Commune – Procès-verbal du collège communal – intérêt – vie privée – documents à caractère personnel – Communication partielle
En cause :
[…],
Partie requérante,
Contre :
La Commune de Soumagne,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution ;
Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, tel qu’il a été modifié par le décret du 2 mai 2019, l’article 8, § 1er ;
Vu le Code de la démocratie locale et de la décentralisation, les articles L3231-1 et suivants ;
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs ;
Vu le recours introduit par courrier recommandé le 20 février 2020 ;
Vu la demande d’information adressée à la partie adverse le 21 février 2020 et reçue le 24 février 2020 ;
Vu la réponse de la partie adverse du 9 mars 2020.
Objet et recevabilité du recours
1. La demande porte sur l’obtention d’une copie par voie électronique de tous les procès-verbaux des réunions du collège communal de la partie adverse du mois de novembre 2019.
2. Les documents sollicités sont des documents administratifs au sens de l’article L3211-3, alinéa 2, 2°, du CDLD.
3. La demande date du 21 janvier 2020 et a été rejetée explicitement par l’entité concernée le 5 février 2020. La partie requérante a introduit valablement son recours dans le délai de 30 jours visé à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995, prenant cours le lendemain de la réception de la décision de rejet explicite.
Examen du recours
4. Le 5 février 2020, la partie adverse a refusé l’accès aux procès-verbaux précités aux motifs que :
« Toute demande de documents à caractère personnel nécessite que le demandeur justifie d’un intérêt, conformément à l’article 4, §1er, al. 2 du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration. Ce point n’a pas été abordé dans l’avis n° 31 du 6 janvier 2020 de la Commission d’accès aux documents administratifs et constitue pourtant un élément essentiel dans le traitement des procès-verbaux du Collège communal. Cet intérêt est une condition de recevabilité de la demande d’accès. »
En réponse la partie requérante a fait valoir que :
« […]3. En outre, au point 7, en cas de données personnelles contenues dans les P-V, la commission rappelle la procédure et conclut : 'L’exception invoquée ne permet donc pas de rejeter en bloc l’ensemble de la demande relative aux procès-verbaux communal' ».
5. Dans sa réponse du 9 mars 2020, la partie adverse a communiqué à la Commission les procès-verbaux des séances du collège communal du 6, 13, 20 et 27 novembre 2019 et a souhaité attirer l’attention de la Commission sur les éléments suivants :
« - Le décret du 30 mars 1995, à son article 4 §1er, alinéa 2, stipule que « le demandeur doit justifier d’un intérêt », ce qui n’a pas été le cas. Ce point n'a pas été abordé dans la décision n°31 de la Commission d'accès aux documents administratifs et constitue pourtant un élément essentiel dans le traitement des procès-verbaux du Collège communal. En effet, une majeure partie des décisions du collège relève de documents à caractère personnel. Cet intérêt est une condition de recevabilité de la demande d’accès1. Un document à caractère personnel est un « document administratif comportant une appréciation ou un jugement de valeur relatif à une personne physique nommément désignée ou aisément identifiable, ou la description d'un comportement dont la divulgation peut manifestement causer un préjudice à cette personne ».2
- Les décisions du conseil communal à huis clos sont rendues inaccessibles par différentes dispositions du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (art. L1122-21, L1122-29). La raison de cette inaccessibilité porte sur le fait que les séances à huis clos sont prononcées lorsqu'il y a une question de personne, c'est-à-dire pour toute question qui rend une personne identifiable. L’application de ce principe par analogie au Collège communal qui tient toutes ses audiences en huis clos (art. L1123-20, al. 3 CDLD) devrait être de mise. À contrario, quel serait encore l'intérêt de garder ces séances inaccessibles au public si ses décisions ne le sont pas ?
- La CADA a déjà estimé que la demande de transmission systématique de documents présente un caractère abusif3. Par ailleurs, cette hypothèse se retrouve à l'article L1561-6, al. 1er 4° du CDLD.
- La CADA, si elle devait décider que les PV du collège communal doivent être communiqués à un citoyen, créerait une forme de jurisprudence dont les conséquences pour les 262 communes de Wallonie pourraient être importantes puisqu’actuellement, les PV des collèges communaux ne sont pas communiqués. Ceci se fonde sur base des éléments légaux repris ci-dessus, mais également sur base de règles d’usage et de coutume assurant le bon fonctionnement de cet organe. Si telle devait être la décision rendue par la CADA, la commune de Soumagne se réserve la possibilité d’introduire un recours auprès du Conseil d’Etat ».
6. En ce qui concerne le « caractère confidentiel des réunions du Collège », il faut constater que celui-ci ne constitue pas en soi un motif d’exception à la publicité de l’administration.
