RW – Ministre-Président – Armes – Licences d'exportation – Obligation de collaboration avec la CADA (article 8ter) – Secret professionnel – Question préjudicielle à la Cour constitutionnelle
En cause :
[…],
Partie requérante,
Contre :
La Région wallonne, représentée par ses conseils […],
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution ;
Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, tel qu’il a été modifié par le décret du 2 mai 2019, l’article 8, § 1er ;
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs ;
Vu le recours introduit par courrier recommandé le 22 janvier 2020 ;
Vu la demande d’information adressée à la partie adverse le 27 janvier 2020 et reçue le 28 janvier 2020 ;
Vu l’article 8quinquies du décret du 30 mars 1995 qui prévoit une prolongation d’office de 15 jours du délai dont dispose la Commission pour se prononcer en cas d’audition, ici remplacé par une procédure écrite avec échange de conclusions ;
Vu la réponse de la partie adverse le 10 février 2020 ;
Vu les observations de la partie adverse datées du 25 mars 2020 ;
Vu les observations en réponse de la partie requérante datées du 1er avril 2020 ;
Vu les observations en réplique de la partie adverse datées du 6 avril 2020 ;
Objet et recevabilité du recours
1. La demande du 4 décembre 2019 porte sur l’obtention des copies des licences d’exportations d’armes vers le Royaume d’Arabie Saoudite délivrées depuis le 1er septembre 2019.
2. Les documents sollicités sont des documents administratifs au sens de l’article 1er, alinéa 2, 2°, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration.
3. La demande, datant du 4 décembre 2019, a été rejetée explicitement par l’entité concernée à la date du vendredi 3 janvier 2020. La partie requérante a introduit valablement son recours dans le délai de 30 jours visé à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995.
Quant à l’obligation de collaboration de la partie adverse avec la Commission
4. Malgré la demande expresse et réitérée de la Commission, la partie requérante a refusé de lui communiquer les documents administratifs faisant l’objet de la demande.
5. L’article 8ter du décret wallon du 30 mars 1995, tel qu’il a été inséré par l’article 7 du décret du 2 mai 2019, dispose :
« L’entité concernée transmet au secrétaire de la Commission copie du document objet de la demande du requérant dans les quinze jours de la demande, ainsi que tout autre élément de droit ou de fait, document ou renseignement qui ont motivé sa décision de rejet. Elle y joint, le cas échéant, une note d’observations. La Commission envoie, moyennant le respect des exceptions prévues à l’article 6 du présent décret, une copie de cette note d’observations au requérant par lettre recommandée ou par tout autre moyen conférant date certaine à l’envoi et à la délivrance de cet envoi.
À défaut de communication par l’entité concernée de la copie du document ou de tout autre élément, document ou renseignement justifiant sa décision de rejet, la Commission fait d’office droit au recours et décide, moyennant le respect des exceptions prévues à l’article 6 du présent décret, la production du document demandé. L’entité concernée exécute la décision de la Commission dans le délai imparti par cette dernière. Ce délai est au minimum de 15 jours et au maximum de 60 jours ».
Le projet initial d’article devenu l’article 8ter du décret du 30 mars 1995 a notamment été amendé afin de garantir la collaboration des autorités concernées avec la Commission[1].
6. En ce qui concerne plus spécifiquement la problématique de l’accès aux licences d’exportation d’armes, la Commission a déjà expressément indiqué dans son rapport annuel de 2015, ce qu’elle a rappelé dans son avis n° 304 du 15 juillet 2019 :
« en cas de demande d’accès à des documents administratifs concernant les armes, la CADA demandera à l’autorité administrative concernée la communication des documents sollicités ainsi qu’une note d’observations.
A la question de savoir si les informations confidentielles doivent/peuvent être retirées avant la transmission des documents à la CADA, la réponse est négative. La Commission a besoin de l’intégralité des documents pour pouvoir juger de la pertinence des exceptions invoquées par l’autorité administrative ou pour pouvoir, le cas échéant, en invoquer elle-même »[2].
En refusant de communiquer les documents sollicités à la Commission, la partie adverse fait obstruction à la mission dévolue à la Commission, laquelle participe pourtant à la protection effective d’un droit fondamental, garanti par l’article 32 de la Constitution.
