En cause:
la demande de suspension partielle du décret de la Région wallonne du 1er octobre 2020 « modifiant le décret du 6 mai 1999 relatif à l'établissement, au recouvrement et au contentieux, en matière de taxes régionales wallonnes, en vue de la transposition de la directive 2018/822/UE sur l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration », introduite par l'association de fait « Belgian Association of Tax Lawyers » et autres.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, et des juges J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, Y. Kherbache et T. Detienne, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I Objet du recours
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 11 décembre 2020 et parvenue au greffe le 15 décembre 2020, une demande de suspension partielle du décret de la Région wallonne du 1er octobre 2020 « modifiant le décret du 6 mai 1999 relatif à l'établissement, au recouvrement et au contentieux, en matière de taxes régionales wallonnes, en vue de la transposition de la directive 2018/822/UE sur l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration » (publié au Moniteur belge du 20 octobre 2020) a été introduite par l'association de fait « Belgian Association of Tax Lawyers », Paul Verhaeghe et Gerd Goyvaerts, assistés et représentés par Me P. Malherbe, avocat au barreau de Bruxelles.
Par la même requête, les parties requérantes demandent également l'annulation totale ou partielle du même décret.
Par ordonnance du 17 décembre 2020, la Cour a fixé l'audience pour les débats sur la demande de suspension au 13 janvier 2021, après avoir invité les autorités visées à l'article 76, § 4, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle à introduire, le 8 janvier 2021 au plus tard, leurs observations écrites éventuelles sous la forme d'un mémoire, dont une copie serait envoyée dans le même délai aux parties requérantes.
Aucun mémoire n'a été introduit.
À l'audience publique du 13 janvier 2021 :
- ont comparu :
. Me P. Malherbe, pour les parties requérantes;
. Me V. Delcuve et Me J. Chomé, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement wallon;
- les juges-rapporteurs T. Detienne et R. Leysen ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- l'affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale précitée du 6 janvier 1989 relatives à la procédure et à l'emploi des langues ont été appliquées.
II En droit
A Argument
Quant à l'application de l'article 20 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle
A.1. Les parties requérantes demandent la suspension des articles 2, 3, 5 et 8 du décret de la Région wallonne du 1er octobre 2020 « modifiant le décret du 6 mai 1999 relatif à l'établissement, au recouvrement et au contentieux, en matière de taxes régionales wallonnes, en vue de la transposition de la directive 2018/822/UE sur l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration » (ci-après : le décret du 1er octobre 2020). Elles font valoir qu'une suspension fondée sur l'article 20 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle ne répond pas à l'exigence d'une protection juridictionnelle effective, telle qu'elle découle des articles 2, 4, paragraphe 3, et 19 du Traité sur l'Union européenne (ci-après : le TUE) et de la jurisprudence de la Cour de justice, parce que la suspension est limitée à une période maximale de trois mois. Compte tenu de la nécessité de poser des questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne, il n'est pas possible que la Cour rende un arrêt sur le fond dans ce délai. Elles demandent que la Cour suspende les dispositions attaquées sur la base des articles précités du TUE.
À titre subsidiaire, elles demandent que la Cour, à supposer qu'elle procède à la suspension sur la base de l'article 20 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, écarte l'application de l'article 25 de cette loi spéciale.
Quant au caractère sérieux des moyens
En ce qui concerne le premier moyen
A.2. Les parties requérantes prennent un premier moyen de la violation, par les articles 3 et 5 du décret attaqué, des articles 10, 11, 143, § 1er, 170 et 172 de la Constitution, de l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles et de l'article 1erter de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions. Elles font valoir qu'il est possible d'interpréter les articles 3 et 5 du décret attaqué de telle manière que les contribuables et les intermédiaires ne sont soumis à l'obligation de déclaration contestée que lorsqu'ils ont des points de rattachement personnels avec la Région wallonne. Selon les parties requérantes, cela conduit à une différence de traitement injustifiée au sein de l'union économique et monétaire belge, qui compromet les objectifs des dispositions invoquées. Elles se réfèrent à l'avis de la section de législation du Conseil d'État qui, selon elles, a été suivi à tort.
En ce qui concerne le deuxième moyen
A.3. Les parties requérantes prennent un deuxième moyen de la violation, par le décret attaqué, des articles 10, 11, 170 et 172 de la Constitution, en ce que le décret transpose la directive (UE) 2018/822 dans des matières autres que l'impôt des sociétés, sans qu'une justification raisonnable ne soit fournie à cet effet. Dans le cadre des deux premiers moyens, les parties requérantes demandent à la Cour de poser la question suivante à la Cour de justice de l'Union européenne :
« Est-ce que la Directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la Directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration, prise en son entièreté, viole les articles 2, 4(3), 5 et 6 TUE, lus ensemble ou pas avec les articles 2(5), 6(g), 16(1), 26(2), 49, 56, 63, 65(3) et 115 TFUE et les articles 7, 8.1 et 47 de la Charte, en ce que cette directive,
- Primo, instaure des obligations pour son but poursuivi qui sont déjà visées par la Directive (UE) 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d'évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur et en se faisant viole l'objectif de l'Union européenne en ce qui concerne la répartition des compétences,
- Secundo, instaure des dispositions qui ont pour effet de nuire au fonctionnement du marché unique alors qu'un effet stimulant est une exigence indispensable pour l'application de la disposition du traité sur base de laquelle cette directive a été adoptée par le Conseil et en se faisant viole les objectifs de l'Union européenne en ce qui concerne la répartition des compétences, la protection de la sphère privée contre des ingérences arbitraires des autorités et du marché unique ? ».
En ce qui concerne le troisième moyen
A.4. Les parties requérantes prennent un troisième moyen de la violation, par le décret attaqué, des articles 10, 11, 22, 29, 170 et 172 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles 2, 4, paragraphe 3, 5 et 6 du TUE, avec les articles 16, paragraphe 1, 26, paragraphe 2, 49, 56, 63, 65, paragraphe 3, et 115 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après : le TFUE), avec les articles 7, 8, paragraphe 1, 20 et 51 à 53 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Elles reprochent aux obligations d'information instaurées dans le décret d'être basées sur des présomptions de planification fiscale agressive qui ne peuvent pas être raisonnablement déduites des marqueurs élaborés dans la directive. Elles reprochent par ailleurs à certains des marqueurs d'instaurer une présomption irréfragable en ce qu'ils ne permettent pas au contribuable concerné de démontrer que le but du dispositif n'est pas principalement fiscal.
Elles demandent à la Cour de poser les questions préjudicielles suivantes à la Cour de justice de l'Union européenne :
« 1. Convient-il d'interpréter les articles 4(3), 5(4) et 6 TUE, lus ensemble avec les articles 2 (5), 6 (g), 16 (1), 26 (2), 49, 56, 63, 65 (3) et 115 TFUE et les articles 7, 8, 20, 47 à 53 de la Charte, qui doivent organiser une protection d'un niveau qui est minimal égal à celui de l'article 8 CEDH, en ce sens qu'ils s'opposent à la mise en œuvre de la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la Directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration, en son entièreté, ou des dispositions reprises aux articles 1er 1 b), 1, 2 et son annexe IV, qui obligent les États membres à transposer dans des normes nationales ou régionales :
- Des obligations de déclaration par rapport à des renseignements qui peut déjà être connue par ces autorités nationales sous les règles européennes existantes d'échange d'information ou peuvent être demandées pour contrer des abus ?
- Est-ce qu'une telle obligation peut alors concerner d'autres impôts nationaux que l'impôt des sociétés sans qu'il n'est démontré que la planification fiscale transfrontière cause des pertes sévères de revenus pour ces autres impôts ?
- Est-ce qu'une telle obligation peut être activée par la simple présence d'un des critères visés en annexe IV à la directive, aussi lorsqu'ils ne sont pas dans un rapport logique ou nécessaire avec un risque d'évasion fiscale ou d'une présence de pratiques fiscales abusives ?
- Est-ce que les personnes concernées par une obligation de déclaration en application d'un des critères visés dans l'annexe IV de la directive peuvent être exclues du droit d'apporter la preuve que le dispositif transfrontière a un autre but principal que fiscal lorsqu'ils se font interpeller suite à une absence de déclaration du dispositif transfrontière ?
2. En cas de réponse affirmative à la première question, est-ce que les articles 1, 1 b), 1, 2 et l'annexe IV de la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la Directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration doivent être interprétés en ce sens que :
- La norme nationale qui a transposé cette norme européenne ne peut recevoir application, ni la norme européenne elle-même, en conformité avec le droit primaire de l'Union européenne ?
