En cause:
le recours en annulation partielle du décret de la Région wallonne du 17 janvier 2019 « relatif à la lutte contre la pollution atmosphérique liée à la circulation des véhicules », introduit par Dominique Ramaekers.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, et des juges J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques et Y. Kherbache, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I Objet du recours
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 13 août 2019 et parvenue au greffe le 19 août 2019, Dominique Ramaekers a introduit un recours en annulation totale ou partielle des articles 1er à 4, 7, 17 et 20 du décret de la Région wallonne du 17 janvier 2019 « relatif à la lutte contre la pollution atmosphérique liée à la circulation des véhicules » (publié au Moniteur belge du 21 février 2019).
Des mémoires et mémoires en réplique ont été introduits par :
- le Gouvernement wallon, assisté et représenté par Me I.-S. Brouhns et Me G. Possoz, avocats au barreau de Bruxelles;
- le Gouvernement flamand, assisté et représenté par Me B. Martel, Me K. Caluwaert et Me T. Moonen, avocats au barreau de Bruxelles.
La partie requérante a introduit un mémoire en réponse.
Par ordonnance du 12 novembre 2020, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs P. Nihoul et T. Merckx-Van Goey, a décidé que l'affaire était en état, qu'aucune audience ne serait tenue, à moins qu'une partie n'ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu'en l'absence d'une telle demande, les débats seraient clos le 25 novembre 2020 et l'affaire mise en délibéré.
Á la suite de la demande du Gouvernement wallon à être entendu, la Cour, par ordonnance du 25 novembre 2020, a fixé l'audience au 13 janvier 2021.
À l'audience publique du 13 janvier 2021 :
- ont comparu :
. Dominique Ramaekers, en personne;
. Me I.-S. Brouhns, pour le Gouvernement wallon;
. Me K. Caluwaert, pour le Gouvernement flamand;
- les juges-rapporteurs P. Nihoul et T. Merckx-Van Goey ont fait rapport;
- les parties précitées ont été entendues;
- l'affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l'emploi des langues ont été appliquées.
II En droit
A Argument
Quant à l'intérêt
A.1. La partie requérante justifie son intérêt au recours par le fait d'être propriétaire d'un véhicule qui relève de la catégorie M1 diesel répondant à l'euronorme 3 et qui est en bon état de marche. Néanmoins, ce véhicule sera frappé d'une interdiction totale de circuler sur l'ensemble du territoire de la Région wallonne dès le 1er janvier 2025 et d'une interdiction de circuler, le cas échéant permanente, dans les zones de basses émissions dès le 1er janvier 2020, sans pouvoir bénéficier d'une dérogation.
A.2. Le Gouvernement wallon constate que la partie requérante ne démontre pas en quoi certaines dispositions dont elle demande l'annulation violeraient les normes de référence invoquées dans le moyen et qu'elle n'est personnellement concernée que par certaines dispositions. Le recours est recevable uniquement en ce qu'il est dirigé contre l'article 2, § 1er, 3°, l'article 3, § 1er, 1° et 2°, et § 2, l'article 4, § 1er, 3°, a), i, l'article 7, l'article 17 et l'article 20, 2°, du décret du 17 janvier 2019 « relatif à la lutte contre la pollution atmosphérique liée à la circulation des véhicules » (ci-après : le décret attaqué).
A.3. Le Gouvernement flamand constate que le recours est dirigé contre l'article 1er, 1°, l'article 2, § 1er, 3°, l'article 3, § 1er, 1° et 2°, et § 2, l'article 4, § 1er, 1° et 3°, a), i, et § 4, l'article 7, § 1er, l'article 17 et l'article 20, 2°, du décret attaqué.
A.4. La partie requérante estime que le recours est recevable en ce qu'il est dirigé contre l'article 1er, 1°, du décret attaqué puisque cette disposition a un contenu normatif en raison du renvoi qu'elle opère à l'article 4 du décret auquel elle est indissociablement liée. Le recours porte d'ailleurs sur l'article 20, § 2, du décret attaqué, et non sur l'article 23.
A.5. Le Gouvernement wallon réplique que l'article 7 « 1°, 3° et 4° » du décret attaqué, dont l'annulation est poursuivie par la partie requérante, n'existe pas. Par ailleurs, dans son mémoire en réplique, le Gouvernement wallon n'indique plus que le recours serait recevable en ce qu'il vise l'article 3, § 1er, 1° et 2°, et § 2, du décret attaqué.
Quant au fond
En ce qui concerne le premier moyen
A.6. La partie requérante prend un premier moyen de la violation des articles 35 et 39 de la Constitution, lus en combinaison avec la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, notamment avec l'article 6, § 4, 3°, de cette loi, et des articles 10, 11 et 34 de la Constitution, lus en combinaison avec le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après : le TFUE), notamment son titre Ier, en particulier ses articles 2, 4 et 91, et avec la directive 2014/45/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 « relative au contrôle technique périodique des véhicules à moteur et de leurs remorques, et abrogeant la directive 2009/40/CE » (ci- après : la directive 2014/45/UE).
A.7.1.1. La partie requérante soutient, dans la première branche, que la Région wallonne n'est pas compétente pour décider d'une interdiction générale de circulation sur l'ensemble du territoire régional.
A.7.1.2. Premièrement, cette mesure constitue une mesure de police générale relevant de la compétence de l'autorité fédérale et non pas un règlement complémentaire de la circulation routière relevant de la compétence des régions. La partie requérante s'appuie à cet égard sur l'arrêt de la Cour n° 37/2019 du 28 février 2019 et sur les travaux préparatoires de l'article 6, § 4, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980. Dans l'arrêt précité, la Cour ne s'est pas prononcée sur la compétence d'une région d'interdire de manière permanente la circulation de certains types de véhicules sur l'ensemble du territoire régional. Par ailleurs, une telle interdiction ne peut être considérée comme une adaptation de la réglementation aux circonstances locales et particulières, ce qui relève de la compétence des régions. En effet, cette interdiction couvre l'ensemble du territoire régional, alors que toute la
Région wallonne n'est pas soumise à des circonstances particulières en ce qui concerne la qualité de l'air, comme cela ressort d'un rapport de l'Agence wallonne de l'air et du climat et des travaux préparatoires. Enfin, quant à la création d'une zone régionale de basses émissions, elle peut s'apparenter à une mesure générale de police qui ne relève pas de la compétence des régions en ce qu'il n'est pas exclu qu'elle puisse être permanente et couvrir l'ensemble du territoire régional.
A.7.1.3. Deuxièmement, la partie requérante conteste la compétence de la Région wallonne pour décider d'une interdiction permanente de circulation pour certains types de véhicules sur l'ensemble du territoire de la Région wallonne, en ce que cette mesure revient à modifier l'arrêté royal du 15 mars 1968 « portant règlement général sur les conditions techniques auxquelles doivent répondre les véhicules automobiles, leurs remorques, leurs éléments ainsi que les accessoires de sécurité » (ci-après : l'arrêté royal du 15 mars 1968) et la portée et les critères techniques de l'annexe I de la directive 2014/45/UE. Or, c'est l'autorité fédérale qui est compétente pour fixer les prescriptions techniques auxquelles les véhicules doivent se conformer.
A.7.1.4. La partie requérante précise que les défaillances techniques des véhicules, constatées lors du contrôle technique, peuvent, en fonction de leur gravité, donner lieu à une interdiction temporaire de circuler. Toutefois, même une défaillance majeure, qui n'est pas encore la défaillance la plus grave susceptible d'être constatée, ne donne pas lieu à une interdiction permanente de circuler. Dès lors, en interdisant la circulation de certains types de véhicules en fonction de leur catégorie et leur euronorme, indépendamment du fait que ces véhicules présentent ou non des défaillances, le cas échéant majeures, la Région wallonne a modifié l'arrêté royal du 15 mars 1968.
A.7.1.5. La partie requérante indique encore que l'objectif de la réglementation européenne en matière de réception des véhicules (dont la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 « établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules (directive-cadre) » (ci-après : la directive 2007/46/CE) et le règlement (CE) n° 715/2007 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2007 « relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l'entretien des véhicules » (ci-après : le règlement (CE) n° 715/2007)) est d'assurer la cohérence du cadre législatif concernant la mise sur le marché des véhicules et la libre circulation de ceux-ci au cours de leur durée de vie. Cette directive, ainsi que les règlements associés relatifs aux euronormes relèvent de la compétence de l'autorité fédérale.
A.7.2. La partie requérante soutient, dans la seconde branche du moyen, que la Région wallonne n'est pas compétente pour adopter les disposition attaquées en raison de la « compétence partagée » entre l'Union européenne et les États membres, au sens de l'article 2, paragraphe 2, du TFUE, en matière de transport. En cas de compétence partagée, les États membres exercent leur compétence pour autant que l'Union européenne n'ait pas exercé la sienne. Or, en l'espèce, l'Union européenne a exercé sa compétence en matière de contrôle technique des véhicules, notamment en matière de contrôle des émissions, en adoptant la directive 2014/45/UE. Cette compétence inclut les mesures à prendre en cas de défaillances majeures. L'interdiction permanente de circuler n'a toutefois pas été choisie comme une telle mesure en cas de défaillance technique majeure. Dès lors, en interdisant la circulation de certains types de véhicules, qu'ils présentent ou non des défaillances techniques, la Région wallonne a exercé un pouvoir dans un domaine pour lequel l'Union européenne dispose d'une compétence exclusive.
A.8. Le Gouvernement wallon excipe de l'irrecevabilité du moyen en ce que celui-ci vise la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles et le TFUE dans leur totalité. En outre, le moyen est irrecevable en ce qu'il vise la directive 2014/45/UE puisqu'il n'est pas démontré que cette directive n'aurait pas, ou aurait été insuffisamment, transposée et en ce que la partie requérante ne précise pas les dispositions de cette directive, lues en combinaison avec les articles 10, 11 et 34 de la Constitution, qui seraient violées par le décret attaqué.
A.9.1. Concernant la première branche du moyen, le Gouvernement wallon soutient, d'une part, que les mesures d'interdiction prévues par le décret attaqué ont été adoptées par la Région wallonne sur la base de sa compétence pour arrêter les règlements complémentaires de circulation. Se fondant sur la légisprudence du Conseil d'État, le Gouvernement wallon précise que la compétence en matière de police générale relative aux communications est la compétence de régler l'aménagement de la circulation routière en soi. L'autorité fédérale, qui est compétente quant au règlement général de la police de la circulation routière, peut déterminer quelles catégories d'usagers peuvent ou non emprunter les voies publiques. Les régions sont compétentes pour adapter la
réglementation générale sur la circulation routière aux circonstances locales ou particulières pour autant que ces règlements portent sur des matières régionales. En l'espèce, le décret attaqué ne vise pas des usagers, mais des types de véhicules au regard de leur émissions atmosphériques. Le décret attaqué n'impose aucune restriction aux personnes autorisées par la réglementation fédérale à emprunter les voies publiques ou à l'organisation du trafic.
A.9.2. Le Gouvernement wallon indique, d'autre part, que les mesures de restriction prévues par le décret attaqué ont été adoptées par la Région wallonne sur la base de sa compétence en matière de protection de l'environnement, et plus particulièrement en matière de protection de l'air contre la pollution. La circonstance que la qualité de l'air est conforme aux exigences minimales fixées au niveau européen ne signifie pas qu'aucune mesure complémentaire ne puisse être prise pour améliorer davantage la qualité de l'air. C'est bien la situation locale et particulière en Région wallonne en matière de pollution de l'air qui a conduit le législateur à édicter une interdiction permanente et progressive de circulation pour les véhicules les plus polluants. Le choix d'étendre cette interdiction à l'ensemble du territoire wallon relève d'un choix politique du législateur qui n'a pas souhaité multiplier les zones de basses émissions.
A.9.3. En ce qui concerne les zones régionales de basses émissions, le Gouvernement wallon précise qu'il se conçoit mal qu'une mesure d'exécution ait pour effet de créer une zone de basses émissions permanente à l'échelle de la Région wallonne dont la portée et les effets dépasseraient l'interdiction permanente critiquée.
A.9.4. Concernant les prescription techniques auxquelles les véhicules doivent répondre, le Gouvernement wallon soutient que la partie requérante confond la portée et le champ d'application respectifs de la directive 2014/45/UE et du décret attaqué. Le décret attaqué ne porte pas atteinte aux règles imposées aux États membres par la directive 2014/45/UE et vise un objectif de protection de la qualité de l'air. La directive 2014/45/UE a pour objectif d'établir et d'harmoniser les exigences minimales applicables au dispositif de contrôle technique périodique des véhicules. Il s'agit d'une directive technique qui n'a pas pour objectif la protection de l'environnement. Les défaillances visées par la directive 2014/45/UE visent dès lors uniquement des situations de non-conformité d'un véhicule par rapport à la norme dont il relève. Les caractéristiques techniques des moteurs, classés en fonction de l'euronorme, fournissent une information objective sur les émissions des polluants atmosphériques, indépendamment des défaillances au sens de la directive 2014/45/UE. Le législateur décrétal en fait usage comme critère dans le cadre de l'exercice de sa compétence en matière de protection de l'air, sans que ces normes portent préjudice à la directive 2014/45/UE.
A.9.5. Le Gouvernement wallon soutient ensuite que la directive 2007/46/CE a pour objet d'établir un cadre harmonisé constitué par des dispositions administratives et des exigences techniques applicables à la réception des véhicules neufs, en vue de faciliter leur immatriculation. Par ailleurs, l'annexe XV de la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil « concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe » vise les mesures destinées à limiter les émissions dues au transport grâce à la planification et à la gestion du trafic, telles les zones à faibles émissions. Le législateur européen a donc lui-même admis le principe de zones à faibles émissions qui restreignent ou entravent la circulation sur la route des véhicules, sans que cela ne soit incompatible avec la directive 2007/46/CE, ni avec le règlement (CE) n° 715/2007. Les États membres conservent le pouvoir d'adopter des mesures de restriction de la circulation concernant l'ensemble des véhicules ou concernant des catégories de véhicules, comme il ressort d'un arrêt du Tribunal de première instance de l'Union européenne et d'un document de travail et d'une communication de la Commission européenne. Le règlement (CE) n° 715/2007 ne contient pas non plus de dispositions qui limiteraient la possibilité, pour un État membre, d'interdire la circulation de certains types de véhicules dans certaines zones déterminées, eu égard à leurs émissions. Enfin, de nombreuses villes dans plusieurs États membres ont instauré des zones de basses émissions. L'interdiction de circuler imposée à certains types de véhicules a été validée par le Tribunal administratif fédéral allemand.
A.9.6. À propos de la seconde branche, le Gouvernement wallon soutient que l'argumentation de la partie requérante est contredite par le fait que le quatrième considérant de la directive 2014/45/UE indique, conformément à l'article 192 du TFUE, que les États membres devraient être autorisés à établir des normes de contrôle plus strictes que celles prévues par la directive.
