Intercommunale – Procès-verbal de réunion du Conseil d'administration – Document à caractère personnel – Vie privée – Secret des délibérations –Communication partielle
En cause :
[…],
Partie requérante,
Contre :
L’Intercommunale de Santé Publique du Pays de Charleroi,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution ;
Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, tel qu’il a été modifié par le décret du 2 mai 2019, l’article 8, § 1er ;
Vu le Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après : le CDLD), les articles L1561-1 et suivants ;
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs ;
Vu le recours introduit par courriel le 10 mars 2020 ;
Vu la demande d’information adressée à la partie adverse par courrier recommandé le 10 mars 2020, reçue le 11 mars 2020 ;
Vu la réponse de la partie adverse du 18 mars 2020.
Objet et recevabilité du recours
1. La demande du 4 février 2020 porte sur l’obtention d’une copie non censurée de la page numérotée 1 du procès-verbal de la réunion du Conseil d’administration de l’Intercommunale de Santé Publique du Pays de Charleroi (ci-après : l’ISPPC) du 12 juin 2019 (liste des personnes présentes/invités/excusées,…) ainsi que du point 09/2019 de la page numérotée 20 du même procès-verbal (« Description de la fonction de Conseiller général – Décisions à prendre ») avec le protocole décrit dans ce même point.
2. La partie adverse est une intercommunale wallonne, soumise au CDLD dont les articles L1561-1 et suivants organisent la publicité des intercommunales.
3. Les documents sollicités sont des documents administratifs au sens de l’article L1561-1 du CDLD.
4. La demande date du 4 février 2020 et a été rejetée implicitement par l’entité concernée le 6 mars 2020. En ce qui concerne les modalités d’introduction du recours, la partie requérante n’a introduit son recours ni par recommandé, ni par tout autre moyen conférant date certaine à l’envoi. En soi, le simple courrier électronique n’est pas de nature à conférer une date certaine.
Toutefois, la date du courrier recommandé envoyé à la partie adverse en application de l’article 8bis, alinéa 3, du décret du 30 mars 1995[1], confère, le cas échéant, date certaine au recours. La Commission attire l’attention sur le risque que prend la partie requérante en termes d’expiration du délai de recours dans un tel cas[2].
En l’espèce, le courrier recommandé susmentionné a été envoyé à la partie adverse le 10 mars 2020. Il y a lieu de considérer cette date certaine comme celle du présent recours. Dès lors, la partie requérante a introduit valablement son recours dans le délai de 30 jours visé à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du décret du 30 mars 1995, prenant cours le lendemain du rejet implicite.
Examen du recours
5. En ce qui concerne la page numérotée 1 du procès-verbal du 12 juin 2019 du Conseil d’administration de l’ISPCC, la partie adverse répond que :
« l’anonymisation […] résulte de l’application de l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995 relatif la publicité de l’administration, notamment. En effet, constituent des données à caractère personnel, les informations relatives à une personne physique identifiée ou identifiable telles que les informations relatives à son identité soit le nom et le prénom. […]
Plus particulièrement, encore, en ce qui concerne les membres du conseil d’administration, il y a d’autant moins lieu à communiquer la liste des membres présents dès lors qu’ils ont, lors de la séance du 12 juin 2019, émis à chaque fois un vote et pris une décision (en réalité plusieurs décisions). Il en va de même des personnes invitées lesquelles ont fait valoir leur opinion et avis sur les points sur lesquels ils sont intervenus.
Or, le secret des délibérations, avis ou opinions communiqués librement et à titre confidentiel visé à l’article 6 § 2, 3°, et § 3, 2° du décret précité constituent une exception à la publicité des actes, exception par ailleurs confirmée par l’article 21 du règlement d’ordre intérieur du conseil d’administration qui impose le respect du ‘secret des propos votés et des délibérations’ ».
6. L’article 6, § 2, 1°, et 3°, du décret du 30 mars 1995 dispose comme suit :
« § 2. ‘L'entité ou l'autorité administrative non régionale’ rejette la demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif, qui lui est adressée en application du présent décret, si la publication du document administratif porte atteinte:
1° à la vie privée, sauf les exceptions prévues par la loi ;
[…]
3° au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du Gouvernement ou auxquelles une autorité régionale est associée ».
L’article 6, § 3, 2°, du même décret prévoit que :
« § 3. L'’entité’ peut rejeter une demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif, dans la mesure où la demande:
[…]
2° concerne un avis ou une opinion communiquée librement et à titre confidentiel à l'‘entité’ ».
Le décret wallon du 30 mars 1995 interdit donc à l’autorité communale de transmettre des informations qui portent atteinte à la vie privée. La Commission rappelle néanmoins que les données déjà rendues publiques, ou que les données de personnes exerçant une fonction publique ne bénéficient pas d’une protection équivalente à celles des autres personnes physiques. Elle partage également l’avis de l’ancienne Commission de protection de la vie privée, selon laquelle « le fait même d'exercer une fonction publique ou d'utiliser des ressources publiques ne peut pas aboutir à une négation totale du droit au respect de la vie privée des personnes concernées »[3].