- La norme nationale qui a transposé cette norme européenne ne peut recevoir d'application qu'en matière de l'impôt des sociétés ou des impôts ayant le même effet qu'une taxe directe sur le chiffre d'affaires d'une personne morale, sans avoir démontré que dans cette autre matière des dispositifs transfrontières ont pour effet de réduire sensiblement les recettes ?
- La norme nationale ou régionale qui a transposé cette norme européenne est tenue de limiter l'obligation de déclaration à la présence d'un ou plusieurs indices combinés d'un avantage fiscal issu d'une planification fiscale agressive et de recours à un montage artificielle reprises dans la recommandation du 6 décembre 2012 de la Commission européenne ?
- La norme nationale ou régionale qui a transposé cette norme européenne autorise en cas de non-déclaration la possibilité d'apporter dans tous les cas la preuve de ce que le dispositif transfrontière n'avait pas pour but principal un avantage fiscal né d'une planification fiscale agressive ou avait une réalité économique ? ».
En ce qui concerne le quatrième moyen
A.5. Les parties requérantes prennent un quatrième moyen de la violation, par le décret attaqué, des articles 10, 11, 12, 14, 170 et 172 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles 2, 4, paragraphe 3, 5 et 6 du TUE, avec les articles 26, paragraphe 2, 49, 56, 63 et 65, paragraphe 3, et 115 du TFUE, avec les articles 20 et 47 à 53 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, avec les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en ce que la notion d'intermédiaire n'a pas été définie assez clairement en ce qui concerne les personnes qui ne sont pas des promoteurs. Étant donné que les définitions contenues dans le décret sont basées sur la directive, celle-ci viole également, selon les parties requérantes, les dispositions précitées.
En ce qui concerne le cinquième moyen
A.6. Les parties requérantes prennent un cinquième moyen de la violation, par le décret attaqué, des articles 10, 11, 12, 14, 170 et 172 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles 2, 4, paragraphe 3, 5 et 6 du TUE, avec les articles 26, paragraphe 2, 49, 56, 63 et 115 du TFUE, avec les articles 20 et 47 à 53 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et avec les articles 6, paragraphes 1 et 2, et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que le début et la fin du délai pour satisfaire à l'obligation de déclaration n'ont pas été définis de manière suffisamment claire.
En ce qui concerne le sixième moyen
A.7. Les parties requérantes prennent un sixième moyen de la violation, par le décret attaqué, des articles 10, 11, 12, 14, 170, 172 et 190 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles 2, 4, paragraphe 3, et 6 du TUE, avec les articles 49, 56 et 63 du TFUE, avec les articles 20 et 47 à 53 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et avec les articles 6, paragraphes 1 et 2, et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que le décret attaqué entre en vigueur le 1er juillet 2020, alors qu'il n'est paru au Moniteur belge que le 20 octobre 2020.
A.8. En ce qui concerne les quatrième, cinquième et sixième moyens, les parties requérantes demandent de poser les questions préjudicielles suivantes à la Cour de justice :
« 1. Les articles 20, 47 à 53 de la Charte, lus ensemble avec l'article 6 TUE, qui doivent organiser une protection d'un niveau qui est minimal égal à celui des articles 6.1, 6.2 et 7 CEDH, sont-ils incompatibles avec les dispositions des articles 1er 1, b) (20), 1er 1, 2), chacun lu ensemble avec l'article 1er 1, 6) de la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la Directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration, qui obligent individuellement ou pris ensemble, les États membres de transposer dans leur législation nationale ou régionale une obligation de déclaration pour leurs justiciables :
- Dans des termes imprécis et/ou subjectifs des obligations de déclaration à des personnes qui dépendent de l'information d'autrui sans un accès propre à toutes les informations nécessaires pour pouvoir remplir valablement leur propre obligation de déclaration ?
- Dans des termes imprécis et/ou subjectifs de fixer un point de départ de l'obligation de déclaration qui ne dépend pas d'une action entreprise par la personne elle-même qui est tenue par l'obligation de déclaration activée en son chef ?
- Une obligation rétroactive de déclaration avant même que les concernés connaissent l'interprétation qui sera réservée par l'État membre à la norme européenne ?
2. En cas de réponse affirmative à la première question, les articles 1er 1 b), 1er 1, 2) et 1er 1, 6) de la directive(UE)2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la Directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration, doivent-ils être interprétés en ce sens que :
- Les intermédiaires qui fournissent dans l'État membre des services critiques avec l'intermédiaire qui conçoit, promeut ou vend un dispositif transfrontière qui doit être déclaré peuvent être tenus par une obligation personnelle de déclaration envers cet État membre ? Et qu'à tout le moins, l'absence de déclaration ne peut être sanctionnée envers des personnes non impliquées par des prestations critiques à la fourniture d'un dispositif transfrontière ?
- Le point de départ d'une phase ne peut donner lieu à une obligation personnelle de l'intermédiaire de déclaration qu'à partir du moment où l'intermédiaire lui-même a posé un acte qui nécessite logiquement en son chef la réalisation qu'une nouvelle phase de la constructive est activée ? Et qu'une sanction dissuasive appliquée en transposant cette norme européenne doit tenir compte des circonstances propres à la cause pour n'appliquer qu'une seule sanction en cas d'intervalles courts entre les phases d'un même dispositif transfrontière ?
- L'obligation de déclaration doit se limiter dans le temps à la phase en cours au jour de l'entrée en vigueur de la loi nationale qui transpose la norme européenne ?
- La norme nationale ne peut pas sanctionner rétroactivement et doit dans sa transposition de la norme européenne tenir compte des circonstances propres à la cause qui peuvent justifier selon la pratique administrative nationale de limiter ou de renoncer à des sanctions dans les cas de non-respect des obligations de déclaration pour des dispositions fiscales nationales ? ».
En ce qui concerne le septième moyen
A.9. Les parties requérantes prennent un septième moyen de la violation, par le décret attaqué, des articles 10, 11, 12, 14, 18, 22, 29, 170 et 172 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles 2, 4, paragraphe 3, 6 et 19 du TUE, avec l'article 16, paragraphe 1, du TFUE, avec les articles 7, 8, paragraphe 1, 20 et 47 à 53 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et avec les articles 6, paragraphe 3, 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que le décret attaqué lèverait le secret professionnel propre aux avocats en leur imposant l'obligation de déclaration. Elles critiquent le fait que même les exceptions prévues sur la base du secret professionnel vont de pair avec des obligations d'informer, de manière motivée, d'autres intermédiaires ou des contribuables du fait que le secret professionnel est invoqué.
Elles font valoir que le décret attaqué viole ces dispositions en ce qu'il exclut qu'un avocat qui agit en tant qu'intermédiaire au sens du décret invoque son secret professionnel pour être dispensé de l'obligation de déclaration périodique en matière de dispositifs commercialisables. L'avocat ne peut toutefois pas satisfaire à cette obligation de déclaration sans violer son secret professionnel.
Les parties requérantes critiquent également le fait que l'avocat-intermédiaire qui souhaite invoquer son secret professionnel est tenu d'informer les autres intermédiaires concernés par écrit et de façon motivée qu'il ne peut satisfaire à son obligation de déclaration.
Les parties requérantes demandent à la Cour de poser la question préjudicielle suivante à la Cour de justice de l'Union européenne :
« 1. Est-ce que les articles 2, 4(3), 6 et 19 du Traité de l'Union européenne, combinés avec les articles 7, 8.1, 20, 47 à 53 de la Charte, qui doivent organiser une protection d'un niveau qui est minimal égal à celui des articles 6.3 et 8 CEDH, et l'article 16(1) du Traité de fonctionnement de l'Union européenne, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la Directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration, en son entièreté, qui oblige les États membres de transposer des obligations envers des avocats qui sont inscrits à des barreaux établis dans cet État membre et envers leurs clients pour :
- Exclure le secret professionnel propre aux avocats dans certains cas ?
- Obliger aux clients des avocats à déclarer envers des autorités le fait et le contenu de leurs pourparlers avec leur avocat ?
- Autoriser aux clients des avocats de lever le secret professionnel propre à des avocats lorsque ceci est contraire à la tradition juridique dans l'État membre concerné ?
- Soumettre le secret professionnel propre aux avocats selon la tradition juridique dans l'État membre concerné au même régime que le secret professionnel d'autres professions et de les obliger ainsi, tenu compte de l'exigence accrue d'absence d'ambiguïté dans des normes qui imposent des obligations à des avocats :
. A notifier à des autres personnes que leur client l'identité de son client, l'objet des entretiens avec ce client et les avis et les prestations rendues ?
