Zone de police pluricommunale – Incompétence de la CADA – Effet obligatoire de l'article 32 de la Constitution
En cause :
[…],
Partie requérante,
Contre :
Zone de Police Nivelles-Genappe,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution ;
Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, tel que modifié le 2 mai 2019, l’article 8, § 1er ;
Vu le Code de la démocratie locale et de la décentralisation, les articles L3231-1 et suivants ;
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs ;
Vu le recours introduit par courriel daté du 26 septembre 2019 ;
Vu la demande d’information adressée par courrier recommandé à la partie adverse le 8 octobre 2019, reçue par celle-ci le 9 octobre 2019 ;
Vu la réponse de la partie adverse du 11 octobre 2019.
Recevabilité et objet du recours/ Incompétence de la Commission
3. La partie adverse est une zone de police pluricommunale. Une telle zone est dotée de la personnalité juridique, sur la base de l’article 9, alinéa 2, de la loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux. Le décret du 30 mars 1995 et les articles du Code de la démocratie locale et de la décentralisation relatifs à la publicité de l’administration ne sont pas applicables en l’espèce.
4. Dans l’avis de la commission n° 139 du 12 juin 2017, la Commission a statué comme suit :
« Considérant que, conformément à l’arrêté royal du 28 avril 2000 déterminant la délimitation du territoire de la province de Brabant wallon en zones de police, la partie adverse est une zone de police pluricommunale ; qu’une telle zone est dotée de la personnalité juridique, sur la base de l’article 9, alinéa 2, de la loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux.
Considérant que, par son arrêt n°232.974 du 20 novembre 2015, Fautré et Demblon, le Conseil d’Etat a décidé ce qui suit :
« Considérant que la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration s’applique aux autorités administratives fédérales, et aux autorités administratives autres que les autorités administratives fédérales, mais uniquement dans la mesure où, pour des motifs relevant des compétences fédérales, cette loi interdit ou limite la publicité de documents administratifs; que les zones de police pluricommunales sont, de par leur organisation, des institutions qui relèvent des pouvoirs subordonnés; qu’au sujet de ceux-ci, l’article 6, § 1er, VIII, de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, place dans les compétences régionales:
«VIII. En ce qui concerne les pouvoirs subordonnés: ...
1° la composition, l’organisation, la compétence et le fonctionnement des institutions provinciales et communales et des collectivités supracommunales, à l’exception: ...
- de l’organisation de et de la politique relative à la police, en ce compris l’article 135, § 2, de la nouvelle loi communale, et aux services d’incendie»;
Considérant que si la compétence des régions connaît une exception à l’égard de la police, c’est que celle-ci est restée de la compétence fédérale; que la zone de police est, au sens de la loi de 1994, une des «autorités administratives autres que les autorités administratives fédérales», auxquelles la loi s’applique «mais uniquement dans la mesure où, pour des motifs relevant des compétences fédérales, la présente loi interdit ou limite la publicité de documents administratifs»; qu’il s’ensuit que les restrictions à la publicité sont applicables aux documents des zones de police, mais que les procédures dites de «publicité passive» ne le sont pas, ainsi qu’en a décidé la CADA; qu’en particulier, la demande de reconsidération prévue à l’article 8 de la loi du 11 avril 1994 n’est pas applicable, ce qui implique que la décision du 13 juin, premier acte attaqué[1], est la seule décision faisant grief qui soit attaquable »;
Considérant que les articles 8, § 1, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration et L3131-5 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, ne sont donc pas applicables en l’espèce ;
Considérant qu’il découle également de ce qui précède qu’à l’encontre d’une décision qui fait suite à une demande d’accès à un document administratif détenu par une zone de police pluricommunale, il n’existe pas de recours administratif organisé ; qu’un recours au Conseil d’Etat est directement recevable contre une telle décision.
(…)
A titre surabondant, la Commission souhaite néanmoins insister, à l’instar de son homologue fédérale[2], sur le fait que la partie demanderesse peut invoquer l’article 32 de la Constitution, qui produit des effets immédiats, et selon lequel « Chacun a le droit de consulter chaque document administratif et de s'en faire remettre copie, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 » ;
La notion de document administratif visée par l’article 32 de la Constitution doit s’entendre comme « toute information en possession de l’autorité administrative » concernée, quel que soit son support et quel que soit son objet ; s’agissant d’un droit fondamental, cette notion doit être interprétée de la manière la plus large possible ;
La Commission entend également souligner qu’une zone de police pluricommunale, telle la partie adverse, est incontestablement une autorité administrative, au sens de l’article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat ;
Par conséquent, elle doit communiquer tout document administratif en sa possession, conformément à l’article 32 de la Constitution, et ne peut refuser cette communication que sur la base des motifs d’exception légale prévus notamment à l’article 6, §§ 1er et 2, de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration, lesquels s’appliquent en effet à la fois aux autorités administratives fédérales et non fédérales et, par conséquent, aussi aux zones de police pluricommunales, « dans la mesure où, pour des motifs relevant des compétences fédérales, la présente loi interdit ou limite la publicité de documents administratifs » ;
Le fait que la partie demanderesse ne puisse pas bénéficier de la procédure administrative devant la présente Commission, n’exclut pas qu’elle puisse directement faire un recours non seulement auprès du Conseil d’Etat, mais aussi auprès des tribunaux de l’ordre judiciaire lorsqu’une zone de police pluricommunale refuse de donner accès aux documents administratifs demandés ».
Ce raisonnement est parfaitement transposable dans le cas d’espèce.
Le recours est irrecevable.