Cette attitude est d’autant plus paradoxale que le législateur wallon a, en adoptant l’article 8ter précité, par le décret du 2 mai 2019, précisément voulu renforcer l’effectivité de l’obligation de collaboration, qui était déjà prévue par l’arrêté du gouvernement wallon du 9 juillet 1998[3].
7. La partie adverse justifie néanmoins son refus de collaboration de la manière suivante :
« [L]es membres de la Commission et le personnel administratif qui y travaille ne sont pas soumis à une obligation de confidentialité ou de secret professionnel spécifique.
Transmettre les documents demandés, sans disposer de la garantie juridictionnelle du secret professionnel, présente donc le risque de contrevenir au but de l’article 32 de la Constitution à savoir assurer la transparence administrative, mais aussi sauvegarder la confidentialité de certains documents et informations […].
Tout d’abord, et il s’agit là d’une question fondamentale, se pose la question de savoir si les documents à transmettre constituent un ‘secret’. Comme le relève la partie adverse, selon la Cour de cassation, l’article 458 du Code pénal ‘doit être appliqué indistinctement à toutes les personnes investies d’une fonction ou d’une mission de confiance, à toutes celles qui sont constituées par la loi, la tradition ou les mœurs, les dépositaires nécessaires des secrets qu’on leur confie’. Elle précise encore que ‘le législateur a employé les deux mots état et profession pour marquer sa volonté de rendre la formule très large, d’y comprendre tous ceux dont la fonction, l’état ou la profession est de nature à exiger l’observation du secret’.
En l’espèce, il est permis de douter que la transmission de documents soit considérée comme ‘secrète’ dès lors qu’elle vise, précisément, à assurer la transparence administrative.
S’il ne s’agit pas de secret, ni les membres de la CADA, ni la CADA ne sont soumis au secret professionnel visé à l’article 458 du Code pénal et les craintes du concluant sont donc raisonnables.
Ensuite, même si les documents à transmettre devaient être considérés comme secrets, encore
faudrait-il déterminer qui est le dépositaire du secret. Les membres de la CADA, à titre personnel ou la CADA en elle-même ?
Il existe un doute à ce propos.
Selon la partie adverse, il s’agit manifestement des membres de la CADA et pas de la CADA en elle-même. Or, c’est la CADA qui reçoit le secret et non chacun des membres à titre personnel. Pour l’Union des Villes et des Communes de Wallonie, force est de constater que ni la CADA, ni ses membres ne sont soumis au secret professionnel, puisque dans un avis rendu sur un avant-projet de décret prévoyant explicitement le secret professionnel des membres de la CADA et de la CADA, elle saluait « le fait que la commission et ses membres soient désormais soumis au secret professionnel (…) ».
Une chose est claire : la situation n’est pas claire et en tout cas pas autant que l’exige le principe de légalité des peines, qui impose que chacun puisse déterminer s’il est ou non soumis à une disposition légale, et le principe de sécurité juridique.
En outre, la CADA est une autorité administrative au sens du décret de 1995, qui pourrait directement être saisie d’une demande d’accès à des documents dont elle dispose. Si la CADA n’est pas soumise au secret professionnel en tant qu’autorité administrative, elle ne pourrait se prévaloir de l’éventuel secret professionnel de ses membres pour refuser l’accès à des documents administratifs qui lui seraient directement demandés. La doctrine explique en effet que : ‘Une autre difficulté émerge lorsque, au sein d’une autorité administrative, tous les membres de celle-ci sont soumis à une obligation de secret professionnel. Selon la CADA fédérale, un tel secret pourrait être sans effet sur l’obligation de publicité qui pèse sur l’administration : une obligation de secret individuelle ne peut pas être invoquée pour refuser la publicité lorsqu’une organisation est tenue d’accepter la publicité en vertu de l’article 32 de la Constitution et de la loi du 11 avril 1994’ (P.-O. DE BROUX et csts, « Les exceptions à la publicité des documents administratifs », In: Valérie Michiels, La publicité de l'administration. Vingt ans après, bilan et perspectives, Bruylant : Bruxelles 2014, p.144).
Elle ne pourrait pas non plus se prévaloir d’une obligation de secret qui pèserait sur elle, dès lors que l’article 6, § 2, du décret de 1995 prévoit que l’autorité ne peut se prévaloir d’une obligation de secret que si elle est instaurée par une loi ou un décret. Force est de constater que le décret de 1995 est muet s’agissant de l’obligation de secret qui pèserait sur la CADA.