. A se renseigner auprès d'autres personnes que leurs clients sur la nature, l'objet et l'étendue de leurs pourparlers, les avis ou prestations données à leurs clients ?
. A introduire à cause d'autres personnes qui ont manqué à leurs obligations de déclaration, une déclaration qui méconnaît toute notion de secret professionnel ?
. A présenter à la demande de l'autorité compétente la preuve de l'identité de leurs clients ou d'autres personnes à qui l'avocat a fait des notifications et la preuve de l'introduction d'une déclaration valable par au moins une de ces personnes ?
. A présenter à la demande de l'autorité compétente tous les renseignements quelconques sur des dispositifs transfrontières ?
2. En cas de réponse affirmative à la première question, est-ce que l'article 1, 2) (5) (6) (9) de la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la Directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration, peut encore recevoir application par rapport à des avocats et leurs clients dans les État membres qui organisent un secret professionnel pour des avocats ?
3. En cas de réponse affirmative à une application entière ou partielle, est-ce que les normes de droit primaire violées imposent alors une application qui doit observer au minimum une ou plusieurs des modalités suivantes ?
- Le secret professionnel propre aux avocats ne souffre pas d'exclusion et s'oppose à un traitement égal de l'avocat et de son client sous le régime d'exonération instauré pour le secret professionnel d'autres professions.
- Le secret professionnel propre à des avocats s'oppose à toute divulgation d'information par un avocat à une autre personne que son client. Afin de permettre au client de l'avocat d'accomplir ses propres obligations de déclaration, le client doit être autorisé à déposer un schéma abstrait sans obligation quelconque d'identifier dans ce schéma l'identité de l'avocat ou le contenu des informations et documents échangés avec lui.
- Pour autant que de quelconques obligations peuvent toujours être imposées aux avocats envers leurs clients, le contrôle du respect de ces obligations doit obligatoirement se faire par l'intervention du Bâtonnier de l'avocat, qui veillera sur le respect du secret professionnel propre aux avocats selon la tradition juridique de l'État membre concerné ».
Quant au risque de préjudice grave difficilement réparable
A.10. Les parties requérantes sont une association de fait d'avocats spécialisés en droit fiscal, en ce qui concerne la première partie requérante, ou sont elles-mêmes des avocats, en ce qui concerne les deuxième et troisième parties requérantes. Bien qu'elles considèrent qu'en l'espèce, la suspension doit être basée sur les articles 2 et 19 du TUE, elles font valoir, à titre subsidiaire, qu'il est satisfait aux conditions d'une suspension sur la base de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle. En ce qui concerne le risque de préjudice grave difficilement réparable, elles font référence au secret professionnel de l'avocat. En ce qu'elles obligent l'avocat à violer ce secret professionnel, les dispositions attaquées causent un préjudice irréparable au lien de confiance entre l'avocat et son client. En outre, les parties requérantes risquent des sanctions déontologiques, pénales et civiles, si elles ne respectent pas leur secret professionnel, ainsi que des sanctions administratives si elles ne respectent pas les obligations prévues par le décret attaqué.
A.11. Le Gouvernement wallon n'a pas introduit d'observations écrites.
B Point de vue de la cour
Quant aux dispositions attaquées
B.1.1. Les parties requérantes demandent l'annulation du décret de la Région wallonne du 1er octobre 2020 « modifiant le décret du 6 mai 1999 relatif à l'établissement, au recouvrement et au contentieux, en matière de taxes régionales wallonnes, en vue de la transposition de la directive 2018/822/UE sur l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration » (ci-après : le décret du 1er octobre 2020). Elles demandent également la suspension des articles 2, 3, 5 et 8 de ce décret.
Ce décret transpose la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 « modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration » (ci-après : la directive (UE) 2018/822). Il ressort du considérant 2 de cette directive que celle-ci s'inscrit dans le cadre des efforts de l'Union européenne visant à faciliter la transparence fiscale au niveau de l'Union :
« Les États membres éprouvent de plus en plus de difficultés à protéger leur base d'imposition nationale de l'érosion car les structures de planification fiscale sont devenues particulièrement sophistiquées et tirent souvent parti de la mobilité accrue tant des capitaux que des personnes au sein du marché intérieur. De telles structures sont généralement constituées de dispositifs qui sont mis en place dans différentes juridictions et permettent de transférer les bénéfices imposables vers des régimes fiscaux plus favorables ou qui ont pour effet de réduire l'ardoise fiscale totale du contribuable. En conséquence, les États membres voient souvent leurs recettes fiscales diminuer de façon considérable, ce qui les empêche d'appliquer des politiques fiscales propices à la croissance. Il est par conséquent essentiel que les autorités fiscales des États membres obtiennent des informations complètes et pertinentes sur les dispositifs fiscaux à caractère potentiellement agressif. De telles informations leur permettraient de réagir rapidement contre les pratiques fiscales dommageables et de remédier aux lacunes par voie législative ou par la réalisation d'analyses des risques appropriées et de contrôles fiscaux ».
Concrètement, les États membres doivent désigner une autorité compétente chargée de l'échange, entre les États membres, des informations nécessaires relatives à des dispositifs fiscaux agressifs. Pour que les autorités compétentes disposent de ces informations, la directive instaure une obligation de déclaration concernant d'éventuels dispositifs fiscaux transfrontières à caractère agressif.
B.1.2. L'obligation de déclaration incombe en premier lieu aux « intermédiaires », qui participent généralement à la mise en œuvre de tels dispositifs. Toutefois, en l'absence de tels intermédiaires, ou lorsque ceux-ci peuvent invoquer le secret professionnel légalement applicable, l'obligation de déclaration incombe alors au contribuable :
« (6) La déclaration d'informations sur des dispositifs transfrontières de planification fiscale à caractère potentiellement agressif peut contribuer efficacement aux efforts déployés pour créer un environnement fiscal équitable dans le marché intérieur. À cet égard, faire obligation aux intermédiaires d'informer les autorités fiscales de certains dispositifs transfrontières susceptibles d'être utilisés à des fins de planification fiscale agressive constituerait un pas dans la bonne direction. […]
[…]
(8) Afin de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur et de prévenir les lacunes dans le cadre réglementaire proposé, l'obligation de déclaration devrait incomber à tous les acteurs qui participent généralement à la conception, la commercialisation, l'organisation ou la gestion de la mise en œuvre d'une opération transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration ou d'une série de telles opérations, ainsi qu'à ceux qui apportent assistance ou conseil. Il convient de noter que, dans certains cas, l'obligation de déclaration ne serait pas applicable à un intermédiaire en raison du secret professionnel applicable en vertu du droit ou lorsqu'il n'existe pas d'intermédiaire, par exemple parce que le contribuable conçoit et met en œuvre un schéma en interne. Il serait donc essentiel que, dans ces circonstances, les autorités fiscales ne
soient pas privées de la possibilité de recevoir des informations sur les dispositifs fiscaux potentiellement liés à la planification fiscale agressive. Il serait donc nécessaire que l'obligation de déclaration incombe alors au contribuable qui bénéficie du dispositif dans ces cas particuliers » (considérants 6-8).
B.1.3. Afin de transposer cette obligation de déclaration dans la Région wallonne, le décret du 1er octobre 2020 apporte un certain nombre de modifications au décret de la Région wallonne du 6 mai 1999 « relatif à l'établissement, au recouvrement et au contentieux en matière de taxes régionales wallonnes » (ci-après : le décret du 6 mai 1999).
L'article 3 du décret attaqué insère dans l'article 64bis du décret du 6 mai 1999 plusieurs définitions :
« 19° ‘ dispositif transfrontière ' : un dispositif concernant plusieurs États membres ou un État membre et un pays tiers si […] au moins [une] des conditions suivantes est remplie :
a) tous les participants au dispositif ne sont pas résidents à des fins fiscales dans la même juridiction;
b) un ou plusieurs des participants au dispositif sont résidents à des fins fiscales dans plusieurs juridictions simultanément;
c) un ou plusieurs des participants au dispositif exercent une activité dans une autre juridiction par l'intermédiaire d'un établissement stable situé dans cette juridiction, le dispositif constituant une partie ou la totalité de l'activité de cet établissement stable;
d) un ou plusieurs des participants au dispositif exercent une activité dans une autre juridiction sans être résidents à des fins fiscales ni créer d'établissement stable dans cette juridiction;
e) un tel dispositif peut avoir des conséquences sur l'échange automatique d'informations ou sur l'identification des bénéficiaires effectifs.