A.9.7. Il conclut que le premier moyen n'est pas fondé.
A.10.1. Le Gouvernement flamand précise, à titre liminaire, que la Région wallonne est compétente pour la protection de l'environnement contre la pollution atmosphérique, en vertu de l'article 6, § 1er, II, alinéa 1er, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. L'autonomie des régions en cette matière reçoit une acceptation large. Quant à l'autorité fédérale, elle est compétente pour la police générale et la réglementation de la circulation et des prescriptions techniques des véhicules, en respectant la compétence des régions prévue à l'article 6, § 4, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980, précitée. Il est toutefois clair que la limitation de la circulation sur la voirie publique imposée à des catégories de véhicules polluants ne présente pas de lien avec la réglementation de la circulation en vue d'organiser des flux de circulation sûrs.
A.10.2. Le Gouvernement flamand précise ensuite que, parmi les règles de circulation routière, l'on distingue classiquement entre les règles qui concernent la police de circulation générale (qui relèvent de la compétence fédérale) et les règles de police de circulation particulières (qui relèvent de la compétence des régions). Ces dernières doivent, selon la Cour, avoir un champ d'application particulier, ce qui est le cas lorsqu'elles sont adaptées à des circonstances locales ou particulières. Le terme « règlements complémentaires » est parfois utilisé pour désigner, de manière générale, la réglementation du trafic dans des circonstances particulières ou, dans un sens plus spécifique, les règlements spécifiques utilisés par le gestionnaire de la voirie pour faire appliquer des règles locales de la circulation par des panneaux de signalisation. Les panneaux de circulation affichant une interdiction ou une obligation, comme le panneau relatif à la zone de basse émission, ne peut être placé qu'en vertu d'un règlement complémentaire.
A.10.3. Le Gouvernement flamand soutient que la première branche du moyen n'est pas fondée. Se fondant sur l'arrêt de la Cour n° 37/2019, il observe que celle-ci a déjà jugé qu'une région est compétente pour habiliter son gouvernement à déterminer une ou plusieurs zones de basses émissions sur le territoire régional, sans méconnaître la compétence de l'autorité fédérale. Le décret attaqué comporte des mesures de même nature et poursuivant le même objectif que l'ordonnance bruxelloise qui a donné lieu à l'arrêt précité. La partie requérante ne tient pas compte de l'arrêt précité, lorsqu'elle estime que la réglementation attaquée relève des règles de police générale. L'État fédéral a d'ailleurs reconnu lui-même, dans le préambule de l'arrêté royal du 21 juillet 2014 « relatif à la signalisation des zones de basses émissions », que des mesures comme celles qui sont attaquées par la partie requérante relèvent de la compétence des régions.
A.10.4. Le Gouvernement flamand estime encore que la partie requérante ne peut être suivie lorsqu'elle estime que la Cour ne se serait pas prononcée dans l'arrêt n° 37/2019 sur la compétence des régions d'interdire de manière permanente la circulation d'un certain type de véhicules sur tout le territoire régional. La partie requérante ne peut pas non plus être suivie lorsqu'elle soutient que les dispositions attaquées ne constitueraient pas un règlement complémentaire de la circulation routière. La compétence d'établir des zones de basses émissions, bien qu'elle implique le placement de panneaux de signalisation, ne relève pas de la police de la circulation sur la voirie en tant que telle. Enfin, le législateur décrétal n'a pas modifié l'arrêté royal du 15 mars 1968. Non seulement la partie requérante se contredit en ce que les dispositions attaquées ne peuvent pas, comme elle le prétend, à la fois relever de la police générale et concerner les prescriptions techniques des véhicules. Plus encore, en adoptant les dispositions attaquées, le législateur décrétal n'a pas fixé les conditions techniques des véhicules ou du contrôle technique auquel ils sont soumis, comme la Cour l'a expressément indiqué dans son arrêt n° 37/2019.
A.10.5. Le Gouvernement flamand conclut que la première branche n'est pas fondée.
A.10.6. Quant à la seconde branche, le Gouvernement flamand soutient que la Cour n'est pas compétente pour en connaître puisqu'elle ne peut opérer de contrôle au regard de règles répartitrices de compétences autres que celles qui sont visées dans la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle. Tel est le cas des règles répartitrices de compétences entre l'Union européenne et ses États membres. En outre, la Cour n'est pas compétente pour contrôler une disposition au regard de l'article 34 de la Constitution. La seconde branche du moyen est irrecevable.
A.10.7. Sur le fond, le Gouvernement flamand estime que la seconde branche n'est pas fondée puisque les dispositions attaquées ne concernent pas le contrôle technique des véhicules.
A.10.8. Le Gouvernement flamand conclut que le premier moyen n'est pas fondé.
A.11.1. La partie requérante répond que le moyen est recevable puisqu'elle a invoqué l'article pertinent de la loi spéciale du 8 août 1980 et du TFUE. Elle entend, par ailleurs, étendre son argumentation à l'article 6, § 1er, XII, 4°, de la même loi spéciale. La Région wallonne cite erronément les articles 2, 4 et 9 du TFUE; les articles pertinents sont les articles 2, 4 et 91. La partie requérante rappelle ensuite que, concernant la transposition de la directive 2014/45/UE, elle s'est référée de manière extensive à l'arrêté royal du 15 mars 1968, notamment à l'article 23decies, et à l'arrêté du Gouvernement wallon du 17 mai 2018 qui le modifie, spécialement ses points 126, 127, 128 et 129 de l'article 1er, § 2. Elle indique qu'elle a bien précisé dans sa requête les articles de la directive 2014/45/UE qui sont concernés par le recours. Ensuite, le contrôle de la primauté du droit de l'Union européenne par rapport au droit national s'examine au regard des articles 10 et 11 de la Constitution.
A.11.2. À propos de la première branche, la partie requérante répond qu'elle ne met pas en cause la compétence de la Région wallonne d'établir des zones de basses émissions sur la base de sa compétence en matière d'environnement, mais celle d'interdire de manière permanente la circulation de certains véhicules sur l'ensemble du territoire régional. Il n'est pas correct de soutenir que les dispositions litigieuses ne sauraient concerner à la fois la police générale et les exigences techniques applicables aux véhicules. En effet, la circulation des véhicules sur la voie publique n'est autorisée qu'à la condition que les véhicules soient conformes aux exigences techniques. Les deux matières sont, au surplus, toutes les deux de nature fédérale.
A.11.3. La partie requérante ne conçoit pas en quoi le décret attaqué ne concernerait pas les usagers, mais seulement certains types de véhicules.
A.11.4. La partie requérante répond encore qu'il découle de l'exposé des motifs que les mesures d'interdiction de circulation relèvent de la circulation routière et qu'il reste à établir qu'elles relèveraient des règlements complémentaires visant à adapter la circulation routière aux circonstances locales et particulières.
A.11.5. La partie requérante conteste ensuite le fait que l'autonomie des régions en matière d'environnement doit se concevoir largement. Cette compétence ne peut pas avoir une prépondérance sur d'autres compétences, notamment fédérales.
A.11.6. La partie requérante répond que l'avis du Conseil d'État relatif à la zone de basses émissions en Région de Bruxelles-Capitale a été rendu in abstracto. L'avant-projet d'ordonnance examiné ne mentionnait pas l'intention d'établir une interdiction de circulation sur l'ensemble du territoire régional.
A.11.7. La partie requérante conteste le fait que la Cour aurait déjà statué sur une interdiction permanente de la circulation. La Cour s'est uniquement prononcée sur une mesure de « restriction » ou de « limitation » d'accès dans le cadre d'une zone de basses émissions, et non sur une « interdiction » permanente imposée à certains véhicules de circuler sur l'ensemble du territoire d'une région. Les notions de restriction, de limitation d'accès et d'interdiction permanente de la circulation doivent être examinées au regard de la législation européenne. Ainsi, la directive 2007/46/CE ne concerne que les véhicules répondant à l'euronorme 6. De même, il ne peut être déduit de l'arrêt du Tribunal de première instance de l'Union européenne qu'une autorité publique d'un État membre puisse, dans le cadre de l'application de la directive 2014/45/UE, interdire de manière permanente la circulation des véhicules qui ne satisfont au mieux qu'à la norme Euro 5 sur l'ensemble de son territoire. Il apparaît aussi à la lumière de la directive 2008/50/CE que les termes « restrictions d'accès » et « interdiction (permanente) de circulation » ne sont pas interchangeables. Les dispositions attaquées ne sont pas comparables à celles de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale, puisque l'interdiction de circulation s'applique, en Région wallonne, sur tout le territoire régional et que la Région wallonne respecte les normes de qualité de l'air imposées par les directives européennes.
A.11.8. La partie requérante répète que, depuis 2014, aucune zone en Région wallonne n'a dépassé les valeurs européennes en matière de polluants atmosphériques. La Région wallonne n'a pas adopté des normes de qualité plus strictes. Dès lors, les dispositions attaquées ne répondent pas à une situation particulière qui justifie une interdiction de circulation totale pour certains types de véhicules. Il n'y a pas non plus de « situation particulière » en raison d'un nombre élevé de vieux véhicules en circulation en Région wallonne, comme l'admet le ministre compétent lui-même. La décision et la communication de la Commission européenne produites par la Région wallonne, sans valeur juridique, ne permettent pas de justifier une zone de basses émissions unique
recouvrant l'ensemble d'une région. La décision précitée vise par ailleurs les régulations d'accès en zone urbaine, ce qui ne saurait servir à justifier une interdiction de circulation qui s'applique à tout un territoire régional.
A.11.9. La partie requérante répond encore que le fait que des villes d'autres États membres aient instauré des zones de basses émissions ne signifie pas que les dispositions attaquées sont légales.
A.11.10. Il ne ressort pas de l'arrêt du Tribunal administratif fédéral allemand, à supposer qu'il soit pertinent en droit belge, qu'une interdiction permanente de circulation sur l'ensemble d'une région n'est pas contraire au droit européen.
A.11.11. Quant à la compétence de l'autorité fédérale pour fixer les prescriptions techniques, la partie requérante souhaite replacer son argumentation dans le cadre de l'article 6, § 1er, XII, 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980. Elle précise qu'elle n'affirme pas que le décret attaqué et la directive 2014/45/UE ont des portées et des champs d'application similaires. Elle soutient juste que le décret attaqué empiète sur la directive 2014/45/UE. Par ailleurs, la base légale de la directive 2014/45/UE, à savoir l'article 91 du TFUE, n'empêche pas que cette directive poursuive un objectif accessoire, à savoir la protection de l'environnement.
A.11.12. La partie requérante répond que l'objectif d'harmoniser les exigences techniques relatives au contrôle technique est important, de sorte que le degré de sévérité des défaillances ne peut être modifié. La partie requérante maintient que le décret attaqué a pour effet de modifier l'annexe I, 3, de la directive 2014/45/UE, de compléter son article 9 et de modifier son article 5. Or, la Région wallonne n'est pas compétente pour modifier les exigences techniques et les normes fédérales de contrôle, en ce compris l'évaluation, la preuve de réussite du contrôle et la définition des défaillances techniques.
A.12.1. À propos de la seconde branche du premier moyen, la partie requérante répond que ses arguments doivent aussi pris en compte dans le cadre du troisième moyen.
A.12.2. Elle répond que la directive 2014/45/UE donne une flexibilité aux États membres uniquement en ce qui concerne la date et la fréquence des contrôles, mais pas la possibilité d'adopter des normes environnementales plus strictes. La référence faite par la Région wallonne à l'article 193 du TFUE n'est pas pertinente. L'absence de compétences des États membres pour adopter des normes plus strictes en matière de contrôle technique ressort en outre de l'habilitation conférée à la Commission européenne par l'article 17 de la directive 2014/45/UE. Enfin, la Cour n'est pas invitée à examiner directement des dispositions du TFUE, mais à constater que l'Union européenne a exercé sa compétence exclusive en matière de contrôle technique des véhicules.
A.12.3. La partie requérante suggère de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne pour déterminer dans quelle mesure un État membre peut, pour des raisons environnementales, interdire de manière permanente la circulation de certains véhicules, pourtant en ordre de contrôle technique, sur l'ensemble de son territoire, ou interdire de la même manière la circulation de certains véhicules en fonction de leur âge ou de leur euronorme, alors que cet État est en conformité avec les normes européennes de qualité de l'air.
A.13.1. Quant à la première branche, le Gouvernement wallon réplique qu'en ce qui concerne la directive 2007/46/CE, les arguments de la partie requérante visant à interpréter ces dispositions comme faisant obstacle à des interdictions de circulation ne trouvent aucun fondement dans la directive, ni dans la jurisprudence du Tribunal de première instance de l'Union européenne. Il n'existe aucune raison de limiter le raisonnement du Tribunal à la seule restriction à la circulation, à l'exclusion de l'entrave ou de l'interdiction de circulation. L'absence d'indications relatives aux modalités d'établissement des zones de basses émissions dans la directive 2008/50/CE ne permet pas davantage d'en déduire l'impossibilité pour les États membres d'établir des mesures d'interdiction de circulation pour certains véhicules.
A.13.2. Le Gouvernement wallon réplique que les mesures attaquées n'ont ni pour objectif, ni pour effet de fixer des normes plus strictes que celles de la directive 2008/50/CE, mais d'assurer l'amélioration de la qualité de l'air. Le Gouvernement wallon invoque, à cet égard, le dernier rapport de l'Agence européenne pour l'environnement sur la qualité de l'air en Europe et la contribution de la Région wallonne au « plan air » belge.
A.13.3. Le Gouvernement wallon réplique que le décret attaqué ne restreint pas le champ d'application de la directive 2014/45/UE, en ce qu'il ne fait pas obstacle à l'octroi d'un certificat de conformité aux véhicules pour lesquels s'appliquent des restrictions d'utilisation.
A.13.4. Quant à la seconde branche, le Gouvernement wallon réplique, d'une part, que le rattachement des articles 10, 11 et 34 de la Constitution à l'article 2, paragraphe 2, du TFUE n'est pas invoqué dans la requête. D'autre part, l'article 34 de la Constitution, qui vise l'attribution de l'exercice de pouvoirs à des institutions de droit international public, ne relève pas du contrôle de la Cour. La Cour n'est pas non plus compétente pour examiner directement des dispositions de droit international. Le premier moyen doit donc être examiné seulement en tant qu'il invoque une violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus conjointement avec la directive 2014/45/UE, la partie requérante n'exposant toutefois pas en quoi ces dispositions constitutionnelles seraient violées, de sorte que la seconde branche du moyen est irrecevable.
A.13.5. Le Gouvernement wallon réplique que l'argumentation de la partie requérante aboutit à ce que tout véhicule ayant réussi le contrôle technique périodique, indépendamment de son niveau d'émissions évalué sur la base de l'euronorme dont il relève, ne pourrait pas se voir appliquer des mesures de restriction ou d'interdiction à la circulation. Il serait alors juridiquement impossible d'instaurer des zones de basses émissions.
