législation du Conseil d'État a observé :
« La matière réservée à l'autorité fédérale en ce qui concerne la santé des animaux porte sur l'ensemble de la politique concernant la santé des animaux et n'est pas limitée aux aspects de cette politique qui se rapportent à la sauvegarde de la sécurité de la chaîne alimentaire. Dans l'avis n° 32.235/VR donné le 26 mars 2002 sur le projet devenu l'arrêté royal du 20 décembre 2002 ‘ modifiant l'arrêté royal du 15 février 1995 portant des mesures spéciales en vue de la surveillance épidémiologique et de la prévention des maladies de porcs à déclaration obligatoire ', http://www.raadvst-consetat.be/dbx/avis/32235.pdf, la section de législation a considéré que la matière ainsi réservée à l'autorité fédérale concerne l'ensemble de la politique de protection de la santé animale, de sorte que la compétence en la matière ne se limite pas aux aspects de la politique de protection de la santé animale qui se rapportent à la sauvegarde de la sécurité de la chaîne alimentaire. La loi spéciale du 6 janvier 2014 n'ayant pas apporté de changement de fond à l'ordonnancement des compétences en matière de protection de la santé animale, la solution retenue par l'avis n° 32.235/VR est toujours d'actualité (voir en ce sens plusieurs avis de la section de législation : l'avis n° 56.812/VR donné le 24 décembre 2014 sur le projet devenu l'arrêté royal du 13 février 2015 ‘ modifiant l'arrêté royal du 5 mai 2004 relatif au modèle et aux modalités de distribution du passeport pour les mouvements intracommunautaires des chats et des furets ', http://www.raadvst- consetat.be/dbx/avis/56812.pdf; l'avis n° 56.817/VR donné le 24 décembre 2014 sur le projet devenu l'arrêté royal du 3 septembre 2015 ‘ relatif aux modalités d'identification des animaux de compagnie et à la délivrance du passeport pour les mouvements intracommunautaires et la vaccination contre la rage des chiens, chats et furets ', http://www.raadvst- consetat.be/dbx/avis/56817.pdf; et l'avis n° 56.868/VR donné le 18 décembre 2014 sur le projet devenu l'arrêté du Gouvernement wallon du 8 janvier 2015 ‘ modifiant l'arrêté royal du 25 avril 2014 relatif à l'identification et l'enregistrement des chiens et l'arrêté ministériel du 25 avril 2014 relatif à l'identification et l'enregistrement des chiens ', http://www.raadvst- consetat.be/dbx/avis/56868.pdf) » (Doc. parl., Parlement wallon, 2017-2018, n° 1150/1, pp. 66-67).
B.9. La matière du bien-être des animaux et celle de la santé des animaux sont étroitement liées.
Lorsqu'une mesure concerne la prévention des maladies animales ou la lutte contre celles- ci, elle relève de la compétence exclusive de l'autorité fédérale, même si elle contribue par
ailleurs à garantir leur bien-être. En revanche, si une mesure porte sur le bien-être de l'animal et est dépourvue de toute considération liée aux maladies animales, elle relève de la compétence exclusive des régions.
B.10.1. L'article D.8, attaqué, du Code wallon du Bien-être des animaux dispose :
« § 1er. Toute personne procure à l'animal qu'elle détient une alimentation, des soins et un logement ou un abri qui conviennent à sa nature, à ses besoins physiologiques et éthologiques, à son état de santé et à son degré de développement, d'adaptation ou de domestication.
L'espace, l'éclairage, la température, l'hygrométrie, la ventilation et les autres conditions ambiantes sont conformes aux besoins physiologiques et éthologiques de l'espèce.
§ 2. Le Gouvernement peut adopter des règles complémentaires relatives aux conditions de détention et d'hébergement pour les différentes espèces et catégories d'animaux.
§ 3. Le présent article est sans préjudice des normes fixées pour les élevages d'animaux détenus à des fins de production agricole ».
B.10.2. Le commentaire relatif à cet article indique :
« Il est imposé au détenteur d'animaux de traiter convenablement les animaux qu'il détient. Les besoins physiologiques et éthologiques des animaux domestiques ou sauvages détenus en captivité, dépendent notamment de leur espèce, de leur statut physiologique et du milieu dans lequel ils sont nés ou habitués de vivre.
Le Gouvernement peut adopter des règles plus précises de détention et d'hébergement des animaux.
Dans le cadre de cette disposition, le détenteur doit notamment procurer des soins et un logement qui convient à l'état de santé de l'animal. Conformément à l'avis du Conseil d'État n° 63.442/4 du 21 juin 2018, il convient de rappeler que ces exigences liées au bien-être animal n'érigent aucune condition spécifique ou réglementation en matière de santé animale. Elles se contentent de renvoyer à la pratique vétérinaire ou aux règles arrêtées par l'État fédéral compétent dans ce domaine. L'intention du législateur n'est pas ici de fixer des normes et contrôles en matière de santé des animaux en tant que telle, ni de s'assurer la sécurité de la chaîne alimentaire. Dans ce sens, ces renvois ou évocations ne font aucunement usage d'une quelconque compétence dans ce domaine pour la Région wallonne. De ce fait, cela respecte strictement la répartition de compétences entre l'État fédéral et les Régions. Dans ce cas, la règle doit être comprise uniquement du point de vue du bien-être des animaux, et non pas pour assurer la santé de ceux-ci.
