En cause:
le recours en annulation des articles 16 et 18 du décret de la Région wallonne du 2 mai 2019 « modifiant le Code wallon du Logement et de l'Habitat durable et le décret du 15 mars 2018 relatif au bail d'habitation », introduit par l'ASBL « Chambre d'Arbitrage et de Médiation / Kamer van Arbitrage en Bemiddeling » et Olivier Domb.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, des juges J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du président émérite A. Alen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I Objet du recours
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 27 novembre 2019 et parvenue au greffe le 29 novembre 2019, un recours en annulation des articles 16 et 18 du décret de la Région wallonne du 2 mai 2019 « modifiant le Code wallon du Logement et de l'Habitat durable et le décret du 15 mars 2018 relatif au bail d'habitation » (publié au Moniteur belge du 28 mai 2019, deuxième édition) a été introduit par l'ASBL « Chambre d'Arbitrage et de Médiation / Kamer van Arbitrage en Bemiddeling » et Olivier Domb, assistés et représentés par Me A. Paternostre, avocat au barreau de Bruxelles.
Des mémoires ont été introduits par :
- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me S. Depré et Me E. de Lophem, avocats au barreau de Bruxelles;
- le Gouvernement wallon, assisté et représenté par Me Y. Ninane et Me D. Sprockeels, avocats au barreau de Bruxelles.
Les parties requérantes ont introduit un mémoire en réponse.
Le Gouvernement wallon a également introduit un mémoire en réplique.
Par ordonnance du 15 juillet 2020, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs J.-P. Moerman et J. Moerman, a décidé que l'affaire était en état, qu'aucune audience ne serait tenue, à moins qu'une partie n'ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, qu'en cas d'une telle demande, l'affaire serait prise à l'audience du 22 septembre 2020, à l'heure ultérieurement fixée par le président, et qu'en l'absence d'une telle demande, les débats seraient clos le 1er septembre 2020 et l'affaire mise en délibéré.
À la suite de la demande des parties requérantes à être entendues, le président, par ordonnance du 31 août 2020, a fixé l'heure de l'audience à 14.45 heures.
À l'audience publique du 22 septembre 2020 :
- ont comparu :
. Me A. Paternostre, pour les parties requérantes;
. Me S. Depré, pour le Conseil des ministres;
. Me Y. Ninane, pour le Gouvernement wallon;
- les juges-rapporteurs J.-P. Moerman et J. Moerman ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- l'affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l'emploi des langues ont été appliquées.
II En droit
A Argument
Quant à l'intérêt des parties requérantes
A.1. L'association sans but lucratif « Chambre d'Arbitrage et de Médiation / Kamer van Arbitrage en Bemiddeling » expose que son intérêt à demander l'annulation des articles 16 et 18 du décret de la Région wallonne du 2 mai 2019 « modifiant le Code wallon du Logement et de l'Habitat durable et le décret du 15 mars 2018 relatif au bail d'habitation » est double.
Elle soutient d'abord qu'une importante partie de ses activités consiste à remplir la fonction d'arbitre au sens de la sixième partie du Code judiciaire relative à l'arbitrage, en particulier en ce qui concerne les litiges relatifs aux baux d'habitation. L'association requérante estime qu'en réputant non écrite toute clause d'arbitrage figurant dans un contrat de bail d'habitation, la première des deux dispositions attaquées a pour effet de diminuer sensiblement le nombre de litiges qui lui seront soumis, ce qui affecte son but statutaire. L'association requérante considère que la seconde disposition attaquée a a fortiori le même effet, puisqu'elle a pour objet de faire rétroagir la première disposition.
L'association requérante estime ensuite pouvoir défendre l'intérêt et le droit de toute partie à un contrat de bail d'habitation à l'insertion d'une utile clause d'arbitrage dans une telle convention. Elle estime aussi qu'en dissuadant les parties à un bail de prévoir un recours à un arbitre, la règle énoncée par la disposition attaquée porte atteinte à l'arbitrage en général, dont l'association requérante assure la promotion.
A.2. Olivier Domb prétend justifier d'un intérêt personnel et professionnel à demander l'annulation des articles 16 et 18 du décret du 2 mai 2019, non seulement en raison de sa qualité d'arbitre et de président du conseil d'administration de l'association sans but lucratif précitée, mais aussi en raison de sa qualité de potentiel locataire ou de potentiel bailleur.
Il affirme que l'interdiction des clauses d'arbitrage dans un contrat de bail d'habitation affectera d'autant plus défavorablement l'ampleur de ses activités et de celles de l'association qu'il préside que cette interdiction a un effet rétroactif, en application de la seconde disposition attaquée.
