En cause:
les questions préjudicielles relatives à l'article 57, § 2, alinéa 1er, 1°, de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'action sociale, posées par la Cour du travail de Liège, division de Liège.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, et des juges T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I Objet du recours
Par arrêt du 17 mai 2019, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 24 mai 2019, la Cour du travail de Liège, division de Liège, a posé les questions préjudicielles suivantes :
« 1. L'article 57, § 2, alinéa 1er, 1°, de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'action sociale, viole-t-il les articles 10 et 11, 22 et 23 de la Constitution, en ce qu'il prive un étranger en séjour illégal, parent d'un enfant majeur avec lequel il cohabite et lui assure depuis plusieurs années son soutien matériel et moral du fait que ledit enfant est atteint, depuis sa minorité, d'une maladie grave reconnue comme étant constitutive d'une impossibilité médicale absolue d'obtempérer à l'ordre de quitter le territoire qui leur a été notifié, alors que la présence de ce parent auprès de son enfant majeur est jugée indispensable par le corps médical en raison de la vulnérabilité découlant de son état de santé (crises drépanocytaires récidivantes et nécessité d'une intervention chirurgicale en vue d'éviter la paralysie) ?
2. En cas de réponse négative à la question énoncée ci-dessus, l'article 57, § 2, alinéa 1er, 1°, de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'action sociale, viole- t-il l'article 22 de la Constitution, interprété dans le sens retenu par l'arrêt Abdida,
- d'une part, à la lumière des articles 7 et 12 [lire : 21] de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne garantissant, le premier, à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale, et le second prohibant toute discrimination fondée sur l'âge,
- et d'autre part, des articles 5 et 13 de la directive 2008/115/CE, lus à la lumière des articles 19, § 2, et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que de l'article 14, § 1er, b), de cette directive,
en ce qu'il prive de toute aide sociale autre que l'aide médicale urgente un étranger ressortissant d'un État tiers, en séjour illégal sur le territoire d'un État membre et père d'un enfant mineur ayant atteint l'âge de la majorité durant l'exercice du recours en annulation et suspension qu'il a introduit, en son nom personnel et de représentant de cet enfant alors encore mineur, contre une décision leur ayant ordonné de quitter le territoire d'un État membre, alors que, d'une part, ledit enfant aujourd'hui majeur est atteint, depuis sa minorité d'une maladie grave que l'exécution de cette décision est susceptible d'exposer à un risque sérieux de détérioration grave et irréversible et que, d'autre part, la présence de ce parent auprès de cet enfant majeur est jugée indispensable par le corps médical en raison de sa vulnérabilité découlant de son état de santé (crises drépanocytaires récidivantes et nécessité d'une intervention chirurgicale en vue d'éviter la paralysie) ? ».
Le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me E. Derriks, avocat au barreau de Bruxelles, a introduit un mémoire.
Par ordonnance du 12 novembre 2020, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs P. Nihoul et T. Merckx-Van Goey, a décidé :
- que l'affaire était en état,
- d'inviter le Conseil des ministres à répondre, dans un mémoire complémentaire à introduire le 14 décembre 2020 au plus tard, aux question suivantes :
« - Quelles conséquences le Conseil des ministres déduit-il de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne C-402/19 du 30 septembre 2020 pour la réponse que la Cour est invitée à donner aux deux questions préjudicielles qui lui sont posées par la Cour du travail de Liège ?
- Quelles sont la situation de séjour et la situation sociale actuelles de M. D. L.M. et de sa fille ? La Cour voudrait en particulier être informée de l'existence éventuelle d'une nouvelle décision de l'Office des étrangers sur leur demande de séjour, ainsi que de la forme de l'aide sociale dont bénéficient M. D. L.M. et sa fille, en particulier à la suite de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne précité »,
- qu'aucune audience ne serait tenue, à moins que le Conseil des ministres n'ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendu, et
- qu'en l'absence d'une telle demande, les débats seraient clos le 16 décembre 2020 et l'affaire mise en délibéré.