Le dernier paragraphe précise que cet article est sans préjudice des normes fixées pour les élevages d'animaux détenus à des fins de production agricole. Cela signifie que des normes prévues par ailleurs dans le cadre d'autres législations applicables peuvent venir déroger aux principes prescrits dans cette disposition, en ce qu'elles viseraient à encadrer certains types d'élevage. Le respect des normes d'hébergement, de soins, etc. fixées par ailleurs pour les animaux détenus à des fins de production agricole entraîne donc par lui-même le respect de l'article D.8 du Code wallon du Bien-être animal. Si de telles normes ne sont pas fixées, l'article D.8 reste pleinement d'application pour cette catégorie d'animaux, à titre de conditions minimales » (Doc. parl., Parlement wallon, 2017-2018, n° 1150/1, p. 14).
B.11. En imposant au détenteur d'un animal de procurer une alimentation, des soins et un logement ou un abri à l'animal qui conviennent notamment à son état de santé, l'article D.8, § 1er, du Code wallon du Bien-être des animaux règle les modalités de détention des animaux. La disposition attaquée ne règle donc pas la matière de la santé des animaux mais garantit leur bien-être. La mesure critiquée relève, à ce titre, de la compétence exclusive des régions.
B.12.1. L'article D.19, attaqué, dispose :
« § 1er. Afin d'assurer leur bien-être, le Gouvernement peut prendre des mesures pour limiter la reproduction de certains animaux. Ces mesures peuvent porter sur un groupe spécifique ou sur un animal déterminé.
Le Gouvernement peut soutenir financièrement toute initiative à cet égard selon les modalités qu'il détermine.
§ 2. Le paragraphe 1er est sans préjudice des réglementations applicables aux animaux détenus à des fins de production agricole ».
B.12.2. Il ressort du commentaire de cet article que le législateur décrétal cherche à remédier à la surpopulation de certaines espèces d'animaux, ce qui peut avoir un effet négatif sur leur bien-être « en ce sens que, de par leur concentration sur un même territoire, des conflits peuvent exister, engendrer des blessures et la transmission de maladies ou infections contaminant les différents individus » (Doc. parl., Parlement wallon, 2017-2018, n° 1150/1, p. 17). Il ressort également du même commentaire que, pour certains animaux de compagnie, le législateur a voulu encourager la stérilisation, en vue de limiter la surpopulation dans des refuges menant à l'euthanasie par manque de place (ibid.).
B.13. Pour être compatible avec les règles répartitrices de compétences, la disposition attaquée doit s'interpréter comme conférant au Gouvernement wallon uniquement le pouvoir de prendre des mesures visant à limiter la reproduction des animaux sans régler la matière de la santé des animaux. Ainsi, pour être compatible avec les normes de référence visées dans le moyen, l'article D.19, précité, ne peut permettre au Gouvernement wallon de décider de limiter la reproduction de certaines espèces d'animaux pour éviter ou pour endiguer la propagation de maladies ou d'infections auprès des animaux, comme le laisse penser le commentaire des articles.
Dans cette interprétation, l'article D.19, attaqué, du Code wallon du Bien-être des animaux est compatible avec les règles répartitrices de compétences.
B.14.1. L'article D.34, attaqué, dispose :
« Le Gouvernement peut fixer les conditions d'agrément des marchés d'animaux ».
B.14.2. Les travaux préparatoires mentionnent :
« Actuellement, les marchés d'animaux de rente doivent être agréés par l'AFSCA. Un agrément est délivré pour les rassemblements d'animaux agricoles (chevaux, bovins, porcs, ovins, caprins, cervidés) organisés à des fins commerciales ou pour des rassemblements non organisés à des fins commerciales qui durent plus de 12 heures. Selon le cas, un agrément est délivré pour une durée indéterminée ou pour la durée de la manifestation. Le bourgmestre est compétent pour la délivrance d'une autorisation pour un rassemblement de toutes les espèces animales autres que celles précitées (volailles, oiseaux, lapins, …).
La réglementation actuelle poursuit un but sanitaire.
La loi du 14 août 1986 disposait que l'exploitation d'un marché d'animaux est soumise à agrément. L'objectif de la disposition du Code est ainsi de laisser la possibilité au Gouvernement de mettre en place un agrément des marchés d'animaux pour des raisons strictement liées au bien-être animal. Dans l'utilisation de cette habilitation, le Gouvernement devra veiller à assurer une cohérence avec les dispositions adoptées pour des motifs sanitaires.
Cette disposition n'a pas pour effet d'interdire ou de limiter la possibilité d'exercer une activité économique. La disposition vise simplement à ce que certaines conditions en matière de bien-être animal soient assurées et respectées dans le cadre de certains marchés d'animaux » (Doc. parl., Parlement wallon, 2017-2018, n° 1150/1, pp. 21-22).
B.15. Il ressort des travaux préparatoires précités que l'article D.34, précité, est compatible avec les règles répartitrices de compétences dès lors qu'il confère au Gouvernement wallon le pouvoir d'instituer les conditions d'agrément des marchés d'animaux qui portent exclusivement sur le respect du bien-être animal sans régler la prévention des maladies animales et la lutte contre celles-ci .