Aux fins des 19° au 26° du paragraphe 2 et de l'article 64quinquies/2, on entend également par dispositif une série de dispositifs. Un dispositif peut comporter plusieurs étapes ou parties;
20° ‘ dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration ' : tout dispositif transfrontière comportant au moins l'un des marqueurs;
21° ‘ marqueur ' : une caractéristique ou particularité d'un dispositif transfrontière qui indique un risque potentiel d'évasion fiscale, telle que recensée au paragraphe 2;
22° ‘ intermédiaire ' : toute personne qui conçoit, commercialise ou organise un dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration, le met à disposition aux fins de sa mise en œuvre ou en gère la mise en œuvre.
L'on entend également par ce terme toute personne qui, compte tenu des faits et circonstances pertinents et sur la base des informations disponibles ainsi que de l'expertise en la matière et de la compréhension qui sont nécessaires pour fournir de tels services, sait ou pourrait raisonnablement être censée savoir qu'elle s'est engagée à fournir, directement ou par l'intermédiaire d'autres personnes, une aide, une assistance ou des conseils concernant la conception, la commercialisation ou l'organisation d'un dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration, ou concernant sa mise à disposition aux fins de mise en œuvre ou la gestion de sa mise en œuvre. Toute personne a le droit de fournir des éléments prouvant qu'elle ne savait pas et ne pouvait pas raisonnablement être censée savoir qu'elle participait à un dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration. À cette fin, cette personne peut invoquer tous les faits et circonstances pertinents ainsi que les informations disponibles et son expertise et sa compréhension en la matière.
Pour être un intermédiaire, une personne répond à l'une au moins des conditions supplémentaires suivantes :
a) être résidente dans un État membre à des fins fiscales;
b) posséder dans un État membre un établissement stable par le biais duquel sont fournis les services concernant le dispositif;
c) être constituée dans un État membre ou régie par le droit d'un État membre;
d) être enregistrée auprès d'une association professionnelle en rapport avec des services juridiques, fiscaux ou de conseil dans un État membre;
23° ‘ contribuable concerné ' : toute personne à qui un dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration est mis à disposition aux fins de sa mise en œuvre, ou qui est disposée à mettre en œuvre un dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration, ou qui a mis en œuvre la première étape d'un tel dispositif;
[…]
25° ‘ dispositif commercialisable ' : un dispositif transfrontière qui est conçu, commercialisé, prêt à être mis en œuvre, ou mis à disposition aux fins de sa mise en œuvre, sans avoir besoin d'être adapté de façon importante;
26° ‘ dispositif sur mesure ' : tout dispositif transfrontière qui n'est pas un dispositif commercialisable ».
B.1.4. L'article 5 du décret attaqué insère un article 64quinquies/2 dans le décret du 6 mai 1999. Cette disposition règle la transmission obligatoire, par les intermédiaires ou par les contribuables concernés, d'informations relatives aux dispositifs devant faire l'objet d'une déclaration, ainsi que l'échange automatique des informations nécessaires relatives aux dispositifs fiscaux agressifs par l'autorité compétente. Le nouvel article 64quinquies/2, §§ 1er et 2, du décret du 6 mai 1999 dispose :
« § 1er. Les intermédiaires transmettent à l'autorité compétente belge les informations dont ils ont connaissance, qu'ils possèdent ou qu'ils contrôlent concernant les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration dans un délai de trente jours, à compter du cas mentionné ci-dessous qui intervient en premier :
1° le lendemain de la mise à disposition aux fins de mise en œuvre du dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration;
2° le lendemain du jour où le dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration est prêt à être mis en œuvre;
3° lorsque la première étape de la mise en œuvre du dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration a été accomplie.
Nonobstant l'alinéa 1er, les intermédiaires visés à l'article 64bis, § 1er, alinéa 4, 22°, alinéa 2, transmettent également des informations dans un délai de trente jours commençant le lendemain du jour où ils ont fourni, directement ou par l'intermédiaire d'autres personnes, une aide, une assistance ou des conseils.
§ 2. Dans le cas de dispositifs commercialisables, les intermédiaires établissent tous les trois mois un rapport fournissant une mise à jour contenant les nouvelles informations devant faire l'objet d'une déclaration visées au paragraphe 14, 1°, 4°, 7° et 8°, qui sont devenues disponibles depuis la transmission du dernier rapport ».
L'article 64quinquies/2, § 3, détermine l'autorité qui doit être informée lorsque plusieurs autorités entrent en considération. L'article 64quinquies/2, § 4, règle l'obligation de déclaration lorsque plusieurs intermédiaires participent au même dispositif :
« Lorsque, en application du paragraphe 3, il existe une obligation de déclaration multiple, l'intermédiaire est dispensé de la transmission des informations s'il peut prouver que ces mêmes informations ont été transmises dans un autre État membre ».
B.1.5. L'article 64quinquies/2, § 5, du décret du 6 mai 1999, tel qu'il a été inséré par l'article 5 du décret du 1er octobre 2020, définit le rapport entre l'obligation de déclaration et le secret professionnel auquel certains intermédiaires sont tenus. En vertu de cette disposition,
un intermédiaire tenu au secret professionnel n'est dispensé de l'obligation de déclaration que s'il informe tout autre intermédiaire ou, en l'absence d'un tel intermédiaire, le contribuable des obligations de déclaration qui leur incombent en vertu de l'article 64quinquies/2, § 6. Selon l'article 64quinquies/2, § 5, alinéa 3, le secret professionnel ne peut en aucun cas être invoqué à l'égard de l'obligation de déclaration de dispositifs commercialisables. L'article 64quinquies/2, § 5, du décret du 6 mai 1999 dispose :
« Les intermédiaires sont dispensés de l'obligation de fournir des informations concernant un dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration, lorsque l'obligation de déclaration serait contraire au secret professionnel auquel ils sont tenus et dont la violation est sanctionnée pénalement. En pareil cas, les intermédiaires notifient immédiatement à tout autre intermédiaire, ou, en l'absence d'un tel intermédiaire, au contribuable concerné, les obligations de déclaration qui leur incombent en vertu du paragraphe 6.
Les intermédiaires peuvent avoir droit à une dispense en vertu de l'alinéa 1er uniquement dans la mesure où ils agissent dans les limites de la législation nationale pertinente qui définit leurs professions, et qu'à partir du moment où ils ont rempli l'obligation de notification visée à l'alinéa 1er.
Aucun secret professionnel visé au présent paragraphe ne peut être invoqué concernant l'obligation de déclaration des dispositifs commercialisables qui donnent lieu à un rapport périodique conformément au paragraphe 2 ».
B.1.6. S'il n'y a pas d'intermédiaire ou si l'intermédiaire notifie au contribuable concerné ou à un autre intermédiaire l'application d'une dispense en vertu de l'article 64quinquies/2, § 5, l'obligation de transmettre des informations relatives à un dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration relève de la responsabilité de l'autre intermédiaire qui a reçu cette notification ou, en l'absence de celui-ci, de celle du contribuable concerné (article 64quinquies/2, § 6, du décret du 6 mai 1999, tel qu'il a été inséré par l'article 5 du décret du 1er octobre 2020).
B.1.7. L'échange automatique des informations nécessaires relatives à des dispositifs fiscaux agressifs par l'autorité compétente est réglé à l'article 64quinquies/2, §§ 13 à 16, du décret du 6 mai 1999, tel qu'il a été inséré par l'article 5 du décret du 1er octobre 2020 :
« § 13. L'autorité compétente belge communique les informations visées au paragraphe 14 concernant les dispositifs transfrontières dont elle a été informée par l'intermédiaire ou le contribuable concerné conformément aux paragraphes 1er à 12, par voie d'un échange automatique d'informations aux autorités compétentes de tous les autres États membres, selon les modalités visées à l'article 64octies, § 8.
§ 14. Les informations qui doivent être communiquées par l'autorité compétente belge conformément au paragraphe 13, comprennent les éléments suivants, le cas échéant :
1° l'identification des intermédiaires et des contribuables concernés, y compris leur nom, leur date et lieu de naissance pour les personnes physiques, leur résidence fiscale, leur numéro d'identification fiscale et, le cas échéant, les personnes qui sont des entreprises associées au contribuable concerné;
2° des informations détaillées sur les marqueurs recensés à l'annexe IV de la Directive selon lesquels le dispositif transfrontière doit faire l'objet d'une déclaration;
3° un résumé du contenu du dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration, y compris une référence à la dénomination par laquelle il est communément connu, le cas échéant, et une description des activités commerciales ou dispositifs pertinents, présentée de manière abstraite, sans donner lieu à la divulgation d'un secret commercial, industriel ou professionnel, d'un procédé commercial ou d'informations dont la divulgation serait contraire à l'ordre public;
4° la date à laquelle la première étape de la mise en œuvre du dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration a été accomplie ou sera accomplie;
5° des informations détaillées sur les dispositions nationales sur lesquelles se fonde le dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration;
6° la valeur du dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration;
7° l'identification de l'État membre du ou des contribuables concernés, ainsi que de tout autre État membre susceptible d'être concerné par le dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration;
8° l'identification, dans les États membres, de toute autre personne susceptible d'être concernée par le dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration en indiquant à quels États membres cette personne est liée.