Aucune demande d'audience n'ayant été introduite, l'affaire a été mise en délibéré le 16 décembre 2020.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l'emploi des langues ont été appliquées.
II. Les faits et la procédure antérieure
D. L.M. est ressortissant de la République démocratique du Congo et père d'une fille atteinte d'une drépanocytose majeure, séquelle de la maladie de Pott, associée à une importante cyphose lombaire.
Après leur arrivée sur le territoire belge, D. L.M. introduit, en août 2012, une demande d'autorisation de séjour pour lui et pour sa fille sur la base de l'article 9ter de la loi du 15 décembre 1980 « sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers » (ci-après : la loi du 15 décembre 1980), en raison de l'état de santé de sa fille. Le 6 mars 2013, l'Office des étrangers déclare cette demande recevable, en conséquence de quoi D. L.M. se voit octroyer une aide sociale équivalente au revenu d'intégration qui est attribué aux chefs de famille.
L'Office des étrangers adopte alors successivement trois décisions de rejet de la demande d'autorisation de séjour qui seront ultérieurement retirées, par suite de recours en suspension et en annulation de ces décisions introduits par D. L.M. devant le Conseil du contentieux des étrangers.
Le 25 février 2016, l'Office des étrangers notifie à D. L.M. une quatrième décision de refus du séjour assortie d'un ordre de quitter le territoire dans un délai de 30 jours.
Le 25 mars 2016, D. L.M. introduit un recours en suspension et en annulation de cette décision devant le Conseil du contentieux des étrangers.
Depuis le 26 mars 2016, D. L.M. ne bénéficie plus de l'aide sociale. Seule l'aide médicale urgente lui est octroyée.
D. L.M. introduit devant le Tribunal du travail de Liège une action dirigée contre la décision de refus de l'aide sociale.
Par jugement du 16 avril 2018, le Tribunal du travail de Liège, d'une part, reconnaît un effet suspensif au recours en suspension et en annulation pendant devant le Conseil du contentieux des étrangers et, d'autre part, accorde à D. L.M. une aide sociale équivalente au revenu d'intégration qui est versé aux personnes vivant avec un enfant mineur à charge, à compter du 26 mars 2016 et jusqu'à la date de la majorité de sa fille, soit le 11 avril 2017.
Depuis sa majorité, la fille de D. L.M perçoit une aide sociale équivalente au revenu d'intégration au taux isolé.
D. L.M. interjette appel devant la Cour du travail de Liège. Dans le cadre de cette procédure d'appel, le juge a quo, par arrêt du 17 mai 2019, sursoit à statuer pour poser les questions préjudicielles reproduites plus haut à la Cour et, en parallèle, une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne.
Par l'arrêt n° 227.370 du 11 octobre 2019, le Conseil du contentieux des étrangers annule la décision de rejet de la demande d'autorisation de séjour.
Par arrêt du 30 septembre 2020, la Cour de justice de l'Union européenne statue sur la question préjudicielle posée par le juge a quo.
III. En droit
- A -
A.1. En réponse à l'ordonnance de la Cour du 12 novembre 2020, le Conseil des ministres précise dans son mémoire complémentaire que D. L.M. et sa fille ont reçu, le 4 mai 2020, une autorisation de séjour définitive sur la base de l'article 9ter de la loi du 15 décembre 1980. Par ailleurs, le SPP Intégration sociale serait « intervenu dans le remboursement de l'aide financière accordée par le CPAS de Seraing au cours de l'année 2020 à [D. L.M.] et sa fille à concurrence de[…] montants […][indiqués dans le mémoire complémentaire], correspondant à une aide financière équivalente au revenu d'intégration sociale au taux cohabitant ».