Autrement dit, la CADA, si elle disposait des documents dont la production est demandée et était directement saisie d’une demande publicité, pourrait décider de communiquer ces documents, en tout ou en partie.
Ce faisant, elle priverait le concluant de l’effet utile du recours devant le Conseil d’Etat et, partant, de l’effectivité de droit à un juge prévu par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Les documents auraient en effet déjà été transmis avant que le Conseil se prononce sur la légalité de la transmission.
Elle priverait également le concluant du bénéfice du régime du droit à la transparence administrative, qui prévoit des exceptions que la CADA n’appliquerait peut-être pas.
Enfin, même si la CADA était soumise au secret professionnel visé par l’article 458 du Code pénal, le concluant serait bien en peine d’en invoquer la violation, le cas échéant, dans le cadre d’une plainte avec constitution de partie civile.
La CADA ne dispose pas de la personnalité juridique propre. Il serait douteux qu’une éventuelle plainte que le concluant dirigerait contre la Région soit recevable. […]
En l’espèce, la question préjudicielle suivante devrait donc être posée à la Cour constitutionnelle :
‘L’article 8ter du décret du 13 mars 1995, en ce qu’il prévoit une obligation de collaboration pesant sur l’autorité, sans prévoir d’obligation de secret professionnel spécifique s’imposant aux membres de la commission ou à la commission en tant que telle, ne contrevient-il pas aux articles 10, 11 et 32 le cas échéant combinés avec les articles 160 de la Constitution et l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ?’ ».
8. Cette remise en cause de la capacité de la Commission à protéger la confidentialité des informations qui lui sont adressées s’identifie en réalité à la volonté de soustraire les licences d’exportation d’armes au contrôle de la Commission, ce que le législateur décrétal wallon a déjà tenté de faire en adoptant l’article 21 du décret de la Région wallonne du 21 juin 2012 « relatif à l’importation, à l’exportation, au transit et au transfert d’armes civiles et de produits liés à la défense ».
Cette disposition du décret précité du 21 juin 2012 a été annulée par la Cour constitutionnelle, par son arrêt n° 169/2013 du 19 décembre 2013, au terme de la motivation suivante :
« B.21.1. Les certificats et licences visés en B.9.4 constituent des actes administratifs à portée individuelle. Ces actes relèvent en principe de la protection offerte par l’article 32 de la Constitution.
Lorsque le Constituant a adopté l’article 32 de la Constitution, il a été souligné que les exceptions à ce droit appellent en principe un examen cas par cas des différents intérêts en présence : « l’intérêt de la publication doit chaque fois contrebalancer concrètement l’intérêt qui est protégé par un motif d’exception » (Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 839/1, p. 5).
B.21.2. Le Gouvernement wallon justifie le régime de confidentialité instauré par le souci de sécurité, et par le fait que ces documents contiennent des informations sensibles en matière de concurrence économique ou de relations internationales.
A supposer que ces documents puissent, en certaines hypothèses, contenir des informations sensibles, le Gouvernement wallon reste en défaut de démontrer que les exceptions et la procédure instaurées par le décret wallon du 30 mars 1995 seraient insuffisantes pour garantir la confidentialité de pareilles informations, lorsqu’elles sont contenues dans les certificats et licences visés en B.9.4.
En effet, comme il est indiqué en B.17, l’article 6 du décret wallon du 30 mars 1995 prévoit plusieurs exceptions au droit d’accès, notamment en considération des relations internationales de la Région (5°) ou d’un intérêt économique ou financier de la Région (6°); l’application de ces « motifs d’exception » requiert une appréciation concrète de la demande, la Commission d’accès aux documents administratifs veillant au respect de ces exceptions, sous le contrôle éventuel du Conseil d’Etat; enfin, les documents administratifs obtenus en application du décret wallon du 30 mars 1995 « ne peuvent être diffusés ni utilisés à des fins commerciales », conformément à l’article 10 du décret wallon du 30 mars 1995, de sorte que toute personne qui méconnaîtrait cette interdiction risquerait d’engager sa responsabilité. L’objectif de sécurité poursuivi pouvait donc être atteint par le recours à la procédure organisée par le décret wallon du 30 mars 1995.