§ 15. Le fait qu'une autorité fiscale ne réagit pas face à un dispositif devant faire l'objet d'une déclaration ne vaut pas approbation de la validité ou du traitement fiscal de ce dispositif.
§ 16. L'échange automatique d'informations est effectué dans un délai d'un mois à compter de la fin du trimestre au cours duquel les informations ont été transmises. Les premières informations sont communiquées le 31 octobre 2020 au plus tard ».
B.1.8. L'article 8 du décret du 1er octobre 2020 règle l'entrée en vigueur de celui-ci :
« Le présent décret entre en vigueur le jour de sa publication au Moniteur belge.
Les articles 2 à 7 du présent décret produisent leurs effets au 1er juillet 2020 ».
En vertu de l'article 64quinquies/2, § 11, du décret du 6 mai 1999, tel qu'il a été inséré par l'article 5 du décret du 1er octobre 2020, les intermédiaires et les contribuables doivent transmettre, au plus tard le 31 août 2020, les informations sur les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration dont la première étape a été mise en œuvre entre le 25 juin 2018 et le 1er juillet 2020 :
« Les intermédiaires et les contribuables concernés fournissent des informations sur les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration dont la première étape a été mise en œuvre entre le 25 juin 2018 et le 1er juillet 2020. Les intermédiaires et les contribuables concernés, le cas échéant, transmettent des informations sur ces dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration, au plus tard le 31 août 2020 ».
Quant à l'étendue de la demande de suspension
B.2.1. La Cour détermine l'étendue de la demande de suspension en fonction du contenu de la requête, et en particulier sur la base de l'exposé du risque de préjudice grave difficilement réparable et des moyens. Elle limite dès lors son examen aux parties des dispositions attaquées au sujet desquelles il est exposé, d'une part, en quoi leur application risquerait de causer un préjudice grave difficilement réparable et, d'autre part, en quoi elles violeraient les normes de référence invoquées dans les moyens. Elle limite par ailleurs son examen aux normes de référence au sujet desquelles il est exposé en quoi elles seraient violées.
B.2.2. Les parties requérantes sollicitent, à titre principal, la suspension du décret attaqué en raison du risque que l'application de ce décret causerait un préjudice irréparable aux avocats qui sont obligés de violer leur secret professionnel et à leurs clients. À titre subsidiaire, elles sollicitent l'application de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle. Le risque d'un préjudice grave difficilement réparable sur lequel elles fondent
cette dernière demande découle exclusivement de la manière dont l'article 64quinquies/2, § 5, du décret du 6 mai 1999, tel qu'il a été inséré par l'article 5 du décret attaqué, règle les conséquences de l'obligation de déclaration pour les intermédiaires qui sont tenus au secret professionnel et, en particulier, pour les avocats qui agissent en tant qu'intermédiaires.
La Cour limite dès lors son examen de la demande de suspension aux moyens qui sont dirigés contre l'article 64quinquies/2, § 5, du décret du 6 mai 1999, tel qu'il a été inséré par l'article 5 du décret attaqué.
B.2.3. Le premier moyen est pris de la violation, par les articles 3 et 5 du décret attaqué, des articles 10, 11, 143, § 1er, 170 et 172 de la Constitution, de l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles et de l'article 1erter de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions. Les parties requérantes font valoir qu'il est possible d'interpréter les articles 3 et 5 du décret attaqué de telle manière que les contribuables et les intermédiaires ne sont soumis à l'obligation de déclaration contestée que lorsqu'ils ont des points de rattachement personnels avec la Région wallonne. Selon les parties requérantes, cela conduit à une différence de traitement injustifiée au sein de l'union économique et monétaire belge, qui compromet les objectifs des dispositions invoquées.
B.2.4. Le deuxième moyen est pris de la violation, par le décret attaqué, des articles 10, 11, 170 et 172 de la Constitution, en ce que le décret transpose la directive (UE) 2018/822 dans des matières autres que l'impôt des sociétés, sans qu'une justification raisonnable ne soit fournie à cet effet.
B.2.5. Le troisième moyen est pris de la violation, par le décret attaqué, des articles 10, 11, 22, 29, 170 et 172 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles 2, 4, paragraphe 3, 5 et 6 du Traité sur l'Union européenne (ci-après : le TUE), avec les articles 16, paragraphe 1, 26, paragraphe 2, 49, 56, 63, 65, paragraphe 3, et 115 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après : le TFUE), avec les articles 7, 8, paragraphe 1, 20 et 51 à 53 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 17 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques. Les parties requérantes reprochent aux obligations d'information instaurées dans le décret d'être basées sur des présomptions de planification fiscale agressive qui ne peuvent pas être raisonnablement déduites des marqueurs élaborés dans la directive. Elles reprochent par ailleurs à certains des marqueurs d'instaurer une présomption irréfragable en ce qu'ils ne permettent pas au contribuable concerné de démontrer que le but du dispositif n'est pas principalement fiscal.
B.2.6. Le quatrième moyen est pris de la violation, par le décret attaqué, des articles 10, 11, 12, 14, 170 et 172 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles 2, 4, paragraphe 3, 5 et 6 du TUE, avec les articles 26, paragraphe 2, 49, 56, 63, 65, paragraphe 3, et 115 du TFUE, avec les articles 20 et 47 à 53 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, avec les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en ce que la notion d'intermédiaire n'a pas été définie assez clairement en ce qui concerne les personnes qui ne sont pas des promoteurs. Étant donné que les définitions contenues dans le décret sont basées sur la directive, celle-ci viole également, selon les parties requérantes, les dispositions précitées.
B.2.7. Le cinquième moyen est pris de la violation, par le décret attaqué, des articles 10, 11, 12, 14, 170 et 172 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles 2, 4, paragraphe 3, 5 et 6 du TUE, avec les articles 26, paragraphe 2, 49, 56, 63 et 115 du TFUE, avec les articles 20 et 47 à 53 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et avec les articles 6, paragraphes 1 et 2, et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que le début et la fin du délai pour satisfaire à l'obligation de déclaration n'ont pas été définis de manière suffisamment claire.
B.2.8. Le sixième moyen est pris de la violation, par le décret attaqué, des articles 10, 11, 12, 14, 170, 172 et 190 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles 2, 4, paragraphe 3, et 6 du TUE, avec les articles 49, 56 et 63 du TFUE, avec les articles 20 et 47 à 53 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et avec les articles 6, paragraphes 1 et 2, et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que le décret attaqué entre en vigueur le 1er juillet 2020, alors qu'il n'est paru au Moniteur belge que le 20 octobre 2020.
B.2.9. Il ressort de l'exposé dans la requête qu'aucun de ces moyens n'est dirigé contre l'article 64quinquies/2, § 5, du décret du 6 mai 1999, tel qu'il a été inséré par l'article 5 du décret attaqué. Ces moyens ne doivent dès lors pas être examinés dans le cadre de la demande de suspension.
Quant aux conditions de la suspension
B.3. Aux termes de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, deux conditions de fond doivent être remplies pour que la suspension puisse être décidée :
- des moyens sérieux doivent être invoqués;
- l'exécution immédiate de la règle attaquée doit risquer de causer un préjudice grave difficilement réparable.
Les deux conditions étant cumulatives, la constatation que l'une de ces deux conditions n'est pas remplie entraîne le rejet de la demande de suspension.
Quant au caractère sérieux des moyens
B.4. Le moyen sérieux ne se confond pas avec le moyen fondé.
Pour qu'un moyen soit considéré comme sérieux au sens de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, il ne suffit pas qu'il ne soit pas manifestement non fondé au sens de l'article 72, mais il faut aussi qu'il revête une apparence de fondement au terme d'un premier examen des éléments dont la Cour dispose à ce stade de la procédure.