Quant au premier moyen, pris de la violation des articles 33, 35 et 146 de la Constitution et de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles
A.3. L'association sans but lucratif « Chambre d'Arbitrage et de Médiation / Kamer van Arbitrage en Bemiddeling » et Olivier Domb exposent que l'article 51/1, § 2, du décret du 15 mars 2018 « relatif au bail d'habitation », inséré par l'article 16 du décret du 2 mai 2019, règle des matières fédérales, sans que soient réunies les conditions auxquelles la Région wallonne peut empiéter sur la compétence fédérale en vertu du pouvoir qui lui est attribué par l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.
Les parties requérantes soutiennent qu'en réputant non écrites les clauses d'arbitrage que contiennent les baux d'habitation, la disposition attaquée modifie les règles qui définissent la compétence des cours et tribunaux et celles qui organisent la procédure devant ces juridictions, deux matières qui sont du ressort exclusif de l'autorité fédérale. Elles estiment donc que la Région wallonne ne peut adopter cette disposition que moyennant le respect des conditions d'utilisation des pouvoirs implicites conférés aux régions.
Or, selon les parties requérantes, ces conditions ne sont pas réunies. La mesure attaquée ne serait pas nécessaire à l'exercice des compétences de la Région wallonne, dès lors qu'elle ne poursuivrait pas un objectif légitime et qu'elle serait, de surcroît, inefficace et disproportionnée. En outre, la validité des clauses d'arbitrage ne se prêterait pas à un règlement régional différencié. Enfin, l'incidence de la mesure attaquée sur les matières fédérales en question ne pourrait être considérée comme marginale.
A.4. Le Conseil des ministres soutient aussi que l'article 51/1, § 2, du décret du 15 mars 2018 règle des matières fédérales, sans que les conditions d'utilisation des pouvoirs implicites soient réunies.
Il observe que la Région wallonne ne peut en principe pas édicter des règles relatives à l'arbitrage parce qu'il s'agit de règles de droit judiciaire privé qui relèvent de la compétence de l'autorité fédérale en vertu de son pouvoir de régler l'organisation et la compétence des cours et tribunaux, ainsi que la procédure à suivre devant ces juridictions.
Le Conseil des ministres concède que la question des clauses d'arbitrage traitée par la disposition attaquée se prête à un règlement régional différencié, mais il estime que l'empiètement sur la compétence fédérale que constitue la mesure attaquée n'est pas nécessaire pour atteindre l'objectif poursuivi en l'espèce par la Région wallonne et que l'incidence de cette mesure sur cette compétence n'est pas marginale.
A.5. Le Gouvernement wallon expose qu'en adoptant l'article 51/1, § 2, du décret du 15 mars 2018, la Région wallonne a respecté les conditions d'utilisation des pouvoirs implicites. Il remarque néanmoins que la question de validité d'une clause contractuelle que règle la disposition attaquée relève davantage de la matière régionale des baux que de la compétence fédérale en matière de définition des compétences des cours et tribunaux.
Le Gouvernement wallon est d'avis que, si la règle relative aux clauses d'arbitrage insérées dans les baux d'habitation qu'énonce la disposition attaquée constitue un empiètement sur la compétence fédérale, cet empiétement est nécessaire pour atteindre l'objectif régional poursuivi en l'espèce, se prête à un règlement différencié et n'est que marginal. Le Gouvernement wallon rappelle à cette fin les constats qui fondent la volonté de la Région wallonne d'encadrer l'usage des clauses d'arbitrage dans les baux d'habitation. Il soutient aussi que l'objectif poursuivi ne pouvait être atteint par une autre mesure et que la mesure attaquée n'est pas disproportionnée eu égard à cet objectif.
Quant au deuxième moyen, pris de la violation des articles 10, 11 et 23 de la Constitution, lus seuls ou en combinaison avec les articles 1er, 2 et 7 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, avec les articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et avec l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que de la violation des articles 13 et 146 de la Constitution, lus seuls ou en combinaison avec les articles 3, 13 et 18 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec les articles 8 et 29 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et avec l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
A.6.1. L'association sans but lucratif « Chambre d'Arbitrage et de Médiation / Kamer van Arbitrage en Bemiddeling » et Olivier Domb critiquent l'article 51/1, § 2, alinéa 2, du décret du 15 mars 2018, inséré par l'article 16 du décret du 2 mai 2019, en ce qu'il ferait naître deux différences de traitement discriminatoires et en ce qu'il traite de la même manière deux catégories de personnes qui se trouveraient dans des situations essentiellement différentes.