A l’instar des procès-verbaux des séances à huis clos d’un conseil communal, les documents demandés doivent être communiqués ou un extrait de ceux-ci selon les cas lorsqu’une exception légale trouve spécifiquement à s’appliquer.
7. La partie adverse avance qu’il s’agit de documents à caractère personnel pour lesquels il faut justifier d’un intérêt en vertu de l’article 4, § 1er, alinéa 2, du décret du 30 mars 1995.
En effet, la Commission rappelle que le requérant doit justifier d’un intérêt lorsqu’il s’agit d’un document à caractère personnel. Il s’agit d’une condition de recevabilité de la demande d’accès. La notion de document à caractère personnel est définie comme « un document administratif comportant une appréciation ou un jugement de valeur relatif à une personne physique nommément désignée ou aisément identifiable, ou la description d’un comportement dont la divulgation peut manifestement causer un préjudice à cette personne » par l’article 1er, alinéa 2, 3°, du décret du 30 mars 1995.
En l’espèce, la Commission estime que certains points des documents sollicités constituent bien des documents à caractère personnel.
Dès lors, la partie requérante doit justifier d’un intérêt afin d’obtenir la copie de ces documents. La Commission rappelle également que « l’intérêt requis n’est cependant pas nécessairement un intérêt personnel ». En l’espèce, la partie requérante n’a justifié d’aucun intérêt. Les points des procès-verbaux qui portent sur des documents à caractère personnel ne peuvent donc pas être communiqués (ex. : nomination, démission, remplacement, etc.).
8. En ce qui concerne la protection de la vie privée, la Commission rappelle que le décret wallon du 30 mars 1995 interdit en effet à l’autorité communale de transmettre des informations qui portent atteinte à la vie privée[1].
La Commission rappelle également que les données à caractère personnel, notamment au sens du droit européen[2], sont les informations relatives à une personne physique identifiée ou identifiable, et notamment les informations spécifiques propres à l’identité physique, physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle ou sociale de la personne concernée.
La Commission rappelle néanmoins que les données déjà rendues publiques, ou que les données de personnes exerçant une fonction publique ne bénéficient pas d’une protection équivalente à celles des autres personnes physiques. Elle partage également l’avis de l’ancienne Commission de protection de la vie privée, selon laquelle « le fait même d'exercer une fonction publique ou d'utiliser des ressources publiques ne peut pas aboutir à une négation totale du droit au respect de la vie privée des personnes concernées »[3].
En l’espèce, la Commission constate à l’analyse des documents sollicités qu’il existe de nombreux points bénéficiant de l’exception de la protection de la vie privée. Ces données personnelles devront être occultées par la partie adverse.
9. Pour le surplus, aucune autre exception ne semble s’appliquer à la transmission des documents. En ce qui concerne la modalité de communication des documents, la Commission rappelle son avis n° 245 du 10 décembre 2018 :
« L’article 4, §1er du décret wallon du 30 mars 1995 prévoit que ‘chacun, selon les conditions prévues par le présent décret, peut prendre connaissance sur place de tout document administratif, obtenir des explications à son sujet et en recevoir communication sous forme de copie, selon les modalités arrêtées par le Gouvernement’. Selon le §2 du même article, ‘La délivrance d’une copie d’un document administratif peut être soumise au paiement d’une rétribution dont le montant est fixé par le Gouvernement. Le montant de cette rétribution ne peut être supérieur au prix coûtant .
Il résulte de ces dispositions que l’administration doit respecter la volonté du demandeur de consulter un document sur place, et/ou d’obtenir des explications son sujet, et/ou d’en recevoir communication sous forme de copie sur place ou par courrier postal ou électronique. Cela ne prive pas l’administration d’essayer de privilégier une modalité plutôt qu’une autre, pour des motifs propres au document concerné, mais elle ne peut pas contraindre le demandeur à suivre une modalité plutôt qu’une autre.
En d’autres termes, si un demandeur exige l’envoi d’une copie d’un ou plusieurs documents administratifs par courrier électronique, cette demande doit être satisfaite, sauf preuve d’une difficulté particulière, notamment sur un plan purement technique ».
En l’espèce, la partie adverse doit procéder à l’envoi des documents par voie électronique, dès lors qu’elle ne démontre pas l’existence de difficultés particulières liées à cette modalité.
10. Vu la crise sanitaire actuelle et la situation de confinement, la Commission accorde le délai maximal légal de 60 jours à la partie adverse pour transmettre les documents.
Par ces motifs, la Commission décide :
La partie adverse communique les documents sollicités en occultant les mentions relatives à la vie privée ainsi que les points à caractère personnel contenus dans les documents, et ce dans un délai de 60 jours à partir de la notification de la présente décision.