B.16. L'article D.59, attaqué, dispose :
« Le Gouvernement fixe les conditions et les modalités se rapportant :
1° à la compétence du personnel travaillant dans les abattoirs et des personnes participant à la mise à mort des animaux en ce compris la mise en place de formations et d'examens ainsi que la délivrance, le retrait et la suspension de certificats délivrés dans ce cadre;
2° à la qualification des personnes habilitées à pratiquer la mise à mort d'un animal;
3° au contrôle et à l'autocontrôle des conditions d'abattage depuis l'arrivée des animaux à l'abattoir jusqu'à la mise à mort;
4° à la construction, l'aménagement et l'équipement des abattoirs;
5° à l'utilisation de produits ou matériel destinés à la mise à mort d'animaux ».
B.17. En ce qu'il comporte une habilitation en faveur du Gouvernement wallon pour déterminer les règles relatives au processus d'abattage des animaux, lequel relève du bien-être des animaux, et non les règles relatives à la sécurité de la chaîne alimentaire au sein des abattoirs, l'article D.59 est compatible avec les règles répartitrices de compétences.
B.18. Le premier moyen, en sa première branche, n'est pas fondé, sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.13.
Quant à la répartition des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif
B.19. Dans la seconde branche du premier moyen, la partie requérante fait valoir que les articles D.8, D.19, D.34 et D.59 ne déterminent pas eux-mêmes les éléments essentiels de la réglementation, mais confient cette tâche au Gouvernement.
B.20. Une habilitation législative en faveur du pouvoir exécutif qui concerne une matière que la Constitution ne réserve pas au législateur n'est pas inconstitutionnelle. Dans un tel cas, en effet, le législateur fait usage de la liberté que lui laisse le Constituant de disposer dans une telle matière.
La Cour ne peut censurer une disposition qui règle la répartition de compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif que si cette disposition méconnaît les règles répartitrices de compétences entre l'État, les communautés et les régions ou que si le législateur prive une catégorie de personnes de l'intervention d'une assemblée démocratiquement élue, prévue explicitement par la Constitution.
B.21. Comme il est dit en B.11, B.15 et B.17, les articles D.8, D.34 et D.59 du Code wallon du Bien-être des animaux ne violent pas les règles répartitrices de compétences. L'article D.19 du même Code est compatible avec les règles répartitrices de compétences dans l'interprétation mentionnée en B.13.
Pour le reste, il n'appartient pas à la Cour de préjuger de la manière dont ces dispositions seront exécutées par le Gouvernement. Il appartiendra, le cas échéant, au juge compétent de contrôler si les mesures d'exécution s'inscrivent dans les limites de la compétence régionale en matière de bien-être des animaux.
B.22. Le premier moyen, en sa seconde branche, n'est pas fondé.
Quant au principe d'égalité et de non-discrimination
B.23. La partie requérante prend un deuxième moyen de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que l'article D.6 du Code wallon du Bien-être des animaux soumet à un permis de détention d'animaux tant les personnes qui détiennent des animaux à des fins de production agricole que les personnes qui détiennent des animaux domestiques, alors que les premières sont déjà soumises au régime du permis d'environnement et de la déclaration au sens du décret de la Région wallonne du 11 mars 1999 « relatif au permis d'environnement », contrairement aux secondes.
B.24.1. L'article D.6 dispose :
« § 1er. Un permis est nécessaire pour détenir un animal.
Toute personne détient de plein droit et de manière immatérielle le permis visé à l'alinéa 1er, pour autant que le permis n'ait pas été retiré, de manière permanente ou temporaire, en vertu d'une décision, judiciaire ou administrative, coulée en force de chose jugée, aux motifs d'une infraction au présent Code ou à ses arrêtés d'exécution. Lorsque la personne qui détient l'animal est une personne physique, elle doit avoir atteint la majorité.
§ 2. Sans préjudice du paragraphe 1er, toute personne qui détient un animal doit avoir la compétence et la capacité pour le détenir.
Sur avis du Conseil wallon du Bien-être des animaux, le Gouvernement peut arrêter des règles relatives aux compétences et capacités nécessaires des personnes qui détiennent un animal. Il peut, notamment, soumettre la détention d'un animal à un régime d'autorisation.
§ 3. Pour ce qui concerne les animaux détenus à des fins de production agricole au sein de l'établissement, le permis d'environnement délivré ou la déclaration effectuée conformément au décret du 11 mars 1999 relatif au permis d'environnement vaut permis de détention visé au paragraphe 1er ».
B.24.2. Il ressort des travaux préparatoires que, bien que la détention d'un animal soit désormais soumise à un permis, celui-ci « ne nécessite aucune démarche administrative afin de le solliciter ou de l'octroyer » et que « toute personne est supposée pouvoir détenir un animal jusqu'à ce qu'une décision judiciaire ou administrative vienne l'interdire ». L'objectif poursuivi
est de responsabiliser les citoyens quant au bien-être des animaux (Doc. parl., Parlement wallon, 2017-2018, n° 1150/1, p. 13).
Le commentaire des articles mentionne en outre :
« Pour ce qui concerne les animaux détenus à des fins de production agricole, l'établissement étant déjà soumis à permis d'environnement ou à déclaration, le paragraphe 3 précise que le permis délivré ou la déclaration effectuée conformément à la législation vaut permis de détention au sens de la présente disposition. En effet, pour ces établissements la détention ainsi que les conditions de compétence et de capacité sont déjà régies et surveillées par ailleurs, il convient d'en tenir compte » (ibid., p. 14).
