Commune – Annexes aux délibérations du conseil communal – Recevabilité – Modalité de la publicité passive – Envoi électronique – Impact du droit de consultation des conseillers communaux (article L1122-13 du CDLD) – R.G.P.D. – Vie privée – Demande abusive (non) – Publication site internet – Respect des droits des tiers – Communication partielle
En cause :
[…],
Partie requérante,
Contre :
La Ville de Tournai,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution ;
Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, tel qu’il a été modifié par le décret du 2 mai 2019, l’article 8, § 1er ;
Vu le Code de la démocratie locale et de la décentralisation, les articles L3231-1 et suivants ;
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs ;
Vu le recours introduit le 28 .ctobre 2019 ;
Vu la demande d’information adressée à la partie adverse le 28 octobre 2019 et reçue le 30 octobre 2019 ;
Vu la réponse de la partie adverse du 12 novembre 2019.
Objet et recevabilité du recours
Les documents sollicités sont des documents administratifs au sens de l’article 1er, alinéa 2, 2°, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration et de l’article L3211-3 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après : le CDLD).
Le présent recours a été introduit le 25 octobre 2015 par courriel, qui ne constitue pas un mode d’introduction du recours susceptible de conférer une date certaine. Toutefois, comme la Commission l’a considéré dans sa décision n° 5 précitée, la date du courrier recommandé envoyé à la partie adverse en application de l’article 8bis, alinéa 3, du décret du 30 mars 1995, confère, le cas échéant, date certaine au recours. En l’espèce, la date certaine retenue pour le présent recours, introduit par courriel le 25 octobre 2019, est le 28 octobre 2019, date à laquelle la demande d’information a été envoyée à la partie adverse. Dans ce contexte, le requérant est dans le délai pour introduire son recours, celui-ci commençant le 26 octobre.
Le recours est donc recevable ratione temporis.
Examen du recours
La Commission constate que, dans ce courriel, la partie adverse ne s’oppose pas à la communication des documents sollicités, mais conteste uniquement la modalité d’un envoi par courrier électronique.
« L’article 4, §1er du décret wallon du 30 mars 1995 prévoit que ‘chacun, selon les conditions prévues par le présent décret, peut prendre connaissance sur place de tout document administratif, obtenir des explications à son sujet et en recevoir communication sous forme de copie, selon les modalités arrêtées par le Gouvernement’. Selon le §2 du même article, ‘La délivrance d’une copie d’un document administratif peut être soumise au paiement d’une rétribution dont le montant est fixé par le Gouvernement. Le montant de cette rétribution ne peut être supérieur au prix coûtant’.
Il résulte de ces dispositions que l’Administration doit respecter la volonté du demandeur de consulter un document sur place, et/ou d’obtenir des explications son sujet, et/ou d’en recevoir communication sous forme de copie sur place ou par courrier postal ou électronique. Cela ne prive pas l’Administration d’essayer de privilégier une modalité plutôt qu’une autre, pour des motifs propres au document concerné, mais elle ne peut pas contraindre le demandeur à suivre une modalité plutôt qu’une autre.
En d’autres termes, si un demandeur exige l’envoi d’une copie d’un ou plusieurs documents administratifs par courrier électronique, cette demande doit être satisfaite, sauf preuve d’une difficulté particulière, notamment sur un plan purement technique ».
En l’espèce, la partie adverse doit procéder à l’envoi des documents par voie électronique, dès lors qu’elle ne démontre pas l’existence de difficultés particulières liées à cette modalité.
Dès lors que, comme la Commission l’a indiqué dans le point 1 de la présente décision, le présent recours porte uniquement sur la communication de certaines annexes aux projets de délibérations et non des projets de délibérations en eux-mêmes, cet argument n’est pas pertinent en l’espèce.
La Commission relève que l’article L1122-13, précité, du CDLD octroie un droit de consultation aux conseillers communaux, mais ne restreint pas pour autant le droit pour un citoyen de demander et de recevoir une copie desdits documents.
À cet égard, la Commission rappelle que le droit prévu à l’article 32 de la Constitution est un droit fondamental et que les exceptions doivent s’entendre de manière restrictive. En effet, les exceptions légales au droit d’accès aux documents administratifs en possession d’une commune sont limitativement énumérées à l’article L3231-3 du CDLD, sans préjudice des autres exceptions établies par la loi ou le décret pour des motifs relevant de l’exercice de l’autorité fédérale, de la Communauté ou de la Région. L’article L1122-13, précité, du CDLD ne peut être considéré comme constituant une telle exception.
il ne lui appartient pas de se prononcer sur la légalité du traitement imposé par la publicité de l’administration au regard de ce règlement, cette compétence relevant strictement de la nouvelle Autorité de protection des données.
Néanmoins, en ce qui concerne la protection de la vie privée, la Commission rappelle que l’article 6, § 2, 1°, du décret wallon du 30 mars 1995 interdit à l’autorité communale de transmettre des informations qui portent atteinte à la vie privée.