B.5.1. Le septième moyen est pris de la violation, par le décret attaqué, des articles 10, 11, 12, 14, 18, 19, 22, 29, 170 et 172 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles 2, 4, paragraphe 3, premier alinéa, 6 et 19 du TUE, avec l'article 16, paragraphe 1, du
TFUE, avec les articles 7, 8, paragraphe 1, 20 et 47 à 53 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et avec les articles 6, paragraphe 3, 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que le décret attaqué lèverait le secret professionnel propre aux avocats en leur imposant l'obligation de déclaration. Les parties requérantes font valoir que le décret attaqué viole ces dispositions en ce qu'il est exclu qu'un avocat qui agit en tant qu'intermédiaire au sens du décret invoque son secret professionnel pour être dispensé de l'obligation de déclaration périodique en matière de dispositifs commercialisables. L'avocat ne peut toutefois pas satisfaire à cette obligation de déclaration sans violer son secret professionnel. Les parties requérantes critiquent également le fait que l'avocat-intermédiaire qui souhaite invoquer son secret professionnel est tenu d'informer les autres intermédiaires concernés qu'il ne peut satisfaire à son obligation de déclaration.
B.5.2. La Cour a été saisie de demandes de suspension et de recours en annulation, introduits notamment par les parties requérantes dans l'affaire présentement examinée, du décret flamand du 26 juin 2020 « modifiant le décret du 21 juin 2013 relatif à la coopération administrative dans le domaine fiscal, en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration » (ci-après : le décret du 26 juin 2020). Ces recours ont été joints et inscrits sous les numéros 7429-7443 du rôle. Les dispositions attaquées par les parties requérantes dans ces affaires ont un contenu similaire à celui des dispositions du décret attaqué dans l'affaire présentement examinée.
Le septième moyen dans l'affaire présentement examinée est quasiment identique au sixième moyen invoqué par les parties requérantes dans l'affaire n° 7443 et coïncide avec les deux premiers moyens invoqués dans l'affaire n° 7429. Par son arrêt n° 167/2020 du 17 décembre 2020, la Cour s'est prononcée sur le sérieux des moyens dans les affaires précitées.
En ce qui concerne l'obligation de déclaration en matière de dispositifs commercialisables
B.6.1. Les parties requérantes font valoir que l'article 64quinquies/2, § 5, du décret du 6 mai 1999, tel qu'il a été inséré par l'article 5 du décret du 1er octobre 2020, viole les dispositions mentionnées en B.5.1 en ce qu'il exclut qu'un avocat qui agit en tant qu'intermédiaire au sens du décret invoque son secret professionnel pour être dispensé de l'obligation de déclaration en matière de dispositifs commercialisables.
B.6.2. Une double obligation de déclaration incombe aux intermédiaires en ce qui concerne ces dispositifs. Au moment où, pour la première fois, ils sont mis à disposition aux fins de la mise en œuvre ou qu'ils sont prêts à être mis en œuvre, ces dispositifs doivent, tout comme les dispositifs sur mesure, être déclarés individuellement (article 64quinquies/2, § 1er, du décret du 6 mai 1999).
B.6.3. Dans le cas des dispositifs commercialisables, les intermédiaires ont également l'obligation d'établir tous les trois mois un rapport périodique fournissant une mise à jour contenant les nouvelles informations devant faire l'objet d'une déclaration, qui sont devenues disponibles en ce qui concerne les dispositifs commercialisables (article 64quinquies/2, § 2, du décret du 6 mai 1999). Les informations qui doivent être communiquées comprennent les éléments suivants, s'ils sont applicables :
- l'identification des intermédiaires et des contribuables concernés, y compris leur nom, leur date et lieu de naissance (pour les personnes physiques), leur résidence fiscale et leur numéro d'identification fiscale et, le cas échéant, les personnes qui sont des entreprises associées au contribuable concerné;
- la date à laquelle la première étape de la mise en œuvre du dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration a été accomplie ou sera accomplie;
- l'identification de l'État membre du ou des contribuables concernés, ainsi que de tout autre État membre susceptible d'être concerné par le dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration;
- l'identification, dans les États membres, de toute autre personne susceptible d'être concernée par le dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration en indiquant à quels États membres cette personne est liée.
B.7.1. Par son arrêt n° 167/2020, précité, la Cour a jugé, quant au premier moyen dans l'affaire n° 7429, que ce moyen n'est pas sérieux en ce qui concerne l'obligation de déclaration initiale relative aux dispositifs commercialisables, contenue dans l'article 11/3 du décret flamand du 21 juin 2013 « relatif à la coopération administrative dans le domaine fiscal » (ci- après : le décret flamand du 21 juin 2013), étant donné qu'il peut être admis, en raison de la nature même d'un dispositif commercialisable, que, lors de la déclaration individuelle initiale, les informations à transmettre ne porteront pas sur des données qui relèvent de la dispense légale ou du secret professionnel (B.7.6).
Les parties requérantes dans l'affaire n° 7480 ne font pas valoir d'arguments qui conduisent à une autre conclusion en ce qui concerne l'article 64quinquies/2, § 5, alinéa 3, du décret du 6 mai 1999, tel qu'il a été inséré par l'article 5 du décret du 1er octobre 2020, en tant qu'il porte sur l'obligation de déclaration initiale relative aux dispositifs commercialisables.
B.7.2. Pour des motifs identiques à ceux qui sont contenus dans l'arrêt n° 167/2020, précité, le septième moyen n'est pas sérieux en ce qu'il est dirigé contre l'article 64quinquies/2, § 5, alinéa 3, du décret du 6 mai 1999, tel qu'il a été inséré par l'article 5 du décret du 1er octobre 2020, en tant qu'il porte sur l'obligation de déclaration initiale relative aux dispositifs commercialisables.
B.8.1. En ce qui concerne l'obligation de déclaration périodique en matière de dispositifs commercialisables, la Cour a jugé, par son arrêt n° 167/2020 :
« B.7.7. Contrairement à ce qui a été constaté en ce qui concerne l'obligation de déclaration initiale des dispositifs commercialisables, il n'est pas exclu que, eu égard aux informations citées en B.7.5 qui doivent être communiquées dans le cadre de l'obligation de déclaration périodique, cette obligation de déclaration porte sur des activités qui relèvent du secret professionnel.
S'il est vrai que la règle du secret professionnel doit céder lorsqu'une nécessité l'impose ou lorsqu'une valeur jugée supérieure entre en conflit avec elle, il y a lieu d'observer que l'article 11/6, alinéa 2, du décret du 21 juin 2013, tel qu'il a été inséré par le décret attaqué, établit une levée du secret professionnel absolue et a priori concernant les rapports périodiques relatifs à des dispositifs commercialisables. Dans les travaux préparatoires, cette mesure est justifiée par ‘ le fait que l'obligation de déclaration trimestrielle dans le cas de dispositifs commercialisables ne peut pas être transférée sur un contribuable, celui-ci ne disposant pas des informations nécessaires pour effectuer cette déclaration ' (Doc. parl., Parlement flamand, 2019-2020, n° 322/1, p. 21).
Ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires, rien n'empêche toutefois que l'intermédiaire qui, en raison du secret professionnel, ne pourrait pas lui-même remplir l'obligation de déclaration, que celle-ci soit initiale ou périodique, aide le contribuable à satisfaire à l'obligation de déclaration qui lui incombe dans ce cas (ibid.). Il n'apparaît pas pourquoi il serait possible, dans le cadre d'un dispositif sur mesure, de fournir les informations nécessaires au contribuable, mais pas dans le cadre d'un dispositif commercialisable, pour lequel aucun ajustement substantiel n'est nécessaire pour le contribuable, sauf en ce qui concerne des informations dont le contribuable disposera souvent lui-même, ainsi qu'il ressort de l'énumération mentionnée en B.7.5.
B.7.8. Il découle de ce qui précède que l'article 11/6, § 3, du décret du 21 juin 2013, tel qu'il a été inséré par l'article 14 du décret du 26 juin 2020, en ce qu'il prévoit que les avocats ne peuvent pas se prévaloir du secret professionnel en ce qui concerne l'obligation de déclaration périodique relative aux dispositifs transfrontières commercialisables au sens de l'article 11/4 du décret du 21 juin 2013, n'est pas raisonnablement proportionné à l'objectif poursuivi ».
B.8.2. L'article 64quinquies/2, § 5, alinéa 3, du décret du 6 mai 1999, tel qu'il a été inséré par l'article 5 du décret du 1er octobre 2020, attaqué, dispose, tout comme l'article 11/6, § 3, du décret flamand précité du 21 juin 2013, tel qu'il a été inséré par l'article 14 du décret du 26 juin 2020, que l'intermédiaire ne peut pas se prévaloir du secret professionnel concernant l'obligation de déclaration périodique relative aux dispositifs transfrontières commercialisables. Il ressort des travaux préparatoires de cette disposition que celle-ci est fondée sur la même justification que son pendant flamand :
« […] en parallèle avec l'article 326/7, § 3, du C.I.R. 92, l'article 289bis/7, § 3, du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, l'article 146duodecies, § 3, du Code des droits de succession, l'article 211bis/7, § 3, du Code des droits et taxes divers, et l'article 11/6, § 3, du décret flamand du 21 juin 2013 relatif à la coopération administrative dans le domaine fiscal, l'alinéa 3 prévoit que ce secret professionnel ne puisse pas être invoqué concernant l'obligation de déclaration des dispositifs commercialisables qui donnent lieu à un rapport périodique » (Doc. parl., Parlement wallon, 2019-2020, n° 240/1, p. 6).