B.24.3. L'article D.109 du Code wallon du Bien-être des animaux règle l'incidence, sur le permis de détention d'un animal, de l'arrivée à échéance du permis d'environnement ou de la déclaration. Il dispose :
« Lorsque le permis d'environnement ou la déclaration effectuée conformément au décret du 11 mars 1999 relatif au permis d'environnement est arrivé à échéance sans avoir fait l'objet d'un renouvellement, les règles relatives à la détention d'animaux détenus à des fins de production agricole visées à l'article D.6, § 3, restent d'application durant un an à compter de cette échéance ».
B.24.4. Le commentaire des articles indique :
« Cette disposition a pour vocation d'insérer un régime transitoire pour les agriculteurs au sens du Code wallon de l'agriculteur dont le permis d'environnement ou la déclaration effectuée conformément au décret du 11 mars 1999 relatif au permis d'environnement serait arrivé à échéance sans avoir fait l'objet d'un renouvellement. En effet, il convient de rappeler que l'article D.6, § 3, prévoit que le permis d'environnement ou la déclaration vaut, au sens du présent Code, permis de détention d'animaux. Dans ce cadre, par le fait de l'existence de ce permis d'environnement ou de cette déclaration, l'agriculteur peut détenir des animaux détenus à des fins de production agricole. Néanmoins, ce régime dérogatoire motivé par l'existence de ce permis d'environnement ou cette déclaration qui régit l'activité professionnelle de cet agriculteur, trouve à s'interrompre lorsque le permis d'environnement ou la déclaration arrive à échéance sans avoir fait l'objet d'un renouvellement. Afin d'accorder suffisamment de temps à l'agriculteur visé pour régulariser sa situation environnementale, la disposition prévoit ici un délai d'un an à compter de l'échéance du permis d'environnement ou de la déclaration, délai pendant lequel il continuera à disposer d'un permis de détention pour mener son activité. Ainsi, les règles relatives à la détention d'animaux détenus à des fins de production agricoles visées à l'article D.6, § 3, restent d'application durant cette période transitoire » (Doc. parl., Parlement wallon, 2017-2018, n° 1150/1, p. 35).
B.24.5. Sous le chapitre XI (« Contrôle, recherche, constatation, poursuite, répression et mesures de réparation des infractions en matière de bien-être animal »), l'article D.103 du Code wallon du Bien-être des animaux dispose :
« Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, les infractions aux dispositions du présent Code et à ses arrêtés d'exécution sont contrôlées, recherchées, constatées, poursuivies et sanctionnées conformément aux dispositions de la Partie VIII du Livre Ier du Code de l'Environnement ».
B.25.1. L'article 19 du décret du 4 octobre 2018 modifie l'article D.157, § 2, du Code de l'environnement, figurant dans la partie VIII (« Recherche, constatation, poursuite, répression et mesures de réparation des infractions en matière d'environnement ») du livre Ier de ce Code, afin de permettre au juge de prononcer le retrait du permis de détention d'animaux visé à l'article D.6 du Code wallon du Bien-être des animaux. Depuis cette modification, l'article D.157, § 2, du Code de l'environnement dispose :
« Le juge peut condamner le contrevenant :
[…]
6° à ne pas détenir définitivement, ou pendant une période de trois mois à dix ans, un ou plusieurs animaux d'une ou plusieurs espèces ou en limiter le nombre;
7° au retrait du permis de détention d'un animal visé à l'article D.6 du Code wallon du Bien-être des animaux;
[…]
En application de l'alinéa 1er, 7°, le retrait du permis de détention peut être prononcé pour un délai déterminé ou définitivement. Le délai déterminé ne peut être inférieur à trois mois.
L'interdiction de détention ou le retrait du permis de détention prononcé par le juge conformément à l'alinéa 1er entraîne pour le contrevenant qu'il n'est plus autorisé, dans les conditions fixées, à détenir, directement, indirectement ou par personne interposée, un ou plusieurs animaux.
[…] ».
B.25.2. En outre, l'article 21 du décret du 4 octobre 2018 insère un article D.163bis dans la même partie VIII (« Recherche, constatation, poursuite, répression et mesures de réparation des infractions en matière d'environnement ») du livre Ier du Code de l'environnement pour permettre au fonctionnaire sanctionnateur de prononcer le retrait du permis de détention d'un
animal visé à l'article D.6 du Code wallon du Bien-être des animaux. Cet article D.163bis dispose :
« Lorsqu'une infraction au Code wallon du Bien-être des animaux ou aux dispositions prises en vertu de celui-ci est constatée, le fonctionnaire sanctionnateur peut, à titre de sanction accessoire :
[…]
2° interdire de détenir, pendant une période d'un mois à cinq ans, un ou plusieurs animaux d'une ou plusieurs espèces ou en limiter le nombre;
3° procéder au retrait du permis de détention d'un animal visé à l'article D.6 du Code wallon du Bien-être animal.
En application de l'alinéa 1er, 3°, le retrait du permis de détention peut être prononcé pour un délai déterminé ou définitivement. Le délai déterminé ne peut être inférieur à un mois.
L'interdiction de détention ou le retrait du permis de détention prononcé par le fonctionnaire sanctionnateur conformément à l'alinéa 1er entraîne pour le contrevenant qu'il n'est plus autorisé, dans les conditions fixées, à détenir, directement, indirectement ou par personne interposée, un ou plusieurs animaux.
[…] ».