A.14.1. Concernant la première branche, le Gouvernement flamand réplique qu'il n'a pas prétendu que la compétence régionale en matière d'environnement doit l'emporter sur d'autres compétences, attribuées le cas échéant à d'autres législateurs. L'avis de la section de législation du Conseil d'État du 13 décembre 1993, produit par la partie requérante, n'est pas de nature à remettre en cause l'argumentation du Gouvernement flamand. De toute manière, la réglementation soumise pour avis au Conseil d'État n'est pas comparable au décret attaqué. En l'espèce, il n'y a pas de réglementation permettant d'habiliter le Gouvernement à déterminer les prescriptions techniques des véhicules. Par ailleurs, la législation attaquée, qui consiste en une interdiction de circulation pour certaines catégories de véhicules sur tout le territoire régional et en une restriction d'accès de véhicules à des zones de basses émissions, ne peut être qualifiée de mesure qui vise à régler la circulation sur la voirie. Une limitation d'accès à la circulation pour une série de véhicules polluants ne saurait être vue comme une règle de circulation. La législation attaquée vise prioritairement à protéger l'environnement de la pollution atmosphérique.
A.14.2. Le Gouvernement flamand n'aperçoit pas en quoi les directives 2007/46/CE, 2008/50/CE et 2014/45/UE seraient pertinentes pour résoudre une question relative à la répartition de compétences entre l'État fédéral et les régions. La compétence de la Région wallonne pour améliorer la qualité de l'air sur son territoire n'est en aucune manière limitée par ces directives. Indépendamment du point de savoir si la Région wallonne a déjà atteint les objectifs de réduction d'émissions atmosphériques, le législateur décrétal reste parfaitement compétent pour adopter des mesures supplémentaires visant à réduire les émissions des véhicules à moteur. Il n'est pas pertinent à cet égard que le plan national belge de réduction des émissions ne contienne pas de mention de l'interdiction d'accès de certaines catégories de véhicules.
A.14.3. Le débat sémantique engagé par la partie requérante sur la différence entre une « interdiction » et une « limitation » de circulation imposée à certains véhicules n'est pas pertinent pour tenter de démontrer que l'enseignement de l'arrêt de la Cour n° 37/2019 ne serait pas pertinent pour le cas d'espèce. S'il est correct d'affirmer que l'interdiction prévue par l'article 2 du décret attaqué n'est pas totalement identique à la règle limitant l'accès de certains véhicules à des zones de basses émissions, cela ne signifie pas encore que l'enseignement de l'arrêt précité ne peut pas être appliqué au cas d'espèce. Tant en ce qui concerne l'objectif poursuivi qu'en ce qui concerne sa portée, la règle contenue dans l'article 2 du décret attaqué est comparable à la législation bruxelloise qui a été soumise au contrôle de la Cour.
A.14.4. Le Gouvernement flamand réplique encore que le caractère « spécifique » de la situation en Région wallonne en matière de protection de l'environnement n'est pas déterminant pour résoudre la question de la répartition des compétences. La Région wallonne dispose d'une large autonomie en matière de protection de l'environnement contre la pollution atmosphérique, de sorte qu'elle ne doit pas démontrer que la problématique contre laquelle le législateur wallon entend lutter doive être « spécifique ». Si la partie requérante a voulu en réalité se référer aux règlements complémentaires de la circulation, ce renvoi n'est pas pertinent puisque la Région wallonne a adopté le décret attaqué seul, sur la base de sa compétence en matière de protection de l'environnement. Les dispositions attaquées ne font pas partie de la police de la circulation routière. De toute manière, la partie requérante donne une signification erronée à la notion de « champ d'application spécifique ». En effet, pour
déterminer le contenu d'une compétence matérielle régionale, il n'est pas pertinent de se référer à des obligations qui découlent d'une directive européenne ou à des situations dans d'autres États membres.
A.14.5. Le Gouvernement flamand répète qu'il est évident que la Cour n'est pas compétente pour connaître de la seconde branche du moyen puisque la partie requérante veut l'amener à contrôler la répartition de compétences entre l'Union européenne et les États membres. Contrairement à ce qu'elle prétend, la partie requérante ne demande pas à la Cour de contrôler de manière indirecte une disposition de droit européen. Il n'y a donc aucune raison de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, d'autant plus que l'application correcte du droit de l'Union est évidente.
En ce qui concerne le deuxième moyen
A.15.1. La partie requérante prend un deuxième moyen de la violation, par les articles 1er, 1°, 2, § 1er, 3°, 4, 3°, a), i, 7 et 17 du décret attaqué, des articles 10, 11 et 16 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
A.15.2. Dans la première branche, elle considère que l'interdiction permanente de circuler pour les véhicules de catégorie M1 sur l'ensemble du territoire de la Région wallonne n'est pas justifiée au regard des objectifs de réduction des polluants atmosphériques fixés par la directive 2008/50/CE. Par ailleurs, l'adoption du décret attaqué est prématurée au regard de la mise en œuvre de la directive (UE) 2016/2284 « concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques, modifiant la directive 2003/35/CE et abrogeant la directive 2001/81/CE » (ci-après : la directive (UE) 2016/2284). La recommandation de la Commission européenne sur le projet de plan national intégré en matière d'énergie et de climat pour la Belgique invite la Belgique à compléter les informations sur les politiques et les mesures nécessaires pour atteindre l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour certains secteurs. Dans le cadre de l'adoption du décret attaqué également, aucune donnée n'est fournie quant à l'incidence de l'interdiction de circulation des véhicules suivant leur euronorme sur l'amélioration de la qualité de l'air et sur la santé publique. En l'absence de telles données, le rapport raisonnable entre les moyens employés et le but poursuivi n'est pas établi.
A.15.3. En ce qui concerne l'interdiction permanente de circulation des véhicules en fonction de leur euronorme, la partie requérante considère que le principe de proportionnalité n'est pas respecté parce que les émissions réelles des véhicules ne sont pas prises en compte. Les voitures appartenant à la même euronorme n'ont pas les mêmes taux d'émissions. Le scandale du « dieselgate » a d'ailleurs fait apparaître que les émissions réelles des véhicules répondant à l'euronorme 6 dépassaient de loin les émissions théoriques. En outre, les émissions sont directement liées à l'utilisation du véhicule et à ses conditions et durée d'utilisation. Le décret attaqué engendre un déséquilibre entre les intérêts en présence. L'utilisation de l'euronorme n'est donc pas un critère pertinent.
A.15.4. Dans la seconde branche, la partie requérante conteste le caractère proportionné des sanctions prévues à l'article 17 du décret attaqué, qu'elle compare à des sanctions prévues pour des infractions au Code de la route. Ainsi, le montant des amendes pour les infractions de troisième degré au Code de la route est largement inférieur aux sanctions prévues pour l'utilisation d'un véhicule qui est interdite en vertu des articles 2 et 4 du décret attaqué. Or, ces dernières infractions ne présentent pas le même risque pour la vie d'autrui.
A.16.1. Le Gouvernement wallon soutient que le moyen est irrecevable en ce que la partie requérante n'établit pas en quoi les articles 10, 11 et 16 de la Constitution et l'article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme seraient violés. La disproportion alléguée est étrangère à ces normes de référence.
A.16.2. Quant à la première branche, le Gouvernement wallon précise que les autorités disposent d'une large marge de manœuvre en matière d'environnement, sous réserve du respect du principe de proportionnalité. En l'espèce, la volonté du législateur décrétal d'améliorer la qualité de l'air au-delà des objectifs fixés par le législateur européen et d'atteindre ces objectifs à moyen et à long terme n'est pas manifestement déraisonnable.
A.16.3. En ce qui concerne l'interdiction permanente de circulation applicable à certaines catégories de véhicules, le Gouvernement wallon observe que la partie requérante critique un choix d'opportunité. Par ailleurs, elle confond le « programme national de lutte contre la pollution atmosphérique » visé par la directive (UE) 2016/2284 et le « plan national intégré énergie-climat » remis à la Commission européenne conformément au règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 « sur la gouvernance de l'union de l'énergie et de l'action pour le climat, modifiant les règlements (CE) n° 663/2009 et (CE) n° 715/2009 du Parlement européen et du Conseil, les directives 94/22/CE, 98/70/CE, 2009/31/CE, 2009/73/CE, 2010/31/UE, 2012/27/UE et 2013/30/UE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2009/119/CE et (UE) 2015/652 du Conseil et abrogeant le règlement (UE) n° 525/2013 du Parlement européen et du Conseil ». Le décret attaqué a été adopté pour lutter contre les émissions de polluants atmosphériques et non pas pour réduire des émissions de gaz à effet de serre. Il est à cet égard sans importance que le décret attaqué ait été adopté avant l'adoption du « plan air » de la Région wallonne, lequel forme, avec les plans des deux autres Régions, le « plan air » belge au sens de la directive (UE) 2016/2284. Le décret attaqué constitue l'une des mesures de réduction, essentiellement de l'oxyde d'azote (NOx) et des particules fines, sans lesquelles les objectifs de réduction fixés par la directive (UE) 2016/2284 ne seraient pas atteints. Le « plan air » n'a donc pas pour seul objectif de respecter les obligations actuelles de réduction de certains polluants atmosphériques, mais a également pour but de respecter de nouvelles valeurs de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) plus ambitieuses. Le législateur décrétal a, en outre, disposé de toutes les informations utiles pour s'assurer de la pertinence des mesures adoptées, comme en témoignent les travaux préparatoires. En conséquence, les mesures visant à réduire les émissions atmosphériques générées par le transport, en ciblant progressivement les véhicules diesel en fonction de leur âge, ne sont pas disproportionnées. Enfin, le décret attaqué comporte plusieurs habilitations conférées au Gouvernement wallon pour atténuer les mesures d'interdiction.
A.16.4. Quant à l'interdiction permanente de circuler pour les véhicules en fonction de leur euronorme dans les zones de basses émissions, le Gouvernement wallon précise que ce critère a été choisi pour préserver la cohérence avec les deux autres régions. Les manœuvres frauduleuses de certains constructeurs n'affectent pas la pertinence de ce choix, pas davantage que les différences d'émission des différents modèles de véhicules appartenant à la même euronorme. L'euronorme est un critère objectif et aisément vérifiable. La prise en compte des conditions d'utilisation de chaque véhicule considéré individuellement est impossible.
A.16.5. Quant à la seconde branche, le Gouvernement wallon soutient que les infractions que la partie requérante compare entre elles sont fondamentalement différentes, les unes ayant trait à la protection de l'environnement, les autres portant sur le non-respect du Code de la route. La détermination des peines applicables relève du pouvoir d'appréciation du législateur. La Cour ne peut censurer ce choix que s'il est manifestement déraisonnable. En l'espèce, les sanctions poursuivent l'intérêt général et la protection de la population contre les risques sanitaires.
A.16.6. Le Gouvernement wallon conclut au non-fondement du moyen.
A.17.1. Le Gouvernement flamand soutient, à propos de la première branche, que le législateur décrétal n'était pas tenu de prévoir une juste et préalable indemnité au sens de l'article 16 de la Constitution puisqu'il n'y a pas de privation de propriété. Il s'agit plutôt d'un règlement de l'usage de la propriété. Le droit de propriété peut être limité si c'est nécessaire et pour poursuivre un objectif d'intérêt général. Le législateur dispose d'une marge de manœuvre qui ne peut être sous-estimée. En l'espèce, la légitimité du but poursuivi ne fait pas doute. La pertinence de la mesure est également incontestable. La mesure contestée est raisonnable compte tenu de la large marge de manœuvre du législateur décrétal. Le fait que d'autres mesures ont été prises au préalable pour mettre en œuvre la directive 2008/50/CE n'y change rien. Il n'est pas pertinent à cet égard que la mise en demeure adressée par la Commission européenne à la Belgique pour non-respect de normes pour ce qui est des particules fines et de l'oxyde d'azote ne concerne pas la Région wallonne. Il n'apparaît pas non plus en quoi le fait que les mesures contestées ne se situent pas dans le cadre de la directive (UE) 2016/2284 serait pertinent pour juger de leur proportionnalité. La critique de la partie requérante selon laquelle les conséquences attendues des mesures contestées ne sont pas suffisamment claires ne convainc pas. Il en va d'autant plus ainsi étant donné l'arrêt n° 37/2019 dans lequel la Cour a tenu compte du droit à la protection d'un environnement sain, lequel englobe la santé humaine, et de l'introduction par phases des mesures contestées. Les phases prévues par le décret attaqué laissent suffisamment de temps jusqu'à l'introduction des mesures d'interdiction de circulation contestées. Il peut d'ailleurs y avoir des exceptions individuelles à ces mesures, en vertu de l'article 3 du décret attaqué.
A.17.2. Le Gouvernement flamand conteste le fait que le critère de l'euronorme ne serait pas pertinent. Ce critère est pertinent parce qu'il détermine avec précision la limite des émissions des véhicules pour que ceux-ci puissent prendre part à la circulation. On ne saurait reprocher au législateur décrétal de tenir compte de catégories générales, sans avoir égard à la situation individuelle de chaque véhicule. Enfin, la circonstance que les autorités ou les constructeurs perçoivent des revenus ou des nouvelles recettes en raison du fait que la flotte des véhicules en circulation devient plus verte n'est pas pertinente pour évaluer une limitation au droit de propriété.
A.17.3. À propos de la seconde branche, le Gouvernement flamand conteste que le fait que les sanctions prévues par l'article 17 du décret attaqué seraient disproportionnées. La comparaison avec les infractions au Code de la route n'est pas pertinente. Le législateur décrétal dispose d'une large marge de manœuvre pour fixer des sanctions. Ainsi, il a pu estimer que les infractions aux articles 2 et 4 du décret attaqué devaient être sanctionnées sévèrement. Par ailleurs, l'autonomie dont dispose le législateur fédéral et le législateur décrétal empêche qu'on puisse utilement comparer les sanctions qu'ils fixent dans des matières pour lesquelles ils sont compétents. Seule la comparaison des sanctions litigieuses avec d'autres sanctions fixées par le législateur décrétal peut être pertinente. Comparées aux sanctions prévues dans le Code de l'environnement, qui comporte quatre catégories d'infractions, les infractions prévues par le décret attaqué sont uniquement réprimées par des sanctions de deuxième catégorie, qui n'est donc pas la catégorie la plus sévère. Enfin, le juge compétent peut adapter le montant de la sanction à chaque cas d'espèce.
A.17.4. Le Gouvernement flamand conclut que le deuxième moyen n'est pas fondé.
A.18.1. La partie requérante répond que le moyen est recevable, même si elle n'a pas indiqué en quoi elle était privée de la jouissance de son bien sans compensation, puisque ce fait est incontestable. Pour ce qui est de la recevabilité du moyen, en ce qu'il vise aussi l'article 17, 4°, du décret attaqué, la partie requérante s'en remet à la sagesse de la Cour. Il n'est pas correct d'affirmer que la Région wallonne aurait adopté des normes de qualité de l'air plus strictes que celles qui sont fixées par la directive 2008/50/CE. Il est en outre étonnant que la Région wallonne déclare avoir anticipé les conclusions du contrôle de la Commission européenne relatif au « fitness check » des directives relatives à la qualité de l'air. Enfin, les normes de l'OMS ne doivent pas être considérées comme des normes à valeur contraignante.