A.6.2. Les parties requérantes ciblent d'abord une différence de traitement entre, d'une part, les personnes qui, en application des articles 1676 et suivants du Code judiciaire, peuvent, avant même la naissance d'un différend entre elles, s'engager à soumettre un tel différend à un arbitre et, d'autre part, les parties à un contrat de bail d'habitation au sens du décret du 15 mars 2018, qui, elles, ne disposent pas de cette faculté.
A.6.3. Les parties requérantes ciblent ensuite une différence de traitement discriminatoire entre, d'une part, les parties à un contrat de bail d'habitation au sens du décret du 15 mars 2018, et, d'autre part, les parties à tout autre contrat de bail, parce que seules ces dernières disposent du droit de convenir, avant même la naissance d'un différend entre elles, de soumettre un tel différend à un arbitre.
A.6.4. Les parties requérantes contestent enfin le fait que la disposition attaquée traite de la même manière les parties à un contrat de bail d'habitation au sens du décret du 15 mars 2018 et les parties à d'autres contrats, qui ne peuvent pas non plus convenir d'une clause d'arbitrage avant la naissance d'un différend entre elles.
A.6.5. Les parties requérantes exposent que les deux différences de traitement et l'identité de traitement précitées poursuivent des objectifs non légitimes et qu'elles constituent des mesures inefficaces et disproportionnées à ces objectifs.
A.7.1. À propos de la première différence de traitement critiquée au moyen, le Gouvernement wallon estime, à titre principal, que la situation des parties à un bail d'habitation ne peut être comparée à la situation de toutes les personnes qui peuvent conclure une convention d'arbitrage en application de l'article 1676 du Code judiciaire. Il souligne, à ce sujet, que les premières doivent être particulièrement protégées contre les clauses d'arbitrage insérées dans les modèles de bail largement diffusés par les parties requérantes et que l'enjeu financier d'un différend relatif à un bail d'habitation est souvent limité.
À titre subsidiaire, le Gouvernement wallon soutient que la différence de traitement critiquée repose sur une justification objective et raisonnable. Il allègue que cette différence tient compte de la vulnérabilité des parties à un bail d'habitation, du « déséquilibre contractuel » entre elles, du large usage et de la grande diffusion de modèles de baux contenant une clause d'arbitrage, de la faiblesse générale de l'enjeu financier des différends locatifs et de la spécialisation des juges de paix en la matière. Le Gouvernement ajoute que la disposition attaquée a pour but légitime de protéger les parties contractantes visées par cette disposition et qu'elle est proportionnée à cet objectif, puisque ces parties restent libres de faire appel à un arbitre après la naissance de leur différend.
A.7.2. À propos de la seconde différence de traitement critiquée au moyen, le Gouvernement wallon estime, à titre principal, que la situation des parties à un bail d'habitation ne peut être comparée à celle des parties à un autre bail, dès lors que, dans le premier cas, le preneur dispose souvent d'une marge de négociation bien plus réduite, du fait de sa position socio-économique généralement moins favorable que celle du bailleur.
À titre subsidiaire, le Gouvernement wallon soutient que la différence de traitement critiquée repose sur une justification objective et raisonnable. Il allègue que cette différence tient compte de la plus grande vulnérabilité des parties à un bail d'habitation, du fait que le candidat preneur n'est généralement pas en position de négocier le contrat et que l'enjeu financier est plus limité pour ce type de contrat que pour les autres baux. Le Gouvernement wallon ajoute que la disposition attaquée a pour but légitime de protéger les parties contractantes visées par cette disposition et qu'elle est proportionnée à cet objectif, puisque ces parties restent libres de faire appel à un arbitre après la naissance de leur différend.
A.7.3. Les parties requérantes rétorquent, à propos de la première différence de traitement précitée, qu'une large diffusion de modèles de bail contenant une clause d'arbitrage n'est ni critiquable, ni de nature à justifier l'adoption de la disposition attaquée.
Elles considèrent aussi que l'enjeu financier des litiges relatifs à des baux d'habitation n'est pas systématiquement plus limité que celui d'autres litiges. Elles estiment que, même si c'était le cas, cela ne suffirait pas à justifier la différence de traitement critiquée, dès lors qu'une procédure arbitrale n'est pas plus onéreuse que la procédure judiciaire. Elles ajoutent qu'un différend relatif à un bail d'habitation résulte souvent d'un manquement du bailleur qui n'exécute pas ses obligations, de sorte que l'argument tiré d'un prétendu « déséquilibre contractuel » entre le bailleur et le preneur manque de pertinence.
