Commune – Décision du conseil communal et du collège communal– Marché public de désignation d'avocat – Secret de l'instruction – Ordre public – Recherche ou poursuite de faits punissables – Communication partielle
En cause :
[…],
Partie requérante,
Contre :
La Ville de Huy,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution ;
Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, tel que modifié le 2 mai 2019, l’article 8, § 1er ;
Vu le Code de la démocratie locale et de la décentralisation, les articles L3231-1 et suivants ;
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs ;
Vu le recours introduit par courrier recommandé le 25 septembre 2019 ;
Vu l’accusé de réception et la demande d’information adressée à la partie adverse par un courrier recommandé du 2 octobre 2019 et réceptionnée par celle-ci le 3 octobre ;
Vu la réponse de la partie adverse envoyée par lettre recommandée le 18 octobre 2019.
Objet et recevabilité du recours
Le troisième objet de la demande initiale est une demande d’information à la commune et ne concerne pas l’accès à un document administratif existant, de sorte qu’à ce titre, le recours est irrecevable. En tout état de cause, la partie adverse a fait droit à la demande du requérant et les restrictions de transmission qu’elle a fait valoir à cet égard sont fondées, au regard de la protection de la vie privée.
3. La demande initiale, datant du 3 septembre 2019, a été rejetée explicitement par l’entité concernée en date du 18 septembre 2019. La partie requérante a valablement introduit son recours endéans les 30 jours du rejet explicite. Le recours est recevable ratione temporis.
La partie adverse justifie son refus en opposant trois exceptions légales : le secret de l’instruction, la protection de l’ordre public et la protection d’un intérêt lié à la recherche ou la poursuite de faits punissables. Elle indique par ailleurs au requérant qu’il lui est loisible « d’établir une requête fondée sur l’article 61ter du Code d’instruction criminelle, les autorités judiciaires compétentes pouvant apprécier s’il convient de vous fournir l’information sollicitée ».
A cet égard, la Commission rappelle que la circonstance qu’une procédure judiciaire est actuellement pendante ne fait pas obstacle à l’exercice de la compétence de la Commission pour statuer sur le présent recours. En effet, ni la loi du 11 avril 1994, ni le décret du 30 mars 1995 ne définissent d’exceptions liées à l’existence d’une procédure juridictionnelle et, par conséquent, la Commission est compétente nonobstant la saisine du juge judiciaire. Il est encore précisé qu’il ne paraît pas contraire au principe de la séparation des pouvoirs que de permettre l’accès aux documents administratifs, d’une part, par la voie administrative et, d’autre part, par la voie judiciaire : ces procédures sont distinctes et se fondent sur des législations différentes, quand bien même les mêmes documents sont également sollicités par le même demandeur sur la base de l'article 877 du Code judiciaire ou de l’article 61ter du Code d’instruction criminelle[1].
La Commission relève que le requérant n’a pas indiqué avoir saisi le juge d’instruction pour consulter le dossier ou en obtenir copie sur la base de l’article 61ter du Code d’instruction criminelle, de sorte qu’il n’est pas question en l’espèce pour la Commission d’ordonner la communication de pièces faisant partie d’un dossier pénal actuellement à l’instruction et dont le requérant se serait vu refuser l’accès par le juge d’instruction ou la chambre des mises en accusation en cas de recours, en application de l’article 61ter du Code d’instruction criminelle.
La première exception invoquée découle de l’article 6, §2, 2° du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’administration qui prévoit que l’entité peut refuser la communication d’un document administratif si sa publication porte atteinte à une obligation de secret instaurée par une loi ou par un décret.
La constitution de partie civile de la Ville de Huy tire son origine dans la décision du conseil communal du 21 octobre 2019, qui est le document sollicité au point 1.
Ce document n’entretient pas de lien direct avec l’instruction menée par le juge d’instruction, de sorte qu’il n’est pas couvert par le secret de l’instruction.
Au surplus, l’obligation de secret légal visée par l’article 6, §2 du décret du 30 mars 1995 instaure une exception relative et ce n’est que si l’entité démontre que la publication d’un document administratif porte atteinte à une obligation de secret instaurée par une loi ou par un décret qu’elle peut refuser sa communication, après une mise en balance concrète des deux intérêts en cause : d’une part l’intérêt d’une communication dans le chef du requérant, et d’autre part l’intérêt d’une non communication dans l’intérêt de l’instruction judiciaire en cours. Or, l’entité est restée en défaut d’examiner concrètement, au regard du contenu des documents administratifs sollicités, ce qui pourrait justifier l’application de l’exception liée au secret de l’instruction.