B.8.3. Pour des motifs identiques à ceux qui sont contenus dans l'arrêt n° 167/2020, précité, le septième moyen est sérieux en ce qu'il est dirigé contre l'article 64quinquies/2, § 5, alinéa 3, du décret du 6 mai 1999, tel qu'il a été inséré par l'article 5 du décret du 1er octobre 2020, en tant qu'il dispose que les avocats ne peuvent pas se prévaloir du secret professionnel concernant l'obligation de déclaration périodique relative aux dispositifs transfrontières commercialisables au sens de l'article 64quinquies/2, § 2, du décret du 6 mai 1999.
En ce qui concerne l'obligation d'information par rapport aux autres intermédiaires concernés
B.9.1. Dans le septième moyen, les parties requérantes critiquent également le fait qu'en vertu de l'article 64quinquies/2, § 5, du décret du 6 mai 1999, l'avocat-intermédiaire qui souhaite invoquer son secret professionnel est tenu d'informer les autres intermédiaires concernés qu'il ne peut satisfaire à son obligation de déclaration. Selon les parties requérantes, il est impossible de satisfaire à cette exigence sans violer malgré tout le secret professionnel.
Le contenu de l'article 64quinquies/2, § 5, alinéa 1er, du décret du 6 mai 1999 est comparable à celui de l'article 11/6, § 1er, alinéa 1er, 1°, du décret flamand du 21 juin 2013. Par son arrêt n° 167/2020, la Cour a jugé, en ce qui concerne l'article 11/6, § 1er, alinéa 1er, 1°, du décret du 21 juin 2013, que si l'autre intermédiaire est le client de l'avocat, le secret professionnel n'empêche pas que l'avocat attire l'attention de son client sur son obligation de déclaration (B.9.3). Quant à l'hypothèse dans laquelle l'autre intermédiaire n'est pas le client de l'avocat, la Cour a jugé :
« B.9.2. Comme il est dit en B.6, les informations que les avocats doivent transmettre à l'autorité compétente en ce qui concerne leurs clients sont protégées par le secret professionnel, si ces informations portent sur des activités qui relèvent de leur mission spécifique de défense ou de représentation en justice et de conseil juridique. Le simple fait de recourir à un avocat est soumis au secret professionnel. Il en va a fortiori de même pour l'identité des clients d'un avocat. Les informations protégées par le secret professionnel par rapport à l'autorité le sont également par rapport aux autres acteurs, par exemple les autres intermédiaires concernés.
B.9.3. Comme il est également dit en B.6, il ne peut être dérogé à la règle du secret professionnel que si un motif impérieux d'intérêt général peut le justifier et si la levée du secret est strictement proportionnée. Selon les travaux préparatoires, l'obligation pour un intermédiaire d'informer les autres intermédiaires concernés de façon motivée du fait qu'il se prévaut du secret professionnel et ne satisfera dès lors pas à l'obligation de déclaration serait nécessaire pour répondre aux exigences de la directive et pour assurer que le secret professionnel n'empêche pas les déclarations nécessaires (Doc. parl., Parlement flamand, 2019-2020, n° 322/1, pp. 20-21).
Comme l'observe le Gouvernement flamand, lorsque l'avocat peut être considéré comme un intermédiaire au sens de l'article 5, 20°, du décret du 21 juin 2013, son client sera en principe soit le contribuable, soit un autre intermédiaire.
Si le client de l'avocat est un autre intermédiaire, le secret professionnel n'empêche pas que l'avocat attire l'attention de son client sur son obligation de déclaration.
Si le client de l'avocat est le contribuable et que d'autres intermédiaires participent au dispositif devant faire l'objet d'une déclaration, il ressort de l'article 11/7 du décret du 21 juin 2013, tel qu'il a été inséré par l'article 15 du décret du 26 juin 2020, que l'obligation de déclaration incombe aussi en toute hypothèse aux autres intermédiaires concernés, à moins qu'ils puissent apporter la preuve écrite du fait qu'un autre intermédiaire a déjà satisfait à l'obligation de déclaration. Si le secret professionnel de l'avocat l'empêche d'informer un autre intermédiaire du fait qu'il ne satisfera pas à l'obligation de déclaration, il ne peut a fortiori pas prouver par écrit à cet autre intermédiaire qu'il a bien satisfait à l'obligation de déclaration. Dans ce cas, tout autre intermédiaire concerné demeure automatiquement tenu à l'obligation de déclaration. La question se pose dès lors de savoir si l'obligation qui incombe à l'intermédiaire en vertu de l'article 11/6, § 1er, alinéa 1er, 1°, du décret du 21 juin 2013 est justifiée par un motif impérieux d'intérêt général.
B.9.4. D'après son article 2, le décret attaqué vise à transposer la directive (UE) 2018/822.
L'article 1er, point 2), de la directive (UE) 2018/822 insère dans la directive 2011/16/UE un article 8bis ter, dont les paragraphes 5 et 6 sont rédigés ainsi :
‘ 5. Chaque État membre peut prendre les mesures nécessaires pour accorder aux intermédiaires le droit d'être dispensés de l'obligation de fournir des informations concernant un dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration lorsque l'obligation de déclaration serait contraire au secret professionnel applicable en vertu du droit national dudit État membre. En pareil cas, chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que les intermédiaires soient tenus de notifier sans retard à tout autre intermédiaire, ou, en l'absence d'un tel intermédiaire, au contribuable concerné, les obligations de déclaration qui leur incombent en vertu du paragraphe 6.
Les intermédiaires ne peuvent avoir droit à une dispense en vertu du premier alinéa que dans la mesure où ils agissent dans les limites de la législation nationale pertinente qui définit leurs professions.
6. Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour faire en sorte que, lorsqu'il n'existe pas d'intermédiaire ou que l'intermédiaire notifie l'application d'une dispense en vertu du paragraphe 5 au contribuable concerné ou à un autre intermédiaire, l'obligation de transmettre des informations sur un dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration relève de la responsabilité de l'autre intermédiaire qui a été notifié, ou, en l'absence d'un tel intermédiaire, du contribuable concerné '.
Il s'ensuit que l'obligation, pour l'intermédiaire qui se prévaut du secret professionnel, d'informer les autres intermédiaires ou le contribuable de leurs obligations de déclaration est imposée au législateur décrétal par la directive précitée. La Cour doit avoir égard à cet élément avant de juger de la compatibilité du décret avec la Constitution.
B.9.5. Il ne relève pas de la compétence de la Cour de se prononcer sur la compatibilité de la directive précitée avec les articles 7 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
B.9.6. L'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après : le TFUE) habilite la Cour de justice à statuer, à titre préjudiciel, aussi bien sur l'interprétation des traités et des actes des institutions de l'Union européenne que sur la validité de ces actes. En vertu du troisième alinéa de cette disposition, une juridiction nationale est tenue de saisir la Cour de justice lorsque ses décisions - comme celles de la Cour constitutionnelle - ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne. En cas de doute sur l'interprétation ou sur la validité d'une disposition du droit de l'Union européenne importante pour la solution d'un litige pendant devant une telle juridiction nationale, celle-ci doit, même d'office, poser une question préjudicielle à la Cour de justice.
B.9.7. Dès lors que le recours en annulation et la demande de suspension du décret visant à transposer la directive (UE) 2018/822 soulèvent un doute concernant la validité de celle-ci, il est nécessaire, pour statuer définitivement sur le recours en annulation, de trancher préalablement la question de la validité de la directive précitée. Il convient dès lors de poser à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle formulée dans le dispositif ».