En ce qui concerne la seconde différence de traitement précitée, les parties requérantes estiment que le profil des parties à un bail d'habitation n'est pas nécessairement différent du profil des personnes qui négocient un autre type de bail.
Quant au troisième moyen, pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus seuls ou en combinaison avec les articles 13, 144, 146 et 159 de la Constitution et avec le principe de la sécurité juridique
A.8. L'association sans but lucratif « Chambre d'Arbitrage et de Médiation / Kamer van Arbitrage en Bemiddeling » et Olivier Domb exposent qu'en fixant la date d'entrée en vigueur du décret au 1er mars 2019, l'article 18 du décret du 2 mai 2019, publié le 28 mai 2019, porte atteinte, sans aucun motif, à la garantie de non- rétroactivité. Les parties requérantes observent que les travaux préparatoires ne contiennent aucune explication à ce sujet.
A.9. Le Gouvernement wallon estime que la rétroactivité est justifiée par un objectif d'intérêt général, souligné lors des travaux préparatoires de la disposition attaquée.
B Point de vue de la cour
Quant aux dispositions attaquées et à leur contexte
B.1.1. L'article 16 du décret de la Région wallonne du 2 mai 2019 « modifiant le Code wallon du Logement et de l'Habitat durable et le décret du 15 mars 2018 relatif au bail d'habitation » (ci-après : décret du 2 mai 2019) insère, dans le décret de la Région wallonne du 15 mars 2018 « relatif au bail d'habitation » (ci-après : décret du 15 mars 2018), l'article 51/1, qui dispose :
« § 1er. Sans préjudice de la saisine d'une juridiction, les parties peuvent régler leur différend à l'amiable en recourant à des processus de règlements alternatifs tels que la médiation, l'arbitrage ou la conciliation.
§ 2. Les parties peuvent convenir de soumettre leur différend à un arbitre après la naissance du différend.
Toute clause d'arbitrage convenue avant la naissance du différend est réputée non écrite ».
B.1.2. L'article 18 du décret du 2 mai 2019 dispose :
« Le présent décret entre en vigueur le 1er mars 2019, à l'exception de l'article 17 qui produit ses effets le 1er septembre 2018 ».
B.2. Au moment de l'entrée en vigueur des dispositions précitées, le « bail d'habitation » était défini comme le « bail relatif à un bien meuble ou immeuble ou partie de celui-ci destiné à servir d'habitation, à l'exclusion des hébergements touristiques au sens du Code wallon du Tourisme » (article 2, 1°, du décret du 15 mars 2018, avant sa modification par l'article 28 du décret du 2 mai 2019 « modifiant le Code wallon du Logement et de l'Habitat durable et le décret du 15 mars 2018 relatif au bail d'habitation en vue d'y insérer la notion d'habitation légère »).
Quant au premier moyen
En ce qui concerne la compétence de la Cour
B.3. Le premier moyen est pris de la violation, entre autres, des articles 33 et 35 de la Constitution.
B.4. En vertu de l'article 142, alinéa 2, de la Constitution et de l'article 1er de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, la Cour est compétente pour statuer sur les recours en annulation d'une règle visée à l'article 134 de la Constitution pour cause de violation des règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'autorité fédérale, des communautés et des régions et pour cause de violation des articles du titre II (« Des Belges et de leurs droits ») et des articles 143, § 1er, 170, 172 et 191 de la Constitution.
B.5. L'article 35 de la Constitution dispose :
« L'autorité fédérale n'a de compétences que dans les matières que lui attribuent formellement la Constitution et les lois portées en vertu de la Constitution même.
Les communautés ou les régions, chacune pour ce qui la concerne, sont compétentes pour les autres matières, dans les conditions et selon les modalités fixées par la loi. Cette loi doit être adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa.
Disposition transitoire
La loi visée à l'alinéa 2 détermine la date à laquelle le présent article entre en vigueur. Cette date ne peut pas être antérieure à la date d'entrée en vigueur du nouvel article à insérer au titre III de la Constitution, déterminant les compétences exclusives de l'autorité fédérale ».
La loi visée au deuxième alinéa de l'article 35 de la Constitution n'a pas encore été adoptée. Cette disposition constitutionnelle n'est donc jamais entrée en vigueur, de sorte que la Cour n'est pas compétente pour statuer sur son respect.
B.6.1. L'article 33 de la Constitution dispose :
« Tous les pouvoirs émanent de la Nation.
Ils sont exercés de la manière établie par la Constitution ».