A.18.2. La partie requérante répond, à propos de la première branche, que la référence à l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 19 novembre 2014 en cause ClientEarth (C-404/13), dans l'arrêt de la Cour n° 37/2019, n'est pas pertinente puisque la qualité de l'air en Région wallonne est conforme aux normes fixées par la directive 2008/50/CE.
A.18.3. La partie requérante répond encore que le « plan air » wallon ne fait pas référence à l'interdiction de circulation de certains types de véhicules en fonction de leur euronorme. Cette absence de référence s'explique par son manque de pertinence au regard de la directive (UE) 2016/2284. L'interdiction de circulation contestée ne répond donc pas à l'objectif de diminution des émissions nationales en application de la directive (UE) 2016/2284. Le décret est dépourvu de fondement raisonnable, en ce qui concerne l'objectif fixé par cette directive.
A.18.4. La partie requérante poursuit en déclarant que ce manque de fondement raisonnable est aussi patent en ce qui concerne l'introduction des mesures par étapes successives. En réalité, la Région wallonne tend vers un alignement entre l'autorisation d'utiliser un véhicule et la durée de vie moyenne des véhicules. La fixation d'une telle durée de vie maximale pour un véhicule porte au surplus préjudice à la directive 2014/45/UE. Or, les États membres sont tenus d'assurer la pleine efficacité du droit européen.
A.18.5. Tout en ne contestant pas le droit à la santé humaine, la partie requérante répond que la Région wallonne ne se trouve pas dans la même situation que la Région de Bruxelles-Capitale en termes de dépassement des valeurs limites de la qualité de l'air ou de densité de la population. La Région wallonne ne donne aucun chiffre relatif à l'incidence de la qualité de l'air sur la santé en Région wallonne. L'estimation des décès prématurés concerne toute la Belgique et ne porte pas seulement sur le transport, mais sur toutes les activités générant des émissions.
A.18.6. La partie requérante répond qu'il est possible d'utiliser d'autres critères que le critère de l'euronorme, tels que la puissance ou la masse du véhicule, pour restreindre l'utilisation de certains véhicules, ce qu'illustre le débat autour de la part croissante des SUV sur la route. Concernant les manœuvres frauduleuses des constructeurs, la Région wallonne nie visiblement les conséquences qu'elles entrainent pour l'environnement.
A.18.7. La partie requérante répond que le contenu des habilitations conférées au Gouvernement wallon n'est pas spécifié, de sorte qu'il est impossible d'en apprécier la portée.
A.18.8. Quant à la seconde branche, la partie requérante répond que la Région wallonne ne pouvait pas se baser sur des chiffres globaux pour en conclure que les risques pour la santé liés à la qualité de l'air sont plus graves que les infractions graves au Code de la route. La comparaison avec les infractions au Code de la route n'est pas impossible au prétexte qu'elles sont adoptées par une autorité différente de la Région wallonne. En effet, ces infractions s'appliquent tout autant à la partie requérante que celles du décret attaqué. Enfin, l'examen de l'article 17 du décret attaqué montre que des infractions de nature très différentes sont sanctionnées de la même manière, tels l'accès irrégulier à une zone de basses émissions et le simple fait de ne pas éteindre son moteur à l'arrêt.
A.19.1. Le Gouvernement wallon réplique que les dispositions attaquées constituent une réglementation de l'usage des bien au sens de l'article 1er du Premier protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme. Toute ingérence dans le droit de propriété doit réaliser un juste équilibre entre les impératifs de l'intérêt général et ceux de la protection du droit au respect des biens.
A.19.2. Quant à la première branche, le Gouvernement wallon réplique qu'il n'est pas discutable que la qualité de l'air est à l'origine d'effets sur la santé et sur l'environnement en général.
A.19.3. Il ajoute que le contrôle de proportionnalité relatif aux règles permettant la création de zones de basses émissions a déjà fait l'objet d'un contrôle de la Cour dans l'arrêt n° 37/2019. Quant aux mesures d'interdiction de circulation visées à l'article 2 du décret attaqué, le calendrier prévu permet une large prévisibilité. Par ailleurs, ce calendrier a été établi en tenant compte de la durée de vie moyenne d'un véhicule, ce qui garantit que la mise en œuvre du système et son incidence pour les propriétaires de véhicules ne sont ni arbitraires, ni imprévisibles et ne font pas peser sur eux une charge démesurée. Pour les zones de basses émissions, un phasage de principe est également prévu, outre les habilitations conférées au Gouvernement wallon pour atténuer les mesures d'interdiction.
A.19.4. Quant à la seconde branche, le Gouvernement wallon réplique que les deux matières comparées par la partie requérante relèvent de deux législateurs distincts. Il ne saurait donc être exigé qu'un législateur soit limité, dans l'exercice de ses compétences matérielles respectives, par les règles établies par un autre législateur. Enfin, les infractions visées à l'article 17 du décret attaqué sont qualifiées d'infractions de deuxième catégorie, ce qui équivaut à une série d'autres infractions, telles que l'absence de permis d'environnement ou de déclaration préalable.
A.20.1. Le Gouvernement flamand réplique que l'argument selon lequel l'euronorme ne serait pas un critère pertinent pour réaliser le programme national de réduction des émissions du 27 mars 2019 et de la directive (UE) 2016/2284 n'est pas fondé. En effet, la directive (UE) 2016/2284 n'impose aux États membres aucun critère pour concevoir des mesures destinées à réduire les émissions des véhicules motorisés. Les critères suggérés par la partie requérante ne trouvent d'ailleurs pas, eux non plus, de fondement dans la directive (UE) 2016/2284. Les critiques de la partie requérante sont en réalité des critiques d'opportunité.
A.20.2. Le Gouvernement flamand réplique encore que le phénomène de multiplication des SUV ne signifie pas que le critère de l'euronorme ne serait pas pertinent. Les SUV doivent également respecter les valeurs maximales de l'euronorme concernée. Ensuite, le législateur décrétal a raisonnablement pu légiférer en établissant des catégories qui rassemblent en leur sein des situations différentes et qui appréhendent la réalité de manière quelque peu simplificatrice. Les critères proposés par la partie requérante, comme la puissance ou le poids du véhicule, ne sont pas des critères pertinents pour mesurer les émissions des véhicules.
A.20.3. Enfin, le Gouvernement flamand réplique que le phasage prévu par les dispositions attaquées est pertinent pour juger de la proportionnalité des mesures contestées. La période transitoire est en tout cas suffisamment longue compte tenu de la durée de vie moyenne des véhicules.
En ce qui concerne le troisième moyen
A.21.1. La partie requérante prend un troisième moyen de la violation, par les articles 2, § 1er, 3, § 1er, 1° et 2°, § 2, et 4, § 1er, 3°, du décret attaqué, des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 1er du Douzième Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.
A.21.2. Elle soutient qu'il existe une discrimination entre les utilisateurs du réseau routier en Région wallonne. L'article 2, § 1er, du décret attaqué est discriminatoire en ce qu'il comporte une interdiction de circulation pour les seuls véhicules de catégorie M1, à savoir des véhicules à moteur conçus et construits pour le transport de passagers et ayant au moins quatre roues, à l'exclusion des véhicules de catégories M2, M3, N et L. Ensuite, les principes de l'utilisateur et du pollueur payeurs du système de prélèvement kilométrique à charge des véhicules dont la masse maximale dépasse 3,5 tonnes auraient pu être appliqués à un coût raisonnable aux véhicules particuliers. En optant pour une mesure d'interdiction de circulation pour les seuls véhicules particuliers, le législateur décrétal a créé une discrimination manifeste entre des catégories d'utilisateurs du réseau routier.
A.21.3. La partie requérante soutient que, s'il ressort des travaux préparatoires que la catégorie de véhicules M1 a constitué une priorité pour l'interdiction de circulation en raison des alternatives existantes pour ces véhicules, l'article 2, § 1er, du décret attaqué ne concerne toutefois pas l'obligation de remplacer un véhicule particulier par un véhicule bénéficiant d'alternatives, mais uniquement d'interdire d'ici 2030 la circulation de certains véhicules en fonction de leur euronorme et le type de moteur dont ils sont équipés. Par ailleurs, alors qu'il existe d'autres solutions, dont les moteurs électriques, pour les véhicules de catégorie L (dont les motos), ceux-ci ne sont pas concernés par le décret attaqué.
A.21.4. La partie requérante critique le fait que l'article 4, § 1er, 3°, du décret attaqué, s'applique à tous les véhicules des catégories M et N, mais ne s'applique pas aux véhicules de catégorie L (comportant les motocycles et les quads), alors que ces véhicules, tout comme ceux de la catégorie M, doivent répondre à une procédure de réception par type suivant le règlement UE n° 168/2013 du Parlement européen et du Conseil du 15 janvier 2013 « relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à deux ou trois roues et ou des quadricycles ».
A.21.5. La partie requérante critique encore le fait que le décret attaqué ne prévoit, pour les motos, aucune restriction d'accès aux zones de basses émissions en fonction de leur euronorme, ni aucune interdiction de circulation, alors qu'elles émettent des gaz polluants et sont une source de pollution sonore et que le nombre de leur immatriculation est en augmentation constante.
A.21.6. La partie requérante soutient que le fait que les véhicules répondant à l'euronorme 3 ne peuvent pas bénéficier de la dérogation à l'interdiction de circulation prévue à l'article 3, § 1er, du décret attaqué, en faveur des véhicules répondant au moins à l'euronorme 4, acquis avant le 1er janvier 2019 et qui n'ont pas été cédés à des tiers, est discriminatoire. Cette exclusion est d'autant moins compréhensible que le ministre a affirmé que les personnes qui conservent leur voiture plus de huit ans ne sont pas nombreuses. Il est également interpellant que des véhicules appartenant à l'euronorme 3, comme celui de la partie requérante, qui ne sont pas affectés par le « dieselgate » soient interdits de circuler, alors que les véhicules qui répondent à l'euronorme 6 et qui sont concernés par le dieselgate peuvent bénéficier d'une dérogation. Enfin, le Gouvernement wallon peut encore définir d'autres exceptions à l'interdiction de circuler, dont notamment les véhicules ancêtres. Or, les véhicules ancêtres sont plus polluants qu'un véhicule répondant à l'euronorme 3 et sont susceptibles de parcourir plus de kilomètres qu'un autre véhicule. Il n'est pas justifié que, pour bénéficier de la dérogation liée à une limitation de 3 000 km parcourus annuellement, les kilomètres parcourus par les ancêtres à l'étranger ne soient pas comptabilisés, contrairement aux véhicules répondant à l'euronorme 3.
A.22.1. Le Gouvernement wallon soutient que le moyen est irrecevable puisque la partie requérante n'expose pas en quoi l'article 1er du Douzième Protocole additionnel à de la Convention européenne des droits de l'homme serait violé.
A.22.2. Quant à la première branche, le Gouvernement wallon n'aperçoit pas la nuisance que la partie requérante subit du fait de l'exclusion des véhicules de la catégorie L.
A.22.3. Il soutient ensuite que les propriétaires de véhicules des catégorie L, M2, M3 et N constituent des catégories spécifiques de personnes qui se distinguent de celles des propriétaires de véhicules visés par les mesures contestées, eu égard aux caractéristiques de ces types de véhicules ainsi qu'à leur coût d'utilisation, d'entretien et de remplacement.
A.22.4. Le Gouvernement wallon estime que l'affirmation de la partie requérante selon laquelle les véhicules des catégories M2, M3, N et L échappent à toute interdiction indépendamment de leur euronorme manque en droit puisque l'article 4, § 4, du décret attaqué permet au Gouvernement wallon de restreindre ou d'interdire, pour des motifs environnementaux ou sanitaires, la circulation de véhicules équipés des motorisations qu'il détermine.
A.22.5. À supposer que les utilisateurs des véhicules des catégories L, M2, M3 et N se trouvent dans une situation comparable à celle des personnes visées par les mesures contestées, il existe une justification raisonnable à cette différence de traitement. Ces véhicules représentent une part relativement réduite des émissions (pour la catégorie L). L'exclusion se justifie aussi par la volonté de promouvoir l'utilisation des transports en commun (catégorie M2 et M3). Les véhicules de catégorie N, dont la masse maximale autorisée dépasse 3,5 tonnes, font déjà l'objet de mesures spécifiques par le biais d'un prélèvement kilométrique à charge des poids lourds pour l'utilisation des routes. L'affirmation selon laquelle la technologie appliquée aux poids lourds pour le prélèvement kilométrique serait disponible pour les véhicules de catégorie M1, à un coût raisonnable, n'est pas étayée.
A.22.6. Quant à la seconde branche, le Gouvernement wallon observe que le véhicule de la partie requérante n'est pas concerné par l'exception visée à l'article 3, § 1er, 1°, du décret attaqué puisqu'il a été cédé en 2007, et non pas après le 1er janvier 2019. Ensuite, la création de zones de basses émissions tend à réduire les émissions de polluants atmosphériques engendrées par le trafic et poursuit donc un objectif d'intérêt général. Le choix de la dérogation visée à l'article 3, § 1er, 1°, du décret attaqué en faveur des véhicules répondant à l'euronorme 4 est justifié dans les travaux préparatoires par une considération de justice sociale. Le décret attaqué vise une catégorie de personnes qui est suffisamment homogène pour se voir appliquer un traitement identique. Le choix d'arrêter la limite de la dérogation aux véhicules répondant à l'euronorme 4 repose sur un critère objectif et non discriminatoire et n'a qu'une incidence marginale sur l'objectif poursuivi, compte tenu de l'âge moyen du parc automobile wallon. Ce choix ne créerait une discrimination qu'à l'égard d'un nombre limité de propriétaires de véhicules et elle serait de toute manière limitée dans le temps.
A.22.7. Le Gouvernement wallon observe que la critique relative aux véhicules ancêtres se fonde exclusivement sur une déclaration du ministre. Or, la disposition attaquée vise uniquement, comme critère pour bénéficier d'une dérogation, une distance annuelle parcourue de 3 000 km. Il n'est pas démontré que ce critère induise une discrimination. Enfin, l'article 3, § 2, du décret attaqué habilite le Gouvernement wallon à définir d'autres exceptions à l'interdiction de circuler visée à l'article 2. En s'appuyant sur l'arrêt n° 37/2019, le Gouvernement wallon soutient qu'il peut donc prendre des mesures visant à alléger les effets socio-économiques de la zone de basses émissions.
A.22.8. Le Gouvernement wallon conclut que le moyen n'est pas fondé.
A.23.1. La partie requérante conteste dans son mémoire en réponse l'irrecevabilité du moyen puisqu'elle a exposé tous les aspects de la discrimination critiquée.