B.25.3. Enfin, en vertu de l'article D.149bis, § 1er, alinéa 2, du Code de l'environnement, inséré par l'article 17 du décret du 4 octobre 2018, les animaux détenus en dépit d'une interdiction prononcée ou d'un retrait de permis visé à l'article D.6 du Code wallon du Bien- être des animaux peuvent en tout temps faire l'objet d'une saisie.
B.26.1. Il ressort de ce qui précède que la détention d'un animal est soumise à un « permis » qui ne nécessite, en vue de son octroi, ni initiative de la part du détenteur de l'animal, ni décision de la part des autorités. En d'autres termes, le détenteur de l'animal est réputé autorisé à le détenir. Tel qu'il ressort des travaux préparatoires, « l'instauration de ce permis tacite ne change pas la situation actuelle. Tout personne est supposée pouvoir détenir un animal jusqu'à ce qu'une décision judiciaire ou administrative vienne l'interdire » (Doc. parl., Parlement wallon, 2017-2018, n° 1150/1, p. 13).
B.26.2. Les détenteurs d'animaux à des fins de production agricole bénéficient du « permis » de détention d'un animal par le seul fait qu'ils sont soumis au permis
d'environnement ou ont effectué une déclaration en vertu du décret du 11 mars 1999 « relatif au permis d'environnement ».
B.27. Si l'instauration du « permis » de détention d'un animal visé à l'article D.6, § 1er, du Code wallon du Bien-être des animaux n'affecte pas directement et défavorablement la situation des détenteurs des animaux, y compris celle des détenteurs d'animaux à des fins de production agricole, il en va autrement de la possibilité donnée au juge et au fonctionnaire sanctionnateur de retirer ce « permis ».
B.28. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Ce principe s'oppose, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure critiquée, sont essentiellement différentes.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non- discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.29. Comme il est dit en B.24.2, le législateur décrétal a cherché à responsabiliser les citoyens quant à la détention d'un animal. Plus largement, l'instauration du « permis » de détention d'un animal et les règles relatives à son retrait visent à assurer le bien-être des animaux.
B.30. Puisque l'objectif poursuivi est la responsabilisation des détenteurs d'animaux et le bien-être animal tant pour les animaux de compagnie que pour les animaux agricoles, il est pertinent de prévoir que le droit de détenir un animal peut être retiré tant pour les détenteurs d'animaux de compagnie que pour les détenteurs d'animaux agricoles.
B.31.1. La mesure attaquée n'entraîne pas d'effets disproportionnés.
Le « permis » de détention d'un animal n'implique aucune charge concrète pour les détenteurs d'animaux puisqu'il est octroyé automatiquement et sans que les détenteurs d'animaux doivent prendre une initiative.
Les détenteurs d'animaux à des fins de production agricole peuvent certes être soumis à des exigences en matière de bien-être animal dans le cadre de la police administrative de l'environnement, mais il n'empêche que le législateur décrétal peut soumettre ces mêmes personnes à une autre police administrative spéciale qui a spécifiquement trait au bien-être des animaux. Ainsi, le législateur décrétal a pu prévoir que le « permis » de détention d'un animal peut être retiré pour les infractions au Code wallon du Bien-être des animaux ou à ses arrêtés d'exécution, sans faire double emploi avec le régime du décret du 11 mars 1999 « relatif au permis d'environnement ».
B.31.2. Le régime du permis d'environnement ne permet que ponctuellement de prendre des mesures administratives en cas de non-respect du bien-être animal, contrairement au régime du retrait de permis de détention des animaux, retrait qui peut être prononcé pour toute infraction au Code wallon du Bien-être des animaux ou à ses arrêtés d'exécution. Il n'est pas disproportionné, en vue d'assurer le bien-être des animaux, de soumettre à un « permis » de détention d'animaux tous les détenteurs d'animaux, y compris ceux qui détiennent déjà un permis d'environnement ou qui ont déjà effectué une déclaration au sens du décret du 11 mars 1999 « relatif au permis d'environnement ».
B.32. Le deuxième moyen n'est pas fondé.
Quant à la notification préalable à la Commission européenne
B.33. Le troisième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 26, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 « sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort » et avec les articles 20, 21 et 22 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union
européenne. Il porte sur l'absence de notification préalable à la Commission européenne du décret du 4 octobre 2018 « relatif au Code wallon du Bien-être des animaux ».
B.34. La partie requérante se désiste du troisième moyen dans son mémoire en réponse.
Quant à la liberté d'entreprendre
B.35. La partie requérante prend un quatrième moyen de la violation, par les articles D.48, D.49, D.51 et D.57 du Code wallon du Bien-être des animaux, des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec le « principe » de la liberté d'entreprendre, avec les articles II.3 et II.4 du Code de droit économique et avec les articles 16 et 20 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 « relative aux services dans le marché intérieur », en ce que ces articles D.48, D.49, D.51 et D.57 restreignent de manière discriminatoire la liberté d'entreprendre des éleveurs d'animaux agrées.
Les restrictions critiquées consistent, premièrement, en l'encadrement de la publicité en vue de la commercialisation ou de la donation des animaux (articles D.48, D.49 et D.51) et, deuxièmement, en l'interdiction de la mise à mort d'animaux sans étourdissement préalable (article D.57).
B.36.1. La Cour n'est pas compétente pour contrôler des dispositions législatives au regard de dispositions législatives, tels les articles II.3 et II.4 du Code de droit économique, qui ne sont pas des règles répartitrices de compétences entre l'autorité fédérale, les communautés et les régions.