B.9.2. Sur la base de ce qui précède, la Cour a posé à la Cour de justice de l'Union européenne, par son arrêt n° 167/2020, la question préjudicielle suivante :
« L'article 1er, point 2), de la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 ‘ modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration ' viole-t-il le droit à un procès équitable garanti par l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et le droit au respect de la vie privée garanti par l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en ce que le nouvel article 8bis ter, paragraphe 5, qu'il a inséré dans la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 ‘ relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE ', prévoit que, si un État membre prend les mesures nécessaires pour
accorder aux intermédiaires le droit d'être dispensés de l'obligation de fournir des informations concernant un dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration lorsque l'obligation de déclaration serait contraire au secret professionnel applicable en vertu du droit national dudit État membre, cet État membre est tenu d'obliger lesdits intermédiaires à notifier sans retard à tout autre intermédiaire ou, en l'absence d'un tel intermédiaire, au contribuable concerné, ses obligations de déclaration, en ce que cette obligation a pour effet qu'un avocat qui agit en tant qu'intermédiaire est tenu de partager avec un autre intermédiaire qui n'est pas son client les informations qui lui sont connues à l'occasion de l'exercice des activités essentielles de sa profession, à savoir la défense ou la représentation en justice du client et le conseil juridique, même en dehors de toute procédure judiciaire ? ».
B.9.3. La question précitée se pose également à l'occasion de l'examen du présent recours. En ce qu'elles font valoir à l'audience que la Cour devrait poser des questions supplémentaires concernant les obligations qui incombent aux clients de l'avocat qui agit en tant qu'intermédiaire, les parties requérantes invoquent un moyen nouveau qui n'est dès lors pas recevable.
B.10. La Cour ne saurait, sans préjuger de la réponse de la Cour de justice de l'Union européenne à la question préjudicielle en validité posée par l'arrêt n° 167/2020, se prononcer sur le caractère sérieux du septième moyen en ce qu'il est dirigé contre l'article 64quinquies/2, § 5, du décret du 6 mai 1999, tel qu'il a été inséré par l'article 5 du décret du 1er octobre 2020. Il en découle que, sans pouvoir procéder à l'examen du caractère sérieux de ce moyen, il y a lieu de considérer qu'il est satisfait à la première condition établie par l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 précité.
Quant au risque de préjudice grave difficilement réparable
B.11. Une suspension par la Cour doit permettre d'éviter qu'un préjudice grave résulte pour les parties requérantes de l'application immédiate de la norme attaquée, préjudice qui ne pourrait être réparé ou qui pourrait difficilement être réparé en cas d'annulation éventuelle.
B.12.1. Afin de démontrer que l'application des dispositions attaquées risque de leur causer un préjudice grave difficilement réparable, les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées donnent à leurs membres, dans le cas de la première partie requérante, ou à elles-mêmes, dans le cas des deuxième et troisième parties requérantes, le choix entre
violer leur secret professionnel ou ne pas satisfaire à l'obligation de déclaration attaquée. En ce qu'elles obligent l'avocat à violer ce secret professionnel, les dispositions attaquées causent un préjudice irréparable au lien de confiance entre l'avocat et son client. En outre, elles risquent des sanctions déontologiques, pénales et administratives, ainsi qu'une perte de revenus si elles souhaitent éviter ces sanctions.
B.12.2. Comme la Cour l'a jugé par son arrêt n° 167/2020, le secret professionnel de l'avocat est une composante essentielle du droit au respect de la vie privée et du droit à un procès équitable (B.5.5). Les parties requérantes démontrent que l'application immédiate de l'article 5 du décret attaqué risque de leur causer un préjudice grave en ce qu'un avocat, dans le cadre de l'exercice des activités essentielles de sa profession, à savoir la défense ou la représentation en justice du client et le conseil juridique, peut être tenu de partager des informations qui relèvent du secret professionnel. Il s'agit d'un préjudice qui peut être difficilement réparé par une éventuelle annulation de cette disposition.
B.13. En ce qui concerne l'article 64quinquies/2, § 5, alinéas 1er et 3, du décret du 6 mai 1999, tel qu'il a été inséré par l'article 5 du décret du 1er octobre 2020, il est satisfait aux conditions de la suspension. Il y a lieu de suspendre ces dispositions dans la mesure indiquée dans le dispositif.
Quant à la durée de la suspension
B.14.1. L'article 25 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 dispose :
« La Cour rend son arrêt sur la demande principale dans les trois mois du prononcé de l'arrêt ordonnant la suspension. Ce délai ne peut être prorogé.
Si l'arrêt sur la demande principale n'est pas rendu dans ce délai, la suspension cesse immédiatement ses effets ».
B.14.2. La Cour ne sera en mesure de rendre son arrêt sur la demande principale que lorsqu'elle aura pu prendre connaissance de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne en réponse à la question préjudicielle posée par l'arrêt n° 167/2020, ainsi que des observations des parties quant à l'arrêt de la Cour de justice.
B.14.3. La Cour de justice de l'Union européenne a jugé :
« Le juge national saisi d'un litige régi par le droit communautaire doit être en mesure d'accorder des mesures provisoires en vue de garantir la pleine efficacité de la décision juridictionnelle à intervenir sur l'existence des droits invoqués sur le fondement du droit communautaire » (CJCE, 13 mars 2007, C-432/05, Unibet, point 67).
Et :
« Lorsque la mise en œuvre administrative de règlements communautaires incombe aux instances nationales, la protection juridictionnelle garantie par le droit communautaire comporte le droit pour les justiciables de contester, de façon incidente, la légalité de ces règlements devant le juge national et d'amener celui-ci à saisir la Cour de questions préjudicielles.
Ce droit serait compromis si, dans l'attente d'un arrêt de la Cour, seule compétente pour constater l'invalidité d'un règlement communautaire […], le justiciable n'était pas, lorsque certaines conditions sont remplies, en mesure d'obtenir une décision de sursis qui permette de paralyser, pour ce qui le concerne, les effets du règlement critiqué » (CJCE, 21 février 1991, C-143/88 et C-92/89, Zuckerfabrik Süderdithmarschen AG et Zuckerfabrik Soest GmbH, points 16-17).
B.14.4. Le principe d'effectivité du droit de l'Union commande que la suspension ordonnée par la Cour perdure jusqu'à ce que celle-ci soit en mesure de rendre son arrêt quant au fond, ce qui ne saurait être le cas dans le délai de trois mois imposé par l'article 25 de la loi spéciale du 6 janvier 1989.
Il convient dès lors d'écarter, en l'espèce, l'application de l'article 25 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 et d'ordonner que la suspension des dispositions visées en B.13 continue à produire ses effets jusqu'à la date de publication au Moniteur belge de l'arrêt de la Cour sur le recours en annulation inscrit au rôle sous le numéro 7480.
En ce qui concerne l'application de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle
B.15.1. Les parties requérantes font valoir que la suspension doit être basée sur les articles 2 et 19 du TUE, parce que l'article 25 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 limite la durée d'une suspension fondée sur l'article 20 de cette loi spéciale à trois mois.
B.15.2. Eu égard au constat, en B.14.4, qu'il doit être fait abstraction de l'article 25 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 dans le cadre de la suspension de l'exécution de l'article 64quinquies/2, § 5, alinéas 1er et 3, du décret du 6 mai 1999, tel qu'il a été inséré par l'article 5 du décret du 1er octobre 2020, la demande de suspendre cette disposition sur la base des articles 2 et 19 du TUE est sans objet.
En ce qui concerne les demandes de poser des questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne
B.16. Eu égard à ce qui précède, il n'y a pas lieu, à ce stade de la procédure, de poser à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles proposées par les parties requérantes.
Décision
Par ces motifs,
la Cour
1. suspend :
- l'article 64quinquies/2, § 5, alinéa 1er, du décret de la Région wallonne du 6 mai 1999 « relatif à l'établissement, au recouvrement et au contentieux en matière de taxes régionales wallonnes », tel qu'il a été inséré par l'article 5 du décret de la Région wallonne du 1er octobre 2020 « modifiant le décret du 6 mai 1999 relatif à l'établissement, au recouvrement et au contentieux, en matière de taxes régionales wallonnes, en vue de la transposition de la directive 2018/822/UE sur l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration », uniquement en ce qu'il impose à l'avocat agissant en tant qu'intermédiaire une obligation d'information envers un autre intermédiaire qui n'est pas son client;
- l'article 64quinquies/2, § 5, alinéa 3, du même décret du 6 mai 1999, tel qu'il a été inséré par l'article 5 du même décret du 1er octobre 2020, uniquement en ce qu'il prévoit que l'avocat ne peut pas se prévaloir du secret professionnel en ce qui concerne l'obligation de déclaration périodique de dispositifs transfrontières commercialisables au sens de l'article 64quinquies/2, § 2, dudit décret du 6 mai 1999;
2. ordonne que les suspensions précitées produisent leurs effets jusqu'à la date de publication au Moniteur belge de l'arrêt statuant sur le recours en annulation inscrit au rôle sous le numéro 7480;
3. rejette la demande de suspension pour le surplus.