B.6.2 Cette disposition constitutionnelle n'a pas pour objet de déterminer les compétences respectives de l'autorité fédérale et des entités fédérées.
La Cour n'est donc pas compétente pour statuer sur le respect des règles que cette disposition énonce.
B.7. En ce qu'il est pris de la violation des articles 33 et 35 de la Constitution, le premier moyen est irrecevable.
En ce qui concerne le fond
B.8. Le premier moyen est aussi pris de la violation de l'article 146 de la Constitution et de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (ci-après : la loi spéciale du 8 août 1980).
Les parties requérantes reprochent au législateur décrétal d'empiéter sur la compétence du législateur fédéral en limitant la possibilité d'arbitrage en matière de baux d'habitation. Elles font valoir que l'article 51/1, § 2, alinéa 2, du décret du 15 mars 2018 règle une matière fédérale, sans que les conditions d'exercice du pouvoir attribué aux régions par l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 soient réunies.
B.9.1. L'arbitrage est un mode de règlement des conflits qui repose sur l'autonomie des parties, qui décident de confier à un ou plusieurs arbitres le pouvoir de dire le droit en vue de mettre définitivement fin au différend qui les oppose. En vertu de l'article 1681 du Code judiciaire, « une convention d'arbitrage est une convention par laquelle les parties soumettent à l'arbitrage tous les différends ou certains des différends qui sont nés ou pourraient naître entre elles au sujet d'un rapport de droit déterminé, contractuel ou non contractuel ». En application de l'article 1682 du même Code, « le juge saisi d'un différend faisant l'objet d'une convention d'arbitrage se déclare sans juridiction à la demande d'une partie, à moins qu'en ce qui concerne ce différend, la convention ne soit pas valable ou n'ait pris fin ».
B.9.2. Selon la disposition attaquée, les parties à un bail d'habitation peuvent convenir de soumettre leur litige à un arbitre après la naissance du différend, mais une clause d'arbitrage convenue avant la naissance du différend est réputée non écrite.
B.9.3. La compétence relative à la location de biens ou de parties de biens destinés à l'habitation, attribuée aux régions par l'article 6, § 1er, IV, de la loi spéciale du 8 août 1980, ne permet pas de régler la compétence des cours et tribunaux, puisque cette matière relève de la compétence du législateur fédéral, en vertu de l'article 146 de la Constitution. La réglementation de la possibilité de conclure une convention d'arbitrage, qui a une incidence sur la compétence des cours et tribunaux, relève également de la compétence de l'autorité fédérale.
B.10.1. L'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 permet néanmoins à la Région wallonne d'adopter des dispositions décrétales dans une matière qui relève de la compétence de l'autorité fédérale, à condition que ces dispositions soient nécessaires à l'exercice des compétences de la région, que cette matière se prête à un règlement différencié et que l'incidence de ces dispositions sur la matière fédérale ne soit que marginale.
B.10.2. Il ressort des travaux préparatoires que le législateur décrétal a adopté la disposition attaquée dans le but d'éviter que des conventions d'arbitrage puissent constituer un obstacle financier à la résolution de conflits locatifs :
« Il est en effet fréquent que les contrats de bail contiennent des clauses d'arbitrage contraignant les parties à soumettre leurs litiges à un arbitre précisément désigné, sans toutefois que les parties ne perçoivent toutes les implications et conséquences, notamment pratiques et financières, qui découlent de l'insertion d'une telle clause au sein du contrat de bail. En outre, ce type de clause est régulièrement utilisé pour faire échec à la compétence des juges de paix, qui sont pourtant les juges naturels des litiges locatifs.
Pour cette raison, les parties au contrat pourront convenir de soumettre leur différend à un ou plusieurs arbitres, mais ceci ne pourra être convenu de commun accord qu'à partir du moment où le différend qui les oppose survient » (Doc. parl., Parlement wallon, 2018-2019, n° 1313/1, p. 5).
B.10.3. La disposition attaquée cadre donc avec l'objectif de rendre l'accès au juge le plus simple et le moins coûteux possible dans des différends relatifs à des baux d'habitation. À la lumière de cet objectif, dans le cadre de l'exercice de la compétence relative à la location de biens ou de parties de biens destinés à l'habitation qui lui a été attribuée, le législateur décrétal a pu estimer qu'il était nécessaire d'éviter que l'incidence financière éventuelle d'une procédure d'arbitrage puisse constituer un obstacle à la résolution de conflits locatifs.