B.36.2. La loi du 28 février 2013, qui a introduit l'article II.3 du Code de droit économique, a abrogé le décret dit d'Allarde des 2-17 mars 1791. Ce décret, qui garantissait la liberté de commerce et d'industrie, a servi régulièrement de norme de référence à la Cour dans son contrôle du respect des articles 10 et 11 de la Constitution.
B.36.3. La liberté d'entreprendre, visée par l'article II.3 du Code de droit économique, doit s'exercer « dans le respect des traités internationaux en vigueur en Belgique, du cadre normatif général de l'union économique et de l'unité monétaire tel qu'établi par ou en vertu des traités
internationaux et de la loi » (article II.4 du même Code). La liberté d'entreprendre doit par conséquent être lue en combinaison avec les dispositions de droit de l'Union européenne applicables, ainsi qu'avec l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, au regard duquel la Cour peut effectuer directement un contrôle, s'agissant d'une règle répartitrice de compétences. Enfin, la liberté d'entreprendre est également garantie par l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
B.36.4. Par conséquent, la Cour est compétente pour contrôler les dispositions attaquées au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec la liberté d'entreprendre.
B.37. Les articles D.48, D.49 et D.51 disposent :
« Art. D.48. Les articles D.49 à D.51 s'appliquent aux annonces publiées, quel qu'en soit le support, à destination d'une personne établie sur le territoire de la Région wallonne.
Art. D.49. § 1er. Lorsqu'elle concerne un animal dont la détention est autorisée, la publicité ayant pour but de commercialiser ou donner un animal est autorisée uniquement :
1° dans une revue spécialisée ou sur un site Internet spécialisé reconnu comme spécialisé par le Gouvernement selon la procédure qu'il fixe;
2° dans un groupe fermé au sein des réseaux sociaux pour autant que :
a) soit la publicité vise exclusivement la donation d'un animal;
b) soit la publicité vise exclusivement la commercialisation d'un animal né au sein de l'élevage d'un éleveur agréé.
La publicité est interdite sur les pages ou groupes de discussion directement accessibles au public, ou support assimilé, au sein des réseaux sociaux.
Les revues spécialisées ou les sites Internet spécialisés suivants sont exonérés de la reconnaissance prévue à l'alinéa 1er, 1° :
1° ceux qui sont édités par ou pour le Service public de Wallonie;
2° ceux qui sont édités par un éleveur de chiens ou de chats agréé visant à commercialiser ou donner des chiens ou des chats nés au sein de son élevage;
3° ceux qui visent la commercialisation ou la donation d'équidés;
4° ceux qui concernent la commercialisation ou la donation d'animaux autorisés à la détention pour lesquels aucune liste n'est établie par le Gouvernement en application de l'article D.20, § 1er.
Outre les publicités autorisées conformément à l'alinéa 1er, les publicités ayant pour but la commercialisation ou la donation d'animaux destinés à des fins de production agricole sont autorisées dans une revue ou sur un site Internet destiné au secteur agricole.
Le Gouvernement peut définir les modalités d'utilisation des groupes fermés, ainsi qu'un régime d'enregistrement préalable à l'utilisation de ces groupes fermés.
§ 2. Par dérogation au paragraphe 1er, les refuges sont autorisés à publier des annonces ayant pour but le replacement des animaux en dehors d'une revue ou d'un site Internet spécialisé.
Le Gouvernement peut déterminer d'autres cas dans lesquels la publicité visant à commercialiser ou donner un animal est autorisée en dehors d'une revue ou d'un site Internet spécialisé.
[…]
Art. D.51. Toute publicité visant la commercialisation ou la donation d'un animal contient les informations et mentions définies par le Gouvernement ».
B.38. La liberté d'entreprendre ne peut être conçue comme une liberté absolue. Elle ne fait pas obstacle à ce que le législateur compétent règle l'activité économique des personnes et des entreprises. Celui-ci n'interviendrait de manière déraisonnable que s'il limitait la liberté d'entreprendre sans aucune nécessité ou si cette limitation était disproportionnée au but poursuivi.
B.39. Il ressort des travaux préparatoires que le législateur décrétal a réglementé la publicité en vue de la commercialisation ou de la donation des animaux pour lutter contre des achats impulsifs, cause fréquente d'abandon d'animaux (Doc. parl., Parlement wallon, 2017- 2018, n° 1150/1, p. 24).
Les travaux préparatoires mentionnent encore :
« L'acquisition d'un animal, quel qu'il soit, nécessite indubitablement une réflexion approfondie car durant toute la vie de celui-ci, il va falloir lui prodiguer des soins et lui consacrer du temps. Or, le nombre d'animaux recueillis dans les refuges ne cesse de croître. La publicité autour de ceux-ci est contre-productive, elle n'amène pas à une acquisition réfléchie. Il y a donc lieu de bien cadenasser les conditions de recours à la publicité » (ibid., p. 6).
B.40. En vertu de l'article D.49, § 1er, la publicité en vue de la commercialisation ou du don d'animaux destinés à des fins de production agricole est autorisée (1) dans une revue ou sur un site internet reconnus comme spécialisés par le Gouvernement, (2) dans un groupe fermé sur des réseaux sociaux pour autant que la publicité vise exclusivement la donation d'un animal ou la commercialisation d'un animal né chez un éleveur agréé, et (3) dans des revues ou des sites internet destinés au secteur agricole.