A.2. Le Conseil des ministres soutient ensuite que l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne C- 402/19 du 30 septembre 2020 ne s'oppose pas à la position qu'il a défendue dans son mémoire. Plus précisément, la circonstance que les besoins de base d'un étranger en séjour illégal qui est le parent d'un enfant majeur gravement malade en séjour illégal, besoins auxquels cet étranger ne peut pas subvenir lui-même, sont pris en charge dans le cadre de l'aide sociale octroyée directement à l'enfant, bien que l'enfant bénéficie d'un revenu d'intégration au taux isolé et non au taux cohabitant, est conforme aux principes dégagés par la Cour de justice. Il n'est donc pas porté atteinte à la vie familiale du parent et de l'enfant, qui est d'ailleurs prise en compte dans le montant de l'aide sociale octroyée à l'enfant.
A.3.1. Quant à l'incidence de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne C-402/19 du 30 septembre 2020 sur la réponse à donner à la seconde question préjudicielle, le Conseil des ministres précise que les exceptions d'irrecevabilité qu'il avait soulevées sont devenues caduques.
A.3.2. Sur le fond, le Conseil des ministres estime que l'arrêt précité est sans incidence quant au fait que la Cour doit donner une réponse négative à la seconde question préjudicielle. La circonstance que l'octroi de l'aide sociale n'est pas garanti au parent d'un étranger majeur gravement malade dans le cadre de l'exercice de recours ordinaires, à savoir les recours en annulation et les recours en suspension, qui peuvent être introduits contre les mesures de retour dont ces étrangers font l'objet, est conforme à l'arrêt C-402/19 précité.
En effet, cet arrêt rappelle que le recours dirigé contre une décision de retour ne doit avoir d'effet suspensif que si l'exécution d'une telle décision est susceptible d'exposer l'enfant à un risque réel de traitements condamnés par l'article 19, § 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Par ailleurs, le parent de l'enfant doit pouvoir bénéficier d'un recours suspensif de plein droit contre une mesure de retour le concernant, si son enfant dépend entièrement de lui. Dans ce cas, et toujours selon le juge européen, les besoins de base du parent doivent être pris en charge durant le traitement de ces recours.
II En droit
A Argument
A.1. En réponse à l'ordonnance de la Cour du 12 novembre 2020, le Conseil des ministres précise dans son mémoire complémentaire que D. L.M. et sa fille ont reçu, le 4 mai 2020, une autorisation de séjour définitive sur la base de l'article 9ter de la loi du 15 décembre 1980. Par ailleurs, le SPP Intégration sociale serait « intervenu dans le remboursement de l'aide financière accordée par le CPAS de Seraing au cours de l'année 2020 à [D. L.M.] et sa fille à concurrence de[…] montants […][indiqués dans le mémoire complémentaire], correspondant à une aide financière équivalente au revenu d'intégration sociale au taux cohabitant ».
A.2. Le Conseil des ministres soutient ensuite que l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne C- 402/19 du 30 septembre 2020 ne s'oppose pas à la position qu'il a défendue dans son mémoire. Plus précisément, la circonstance que les besoins de base d'un étranger en séjour illégal qui est le parent d'un enfant majeur gravement malade en séjour illégal, besoins auxquels cet étranger ne peut pas subvenir lui-même, sont pris en charge dans le cadre de l'aide sociale octroyée directement à l'enfant, bien que l'enfant bénéficie d'un revenu d'intégration au taux isolé et non au taux cohabitant, est conforme aux principes dégagés par la Cour de justice. Il n'est donc pas porté atteinte à la vie familiale du parent et de l'enfant, qui est d'ailleurs prise en compte dans le montant de l'aide sociale octroyée à l'enfant.
A.3.1. Quant à l'incidence de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne C-402/19 du 30 septembre 2020 sur la réponse à donner à la seconde question préjudicielle, le Conseil des ministres précise que les exceptions d'irrecevabilité qu'il avait soulevées sont devenues caduques.
A.3.2. Sur le fond, le Conseil des ministres estime que l'arrêt précité est sans incidence quant au fait que la Cour doit donner une réponse négative à la seconde question préjudicielle. La circonstance que l'octroi de l'aide sociale n'est pas garanti au parent d'un étranger majeur gravement malade dans le cadre de l'exercice de recours ordinaires, à savoir les recours en annulation et les recours en suspension, qui peuvent être introduits contre les mesures de retour dont ces étrangers font l'objet, est conforme à l'arrêt C-402/19 précité.