A.23.2. Quant à la première branche, la partie requérante répond qu'elle subit un préjudice en raison de l'exclusion de certains véhicules du champ d'application du décret attaqué. En effet, la partie requérante doit contribuer à la réduction des émissions atmosphériques de manière renforcée, notamment par un raccourcissement de la durée de vie imposée à son véhicule, pour compenser les émissions des nombreux véhicules qui ne sont pas concernés par le décret.
A.23.3. La partie requérante répond encore que le décret attaqué crée une discrimination entre les véhicules de la catégorie M1. Les véhicules répondant à l'euronorme 1 et 2 peuvent rester en circulation, respectivement, entre 26 et 30 ans et entre 24 et 26 ans, alors qu'ils sont les plus polluants, tandis que le véhicule de la partie requérante peut seulement rester en circulation entre 20 et 24 ans.
A.23.4. La partie requérante répond que s'il était impossible de prévoir un prélèvement kilométrique pour des voitures personnelles, le Parlement européen n'aurait pas adopté une résolution législative, le 25 octobre 2018, sur proposition de la Commission, qui élargit aux voitures personnelles le champ d'application de la directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 « relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures ».
A.23.5. La partie requérante répond que, si le coût de remplacement d'un bus ou d'un camion n'est pas celui d'une voiture particulière, il ne s'agit pas d'un critère pertinent pour considérer que ces catégories de véhicules ne sont pas similaires. Les utilisateurs privés ne disposent pas du même régime fiscal et des mêmes moyens financiers que les utilisateurs commerciaux ou que les autorités publiques. Par ailleurs, le Gouvernement wallon sous-estime la charge financière que représente le remplacement d'un véhicule pour un ménage privé.
A.23.6. La partie requérante répond qu'à supposer que l'exclusion des véhicules des catégories L, M2, M3 et N se justifie au regard de la part réduite des émissions liées à ces véhicules, il convient de constater que tel est également le cas des véhicules âgés puisqu'il n'y en a peu. Le Gouvernement wallon n'a présenté aucune étude d'impact relative au décret attaqué, ni en termes de réduction des émissions par catégories de véhicules, ni en termes de leur remplacement, ni quant aux effets socio-économiques du décret. Ensuite, au regard du risque sanitaire élevé, il est difficilement compréhensible qu'il suffit de payer une compensation du risque d'affecter gravement la santé d'autrui. La différence de traitement n'est pas raisonnablement justifiée.
A.23.7. La partie requérante répond encore que, si besoin en est, les arguments développés dans la seconde branche du deuxième moyen peuvent être pris en compte dans le troisième moyen.
A.23.8. La partie requérante n'entend plus poursuivre la seconde branche du troisième moyen. Elle note que le seul critère pour bénéficier de la dérogation visée à l'article 3, § 1er, 2°, du décret attaqué est la distance annuelle parcourue de moins de 3 000 km. Elle note aussi que son véhicule n'est pas concerné par la dérogation visée à l'article 3, § 1er, 1°, du décret attaqué dès lors qu'il a été cédé avant le 1er janvier 2019. Enfin, la demande d'annulation de l'article 3, § 2, du décret attaqué relève d'une erreur matérielle.
A.24.1. Le Gouvernement wallon réplique que les propriétaires de véhicules des catégories L, M2, M3 et N constituent des catégories spécifiques de personnes par rapport aux propriétaires de véhicules visés par le décret attaqué, en raison également du nombre de véhicules en circulation.
A.24.2. Le Gouvernement wallon réplique que le ministre a précisé au cours des travaux préparatoires que l'interdiction de circulation n'a pas été étendue aux camions et aux camionnettes eu égard à l'absence d'autres solutions suffisantes, que le prélèvement kilométrique appliqué aux poids lourds est une incitation à avoir des véhicules plus propres et que la situation va bientôt changer pour les bus grâce à une livraison de 300 bus hybrides et électriques. Le régime du prélèvement kilométrique appliqué aux véhicules de transport de marchandises de plus de 3,5 tonnes place leurs propriétaires dans une situation objectivement différente des propriétaires de véhicules des catégories M ou N1.
A.24.3. Dans son mémoire en réplique, le Gouvernement wallon note que la partie requérante ne poursuit plus l'annulation de l'article 3, § 1er, 1° et 2°, et § 3, dans le cadre de la seconde branche du moyen.
En ce qui concerne le quatrième moyen
A.25.1. La partie requérante prend un quatrième moyen de la violation de l'article 22 de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que l'article 20, 2°, du décret attaqué modifie l'article D.146 du livre I du Code de l'environnement pour permettre aux agents chargés de contrôler le respect des dispositions visées par l'article D.138, alinéa 1er, du Code de l'environnement, dont le décret attaqué, de « consulter et [de] prendre une copie des données administratives nécessaires, tels les documents légalement prescrits qui doivent être en possession du conducteur d'un véhicule et plus largement tous les documents utiles à l'identification du véhicule, du conducteur ou de la personne au nom de laquelle le véhicule est immatriculé ». Cette modification confère aux agents compétents un pouvoir illimité d'ingérence dans la vie privée et familiale pour accéder à tous les documents utiles à l'identification du véhicule, du conducteur ou de la personne au nom de laquelle le véhicule est immatriculé.
A.25.2. La partie requérante critique au surplus le fait que le Code de l'environnement ne comporte pas de référence au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 « relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) ».
A.26.1. Le Gouvernement wallon précise que l'article 20, 2°, du décret attaqué, ne remplace pas le 11° de l'article D.146 du Code de l'environnement, mais complète cet article, lequel ne permettait pas, avant sa modification, aux agents d'arrêter des véhicules et de procéder aux contrôles nécessaires à l'exercice de leur mission, à savoir la vérification de la conformité du véhicule au regard des dispositions du décret attaqué. Compte tenu des dérogations visées aux articles 3 et 4 du décret attaqué, les documents dont la loi impose qu'ils soient présentés à l'autorité par le conducteur en cas de contrôle ne suffisent pas nécessairement pour vérifier la conformité du véhicule aux dispositions du décret attaqué, comme par exemple la preuve de la date d'acquisition du véhicule ou tout autre document qui démontrerait la conformité à une dérogation.
A.26.2. Selon le Gouvernement wallon, il ne peut être déduit de l'absence de référence à la réglementation sur la protection des données à caractère personnel qu'elle ne s'appliquerait pas.
A.26.3. Il conclut au non-fondement du moyen.
A.27. La partie requérante répond que le Gouvernement wallon ne donne aucune justification concernant l'accès « plus largement » à tous les documents utiles à l'identification du conducteur ou de la personne au nom de laquelle le véhicule est immatriculé. Par ailleurs, le Gouvernement wallon se contredit par rapport à son premier moyen dans le cadre duquel il soutient que les mesures attaquées ne visent pas les usagers, ni des catégories d'usagers, mais des types de véhicules. En outre, le décret attaqué permet de collecter des données à caractère personnel au-delà de ce qui est nécessaire. Enfin, pour éviter des abus, il aurait été nécessaire d'énumérer le type des données à caractère personnel qui peut être collecté, de préciser le délai de conservation de ces données, d'indiquer le droit des intéressés en matière d'information, d'accès, de rectification, d'effacement de données et de restriction de traitement et du droit de déposer plainte auprès de l'autorité de contrôle.
En ce qui concerne la demande d'indemnité de procédure
A.28. Le Gouvernement wallon sollicite une indemnité de procédure de 700 EUR, à charge de la partie requérante.
B Point de vue de la cour
Quant aux dispositions attaquées et à leur contexte
B.1.1. Le décret de la Région wallonne du 17 janvier 2019 « relatif à la lutte contre la pollution atmosphérique liée à la circulation des véhicules » (ci-après : le décret du 17 janvier 2019) instaure une interdiction progressive de circulation pour certains véhicules sur le territoire de la Région wallonne en fonction de leur euronorme et du type de moteur dont ils sont équipés, et permet l'instauration de zones de basses émissions.
B.1.2. L'article 2 du décret du 17 janvier 2019 contient une interdiction échelonnée de circulation pour certains véhicules.
Il dispose :
« § 1er. Est interdite, uniquement pour ce qui concerne les véhicules de la catégorie M1 :
1° à partir du 1er janvier 2023, la circulation d'un véhicule qui ne répond à aucune euronorme ou qui répond à l'euronorme 1;
2° à partir du 1er janvier 2024, la circulation d'un véhicule qui répond à l'euronorme 2;
3° à partir du 1er janvier 2025, la circulation d'un véhicule qui répond à l'euronorme 3;
4° à partir du 1er janvier 2026, la circulation d'un véhicule qui répond à l'euronorme 4;
5° à partir du 1er janvier 2028, la circulation d'un véhicule équipé d'un moteur diesel qui répond à l'euronorme 5;
6° à partir du 1er janvier 2030, la circulation d'un véhicule équipé d'un moteur diesel qui répond à l'euronorme 6, à l'exclusion des véhicules équipé d'un moteur diesel qui répond à l'euronorme 6d-TEMP ou à l'euronorme 6d ou à une euronorme supérieure.
§ 2. Pour des motifs environnementaux ou sanitaires, le Gouvernement peut interdire la circulation de véhicules qui ne sont pas visés au § 1er. Dans ce cas, le Gouvernement en détermine la liste et les échéances.
§ 3. Le Gouvernement peut déterminer des mesures d'accompagnement destinées aux propriétaires de véhicules dont la circulation est interdite en vertu du présent décret ».
B.1.3. L'article 3 du décret du 17 janvier 2019 prévoit pour certains véhicules des autorisations de circuler au-delà des échéances fixées par l'article 2, § 1er.
Il s'agit notamment de l'autorisation en faveur « [des] véhicules répondant au moins à l'euronorme 4, acquis avant la date du 1er janvier 2019, pour autant qu'ils ne soient pas cédés à un tiers » pour une durée complémentaire déterminée par le Gouvernement (article 3, § 1er, 1°) et en faveur des « véhicules qui parcourent annuellement moins de 3 000 km » (article 3, § 1er, 2°).
Le Gouvernement wallon peut définir d'autres exceptions à l'interdiction de circuler (article 3, § 2).
B.1.4.1. La « zone de basses émissions » est définie comme « la zone dont l'accès aux véhicules motorisés est restreint ou interdit, de manière temporaire ou permanente, en fonction des nuisances environnementales causées par ces véhicules et de la planification prévue à l'article 4 » (article 1er, 1°, du décret du 17 janvier 2019).
B.1.4.2. Les zones de basses émissions peuvent être créées au niveau régional ou communal.
Ainsi, le Gouvernement wallon peut créer une ou plusieurs zones de basses émissions, permanente ou temporaire, sur le territoire de la Région wallonne afin d'améliorer la qualité de l'air (article 7 du décret du 17 janvier 2019).
Par ailleurs, « de manière permanente, pour certains moments fixes de la journée ou certaines périodes de l'année, une commune peut proposer au Gouvernement [wallon] la création, par règlement communal complémentaire de circulation, d'une ou de plusieurs zones de basses émissions sur les voiries communales et régionales qui se trouvent sur son territoire, à l'exception des autoroutes » (article 9, § 1er, alinéa 1er, du décret du 17 janvier 2019).
B.1.5. L'article 4 du décret du 17 janvier 2019, qui règle l'accès des véhicules aux zones de basses émissions, dispose :
« § 1er. L'accès à une zone de basses émissions est autorisé uniquement aux :
1° véhicules qui n'appartiennent pas aux catégories M et N;
2° véhicules électriques, les véhicules hybrides avec une émission de CO2 maximum de 50 grammes au kilomètre, et véhicules hydrogènes;
3° véhicules à moteur des catégories M et N, immatriculés en Belgique ou à l'étranger, qui remplissent les conditions suivantes :
a) à partir du 1er janvier 2020, aux véhicules dont :
i. le moteur diesel répond au moins à l'euronorme IV ou 4;
ii. le moteur à essence, au LPG ou au CNG répond au moins à l'euronorme II ou 2;
b) à partir du 1er janvier 2022, aux véhicules dont :
i. le moteur diesel répond au moins à l'euronorme V ou 5;
ii. le moteur à essence, au LPG ou au CNG répond au moins à l'euronorme III ou 3;
c) à partir du 1er janvier 2025, aux véhicules dont :
i. le moteur diesel répond au moins à l'euronorme VI ou 6;
ii. le moteur à essence, au LPG ou au CNG répond au moins à l'euronorme IV ou 4;
[…]
§ 3. Le Gouvernement peut compléter la liste des véhicules autorisés à accéder aux zones de basses émissions telle que visée au paragraphe 1er sur base de :
1° l'impact des véhicules sur la pollution atmosphérique;
2° leur motorisation;
3° leur âge;
4° le cas échéant, leur niveau d'entretien.
Le Gouvernement définit les exceptions à la restriction du droit d'accès en zone de basses émissions visé au paragraphe 1er, en fonction :
1° de la nature, du type ou de l'utilisation faite du véhicule concerné;
2° du moment de la journée.
Le Gouvernement fixe les modalités selon lesquelles des dérogations individuelles, temporaires ou permanentes, sont accordées. Pour ce faire, il peut tenir compte de critères socio- économiques et de la situation particulière des usagers, notamment des personnes résidant à l'intérieur des zones de basses émissions.
§ 4. Pour des motifs environnementaux ou sanitaires, le Gouvernement peut restreindre ou interdire la circulation de véhicules équipés des motorisations qu'il détermine et selon les échéances qu'il fixe ».
B.1.6. Les catégories de véhicules prévues dans les dispositions précitées sont les catégories qui sont fixées par l'arrêté royal du 15 mars 1968 « portant règlement général sur les conditions techniques auxquelles doivent répondre les véhicules automobiles, leurs remorques, leurs éléments ainsi que les accessoires de sécurité » (article 1er, 7°, du décret du 17 janvier 2019).
B.1.7.1. L'article 1er, § 1er, de l'arrêté royal du 15 mars 1968, précité, établit la classification suivante des véhicules par catégorie :
- la catégorie M vise les « véhicules à moteur conçus et construits pour le transport de passagers et ayant au moins quatre roues »;
- la catégorie M1 vise les « véhicules conçus et construits pour le transport de passagers comportant, outre le siège du conducteur, huit places assises au maximum »;
- la catégorie M2 vise les « véhicules conçus et construits pour le transport de passagers comportant, outre le siège du conducteur, plus de huit places assises et ayant une masse maximale ne dépassant pas 5 tonnes »;
- la catégorie M3 vise les « véhicules conçus et construits pour le transport de passagers comportant, outre le siège du conducteur, plus de huit places assises et ayant une masse maximale supérieure à 5 tonnes »;
- la catégorie N vise les « véhicules à moteur conçus et construits pour le transport de marchandises et ayant au moins quatre roues »;
- la catégorie N1 vise les « véhicules conçus et construits pour le transport de marchandises ayant un poids maximal ne dépassant pas 3,5 tonnes »;
- la catégorie N2 vise les « véhicules conçus et construits pour le transport de marchandises ayant un poids maximal supérieur à 3,5 tonnes, mais ne dépassant pas 12 tonnes »;
- la catégorie N3 vise les « véhicules conçus et construits pour le transport de marchandises ayant un poids maximal supérieur à 12 tonnes ».