Concernant cette dernière possibilité, les travaux préparatoires indiquent :
« Pour les animaux destinés à des fins de production, une possibilité de publicité existe en plus de ce qui est prévu ci-avant à savoir la publicité au sein de revue ou d'un site Internet destiné au secteur agricole. Dans ce cadre, le caractère spécialisé de la revue ou du site internet n'est pas exigé. Cette possibilité supplémentaire s'explique par le fait que la publicité s'opère généralement dans un cadre à caractère professionnel ou assimilé » (ibid., p. 25).
L'article D.49, § 2, alinéa 2, habilite en outre le Gouvernement à prévoir d'autres cas dans lesquels la publicité visant à commercialiser ou à donner un animal est autorisée en dehors d'une revue ou d'un site internet spécialisé.
B.41. Compte tenu du large éventail des possibilités de faire de la publicité pour la commercialisation ou la donation d'animaux destinés à la production agricole, y compris dans des revues et sur des sites non spécialisés mais destinés au secteur agricole, et de la possibilité donnée au Gouvernement d'étendre ces possibilités aux revues et sites non spécialisés, l'atteinte à la liberté d'entreprendre des éleveurs et des commerçants d'animaux agricoles n'est pas sans justification raisonnable.
B.42.1. La partie requérante estime encore qu'il y a une distorsion de concurrence entre les agriculteurs situés en Région wallonne et ceux qui sont situés en Région flamande du fait que le régime de publicité prévu par les articles D.48 à D.51 est plus contraignant que celui qui est prévu en Région flamande. Indépendamment de savoir si tel est effectivement le cas, force
est de constater que cette différence de traitement est le résultat de deux législations différentes, prises par deux législateurs compétents.
B.42.2. Une différence de traitement dans des matières où les communautés et les régions disposent de compétences propres est la conséquence possible de politiques distinctes permises par l'autonomie qui leur est accordée par la Constitution ou en vertu de celle-ci; une telle différence ne peut en soi être jugée contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. Cette autonomie serait dépourvue de signification si le seul fait qu'il existe des différences de traitement entre les destinataires de règles s'appliquant à une même matière dans les diverses communautés et régions était jugé contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.
B.43. L'article D.57 dispose :
« § 1er. Un animal ne peut être mis à mort que par une personne ayant les connaissances et les capacités requises, et suivant la méthode la plus sélective, la plus rapide et la moins douloureuse pour l'animal.
Un animal est mis à mort uniquement après anesthésie ou étourdissement, sauf les cas :
1° de force majeure;
2° de pratiques de la chasse ou de la pêche;
3° de lutte contre les organismes nuisibles;
4° d'actions de mise à mort prévues en vertu de la loi sur la conservation de la nature.
Lorsque la mise à mort d'animaux fait l'objet de méthodes particulières d'abattage prescrites par des rites religieux, le procédé d'étourdissement doit être réversible et ne peut entraîner la mort de l'animal.
§ 2. Le Gouvernement peut autoriser l'abattage d'animaux sur leur lieu d'élevage selon les conditions et modalités qu'il détermine.
§ 3. Par dérogation au paragraphe 1er, les modalités de mise à mort des animaux visés au Chapitre 8 sont fixées par et en vertu de l'article D.90 ».
B.44 L'absence d'une généralisation, pour toute la Belgique, de l'interdiction de mettre à mort un animal sans étourdissement préalable résulte de l'exercice autonome, par les régions,
de leur compétence en matière de bien-être des animaux. Comme il est dit en B.42.2, la différence de traitement résultant de l'application de deux législations différentes, adoptées par les communautés et régions, ne peut entraîner une violation des articles 10 et 11 de la Constitution, sous peine de vider l'autonomie des entités fédérées de son sens.
B.45 Quant aux différences entre les législations des États membres de l'Union européenne en matière d'interdiction de mise à mort sans étourdissement préalable, critiquées par la partie requérante, la Cour n'est pas compétente pour en connaître.
B.46. Le quatrième moyen n'est pas fondé.
Quant à la liberté d'expression
B.47. La partie requérante prend un cinquième moyen de la violation, par l'article D.49, § 1er, alinéa 5, du Code wallon du Bien-être des animaux, de l'article 19 de la Constitution, lu éventuellement en combinaison avec l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que l'habilitation donnée au Gouvernement pour définir les modalités d'utilisation des groupes fermés sur des réseaux sociaux et un régime d'enregistrement ou d'autorisation préalable de ces mêmes groupes, sans que le contenu de ce qui peut être soumis à contrôle ne soit davantage précisé, pourrait impliquer un contrôle préalable des autorités sur le contenu des annonces publicitaires.
B.48.1. L'article 19 de la Constitution dispose :
« La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l'occasion de l'usage de ces libertés ».
L'article 19 de la Constitution interdit que la liberté d'expression soit soumise à des restrictions préventives, mais non que les infractions qui sont commises à l'occasion de la mise en œuvre de cette liberté soient sanctionnées.
B.48.2. En ce qu'il reconnaît le droit à la liberté d'expression, l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme a une portée analogue à celle de l'article 19 de la Constitution, qui reconnaît la liberté de manifester ses opinions en toute matière.
Dès lors, les garanties fournies par ces dispositions forment, dans cette mesure, un ensemble indissociable.
B.48.3. Les informations à contenu commercial sont protégées par la liberté d'expression (CEDH, 20 novembre 1989, Markt intern Verlag GmbH et Klaus Beermann c. Allemagne, § 26; 24 février 1994, Casado Coca c. Espagne, § 50; grande chambre, 13 juillet 2012, Mouvement raëlien c. Suisse, § 61; 30 janvier 2018, Sekmadienis Ltd. c. Lituanie).