B.10.4. En vertu de l'article 1676, § 1er, du Code judiciaire, toute cause de nature patrimoniale, de même que toute cause de nature non patrimoniale, sur laquelle il est permis de transiger, peut faire l'objet d'un arbitrage. Conformément à l'article 1676, § 4, du même Code, cette disposition est applicable sauf lorsque la loi en dispose autrement. Dès lors que le législateur fédéral permet ainsi explicitement d'exclure certains différends de l'arbitrage, il apparaît que la matière réglée se prête à un règlement différencié.
B.10.5. Étant donné que la disposition attaquée concerne uniquement les différends relatifs aux baux d'habitation, l'incidence sur la matière fédérale est en outre marginale.
B.10.6. Il est par conséquent satisfait aux conditions d'application de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, de sorte que le législateur décrétal n'a pas excédé sa compétence en adoptant la disposition attaquée.
B.11. Le premier moyen n'est pas fondé.
Quant au deuxième moyen
En ce qui concerne la recevabilité
B.12.1. Le deuxième moyen est pris de la violation, entre autres, par l'article 51/1, § 2, alinéa 2, du décret du 15 mars 2018, des articles 13 et 23 de la Constitution, lus seuls ou en combinaison avec des dispositions de droit international.
B.12.2. Pour satisfaire aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.
B.12.3. L'exposé du moyen n'explique pas en quoi la disposition attaquée violerait les articles 13 et 23 de la Constitution.
B.13.1. Le deuxième moyen est aussi pris de la violation, par l'article 51/1, § 2, alinéa 2, du décret du 15 mars 2018, des articles 10, 11 et 146 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
B.13.2. Ces dispositions de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne portent sur l'« égalité en droit » et la « non-discrimination ».
B.13.3. L'article 51, paragraphe 1, de la même Charte dispose :
« Les dispositions de la présente Charte s'adressent […] aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives et dans le respect des limites des compétences de l'Union telles qu'elles lui sont conférées dans les traités ».
B.13.4. L'article 51/1, § 2, du décret du 15 mars 2018 n'a pas pour objet de mettre en œuvre le droit de l'Union européenne.
Il ne saurait donc être jugé incompatible avec les articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
B.14.1. Le deuxième moyen est aussi pris de la violation, par l'article 51/1, § 2, alinéa 2, du décret du 15 mars 2018, des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 1er, 2 et 7 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée le 10 décembre 1948 par l'Assemblée générale des Nations Unies.
B.14.2. Les articles 10 et 11 de la Constitution ont une portée générale. Ils interdisent toute discrimination, quelle qu'en soit l'origine : les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non- discrimination sont applicables à l'égard de tous les droits et de toutes les libertés, en ce compris ceux résultant des conventions internationales liant la Belgique.
B.14.3. La Déclaration universelle des droits de l'homme n'est pas une convention internationale liant la Belgique.
B.15. En ce qu'il est pris de la violation des articles 13 et 23 de la Constitution, lus seuls ou en combinaison avec des dispositions de droit international, ainsi que des articles 10, 11 et 146 de la Constitution, pour autant qu'ils soient lus en combinaison avec les articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et avec les articles 1er, 2 et 7 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, le deuxième moyen est irrecevable.
En ce qui concerne le fond
Les deux différences de traitement
B.16.1. Il ressort des développements du deuxième moyen qu'il est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que l'article 51/1, § 2, alinéa 2, du décret du 15 mars 2018 fait naître une différence de traitement entre deux catégories de personnes qui entretiennent un rapport de droit contractuel susceptible de donner lieu, entre elles, à un différend de nature patrimoniale : d'une part, celles qui, avant même la naissance d'un tel différend, peuvent, en application des articles 1676, § 1er, et 1681, du Code judiciaire, valablement convenir de le soumettre à l'arbitrage, et d'autre part, celles qui ne peuvent valablement se lier par un tel accord parce que celui-ci est réputé non écrit en vertu de la disposition attaquée.
B.16.2. Il ressort aussi des développements du deuxième moyen qu'il est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que la même disposition du décret du 15 mars 2018 fait naître une différence de traitement entre deux catégories de personnes liées par un contrat de bail : d'une part, celles qui sont parties à un bail d'habitation au sens du décret du 15 mars 2018, qui ne peuvent valablement convenir, avant la naissance d'un différend lié à l'exécution de ce contrat, de soumettre ce différend à un arbitre, parce qu'une telle convention est réputée non écrite en vertu de la disposition attaquée, et, d'autre part, les parties à tout autre contrat de bail, qui, elles, pourraient valablement se mettre d'accord pour soumettre tout différend de ce type à un arbitre, avant même que ce différend survienne.