B.1.7.2. Conformément à l'article 1er, § 1er, de l'arrêté royal du 10 octobre 1974 « portant règlement général sur les conditions techniques auxquelles doivent répondre les cyclomoteurs et les motocyclettes ainsi que leurs remorques », la catégorie L regroupe les cyclomoteurs, les motocyclettes ou motocycles, les tricycles et quadricycles à moteur.
B.1.7.3. L'article 17 du décret du 17 janvier 2019 érige en infraction le fait de ne pas respecter l'interdiction de circuler de certains véhicules sur l'ensemble du territoire régional et l'accès réglementé à une zone de basses émissions.
Il dispose :
« Commet une infraction de deuxième catégorie au sens de l'article D.151 du Livre Ier du Code de l'Environnement, celui qui :
1° contrevient à l'article 2;
[…]
3° accède à une zone de basses émissions en contravention à l'article 4;
[…] ».
B.1.8. L'article 20, 2°, du décret du 17 janvier 2019 modifie l'article D.146 du Code wallon de l'environnement. Depuis lors, les agents visés par l'article D.140 du Code de l'environnement sont autorisés à « consulter et [à] prendre une copie des données administratives nécessaires, tels les documents légalement prescrits qui doivent être en
possession du conducteur d'un véhicule et plus largement tous les documents utiles à l'identification du véhicule, du conducteur ou de la personne au nom de laquelle le véhicule est immatriculé ».
B.2. Il ressort des travaux préparatoires qu'en adoptant le décret attaqué du 17 janvier 2019, le législateur décrétal a entendu créer « un cadre pour lutter contre les polluants atmosphériques et les particules fines liées à la circulation des véhicules et pour s'aligner et atteindre au minimum les prescrits européens » (Doc. parl., Parlement wallon, 2018-2019, n° 1226/1, pp. 4 et 24). La pollution atmosphérique demeure en effet « le principal facteur environnemental lié aux maladies et décès prématurés » (ibid., p. 3) et « est en grande partie due aux gaz d'échappement, qui causent des dommages environnementaux dont l'eutrophisation, les maladies respiratoires et cardiovasculaires et contribuent au réchauffement de la planète » (ibid., pp. 3-4).
Quant au désistement partiel relatif à l'article 3 du décret du 17 janvier 2019
B.3.1. Dans son mémoire en réponse, la partie requérante se désiste du recours, en ce qu'il est dirigé contre l'article 3, § 1er, 1° et 2°, et § 2, du décret attaqué du 17 janvier 2019.
B.3.2. Rien ne s'oppose, en l'espèce, à ce que la Cour décrète ce désistement.
Quant à l'étendue et à la recevabilité du recours
B.4. Le Gouvernement wallon estime qu'à la lumière de l'exposé des moyens et de l'intérêt de la partie requérante, le recours en annulation n'est recevable qu'en ce qu'il poursuit l'annulation de l'article 2, § 1er, 3°, de l'article 4, § 1er, 3), a), i, de l'article 7, de l'article 17 et de l'article 20, 2°, du décret du 17 janvier 2019.
B.5.1. La Cour détermine l'étendue du recours en annulation en fonction du contenu de la requête et en particulier sur la base de l'exposé des moyens. La Cour limite son examen aux dispositions contre lesquelles des griefs sont effectivement dirigés.
B.5.2. Il ressort de l'exposé des moyens, et compte tenu du désistement précité du recours en ce qu'il est dirigé contre l'article 3, que la critique de la partie requérante vise exclusivement l'article 1er, 1°, l'article 2, § 1er, l'article 4, l'article 7, l'article 17 et l'article 20, 2°, du décret du 17 janvier 2019. La partie requérante expose suffisamment en quoi ces dispositions transgresseraient les normes de référence invoquées dans les moyens.
B.6.1. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.
B.6.2. En tant que propriétaire d'un véhicule de la catégorie M1 diesel répondant à l'euronorme 3, la partie requérante ne peut être affectée directement et défavorablement en ce qui concerne l'article 2, § 1er, que par le 3° de cette disposition, lequel interdit la circulation d'un tel véhicule sur le territoire de la Région wallonne à partir du 1er janvier 2025. En cette même qualité, elle peut être affectée par les articles 1er, 1°, 4 et 7, qui prévoient l'instauration de zones de basses émissions dans lesquelles le véhicule de la partie requérante n'est pas autorisé à circuler, par l'article 17, qui sanctionne le non-respect des articles 2 et 4, et par l'article 20, 2°, qui autorise les agents concernés à consulter les données administratives nécessaires.
La Cour limite donc son examen à ces dispositions.
Quant au fond
En ce qui concerne le premier moyen
B.7. La partie requérante prend un premier moyen de la violation, par l'article 1er, 1°, l'article 2, § 1er, 3°, l'article 4, § 1er, 3°, et l'article 7 du décret du 17 janvier 2019, des articles 35 et 39 de la Constitution, lus en combinaison avec la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, notamment son article 6, § 4, 3° (première branche), et de la violation des articles 10, 11 et 34 de la Constitution, lus en combinaison avec le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après : le TFUE), notamment son titre I, et en particulier ses articles 2, 4 et 91, et avec la directive 2014/45/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 « relative au contrôle technique périodique des véhicules à moteur et de leurs remorques, et abrogeant la directive 2009/40/CE » (ci-après : la directive 2014/45/UE) (seconde branche).
B.8. En vertu de l'article 142, alinéa 2, de la Constitution et de l'article 1er de la loi spéciale du 6 janvier 1989, la Cour est compétente pour statuer sur les recours en annulation d'une loi, d'un décret ou d'une règle visée à l'article 134 de la Constitution pour cause de violation des règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'autorité fédérale, des communautés et des régions et pour cause de violation des articles du titre II (« Des Belges et de leurs droits ») et des articles 143, § 1er, 170, 172 et 191 de la Constitution.
B.9.1. L'article 35 de la Constitution dispose :
« L'autorité fédérale n'a de compétences que dans les matières que lui attribuent formellement la Constitution et les lois portées en vertu de la Constitution même.
Les communautés ou les régions, chacune pour ce qui la concerne, sont compétentes pour les autres matières, dans les conditions et selon les modalités fixées par la loi. Cette loi doit être adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa.
Disposition transitoire
La loi visée à l'alinéa 2 détermine la date à laquelle le présent article entre en vigueur. Cette date ne peut pas être antérieure à la date d'entrée en vigueur du nouvel article à insérer au titre III de la Constitution, déterminant les compétences exclusives de l'autorité fédérale ».
La loi visée à l'alinéa 2 de l'article 35 de la Constitution n'a pas encore été adoptée. Cette disposition constitutionnelle n'est donc pas encore entrée en vigueur, de sorte que la Cour n'est pas compétente pour statuer sur le respect de celle-ci.
B.9.2. L'article 34 de la Constitution dispose :
« L'exercice de pouvoirs déterminés peut être attribué par un traité ou par une loi à des institutions de droit international public ».
Cette disposition constitutionnelle n'a pas pour objet de déterminer les compétences respectives de l'autorité fédérale et des entités fédérées. La Cour n'est donc pas compétente pour statuer sur le respect des règles que ces dispositions énoncent.
B.9.3. En ce qu'il est pris de la violation des articles 34 et 35 de la Constitution, le moyen est irrecevable.
B.10.1. Ensuite, contrairement à ce que fait valoir le Gouvernement wallon, il n'est pas exigé que toutes les dispositions de la loi spéciale du 8 août 1980 dont la violation est invoquée soient identifiées dans le moyen si, comme en l'espèce, il ressort suffisamment de la requête quelles sont les règles répartitrices de compétences visées.
B.10.2. Par ailleurs, la Cour est compétente pour vérifier si les dispositions soumises à son contrôle violent les normes d'une directive européenne, lues en combinaison avec les dispositions constitutionnelles au regard desquelles la Cour peut exercer son contrôle en vertu de l'article 142 de la Constitution, comme en l'espèce les articles 10 et 11 de la Constitution. À l'inverse de ce que fait valoir le Gouvernement wallon, la partie requérante n'est pas tenue de démontrer au préalable une absence ou une insuffisance de transposition de la directive en droit interne.
B.10.3. L'exception d'irrecevabilité est rejetée.
Première branche
B.11. La partie requérante soutient qu'en interdisant de manière permanente la circulation de certains véhicules sur tout le territoire de la Région wallonne (article 2 du décret du 17 janvier 2019) ainsi qu'en autorisant le Gouvernement wallon à créer des zones de basses émissions régionales dont l'accès est réglementé pour les véhicules à moteur (article 1er, 1°, article 4 et article 7 du décret du 17 janvier 2019), le législateur décrétal a empiété, d'une part, sur la compétence de l'autorité fédérale en matières de police générale et de réglementation relative à la circulation et aux transports et, d'autre part, sur la compétence de l'autorité fédérale pour fixer les prescriptions techniques auxquelles doivent répondre les véhicules automobiles.
B.12.1. Selon l'article 6, § 1er, II, alinéa 1er, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980, qui a été adopté en exécution de l'article 39 de la Constitution, les régions sont compétentes en matière de « protection de l'environnement, notamment celle du sol, du sous-sol, de l'eau et de l'air contre la pollution et les agressions, ainsi que [de] lutte contre le bruit ».
B.12.2. La Région wallonne est donc compétente en matière de protection de l'environnement contre la pollution atmosphérique.
B.13. Il faut considérer que le Constituant et le législateur spécial, dans la mesure où ils n'en disposent pas autrement, ont attribué aux communautés et aux régions toute la compétence d'édicter les règles propres aux matières qui leur ont été transférées.
B.14.1. Par l'article 2 du décret du 17 janvier 2019, le législateur décrétal interdit progressivement la circulation de certains véhicules sur tout le territoire de la Région wallonne, en fonction de leur euronorme et leur type de moteur. L'article 7 du même décret permet l'instauration de zones de basses émissions régionales, permanentes ou temporaires, dont l'accès aux véhicules motorisés est réglementé par l'article 4 du même décret.
B.14.2. Ces dispositions contiennent des mesures pour lutter contre la pollution atmosphérique et relèvent à ce titre de la compétence des régions en matière d'environnement visée par l'article 6, § 1er, II, alinéa 1er, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980.
B.15. La Cour doit encore examiner si, en interdisant la circulation de certains véhicules sur tout le territoire de la Région wallonne, le législateur décrétal n'a pas empiété sur les compétences de l'autorité fédérale, d'une part, en matière de police générale et de réglementation relative à la circulation et aux transports et, d'autre part, en matière de prescriptions techniques qui s'appliquent aux véhicules en vue de leur mise en circulation ou aux véhicules déjà en circulation.
B.16.1. L'autorité fédérale est compétente pour la police générale et la réglementation relative à la circulation et aux transports, et pour les prescriptions techniques en matière de moyens de communication et de transport, bien que les gouvernements régionaux doivent être associés à l'élaboration des règles s'y rapportant (article 6, § 4, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980).
Selon les travaux préparatoires de cette disposition (Doc. parl., Chambre, S.E. 1988, n° 516/1, p. 21), la « police générale » concerne les réglementations de police applicables aux divers modes de transports, telles que :
« - la police de la circulation routière;
- le règlement général des voies navigables;
- le règlement de police sur les chemins de fer;
- la police sur le transport de personnes par tram, pré-métro, métro, autobus et autocar;
- la police de la navigation maritime et de la navigation aérienne ».
B.16.2. Les règlements généraux que le Roi peut arrêter sur la base de l'article 1er de la loi du 16 mars 1968 « relative à la police de la circulation routière » relèvent des règles de la police générale et de la réglementation relative aux communications et aux transports.
B.16.3. Les dispositions attaquées sont des mesures de lutte contre la pollution atmosphérique ciblant les véhicules dont les émissions atmosphériques sont importantes. Si elles ont nécessairement une incidence sur l'usage des véhicules qu'elles visent, elles ne modifient pas pour autant la police générale de la circulation.
B.17. Par ailleurs, en interdisant la circulation sur le territoire de la Région wallonne aux véhicules répondant à une certaine euronorme et équipés d'un certain type de moteur, même si ces véhicules sont en bon état de marche et exempts de défaillances techniques, le législateur décrétal n'est pas intervenu dans la compétence fédérale en matière de prescriptions techniques auxquelles les véhicules en circulation doivent répondre.
Comme il est dit en B.16.3, l'interdiction de circulation attaquée est une mesure de lutte contre la pollution atmosphérique. Bien qu'elle implique, de par sa nature, que certains véhicules ne puissent plus circuler sur le territoire régional, cette interdiction ne détermine pas les exigences techniques auxquelles les véhicules doivent répondre pour garantir la sécurité routière et la protection de l'environnement au sens de la directive 2014/45/UE.
Contrairement à ce que fait valoir la partie requérante, la mesure contestée ne peut pas non plus être assimilée à l'instauration d'un cas de défaillance technique supplémentaire à ceux qui peuvent être constatés lors du contrôle technique des véhicules.
B.18. Le premier moyen, en sa première branche, n'est pas fondé.
Seconde branche
B.19. La partie requérante soutient que la Région wallonne n'était pas compétente pour adopter le décret du 17 janvier 2019 puisque l'Union européenne a exercé au préalable sa compétence en matière de contrôle technique des véhicules par la directive 2014/45/UE. Cette matière relèverait des compétences partagées entre l'Union européenne et les États membres, au sens de l'article 2, paragraphe 2, du TFUE, qui dispose :
« Lorsque les traités attribuent à l'Union une compétence partagée avec les États membres dans un domaine déterminé, l'Union et les États membres peuvent légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants dans ce domaine. Les États membres exercent leur compétence dans la mesure où l'Union n'a pas exercé la sienne. Les États membres exercent à nouveau leur compétence dans la mesure où l'Union a décidé de cesser d'exercer la sienne ».
B.20. Comme il est dit en B.16.3, le décret attaqué concerne des mesures pour lutter contre la pollution de l'air et n'établit pas ainsi des prescriptions techniques auxquelles doivent répondre les véhicules en circulation afin de garantir la sécurité de la circulation routière. Le décret attaqué ne concerne pas davantage le contrôle technique des véhicules, qui est réglé par la directive 2014/45/UE.
Le premier moyen, en sa seconde branche, repose donc sur une prémisse erronée et il n'est pas fondé pour cette raison. La Cour ne doit donc pas non plus poser à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suggérée par la partie requérante.
B.21. Le premier moyen, en sa seconde branche, n'est pas fondé.
En ce qui concerne le deuxième moyen
B.22. Le deuxième moyen est pris de la violation, par l'article 1er, 1°, l'article 2, § 1er, 3°, l'article 4, § 1er, 3°, a), i, l'article 7 et l'article 17 du décret du 17 janvier 2019, des articles 10, 11 et 16 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme (première branche), et des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (seconde branche).