En effet, cet arrêt rappelle que le recours dirigé contre une décision de retour ne doit avoir d'effet suspensif que si l'exécution d'une telle décision est susceptible d'exposer l'enfant à un risque réel de traitements condamnés par l'article 19, § 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Par ailleurs, le parent de l'enfant doit pouvoir bénéficier d'un recours suspensif de plein droit contre une mesure de retour le concernant, si son enfant dépend entièrement de lui. Dans ce cas, et toujours selon le juge européen, les besoins de base du parent doivent être pris en charge durant le traitement de ces recours.
En droit interne, c'est la demande de suspension d'extrême urgence, accompagnée le cas échéant d'une demande de mesures provisoires, introduite devant le Conseil du contentieux des étrangers qui a un effet suspensif de plein droit. Ce recours est ouvert tant à l'enfant qui fait l'objet d'une mesure dont l'exécution est susceptible de l'exposer à un risque sérieux de détérioration grave et irréversible de son état de santé qu'au parent dont il est entièrement dépendant. Les besoins de base de ce parent doivent être pris en charge uniquement durant le traitement de ces recours à caractère suspensif.
La deuxième question préjudicielle appelle une réponse négative en ce qu'elle vise une interprétation de la disposition en cause en ce qui concerne l'aide à octroyer durant l'exercice du recours en annulation et de la demande en suspension. Or, en l'espèce, ni D. L.M., ni sa fille n'ont introduit de recours ayant un effet suspensif de plein droit. Ils ne se trouvent donc pas dans la situation visée par l'arrêt C-402/19.
B Point de vue de la cour
B.1.1. Par deux questions préjudicielles, la Cour est interrogée sur la compatibilité de l'article 57, § 2, alinéa 1er, 1°, de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'action sociale avec les articles 10, 11, 22 et 23 de la Constitution, lus à la lumière des articles 7, 12, 19, § 2, et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des articles 5, 13 et 14, § 1er, b), de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 « relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ».
L'article 57, § 2, alinéa 1er, 1°, précité énonce :
« Par dérogation aux autres dispositions de la présente loi, la mission du centre public d'action sociale se limite à :
1° l'octroi de l'aide médicale urgente, à l'égard d'un étranger qui séjourne illégalement dans le Royaume ».
B.1.2. Par la première question préjudicielle, le juge a quo demande si la disposition en cause est compatible avec les normes de référence précitées, en ce qu'elle prive de toute aide sociale autre que l'aide médicale urgente l'étranger en séjour illégal parent d'un enfant majeur avec lequel il cohabite et qui est entièrement dépendant de lui en raison d'une maladie grave dont il est atteint et qui rend impossible l'exécution de l'ordre de quitter le territoire les concernant.
Par la seconde question préjudicielle, le juge a quo demande à la Cour de se prononcer sur la compatibilité de la disposition en cause avec les normes de référence précitées, en ce qu'elle prive de toute aide sociale autre que l'aide médicale urgente l'étranger en séjour illégal parent d'un enfant qui est atteint d'une maladie grave rendant impossible l'exécution d'un ordre de quitter le territoire leur ayant été notifié, qui est entièrement dépendant de son parent et qui est devenu majeur au cours du traitement du recours en annulation et de la demande en suspension introduits contre cet ordre de quitter le territoire.