B.21.3. En instaurant une exception générale et absolue au droit à la transparence administrative pour l’ensemble des certificats et licences visés en B.9.4, le législateur décrétal a pris une mesure qui n’est pas proportionnée à l’objectif poursuivi ».
9. Il découle de ce qui précède que la Cour constitutionnelle a rejeté l’argumentation du Gouvernement wallon en considérant celui-ci restait « en défaut de démontrer que les exceptions et la procédure instaurées par le décret wallon du 30 mars 1995 seraient insuffisantes pour garantir la confidentialité de pareilles informations », lorsqu’elles sont contenues notamment dans des licences d’exportation d’armes (B.21.2). La Cour constitutionnelle a ainsi jugé que le législateur décrétal wallon ne pouvait instaurer une exception générale et absolue au droit à la transparence administrative, mais que c’était à la présente Commission d’exercer un contrôle concret de l’existence éventuelle d’une exception prévue par le décret du 30 mars 1995.
La possibilité pour la Commission d’exercer le contrôle requis par la Cour constitutionnelle impose dès lors que la Commission dispose de ces documents, communiqués par la partie adverse conformément à l’article 8ter du décret du 30 mars 1995, afin de pouvoir évaluer si un motif d’exception à la publicité s’applique en l’espèce.
Toute autre interprétation heurterait tant le droit fondamental d’accès aux documents administratifs garanti par l’article 32 de la Constitution que l’autorité de chose jugée de l’arrêt n° 169/2013 précité.
10. Cette remise en cause de la capacité de la Commission à protéger la confidentialité des informations qui lui sont adressées est, par ailleurs, de nature à porter gravement atteinte à l’exercice de ses fonctions, a fortiori lorsqu’elle est exprimée par la plus haute autorité administrative soumise à son contrôle.
Ce refus de collaboration pourrait d’ailleurs devenir systématique et empêcher ainsi que la Commission puisse exercer la mission légale qui lui est dévolue, et qui se fonde sur la garantie du droit fondamental visé à l’article 32 de la Constitution.
11. Il est dès lors indispensable que la question préjudicielle suggérée par la partie adverse puisse être tranchée par la Cour constitutionnelle.
La Commission constate en effet que les garanties de confidentialité entourant son fonctionnement n’ont pas été expressément abordées dans l’arrêt n° 169/2013 du 19 décembre 2013, par lequel la Cour constitutionnelle a annulé l’article 21 du décret de la Région wallonne du 21 juin 2012 « relatif à l’importation, à l’exportation, au transit et au transfert d’armes civiles et de produits liés à la défense », par lequel le législateur décrétal wallon a voulu soustraire à la publicité les licences d’exportation d’armes.
12. Il découle de l’article 142, alinéa 3, de la Constitution et de l’article 26, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle que seules les « juridictions » peuvent saisir la Cour de questions préjudicielles. La Cour constitutionnelle rappelle à cet égard que « [b]ien que les travaux préparatoires de ces dispositions ne donnent aucune définition de la notion de ‘juridiction’ habilitée à poser une question préjudicielle à la Cour, il peut être déduit de l’objectif poursuivi par l’instauration de la procédure préjudicielle qu’il convient de donner une interprétation large à cette notion »[4].
En l’espèce, la Commission exerce sa mission en toute indépendance et impartialité[5], elle est présidée par un magistrat[6], et elle se prononce à huis clos sur des recours[7], le décret du 2 mai 2019 lui ayant conféré une compétence décisionnelle et imposant le respect du principe du contradictoire[8]. La Commission dispose également d’un pouvoir d’investigation[9]. Les membres de la Commission ne participent pas aux délibérations en cas de possibles conflits d’intérêts[10], et peuvent être déchargés de leurs fonctions en cas de manquements à leurs devoirs ou en cas d’atteinte à la dignité de leurs fonctions.
Par ailleurs, à la différence d’autorités auxquelles la Cour constitutionnelle a déjà dénié la qualité de juridiction, les décisions de la CADA font bien l’objet d’un recours devant une autre juridiction[11] et ses décisions ne sont en rien ni concertée avec le Gouvernement wallon, ni ne permettent à celui-ci d’intervenir ou de se saisir d’une cause soumise à la Commission[12].