B.48.4. La liberté d'expression peut, en vertu de l'article 10, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, être soumise, sous certaines conditions, à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, en vue, notamment, de la protection de la réputation ou des droits d'autrui. Les exceptions dont elle est assortie appellent toutefois « une interprétation étroite, et le besoin de la restreindre doit se trouver établi de manière convaincante » (CEDH, grande chambre, 20 octobre 2015, Pentikäinen c. Finlande, § 87).
B.49. L'article D.49, § 1er, alinéa 5, attaqué, dispose :
« Le Gouvernement peut définir les modalités d'utilisation des groupes fermés, ainsi qu'un régime d'enregistrement préalable à l'utilisation de ces groupes fermés ».
Cette disposition fait partie du régime d'encadrement de la publicité en vue de la commercialisation ou de la donation d'animaux décrit en B.40 et entre donc dans le champ d'application de la liberté d'expression, garantie par les dispositions mentionnées en B.48.
Comme il est dit en B.39, cette réglementation de la publicité a pour objectif général de lutter contre les achats impulsifs, cause fréquente d'abandon des animaux.
B.50. À la suite de l'avis de la section de législation du Conseil d'État, le législateur décrétal a modifié l'article D.49, § 1er, alinéa 5, alors en projet, pour abandonner l'habilitation initialement conférée au Gouvernement de définir, pour les groupes fermés, un régime d'autorisation préalable.
Les travaux préparatoires mentionnent :
« La disposition insère une habilitation au Gouvernement pour ce qui concerne les groupes fermés. En vertu de celle-ci, le Gouvernement peut fixer des modalités d'utilisation, et éventuellement créer un régime d'enregistrement préalable à l'utilisation de ces groupes fermés. La volonté est ainsi d'en faciliter le contrôle dès lors que par définition ces groupes fermés ne sont pas accessibles à toute personne, en ce compris les contrôleurs. La vocation de cet enregistrement est au minimum d'avoir connaissance de l'existence de ces groupes fermés.
Pour répondre à l'avis du Conseil d'État n° 63.442/4 du 21 juin 2018, il est ainsi confirmé qu'il ne s'agit aucunement de soumettre le contenu d'une annonce à une vérification préalable, ce qui aurait pour effet de limiter la liberté d'expression » (Doc. parl., Parlement wallon, 2017- 2018, n° 1150/1, p. 25).
B.51. Il ressort des travaux préparatoires que l'habilitation donnée au Gouvernement prévue par l'article D.49, § 1er, alinéa 5, attaqué, a pour objectif de faciliter le contrôle de ces groupes fermés et, en ce qui concerne en particulier le régime d'enregistrement préalable, « au minimum d'avoir connaissance de l'existence de ces groupes », dès lors qu'ils ne sont accessibles qu'à leurs membres. Il est précisé que ce régime n'a pas pour objet « de soumettre le contenu d'une annonce à une vérification préalable » (Doc. parl., Parlement wallon, 2017- 2018, n° 1150/1, p. 25).
Il s'ensuit que l'habilitation donnée au Gouvernement de définir les modalités d'utilisation des groupes fermés, ainsi qu'un régime d'enregistrement préalable à leur utilisation, s'inscrit dans le cadre général de lutte contre les achats impulsifs d'animaux et dans le cadre plus spécifique de contrôle de l'existence de ces groupes sans toucher préalablement au contenu d'une annonce publicitaire.
B.52.1. Compte tenu de l'interdiction, mentionnée à l'article 19 de la Constitution, de soumettre la liberté d'expression à des restrictions préventives, le législateur décrétal peut habiliter le Gouvernement à réglementer l'exercice de cette liberté pour autant que cette réglementation ne subordonne pas la diffusion de messages, quel que soit leur caractère, à la
condition de remplir des exigences préalables qui pourraient dissuader des individus de faire usage de leur liberté, ce qui s'assimilerait à une mesure préventive.
B.52.2. La disposition attaquée permet au Gouvernement de prévoir les modalités d'utilisation des groupes fermés sur les réseaux sociaux et un régime d'enregistrement préalable à leur utilisation avant que des publicités puissent être diffusées sur ceux-ci. Un tel enregistrement préalable signifie que les auteurs ou participants d'un groupe fermé sur les réseaux sociaux doivent enregistrer leur groupe publicitaire avant de pouvoir exercer leur liberté. En effet, il est interdit de diffuser un message commercial dans un groupe fermé sans que ce groupe soit enregistré auprès de l'autorité.
L'exercice de la liberté d'expression en matière commerciale par de nombreux détenteurs, vendeurs et éleveurs d'animaux est ainsi subordonné à une mesure préventive dont le contenu, la nature et la portée n'ont pas été déterminés.
La mesure attaquée n'est dès lors pas compatible avec l'article 19 de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme.
B.53. Le cinquième moyen est fondé.
L'article D.49, § 1er, alinéa 5, doit dès lors être annulé.
Décision
Par ces motifs,
la Cour
- annule l'article D.49, § 1er, alinéa 5, du Code wallon du Bien-être des animaux;
- décrète le désistement du recours en ce qu'il vise l'article D.90 du Code wallon du Bien- être des animaux;
- sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.13, rejette le recours pour le surplus.