B.2. Parallèlement à ces questions préjudicielles qu'il a adressées à la Cour, le juge a quo a posé une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne. Par son arrêt du 30 septembre 2020 en cause de LM c. Centre public d'action sociale de Seraing (C-402/19), la Cour de justice de l'Union européenne a jugé :
« Les articles 5, 13 et 14 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lus à la lumière de l'article 7, de l'article 19, paragraphe 2, ainsi que des articles 21 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une législation nationale qui ne prévoit pas la prise en charge, dans la mesure du possible, des besoins de base d'un ressortissant d'un pays tiers lorsque :
- celui-ci a exercé un recours contre une décision de retour prise à son égard;
- l'enfant majeur de ce ressortissant d'un pays tiers est atteint d'une grave maladie;
- la présence dudit ressortissant d'un pays tiers auprès de cet enfant majeur est indispensable;
- un recours a été exercé pour le compte dudit enfant majeur contre une décision de retour prise à son égard et dont l'exécution serait susceptible d'exposer ce dernier à un risque sérieux de détérioration grave et irréversible de son état de santé, et que
- le même ressortissant d'un pays tiers est dépourvu des moyens lui permettant de pourvoir lui-même à ses besoins ».
B.3. Il ressort de la décision de renvoi que, le 25 février 2016, l'Office des étrangers a notifié à D. L.M., partie appelante devant le juge a quo, la décision du 9 février 2016 de refus de la demande d'autorisation de séjour qu'il avait introduite pour lui-même et pour sa fille sur la base de l'article 9ter de la loi du 15 décembre 1980 « sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers », après que cette demande avait été déclarée recevable le 6 mars 2013.
La notification était assortie d'un ordre de quitter le territoire dans les 30 jours. Le CPAS de Seraing a considéré qu'après l'expiration de ce délai, soit le 26 mars 2016, D. L.M. était en séjour illégal dans le Royaume et qu'aucune aide sociale autre que l'aide médicale urgente ne pouvait dès lors lui être octroyée, conformément à la disposition en cause.
B.4. Par un jugement du 16 avril 2018, le Tribunal du travail de Liège a condamné le CPAS de Seraing au paiement à D. L.M. d'une aide sociale équivalente au revenu d'intégration d'une personne vivant avec un enfant mineur à charge, à partir du 26 mars 2016 et jusqu'au jour de la majorité de la fille de D. L.M., à savoir le 11 avril 2017. À cet égard, le Tribunal du travail s'est référé à l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 18 décembre 2014 dans l'affaire Abdida (C-562/13).
D. L.M. a interjeté appel de ce jugement devant le juge a quo, en ce que l'aide sociale réclamée ne lui a pas été octroyée à partir du 11 avril 2017, à savoir le jour de la majorité de sa fille.
B.5. Par son arrêt n° 227.370 du 11 octobre 2019, le Conseil du contentieux des étrangers a annulé la décision de l'Office des étrangers du 9 février 2016 mentionnée en B.3. Du fait de la rétroactivité de cet arrêt, D. L.M. est dès lors rétabli, en ce qui concerne son statut de séjour, dans la situation antérieure à la décision de refus du 9 février 2016, par laquelle l'Office des étrangers avait déclaré la demande d'autorisation de séjour recevable, sans toutefois prendre encore une décision définitive à ce sujet, de sorte que D. L.M. devait donc être considéré – tant que sa demande était pendante – comme séjournant légalement dans le Royaume. Selon les informations communiquées par le Conseil des ministres à la demande de la Cour, D. L.M. et sa fille ont obtenu un droit de séjour définitif le 4 mai 2020 et se sont vu délivrer une carte de séjour B le 23 juin 2020.
Il n'apparaît donc pas que D. L.M. ait séjourné illégalement dans le Royaume pendant la période qui s'est écoulée depuis le 11 avril 2017, pour laquelle il réclame une aide sociale dans le litige au fond.
B.6. Dans ces circonstances, il n'apparaît pas que la disposition en cause, qui limite l'aide sociale à l'octroi de l'aide médicale urgente à l'égard « d'un étranger qui séjourne illégalement dans le Royaume », puisse encore être applicable au litige au fond, ni que la réponse de la Cour aux questions préjudicielles soit encore utile à la solution du litige devant le juge a quo.
B.7. Il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le juge a quo, afin qu'il vérifie si, compte tenu de ce qui est dit en B.5 et en B.6, les questions préjudicielles appellent encore une réponse.
Décision
Par ces motifs,
la Cour
renvoie l'affaire au juge a quo.