B.17.1. L'article 1676, § 1er, du Code judiciaire, remplacé par l'article 4 de la loi du 24 juin 2013 « modifiant la sixième partie du Code judiciaire relative à l'arbitrage » (ci-après : loi du 24 juin 2013), dispose :
« Toute cause de nature patrimoniale peut faire l'objet d'un arbitrage. Les causes de nature non patrimoniale sur lesquelles il est permis de transiger peuvent aussi faire l'objet d'un arbitrage ».
B.17.2. L'article 1681 du Code judiciaire, remplacé par l'article 10 de la loi du 24 juin 2013, dispose :
« Une convention d'arbitrage est une convention par laquelle les parties soumettent à l'arbitrage tous les différends ou certains des différends qui sont nés ou pourraient naître entre elles au sujet d'un rapport de droit déterminé, contractuel ou non contractuel ».
B.18.1. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non- discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.18.2. Une différence de traitement dans des matières où les communautés et les régions disposent de compétences propres est la conséquence possible de politiques distinctes permises par l'autonomie qui leur est accordée par la Constitution ou en vertu de celle-ci; une telle différence ne peut en soi être jugée contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. Cette autonomie serait dépourvue de signification si le seul fait qu'il existe des différences de traitement entre les destinataires de règles s'appliquant à une même matière dans les diverses communautés et régions était jugé contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.
B.18.3. Cette autonomie serait aussi dépourvue de signification si une différence de traitement entre les destinataires de règles adoptées dans une matière régionale par l'autorité compétente et les destinataires de règles adoptées dans une matière fédérale par l'autorité compétente était jugée contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.
B.19.1. Pour apprécier la compatibilité d'une norme législative avec les articles 10 et 11 de la Constitution, la Cour examine en premier lieu si les catégories de personnes entre lesquelles une inégalité est alléguée sont suffisamment comparables.
B.19.2. Ce n'est que dans la mesure où elle concerne des personnes qui sont les destinataires de règles édictées par la Région wallonne que la situation de la première catégorie de personnes mentionnée en B.16.1 est, au regard de la mesure attaquée, comparable à la situation de la catégorie de personnes à laquelle s'applique l'article 51/1, § 2, alinéa 2, du décret du 15 mars 2018.
B.19.3. Ce n'est que dans la mesure où elle concerne des parties à un contrat de bail dont la réglementation relève de la compétence de la Région wallonne que la situation de la deuxième catégorie de personnes mentionnée en B.16.2 est, au regard de la mesure attaquée, comparable à la situation de la catégorie de personnes à laquelle s'applique l'article 51/1, § 2, alinéa 2, du décret du 15 mars 2018.
B.20.1. Aux termes de l'article 1676, § 4, du Code judiciaire, inséré par l'article 4 de la loi du 24 juin 2013, le paragraphe 1er de l'article 1676 de ce Code est applicable « sous réserve des exceptions prévues par la loi ».
B.20.2. La règle énoncée à l'article 51/1, § 2, alinéa 2, du décret du 15 mars 2018 est considérée comme nécessaire à l'endiguement des abus commis tant par les bailleurs que par les locataires, et à la protection de ceux-ci (Doc. parl., Parlement wallon, 2018-2019, n° 1313/1, p. 6).
En effet, les contrats de bail contiennent fréquemment une clause d'arbitrage qui contraint les parties à soumettre leurs différends à un arbitre précisément désigné, alors que ces parties ne perçoivent pas toutes les conséquences, notamment pratiques et financières, d'une telle clause et du recours à une procédure arbitrale (ibid., pp. 5-6).
La disposition attaquée n'empêche cependant pas les parties à un bail d'habitation de convenir de soumettre leur différend à un arbitre après la naissance de ce différend (article 51/1, § 2, alinéa 1er, du décret du 15 mars 2018).
B.20.3. Il résulte de ce qui précède qu'en ce que le deuxième moyen invite la Cour à comparer la situation des parties à un bail d'habitation au sens du décret du 15 mars 2018 avec la situation des autres personnes visées en B.16.1 et B.16.2 et en B.19.2 et B.19.3, la différence de traitement n'est pas dénuée de justification raisonnable.
B.21. Dans cette mesure, le deuxième moyen n'est pas fondé.
L'identité de traitement
B.22. Il ressort enfin des développements du deuxième moyen qu'il est aussi pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que l'article 51/1, § 2, alinéa 2, du décret du 15 mars 2018 traiterait les parties à un bail d'habitation au sens du décret du 15 mars 2018 de la même manière que les parties à d'autres contrats contenant une clause d'arbitrage qui serait aussi réputée non écrite parce que convenue avant la naissance du différend opposant ces parties.