7. Par ailleurs, comme la Commission le rappelait déjà dans sa précédente décision relative au même document[4], ces exceptions visent le secret des délibérations et les avis ou opinions communiqués librement et à titre confidentiel à l’entité. Pour qu’un avis ou une opinion puisse être qualifié de « confidentiel », la mention de ce caractère confidentiel doit émaner de son auteur, de manière expresse et concomitante à cette communication[5].
Par conséquent, conformément à l’article 6, § 4, du décret du 30 mars 1995, tous les avis et opinions individualisés des membres du Conseil d’administration exprimés dans le document sollicité doivent être occultés. De même, l’identité des membres du Conseil d’administration doit être à chaque fois occultée dans le document demandé lorsqu’ils expriment un vote.
À titre surabondant, l’article 21 du règlement d’ordre intérieur du Conseil d’administration impose le respect du « secret des propos votés et des délibérations ». Les membres du Conseil d’administration sont donc tenus à un devoir de discrétion dans l’exercice de leur mission.
8. La composition du Conseil d’administration est une donnée publique qui est publiée sur le site internet de la partie adverse ainsi qu’au Moniteur Belge (le 18 juillet 2018 en ce qui concerne le dernier renouvellement complet). Les informations étant déjà publiques, il ne pourrait y avoir d’atteinte à la vie privée des membres du Conseil d’administration. Il en va de même de la seule mention de la présence des « invités ».
Par ailleurs, l’exception prévue à l’article 6, § 3, 2°, du décret du 30 mars 1995 ne s’applique pas à la liste des présences car celle-ci ne constitue pas un avis ou une opinion.
9. En ce qui concerne le point 09/2019 de la page numérotée 20 du même procès-verbal (« Description de la fonction de Conseiller général – Décisions à prendre »), en réalité page numérotée 81, avec le protocole décrit dans ce même point, la partie adverse avance les mêmes arguments que pour la liste des présences.
Les occultations éventuelles concerneraient le nom de la personne qui présente le point en question ainsi que, à deux reprises, la fonction que cette personne exerce. Étant donné que, dans la version déjà communiquée, le procès-verbal permet de lire que le Conseiller général sera l’adjoint de la personne en question, cette dernière est suffisamment identifiable et son nom et sa fonction doivent être communiqués.
En outre, la Commission constate de nouveau que le point visé ne constitue ni un avis ni une opinion personnelle de sorte que l’exception prévue à l’article 6, § 3, 2°, du décret du 30 mars 1995 n’est pas applicable.
10. Le protocole relatif à ce point est relatif à la description de la fonction de Conseiller général.
La partie adverse soulève également pour justifier le refus de communication du protocole que :
« [cette communication] porterait atteinte aux articles 10 et 11 de la Constitution par le fait qu’une personne puisse être en possession d’un document reprenant les conditions et informations requises pour pouvoir postuler audit poste et, en possession d’un tel document, pouvoir lui donner une publicité voire le communiquer à certaines personnes avant même qu’un appel à candidature officiel ait lieu. Il en résulterait à minima une discrimination entre ceux qui auraient de la sorte obtenu l’information idoine et les autres candidats potentiels ».
Cette justification ne constitue pas une exception prévue par le décret du 30 mars 1995.
Les mentions manuscrites apportées par les organisations syndicales concernent le secret des délibérations et doivent être occultées. Pour le surplus, ce document doit être communiqué.
11. Vu la charge de travail restreinte que représente cette communication en l’espèce, mais tenant compte de la crise sanitaire actuelle et la situation de confinement, la Commission accorde un délai de 30 jours à la partie adverse pour transmettre les documents.
[1] Le courrier par lequel la Commission sollicite auprès de l’entité concernée la copie du document litigieux et le cas échéant une note d’observation.
[2] Voir en ce sens C.E., n° 243.796 du 22 février 2019, Evrard et consorts ; C.E. (A.G.), n° 234.869 du 26 mai 2016, S.A. Kantoorinrichting Stulens ; CADA wallonne, décision n° 5 du 7 octobre 2019.
[3] Voyez les avis 9/2018, 8/2018 et 3/2018 du 17 janvier 2018, lesquels renvoient à l’avis 35/2007, considérant 9.
[4] Décision n°16 du 2 décembre 2019.
[5] Avis de la CADA wallonne n° 230 du 24 septembre 2018.
Par ces motifs, la Commission décide :
La partie adverse communique à la partie requérante les documents sollicités, tels qu’ils sont précisés dans le point 1 de la présente décision, en occultant uniquement les mentions manuscrites apportées dans le protocole par les organisations syndicales, et ce dans un délai de 30 jours à partir de la notification de la présente décision.
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04 mai 2020 -
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