La Commission n’est en outre pas inscrite dans la structure hiérarchique de l’administration wallonne, à plus forte raison depuis que les membres nommés parmi les fonctionnaires de la Région ou des personnes morales de droit public qui en dépendent ont été seulement dotés d’une voix consultative par le décret précité du 2 mai 2019[13].
La Commission présente dès lors plusieurs traits d’un organe juridictionnel de sorte que, compte tenu de l’objectif poursuivi par l’instauration de la procédure préjudicielle, elle peut relever d’une interprétation large de la notion de « juridiction ».
13. En outre, la qualification de « juridiction » doit s’apprécier au regard du droit d’accès au juge constitutionnel.
Ainsi, si la qualité de juridiction était déniée à la Commission, la question préjudicielle soulevée par la partie adverse – qui remet en cause le fonctionnement même de la Commission, de même que l’exercice de sa mission légale – ne pourrait alors jamais être soumise à la juridiction constitutionnelle, puisque, même dans l’hypothèse d’un recours éventuel devant le Conseil d’État, une question préjudicielle concernant la procédure au stade de la Commission ne pourrait pas être posée dès lors qu’elle ne serait manifestement pas utile à la solution du litige porté devant la haute juridiction administrative.
Il y a dès lors lieu de poser à la Cour la question préjudicielle telle qu’elle a dû être reformulée par la Commission.
14. La partie adverse demande également à la Commission de poser les deux questions préjudicielles suivantes :
« L’article 8 du décret du 13 mars 1995 interprété en ce sens que la Commission pourrait prendre une décision propre relative à la confidentialité de pièces à propos de laquelle le Conseil d’Etat s’est déjà prononcé contrevient-il aux articles 10, 11, 12, 32, 160 de la Constitution et au principe de sécurité juridique ? »
« L’absence d’exception relative à la publicité prévue dans le décret du 30 mars 1995, qui imposerait de mettre l’intérêt de la publicité en balance avec la procédure d’un procès civil ou administratif, contrevient-elle aux articles 10, 11, 13, 32, combinés aux articles 33 37, 40 et 160 de la Constitution ? »
Ces questions ne sont pas utiles à la solution du litige, dès lors qu’elles présupposent l’existence d'une autorité de la chose jugée des mesures prises par le Conseil d’Etat, en référé, sur la seule base de l’article 87, §2 de l’arrêté du Régent du 23 août 1948, sur la décision que pourrait prendre la Commission, fondée quant à elle sur l’article 32 de la Constitution et sur le décret wallon du 30 mars 1995. Or, cette autorité de la chose jugée n’est pas suffisamment établie. Pour le surplus, la réponse aux questions posées préjuge de l’issue que la Commission pourrait donner aux demandes qui lui ont été soumises.
Il n’y a donc pas lieu de poser ces deux questions préjudicielles.
15. En vertu de l’article 8quinquies du décret du 30 mars 1995, la Commission, vu la crise sanitaire actuelle et la situation de confinement, décide de prolonger son délai pour rendre sa décision d’une durée de 15 jours.
Par ces motifs, la Commission décide :
- de poser à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle suivante :
« L’article 8ter du décret de la Région wallonne du 30 mars 1995 sur la publicité de l’administration, tel qu’il a été inséré par l’article 7 du décret de la Région wallonne du 2 mai 2019, en ce que cette disposition prévoit une obligation pour l’entité concernée de communiquer les documents sollicités, alors que le décret précité du 30 mars 1995 ne prévoirait pas d’obligation de confidentialité spécifique s’imposant aux membres de la Commission d’accès aux documents administratifs instaurée par ce décret, viole-t-il les articles 10, 11 et 32 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, ce qui créerait une discrimination entre les personnes soumises au secret professionnel visé à l’article 458 du Code pénal et les membres de ladite Commission ainsi qu’entre les entités qui doivent communiquer des documents confidentiels à des personnes soumises à ce secret professionnel et celles qui doivent communiquer des documents confidentiels à cette Commission ; et ce qui priverait ladite Commission de l’exercice du contrôle dont elle est chargée par le décret précité du 30 mars 1995 et, partant, créerait une violation du droit d’accès aux documents administratifs ? »
- Sursoit à statuer dans l’attente de la réponse de la Cour constitutionnelle.