B.23. Contrairement à ce que fait valoir le Gouvernement wallon, il ressort suffisamment de la requête en quoi les dispositions soumises au contrôle de la Cour violeraient les normes de référence visées dans le moyen. Il ressort en outre des mémoires du Gouvernement wallon qu'il a pu répondre aux griefs formulés par la partie requérante. Le moyen répond dès lors aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989.
L'exception d'irrecevabilité est rejetée.
Première branche
B.24. La partie requérante fait valoir que l'interdiction de circulation pour certains véhicules sur l'ensemble du territoire de la Région wallonne (article 2 du décret du 17 janvier 2019) et la limitation de l'accès aux zones de basses émissions régionales (article 4 du même décret) portent atteinte au droit de propriété en ce que l'interdiction de circulation n'est pas proportionnée au but poursuivi.
B.25.1. L'article 16 de la Constitution dispose :
« Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité ».
L'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme dispose :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ».
B.25.2. L'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ayant une portée analogue à celle de l'article 16 de la Constitution, les garanties qu'il contient forment un ensemble indissociable avec celles qui sont inscrites dans cette disposition constitutionnelle, de sorte que la Cour en tient compte lors de son contrôle des dispositions attaquées.
B.25.3. L'article 1er du Protocole précité offre une protection non seulement contre l'expropriation ou la privation de propriété (premier alinéa, seconde phrase), mais également contre toute ingérence dans le droit au respect des biens (premier alinéa, première phrase) et contre toute réglementation de l'usage des biens (second alinéa).
B.26. Qu'elle s'applique à tout le territoire de la Région wallonne ou à une zone de basses émissions, l'interdiction de circulation pour certains véhicules a pour conséquence que les propriétaires des véhicules qui ne satisfont pas aux normes fixées par les articles 2 et 4 du décret du 17 janvier 2019 n'ont, sauf exception, plus accès à ce territoire ou à ces zones avec leur véhicule.
Les mesures contestées constituent dès lors une réglementation de l'usage des biens au sens du second alinéa de l'article 1er du Premier protocole additionnel, et relèvent du champ d'application de cette disposition conventionnelle, lue en combinaison avec l'article 16 de la Constitution.
B.27. Toute ingérence dans le droit de propriété doit réaliser un juste équilibre entre les impératifs de l'intérêt général et ceux de la protection du droit au respect des biens. Il faut qu'existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi.
B.28. Il ressort des travaux préparatoires que le décret attaqué « offre un cadre pour lutter contre les polluants atmosphériques et les particules fines liées à la circulation des véhicules et pour s'aligner et atteindre au minimum les prescrits européens » (Doc. parl., Parlement wallon, 2018-2019, n° 1226/1, p. 4; ibid., n° 1226/4, p. 3). En effet, « la pollution atmosphérique est en grande partie due aux gaz d'échappement, qui causent des dommages environnementaux dont l'eutrophisation, les maladies respiratoires et cardiovasculaires et contribuent au réchauffement de la planète » (Doc. parl., Parlement wallon, 2018-2019, n° 1226/1, pp. 3-4).
Les travaux préparatoires mentionnent encore :
« Le programme européen ‘ Air pur pour l'Europe ' (2013) et le rapport de l'Agence européenne de l'Environnement (2014) indiquent qu'en termes de statistiques, la qualité de l'air s'est nettement améliorée en Europe ces dernières années.
Ils font également le constat indéniable que la pollution atmosphérique demeure le principal facteur environnemental lié aux maladies et décès prématurés évitables. Le nombre de décès qui lui sont imputables seraient dix fois supérieur à celui des décès par accident sur la route. La pollution de l'air cause plus de 400 000 décès prématurés en Europe dont 9 300 pour la Belgique ainsi que bon nombre de maladies et affections respiratoires et problèmes cardiovasculaires.
La pollution atmosphérique a également un impact sur les écosystèmes. Les dommages économiques directs sont évalués à près de 23 milliards d'Euro par an.
L'Europe et ses États membres se sont fixés comme objectifs de réduire d'ici 2030 de 52 % les incidences des polluants sur la santé et en termes d'eutrophisation de réduire de 35 % la superficie des écosystèmes excédent les limites en termes d'eutrophisation, tout en prenant en compte un ensemble de données économiques, techniques et scientifiques sans oublier l'impact social. L'objectif de la stratégie européenne est de se rapprocher à termes, progressivement, des lignes directrices de l'OMS ce qui aurait pour effet que plus d'1 600 000 d'années de vie seraient gagnées dans l'Union européenne » (ibid., p. 3).
B.29.1. Les engagements en matière de réduction des émissions atmosphériques anthropiques de dioxyde de souffre (SO2), d'oxydes d'azote (NOx), de composés organiques volatils non méthaniques (COVNM), d'ammoniac (NH3) et de particules fines (PM2,5) de chaque État membre de l'Union européenne sont fixés dans la directive (UE) 2016/2284 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 « concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques, modifiant la directive 2003/35/CE et abrogeant la directive 2001/81/CE » (ci-après : la directive (UE) 2016/2284). Cette directive exige par ailleurs l'établissement, l'adoption et la mise en œuvre de « programmes nationaux de lutte contre la pollution atmosphérique » ainsi que la surveillance et la déclaration des émissions atmosphériques et de leurs incidences.
À propos de cette directive, les travaux préparatoires indiquent :
« La dernière directive 2284/2016/CE [lire : (UE) 2016/2284] sur les plafonds d'émission nationaux impose des taux importants de réduction des polluants atmosphériques notamment d'ici 2030 par rapport à 2005. Transposé à la Région wallonne, il s'agit de réduire les taux d'émissions de NOx de 59 % » (ibid., p. 3).
B.29.2. La directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 « concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe » (ci-après : la directive 2008/50/CE) prévoit la création de zones et d'agglomérations sur l'ensemble du territoire des États membres pour évaluer et gérer la qualité de l'air ambiant. Pour l'évaluation de la qualité de l'air ambiant, des seuils d'évaluation s'appliquent à certains polluants atmosphériques, dont le dioxyde d'azote et les oxydes d'azote et les particules fines.
La Cour de justice de l'Union européenne a jugé que les États membres doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux valeurs limites fixées pour la qualité de l'air par la directive 2008/50/CE (CJUE, 19 novembre 2014, C-404/13, ClientEarth, points 30- 31).
B.30. L'interdiction pour certains véhicules de circuler sur le territoire de la Région wallonne et la création de zones de basses émissions sont des mesures par lesquelles le législateur décrétal entend répondre au minimum aux exigences européennes en matière de lutte contre les polluants atmosphériques. À l'instar des directives (UE) 2016/2284 et 2008/50/CE, ces mesures poursuivent l'objectif d'intérêt général de la protection de l'environnement et celui de la protection de la santé humaine.
B.31. La Cour doit encore vérifier si les mesures contestées ménagent un juste équilibre entre les impératifs de l'intérêt général et ceux de la protection du droit au respect des biens.
B.32.1. L'article 23, alinéa 3, 2° et 4°, de la Constitution charge les législateurs compétents de garantir le droit à la protection de la santé et le droit à la protection d'un environnement sain. Afin de protéger la santé humaine et l'environnement, il est particulièrement important d'éviter, de prévenir ou de réduire les émissions de polluants atmosphériques nocifs.
B.32.2. Bien que la Convention européenne des droits de l'homme ne mentionne pas formellement le droit à un environnement sain, sa protection relève d'une préoccupation sociale essentielle (CEDH, 27 novembre 2007, Hamer c. Belgique, § 79). De plus, il y a atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale lorsque la pollution atmosphérique affecte des
personnes directement et très gravement. Les polluants atmosphériques nocifs émis par des véhicules engendrent effectivement un risque d'incidence négative grave sur la santé, en particulier dans les régions à forte densité de population où le trafic est important (CEDH, décision, 12 mai 2009, Greenpeace e.V. et autres c. Allemagne, § 1). Des impératifs économiques et même certains droits fondamentaux, comme le droit de propriété, ne doivent pas nécessairement se voir accorder la primauté face à des considérations relatives à la protection de l'environnement et de la santé publique. Ainsi, des contraintes sur le droit de propriété peuvent être admises, à condition certes de respecter un juste équilibre entre les intérêts individuels en cause et ceux de la société dans son ensemble (CEDH, 27 novembre 2007, Hamer c. Belgique, §§ 79-80).
B.33. Si, comme il ressort des travaux préparatoires, les normes européennes de qualité de l'air n'ont plus été dépassées depuis 2014 (Doc. parl., Parlement wallon, 2018-2019, n° 1226/1, p. 3, et ibid., n° 1226/4, p. 3), il n'en résulte pas pour autant que le législateur décrétal serait empêché de prendre des mesures supplémentaires pour réduire davantage encore les émissions atmosphériques nuisibles, d'autant que ces normes de qualité de l'air sont nettement moins strictes que les lignes directrices préconisées par l'Organisation mondiale de la santé pour la protection publique. Le législateur décrétal dispose d'une large autonomie dans les matières qui lui sont attribuées par la Constitution et par le législateur spécial en vertu de celle-ci. Cette autonomie permet aux régions de définir, si elles le souhaitent, une politique de protection de l'environnement plus ambitieuse que celle qui est fixée au niveau européen, sans qu'il ne soit, de ce fait, automatiquement porté atteinte au droit de propriété.
B.34.1. L'interdiction de circuler pour certains véhicules de la catégorie M1, instaurée par l'article 2 du décret du 17 janvier 2019, est progressive. Concrètement, l'interdiction de circulation est organisée de manière échelonnée en six phases, entre le 1er janvier 2023 et le 1er janvier 2030, de manière à viser dans un premier temps les véhicules sans euronorme ou répondant à l'euronorme 1, ensuite les véhicules répondant respectivement à l'euronorme 2, 3 et 4, pour viser, enfin les véhicules équipés d'un moteur diesel répondant à l'euronorme 5 et 6 (moyennant quelques exceptions).
Le phasage prévu par l'article 2 du décret vise à bannir progressivement des routes wallonnes les véhicules les plus polluants pour l'atmosphère, identifiés selon leur ancienneté et le type de moteur dont ils sont équipés. Par ailleurs, il accorde aux propriétaires des véhicules concernés suffisamment de temps pour trouver des solutions de remplacement adéquates à l'usage de leur véhicule et tient raisonnablement compte de la durée de vie moyenne d'un véhicule.
B.34.2. Le choix du critère de l'euronorme pour identifier les véhicules les plus polluants est raisonnablement justifié. D'une part, il s'agit d'un critère objectif qui renvoie à des valeurs limites en matière d'émissions de polluants atmosphériques et de particules fines déterminées au niveau européen et en fonction de la date de la première mise en circulation du véhicule. Il est sans importance à cet égard que les véhicules regroupés au sein d'une même euronorme puissent émettre des quantité d'émissions différentes, tout en respectant les seuils d'émissions européens. D'autre part, il permet de connaître aisément les véhicules concernés par l'interdiction de circulation, contrairement à ce qui serait le cas si l'on tenait compte des émissions réelles des véhicules, comme le suggère la partie requérante, lesquelles dépendent de la durée et des conditions d'utilisation de chaque véhicule considéré individuellement.
B.34.3. Pour atténuer les effets de l'interdiction, l'article 3 du décret du 17 janvier 2019 prévoit des exceptions à l'interdiction progressive de circulation, dont celle pour les véhicules qui parcourent annuellement moins de 3 000 km (article 3, § 1er, 2°). Les véhicules répondant au moins à l'euronorme 4, acquis avant la date du 1er janvier 2019, pour autant qu'ils ne soient pas cédés à un tiers, sont également autorisés à circuler au-delà des échéances, pour une durée complémentaire fixée par le Gouvernement wallon (article 3, § 1er, 1°). Cette dérogation vise « à ne pas piéger des consommateurs qui ont acquis un véhicule répondant à une des normes euro visées et qui n'étaient pas encore informés de l'interdiction programmée » (Doc. parl., Parlement wallon, 2018-2019, n° 1226/1, p. 6).
B.35.1. Concernant les zones de basses émissions, en vertu de l'article 4, § 1er, 3°, a), i, du décret du 17 janvier 2019, les véhicules de la catégorie M et N, immatriculés en Belgique ou à l'étranger, équipés d'un moteur diesel ne répondant pas au moins à l'euronorme IV ou 4, ne sont pas autorisés à accéder à une zone de basses émissions à partir du 1er janvier 2020.
B.35.2. Pour les véhicules à moteur des catégories M et N équipés d'un moteur thermique, le législateur décrétal s'est également fondé sur le critère de l'euronorme et il a prévu également une interdiction progressive d'accès à la zone de basses émissions, ce qui est raisonnablement justifié pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exprimés en B.34.1 et B.34.2.
Par ailleurs, l'article 4, § 2, du décret du 17 janvier 2019 prévoit diverses dérogations. En vertu de l'article 4, § 3, alinéa 1er, du décret du 17 janvier 2019, le Gouvernement wallon peut compléter la liste des véhicules autorisés à accéder aux zones de basses émissions « sur base de : 1° l'impact des véhicules sur la pollution atmosphérique; 2° leur motorisation; 3° leur âge; 4° le cas échéant, leur niveau d'entretien ». Le Gouvernement wallon est également habilité à fixer des dérogations individuelles (article 4, § 3, alinéa 3).
B.36. En conséquence, le législateur décrétal a ménagé un juste équilibre entre l'intérêt général de la protection de l'environnement et celui de la santé humaine et les intérêts privés des propriétaires des véhicules concernés par l'interdiction de circulation.
L'ingérence dans le droit de propriété n'est pas disproportionnée.
B.37. Le deuxième moyen, en sa première branche, n'est pas fondé.
Seconde branche
B.38. La partie requérante allègue que l'article 17 du décret du 17 janvier 2019 porte atteinte aux articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Elle conteste la proportionnalité des sanctions prévues par cette disposition en cas de non-respect de l'interdiction de circulation instaurée par l'article 2 et en cas d'accès à une zone de basses émissions en contravention avec l'article 4, en comparant ces sanctions à celles qui, en vertu de la loi du 16 mars 1968 « relative à la police de la circulation routière », sont applicables à certaines infractions au Code de la route.
B.39.1. L'article 17 du décret du 17 janvier 2019 dispose :
« Commet une infraction de deuxième catégorie au sens de l'article D.151 du Livre Ier du Code de l'Environnement, celui qui :
1° contrevient à l'article 2;
[…]
3° accède à une zone de basses émissions en contravention à l'article 4;
[…] ».
En vertu de l'article D.151 du Code wallon de l'environnement, les infractions de deuxième catégorie sont punies d'un emprisonnement de huit jours à trois ans et d'une amende d'au moins 100 euros et au maximum de 1 000 000 euros ou d'une de ces peines seulement.
B.39.2. L'appréciation de la gravité d'une infraction et de la sévérité avec laquelle cette infraction peut être punie relève du pouvoir d'appréciation du législateur.