La Commission rappelle également que les données à caractère personnel, notamment au sens du droit européen[1], sont les informations relatives à une personne physique identifiée ou identifiable, et notamment les informations spécifiques propres à l’identité physique, physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle ou sociale de la personne concernée.
La Commission rappelle néanmoins que les données déjà rendues publiques, ou que les données de personnes exerçant une fonction publique ne bénéficient pas d’une protection équivalente à celles des autres personnes physiques. Elle partage également l’avis de l’ancienne Commission de protection de la vie privée, selon laquelle « le fait même d'exercer une fonction publique ou d'utiliser des ressources publiques ne peut pas aboutir à une négation totale du droit au respect de la vie privée des personnes concernées »[2].
Dès lors, il appartient à la partie adverse d’occulter, dans les documents sollicités, les mentions qui relèvent de la vie privée (notamment les noms et adresses des personnes privées mentionnées dans les documents sollicités).
« Une demande abusive est une demande qui nécessite pour y répondre un travail qui mette en péril le bon fonctionnement de la commune. Un simple surcroît de travail ne peut suffire à considérer une demande comme manifestement abusive ».
Il a par ailleurs été jugé par le Conseil d’État[4] que :
« L'examen auquel il doit ainsi être procédé, d'abord pour vérifier si une pièce contient des informations environnementales, et ensuite, le cas échéant, pour déterminer s'il y a lieu d'y appliquer l'une ou l'autre des restrictions au droit d'accès aux informations environnementales, ne se réduit pas à une simple opération matérielle consistant à extraire des pièces des dossiers. Il faut aussi dresser la liste précise des pièces retirées des dossiers et rendre compte de manière concrète et pertinente des motifs pour lesquels elles le sont. Vu le nombre de pièces en cause et la minutie qui doit présider à l'examen auquel il y a lieu de procéder, la charge de travail qu'occasionne celui-ci est d'une ampleur considérable.
Compte tenu de ce qui précède, réserver une suite favorable à une demande d'information qui, comme en l'espèce, porterait, selon la partie intervenante, sur pas moins de 10.000 pages, lesquelles ne sont pas toutes rédigées dans une des langues nationales, impliquerait une charge de travail disproportionnée au regard des intérêts en cause. Il convient en effet d'avoir égard au fait que les missions dont ce service est chargé présentent un caractère d'intérêt général et qu'il importe de veiller à ce que leur exercice ne soit pas entravé ou déraisonnablement perturbé. Si l'information du public doit faire partie des préoccupations de l'autorité administrative, toutefois, celle-ci ne peut être tenue de consacrer une charge de travail d'une ampleur de celle décrite ci-dessus, en vue de répondre à la demande de la partie requérante, fût-elle une association de défense de l'environnement. Si légitimes que soient les intérêts de cette dernière, ils ne suffisent pas à justifier que soient mises à la charge du S.P.F. concerné des obligations d'une telle ampleur ».
Il ressort de l’instruction du recours qu’en l’espèce, la partie adverse n’a pas valablement démontré in concreto en quoi la demande concernant les annexes relatives aux trois thématiques précitées du conseil communal du 30 septembre 2019 impliquerait une quantité de travail à ce point importante qu’elle serait manifestement abusive. En effet, l’anonymisation des documents sollicités, certes nombreux mais peu volumineux, n’entraînera pas, pour la partie adverse, une charge de travail à ce point importante qu’elle risque de mettre à mal le bon fonctionnement de la commune.
13. Enfin, en ce qui concerne la crainte de la partie adverse d’une publication sur le site Transparencia, la Commission rappelle que les documents obtenus en application du droit d’accès aux documents administratifs ne peuvent être utilisés ou diffusés à des fins commerciales[5]. Si la publication sur un site internet d’un document obtenu à la suite d’une demande d’accès peut relever de la simple utilisation, non commerciale, d’un tel document, cette utilisation est toutefois limitée par le respect des droits des tiers. La Commission renvoie à cet égard vers la décision n° 230.17 du 19 octobre 2017 de la CADA bruxelloise, qui a considéré :
La mise en ligne de documents obtenus en application du droit d’accès aux documents administratifs relève dès lors de la responsabilité de la partie requérante, à laquelle il appartient de veiller au respect des droits des tiers, en ce compris le droit à la vie privée et le droit à la protection des données à caractère personnel des personnes concernées. La partie adverse ne peut justifier son refus par des craintes quant à une possible publication sur un site internet.
Dès lors, la Commission décide que la partie adverse doit communiquer à la partie requérante une copie des documents sollicités, en occultant les éléments relevant de la vie privée, dans un délai de 30 jours.
Par ces motifs, la Commission décide :
La partie adverse communique les documents sollicités en occultant les éléments relevant d’une exception légale (vie privée) dans un délai de 30 jours à partir de la notification de la présente décision.