B.23. Le principe d'égalité et de non-discrimination s'oppose à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure critiquée, sont essentiellement différentes.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non- discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.24. L'examen de la compatibilité d'une disposition législative avec le principe d'égalité et de non-discrimination suppose notamment l'identification précise des deux catégories de personnes qui font l'objet de l'identité de traitement critiquée.
L'exposé du moyen critiquant une identité de traitement doit donc contenir les éléments nécessaires à cette identification. Il n'appartient pas à la Cour d'examiner la constitutionnalité d'une identité de traitement de deux catégories de personnes dont elle devrait elle-même définir les contours, à défaut pour le moyen de procéder à cette définition.
B.25. Les développements du deuxième moyen ne permettent pas à la Cour d'identifier les contrats conclus par les personnes de la deuxième catégorie visée en B.22, dont la situation serait essentiellement différente de celle des parties à un bail d'habitation au sens du décret du 15 mars 2018.
B.26. Dans la mesure où il porte sur une identité de traitement, le deuxième moyen n'est pas recevable.
Quant au troisième moyen
B.27. Il ressort des développements de la requête que le troisième moyen n'a pour objet l'article 18 du décret du 2 mai 2019 qu'en ce que la règle qu'il énonce s'applique à l'article 16 du même décret.
B.28. Aux termes de l'article 18 du décret du 2 mai 2019, publié au Moniteur belge du 28 mai 2019, l'article 16 de ce décret « entre en vigueur le 1er mars 2019 ».
B.29. Le moyen est pris de la violation, entre autres, des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec le principe de la sécurité juridique, en ce que la disposition attaquée confère un effet rétroactif à l'article 16 du décret du 2 mai 2019, qui insère l'article 51/1, § 2, alinéa 2, dans le décret du 15 mars 2018.
B.30.1. Le principe de la sécurité juridique interdit au législateur de porter atteinte sans justification objective et raisonnable à l'intérêt que possèdent les sujets de droit d'être en mesure de prévoir les conséquences juridiques de leurs actes.
B.30.2. La non-rétroactivité des lois est une garantie ayant pour but de prévenir l'insécurité juridique. Cette garantie exige que le contenu du droit soit prévisible et accessible, de sorte que le justiciable puisse prévoir, dans une mesure raisonnable, les conséquences d'un acte déterminé au moment où cet acte est accompli. La rétroactivité ne se justifie que si elle est indispensable à la réalisation d'un objectif d'intérêt général.
B.31.1. Lors des travaux préparatoires du décret du 2 mai 2019, le texte qui est à l'origine de l'article 18 de ce décret a été commenté comme suit :
« Il convient que la disposition prévue à l'article 17 entre en vigueur à la date d'entrée en vigueur du décret du 15 mars 2018 pour ne pas que dans l'intervalle, des baux ne soient visés erronément par ce saut d'index » (Doc. parl., Parlement wallon, 2018-2019, n° 1313/1, p. 6).
B.31.2. Ce commentaire porte uniquement sur l'effet rétroactif conféré à l'article 17 du décret du 2 mai 2019.
Il ne contient aucune donnée en lien avec la réalisation d'un objectif d'intérêt général susceptible de justifier objectivement et raisonnablement l'effet rétroactif conféré à l'article 16 du décret du 2 mai 2019, qui insère l'article 51/1, § 2, alinéa 2, du décret du 15 mars 2018.
Le Gouvernement wallon ne justifie pas davantage cet effet rétroactif dans les mémoires qu'il a adressés à la Cour.
B.32. En ce qu'il confère un effet rétroactif à l'article 16 du décret du 2 mai 2019, l'article 18 de ce décret n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec le principe de la sécurité juridique.
B.33. Dans cette mesure, le troisième moyen est fondé.
En conséquence, il y a lieu d'annuler l'article 18 du décret de la Région wallonne du 2 mai 2019 en ce qu'il confère un effet rétroactif à l'article 16 de ce décret.
Dès lors que l'examen de la compatibilité de la disposition attaquée avec les autres normes invoquées au moyen ne pourrait donner lieu à une annulation plus étendue, il n'y a pas lieu d'y procéder.
Décision
Par ces motifs,
la Cour
- annule l'article 18 du décret de la Région wallonne du 2 mai 2019 « modifiant le Code wallon du Logement et de l'Habitat durable et le décret du 15 mars 2018 relatif au bail d'habitation » en ce qu'il confère un effet rétroactif à l'article 16 de ce décret.
- rejette le recours pour le surplus.