La Cour empiéterait sur le domaine réservé au législateur si, en s'interrogeant sur la justification des différences entre des sanctions, elle émettait chaque fois une appréciation sur la base d'un jugement de valeur concernant le caractère répréhensible des faits en cause par rapport à d'autres faits punissables et ne limitait pas son examen aux cas dans lesquels le choix du législateur contient une incohérence telle qu'il aboutit à une différence de traitement manifestement déraisonnable ou à une sanction manifestement disproportionnée.
B.40.1. Le fait de punir le non-respect de l'interdiction de circuler pour certains véhicules et l'accès non autorisé à une zone de basses émissions d'un emprisonnement de huit jours à trois ans et d'une amende d'au moins 100 euros et au maximum de 1 000 000 euros ou d'une de ces peines seulement, n'est pas manifestement disproportionné, compte tenu de ce que le juge peut, en fonction des cas d'espèce, choisir une sanction dans des fourchettes de peines suffisamment larges et infliger une de ces deux peines seulement.
B.40.2. Par ailleurs, l'existence de degrés de sévérité différents qui peuvent caractériser des sanctions instaurées par des législateurs différents résulte de l'exercice, par chaque législateur, de ses compétences respectives. Une telle différence ne peut en soi être jugée contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ni induire l'absence de proportionnalité de la sanction plus sévère.
B.41. Le deuxième moyen, en sa seconde branche, n'est pas fondé.
En ce qui concerne le troisième moyen
B.42. La partie requérante prend un troisième moyen de la violation, par les articles 2, § 1er, et 4, § 1er, 3°, du décret du 17 janvier 2019, des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 1er du Douzième Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme
B.43. L'article 1er du Douzième Protocole additionnel comporte une interdiction générale de discrimination. Il dispose :
« 1. La jouissance de tout droit prévu par la loi doit être assurée, sans discrimination aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.
2. Nul ne peut faire l'objet d'une discrimination de la part d'une autorité publique quelle qu'elle soit fondée notamment sur les motifs mentionnés au paragraphe 1 ».
Le Douzième Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme n'ayant pas été ratifié par la Belgique, la Cour ne peut en tenir compte lors de son contrôle.
B.44. La partie requérante estime, d'une part, que l'interdiction de circulation visée par l'article 2 du décret du 17 janvier 2019 est discriminatoire en ce qu'elle ne vise que les véhicules de la catégorie M1, à l'exclusion des autres véhicules et, d'autre part, que l'accès réglementé aux zones de basses émissions en vertu de l'article 4 de ce décret est discriminatoire
en ce qu'il ne vise que les véhicules à moteur des catégories M et N, à l'exclusion des autres véhicules, dont ceux de catégorie L.
B.45. L'interdiction de circuler pour certains véhicules, visée à l'article 2 du décret du 17 janvier 2019, concerne uniquement des véhicules de la catégorie M1, à savoir les « véhicules à moteur conçus et construits pour le transport de passagers comportant, outre le siège du conducteur, huit places assises au maximum » (article 1er, § 1er, de l'arrêté royal du 15 mars 1968 « portant règlement général sur les conditions techniques auxquelles doivent répondre les véhicules automobiles, leurs remorques, leurs éléments ainsi que les accessoires de sécurité »).
B.46. L'accès à une zone de basses émissions est autorisé, entre autres, aux véhicules qui n'appartiennent pas aux catégories M et N (article 4, § 1er, 1°, du décret du 17 janvier 2019) et aux véhicules à moteur de combustion des catégories M et N, immatriculés en Belgique ou à l'étranger, qui répondent à certaines euronormes (article 4, § 1er, 3°, du même décret). Les catégories M et N sont les véhicules à moteur conçus et construits pour le transport de passagers (catégorie M) ou pour le transport de marchandises (catégorie N) et ayant au moins quatre roues (article 1er, § 1er, de l'arrêté royal du 15 mars 1968).
B.47.1. En commission, le ministre a justifié le choix de viser prioritairement les véhicules particuliers (M1) pour l'interdiction généralisée de circulation comme suit :
« Le mécanisme concerne les véhicules particuliers, à savoir ceux de la catégorie M1 et […] en raison des alternatives existantes pour ces véhicules, ils constituent la priorité du Gouvernement » (Doc. parl., Parlement wallon, 2018-2019, n° 1226/4, p. 3).
« L'interdiction générale n'a pas été étendue aux camions et aux camionnettes au vu de l'absence d'alternative suffisante à l'heure actuelle, mais […]les voitures de société sont bien concernées » (ibid., p. 10).
« La situation au niveau des camions évolue favorablement grâce au prélèvement kilométrique et […]il constitue une incitation à avoir des véhicules plus propres. […] la donne va également changer au niveau de l'impact des bus grâce à la livraison de 300 bus hybrides et électriques » (ibid., p. 6).
B.47.2. En séance plénière, le ministre a déclaré :
« Dans le catalogue, des réclamations et des injustices pointées par un certain nombre de concitoyens, il y a aussi celle de dire : ‘ Pourquoi les véhicules des particuliers et pourquoi pas les transports, les camions, et cetera ? '.
Je pense que nous devons le faire avec les bus et, dans le contrat de service public que nous sommes en train de négocier, je souhaite inscrire clairement que, à l'horizon 2030, les bus diesel aient disparu. Il faut une trajectoire, pour cela. On sait que les bus, on les utilise jusqu'à leur 16e année. On y sera plus ou moins, mais il vaut mieux l'inscrire quand même. Nous travaillons à cet aspect-là.
Maintenant, il y a le problème des camions, des camionnettes, des véhicules qui ne sont pas concernés ici. C'est plus difficile, parce que, effectivement, les alternatives se développent moins vite. On sait que l'on aura des solutions. Il y a des modèles qui se développeront, mais c'est difficile aujourd'hui d'avoir un niveau d'exigence aussi important sur ce type de véhicules. Il faudra sans doute que, à travers un autre texte, on s'y attaque, à un moment donné » (Doc. parl., Parlement wallon, 2018-2019, mercredi 16 janvier 2019, C.R.I., n° 11, p. 38).
B.48.1. Il ressort des travaux préparatoires que l'interdiction de circulation prévue par l'article 2 du décret du 17 janvier 2019 ne concerne pas les véhicules de la catégorie N, qui regroupe les camionnettes et les camions, à défaut d'alternatives suffisantes, à l'heure actuelle, pour ces véhicules. Ces alternatives se développent moins rapidement que celles pour les voitures particulières équipées de moteurs à combustion classiques, comme par exemple des moteurs électriques.
B.48.2.1. Par ailleurs, les véhicules à moteur qui sont utilisés, soit partiellement, soit exclusivement, pour le transport par route de marchandises, et dont la masse maximale autorisée dépasse 3,5 tonnes sont soumis au système du prélèvement kilométrique instauré par le décret de la Région wallonne du 16 juillet 2015 « instaurant un prélèvement kilométrique à charge des poids lourds pour l'utilisation des routes ». Cette taxe kilométrique varie en fonction de l'euronorme du véhicule (article 7 du décret du 16 juillet 2015). Elle peut avoir un effet incitant pour les propriétaires de camions de plus de 3,5 tonnes de s'équiper de véhicules répondant à des euronormes élevées.
B.48.2.2. Outre le fait qu'il n'est pas certain qu'un système de prélèvement kilométrique puisse être instauré à faible coût pour les véhicules de la catégorie M1, comme le suggère la partie requérante, le choix de privilégier une interdiction de circulation, appliquée progressivement aux voitures les plus anciennes et donc les plus polluantes, relève du pouvoir d'appréciation du législateur. La Cour ne peut censurer un tel choix que s'il est dépourvu de justification raisonnable. La circonstance que le législateur aurait pu choisir d'autres mesures
qu'une interdiction progressive de circulation pour certains véhicules, n'implique pas en soi l'absence de justification raisonnable du choix arrêté par le législateur décrétal.
B.48.3. Quant aux véhicules appartenant à la catégorie L, qui regroupe essentiellement les cyclomoteurs, les motocyclettes et les quads, il ressort du mémoire du Gouvernement wallon qu'ils ne sont visés ni par l'interdiction de circulation, ni par l'accès réglementé aux zones de basses émissions puisqu'ils dégagent peu d'émissions atmosphériques et parce qu'ils sont actuellement peu nombreux et tous équipés d'un moteur fonctionnant à l'essence.
B.48.4. Enfin, quant aux véhicules appartenant aux catégories M2 et M3, regroupant les bus et les minibus, il ressort des travaux préparatoires cités en B.47.1 et B.47.2 qu'en ce qui concerne les transports en commun, la Région wallonne a effectué une commande de 300 bus hybrides et électriques et que le ministre envisage de faire remplacer les bus diesel à l'horizon de 2030, compte tenu de la durée d'utilisation moyenne des bus en Région wallonne. En outre, le Gouvernement wallon indique dans son mémoire que l'exclusion des véhicules relevant des catégories M2 et M3 est justifiée par la volonté de promouvoir l'utilisation des transports en commun.
B.49. En conséquence, le choix du législateur décrétal de viser les véhicules particuliers de la catégorie M1 pour l'interdiction générale de circulation et les véhicules des catégories M et N équipés d'un moteur à combustion pour l'interdiction d'accès aux zones de basses émissions, à l'exclusion d'autres véhicules, n'est pas dépourvu de justification raisonnable.
B.50. Le troisième moyen n'est pas fondé.
En ce qui concerne le quatrième moyen
B.51. La partie requérante prend un quatrième moyen de la violation de l'article 22 de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que l'article 20, 2°, du décret du 17 janvier 2019, qui modifie l'article D.146 du Code wallon de l'environnement, confère un pouvoir illimité aux agents compétents pour
consulter tous les documents utiles à l'identification du véhicule, du conducteur ou de la personne au nom de laquelle le véhicule est immatriculé et pour en prendre copie.
B.52.1. L'article 20, 2°, du décret du 17 janvier 2019 insère un 11° (lire : 12°) dans l'article D.146 du Code wallon de l'environnement. Depuis cette modification, l'article D.146 dispose :
« Les agents peuvent, dans l'accomplissement de leur mission :
[…]
[12°] consulter et prendre une copie des données administratives nécessaires, tels les documents légalement prescrits qui doivent être en possession du conducteur d'un véhicule et plus largement tous les documents utiles à l'identification du véhicule, du conducteur ou de la personne au nom de laquelle le véhicule est immatriculé ».
Depuis la modification du Code wallon de l'environnement par l'article 1er du décret du 6 mai 2019 « relatif à la délinquance environnementale », cette compétence des agents concernés est prévue par l'article D.162, 13°, du Code de l'environnement.
B.52.2. Les agents visés par l'article D.146 sont les agents chargés du contrôle du respect des dispositions visées par l'article D.138, alinéa 1er, du Code de l'environnement et de celles qui sont prises en vertu de ces dispositions.
Le décret du 17 janvier 2019 figure dans la liste des dispositions dont le respect est contrôlé par ces agents, depuis la modification de l'article D.138, alinéa 1er, du Code de l'environnement par l'article 18 du décret du 17 janvier 2019.
B.53.1. Le Constituant a recherché la plus grande concordance possible entre l'article 22 de la Constitution et l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 997/5, p. 2).
La portée de cet article 8 est analogue à celle de la disposition constitutionnelle précitée, de sorte que les garanties que fournissent ces deux dispositions forment un tout indissociable.
B.53.2. Le droit au respect de la vie privée, tel qu'il est garanti par l'article 22 de la Constitution et par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, a pour but essentiel de protéger les personnes contre les ingérences dans leur vie privée.
Ce droit a une portée étendue et comprend entre autres la protection des données à caractère personnel et des informations personnelles.
B.53.3. Les droits que garantissent l'article 22 de la Constitution et l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ne sont toutefois pas absolus. Ils n'excluent pas une ingérence d'une autorité publique dans l'exercice du droit au respect de la vie privée, mais exigent que cette ingérence soit prévue par une disposition législative suffisamment précise, qu'elle réponde à un besoin social impérieux dans une société démocratique et qu'elle soit proportionnée à l'objectif légitime qu'elle poursuit.
B.53.4. Le législateur décrétal dispose en la matière d'une marge d'appréciation. Cette marge n'est toutefois pas illimitée : pour qu'un régime légal soit compatible avec le droit au respect de la vie privée, il faut que le législateur ait ménagé un juste équilibre entre tous les droits et intérêts en cause.
B.53.5. Le législateur décrétal doit avoir égard à l'article 22, alinéa 1er, de la Constitution, en vertu duquel seul le législateur fédéral peut déterminer de manière générale dans quels cas et à quelles conditions le droit au respect de la vie privée et familiale peut être limité.
Certes, la circonstance qu'une ingérence dans la vie privée résulte de la réglementation d'une matière déterminée attribuée au législateur décrétal n'affecte pas cette compétence, mais ce dernier est tenu de respecter la réglementation fédérale générale, qui a valeur de réglementation minimale pour toute matière.
B.54. En ce que les dispositions attaquées visent la consultation et la prise de copie de données personnelles, ce qui constitue un traitement de données au sens du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 « relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la
protection des données) » (ci-après : le RGPD), le législateur décrétal est lié par les garanties minimales de ce règlement.
L'absence de référence, dans la disposition attaquée, au RGPD n'y change rien, étant donné que ce règlement est directement applicable dans l'ordre juridique interne. Par ailleurs, rien dans la disposition attaquée ne permet de considérer que le législateur décrétal a méconnu les exigences du RGPD.
B.55.1. La disposition attaquée poursuit un but légitime, consistant à assurer le respect du décret du 17 janvier 2019 dans le but de protéger l'environnement et la santé humaine.
B.55.2. La compétence des agents concernés de consulter les « données administratives nécessaires » et « tous les documents utiles à l'identification du véhicule, du conducteur ou de la personne au nom de laquelle le véhicule est immatriculé » et d'en prendre copie ne peut être utilisée que dans le cadre du contrôle de la conformité du véhicule avec les dispositions du décret du 17 janvier 2019, par exemple pour déterminer l'euronorme du véhicule. Contrairement à ce que soutient la partie requérante, les pouvoirs des agents, et donc l'ingérence dans la vie privée qui en résulte, ne sont pas illimités.
B.56. Le quatrième moyen n'est pas fondé.
Quant à la demande d'indemnité de procédure
B.57.1. Le Gouvernement wallon sollicite une indemnité de procédure de 700 EUR.
B.57.2. Ni l'article 142 de la Constitution, ni la loi spéciale du 6 janvier 1989 ne prévoient que la Cour puisse accorder une indemnité de procédure. La demande est rejetée.
Décision
Par ces motifs,
la Cour
- décrète le désistement du recours en ce qu'il porte sur l'article 3, § 1er, 1° et 2°, et § 2, du décret du 17 janvier 2019 « relatif à la lutte contre la pollution atmosphérique liée à la circulation des véhicules »;
- rejette le recours pour le surplus;
- rejette la demande d'indemnité de procédure.