La deuxième exception invoquée est celle relative à la recherche ou la poursuite des faits punissables, instituée par l’article 6, §1er, 4° du décret du 30 mars 1995 précité : l’entité peut rejeter une demande d’accès à un document administratif si elle constate que l’intérêt de la publicité ne l’emporte pas sur la protection de la recherche ou la poursuite de faits punissables.
A cet égard, la Commission fait sienne l’observation de la Cada fédérale selon laquelle « les exceptions devant s’interpréter de manière restrictive, la CADA fédérale rappelle également que seule l’information qui pourrait porter atteinte à la recherche et à la poursuite de faits punissables tombe sous le coup de l’exception, de sorte que tous les autres éléments du document concerné doivent être rendus publics […] »[2].
La Commission constate à nouveau que cette exception est relative et ce n’est que si l’entité démontre que la publication d’un document administratif porte atteinte à la recherche et à la poursuite de faits punissables qu’elle peut refuser sa communication, après une mise en balance concrète des deux intérêts en cause : d’une part l’intérêt d’une communication dans le chef du requérant, et d’autre part l’intérêt d’une non communication dans l’intérêt d’une recherche /poursuite d’infractions. Or, l’entité est restée en défaut d’examiner concrètement, au regard du contenu des documents administratifs sollicités, ce qui pourrait justifier l’application de cette exception.
La Commission rappelle également que lorsqu’un document administratif contient certaines informations tombant sous le coup d’une exception légale et d’autres informations qui ne peuvent être soustraites à la publicité, ce document doit faire l’objet d’une communication partielle, à charge pour l’entité concernée d’occulter les éléments « couverts » par une exception légale.
A cet égard, la Commission précise que la décision du conseil communal faisant l’objet du point 1) du recours lui a été communiquée par la partie adverse et doit, à son estime, être transmise au requérant, sous réserve de l’occultation de certaines informations susceptibles d’entraver la recherche et la poursuite de faits punissables. Une version « occultée » du document administratif en cause est transmise à la partie adverse concomitamment à la présente décision.
La troisième exception invoquée est la protection de l’ordre public, consacrée par l’article 6, §1er, 3° du décret du 30 mars 1995 précité. Cette disposition autorise une entité à rejeter une demande de communication de documents si elle a constaté que l'intérêt de la publicité ne l'emporte pas sur la protection de l'ordre public.
Néanmoins, ainsi qu’exposé ci-dessus, il incombe à l’entité sollicitée d’apprécier chaque cas d’espèce, en procédant à une balance des intérêts en présence[3].
En l’espèce, il ressort de la réponse de la partie adverse qu’elle n’a effectué aucune balance des intérêts qui pourrait justifier l’application de l’exception liée à l’ordre public afin de refuser la communication du document sollicité, puisqu’elle ne fait que citer la disposition légale.
En ce qui concerne l’objet de la demande n°2) « copie du courrier signé mandatant Maitre […] dans le cadre de la même affaire », il n’a pas été communiqué à la Commission[4], alors qu’il ressort de l’examen de ce recours et plus précisément de la décision du conseil communal visée au point 1) qu’une telle décision du collège communal existe.
Dans ce cas, il convient de faire application de l’article 8ter du décret du 30 mars 1995 et ordonner d’office la communication de ce document, moyennant le respect des exceptions prévues à l’article 6 de ce décret.
A toutes fins utiles, la Commission relève que des correspondances entre une entité et son conseil dans une affaire déterminée peuvent contenir des informations devant être soustraites à la publicité (secret professionnel de l’avocat, informations transmises à titre confidentiel).
La Commission estime, au vu de ce document que lui a transmis la partie adverse, qu’il doit être communiqué au requérant, en occultant les éléments qui ne concernent pas le cabinet […] et l’attribution du marché à ce cabinet.
Par ces motifs, la Commission décide :
La partie adverse communique :
- la copie de la décision du conseil communal autorisant le collège communal à ester en justice concernant l’affaire Ville de Huy c/ […], en occultant les éléments couverts par une exception légale ;
- la copie de la (ou les) décision(s) du collège communal mandatant le cabinet […] dans cette affaire, sous réserve d’une communication partielle en occultant les éléments couverts par une exception légale ;
- la copie de la décision communale du 26 octobre 2018 concernant la décision d’attribution du marché public dans le cadre de l’élaboration d’un règlement–taxe, conformément aux motifs repris dans la décision.
La partie adverse dispose d’un délai de 30 jours pour exécuter la présente décision.