Intercommunale – IDEA – Courrier – Secret des lettres (non) – Document à caractère personnel (oui) – Bien-être au travail (confidentialité) – Avis ou opinion communiquée librement et à titre confidentiel (non) – Document inachevé ou incomplet (non) – Secret médical (non) – Communication
En cause :
[…],
Partie requérante,
Contre :
L’intercommunale de développement économique et d’aménagement du cœur du Hainaut (IDEA), [...],
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution ;
Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, tel qu’il a été modifié par le décret du 2 mai 2019, l’article 8, § 1er ;
Vu le Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après : le CDLD), les articles L1561-1 et suivants ;
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs ;
Vu le recours introduit par courrier recommandé le 3 décembre 2020 ;
Vu la demande d’information adressée à la partie adverse le 8 décembre 2020 et reçue le 9 décembre 2020 ;
Vu la note d’observations de la partie adverse, reçue le 21 décembre 2020 ;
Vu la note d’observations envoyée à la partie requérante le 31 décembre 2020.
Objet et recevabilité du recours
1. La demande du 29 septembre 2020 porte sur la communication du courrier adressé par la directrice générale de la partie adverse à la conseillère en prévention-médecin du travail Dr […] le 4 mars 2020.
2. La partie adverse soulève une exception d’irrecevabilité en ce que :
« La requête vise comme partie adverse « le conseil d’administration de l’Intercommunale de développement économique et d’Aménagement du Cœur du Hainaut ».
Ce dernier n’a toutefois pas la personnalité juridique étant un organe de l’Intercommunale.
La requête est dirigée contre ce dernier est par conséquent irrecevable. »
Le Conseil d’administration est un organe de l’Intercommunale de développement économique et d’Aménagement du Cœur du Hainaut, dont les compétences sont notamment prévues aux articles 26 et suivants de ses statuts[1].
Il y a donc lieu de désigner comme partie adverse l’Intercommunale de développement économique et d’Aménagement du Cœur du Hainaut, en lieu et place de son conseil d’administration. Dès lors qu’elle est constituée en Intercommunale, la partie adverse est soumise au CDLD dont les articles L1561-1 et suivants organisent la publicité des intercommunales.
L’exception d’irrecevabilité soulevée par la partie adverse est donc rejetée.
3. Le document sollicité est un document administratif au sens de l’article L1561-1 du CDLD dès lors qu’il existe et est en possession de la partie adverse.
4. La partie adverse soulève une exception d’irrecevabilité ratione temporis en ce que :
« La copie de l’acte litigieux a été sollicitée par Maître […], 1er conseil de […], en date du 1er juillet 2020 (pièce 1).
Une fin de non recevoir a été adressée par courrier du 25 aout 2020 (pièce 2).
Le 8 septembre 2020, Me […] réitère sa demande d’obtention d’une copie du courrier litigieux du 4 mars 2020 visant expressément l’article 1564-1 du CDLD.
Une 2ème fin de non-recevoir a été notifiée à cette dernière.
Il en résulte que le recours introduit ce 4 décembre 2020 est irrecevable ratione temporis étant introduit au-delà du délai de 30 jours visé à l’article 8bis du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’administration.
Le recours introduit par [la partie requérante] est par conséquent irrecevable ratione temporis »
Or, l’exception d’irrecevabilité est relative à une précédente demande de publicité similaire.
En l’espèce, le recours porte sur un refus qui fait suite à une demande, introduite par courriel, datant du 29 septembre 2020. La partie adverse a communiqué une décision de report concernant cette demande en date du 21 octobre 2020. L’article L1561-6, alinéas 5 et 6, du CDLD dispose :
« L’intercommunale qui ne peut réserver de suite immédiate à une demande de publicité ou qui la rejette communique, dans un délai de trente jours de la réception de la demande, les motifs d’ajournement ou du rejet.En cas d’ajournement, le délai ne pourra jamais être prolongé de plus de quinze jours.
En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, la demande est réputée avoir été rejetée ».
La décision explicite de refus datée du 12 novembre 2020 a été notifiée le 16 novembre 2020 soit en dehors du délai légal, même prorogé de 15 jours conformément à l’article L1561-6, alinéa 5, du CDLD. Au vu de ce que le délai expirait le 13 novembre, la notification est tardive. A défaut de décision explicite régulière, il convient de tenir compte de la date de la décision implicite de rejet pour calculer le délai de recours. La demande a donc été rejetée implicitement par l’entité concernée, conformément à l’article L1561-6, alinéa 5, du CDLD.
Partant, la partie requérante a introduit valablement son recours, le 3 décembre 2020, dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du décret du 30 mars 1995, prenant cours le lendemain du rejet implicite.
5. La partie adverse soulève que la Commission doit surseoir à statuer vu le recours similaire introduit auprès de l’Autorité de protection des données en date du 31 août 2020.
La Commission constate que la procédure devant l’Autorité de protection des données est relative à un traitement de données à caractère personnel. Or la Commission doit statuer sur la communicabilité d’un document administratif. L’objet des procédures est dès lors bien distinct.
Il n’y a donc pas lieu de sursoir à statuer.
6. La Commission estime que le document sollicité est un document à caractère personnel, pour lequel il faut justifier d’un intérêt en vertu de l’article L1561-4, alinéa 2, du CDLD. En effet, la Commission rappelle que le requérant doit justifier d’un intérêt lorsqu’il s’agit d’un document à caractère personnel. Il s’agit d’une condition de recevabilité de la demande d’accès.
La notion de document à caractère personnel est définie comme « un document administratif comportant une appréciation ou un jugement de valeur relatif à une personne physique nommément désignée ou aisément identifiable, ou la description d’un comportement dont la divulgation peut manifestement causer un préjudice à cette personne » par l’article L1561-1, alinéa 1er, 2°, du CDLD.
Dès lors, la partie requérante doit justifier d’un intérêt afin d’obtenir la copie de ces documents. La Commission rappelle également que « l’intérêt requis n’est cependant pas nécessairement un intérêt personnel ».
En l’espèce, la partie requérante justifie pleinement de l’intérêt requis pour obtenir la communication du document à caractère personnel visé dans la demande, dès lors que ce document la concerne directement et personnellement[2].
7. La partie adverse avance également ne plus être en possession du document sollicité étant donné que la lettre a été adressée par voie postale à COHEZIO. La Commission ne comprend pas cet argument dès lors qu’une copie du document sollicité a été transmise au secrétariat de la Commission dans le même envoi que les motifs de rejet. Il va de soi que la demande ne pourrait pas, aux termes de l’article L-1561-4, du CDLD, porter sur l’obtention de l’original du courrier, mais uniquement sur une copie. L’exception est rejetée.
Examen du recours
8. Dans sa note d’observations du 21 décembre 2020, la partie adverse répond que le document sollicité constitue une position de l’employeur communiquée dans un cadre légal spécifique, à savoir la loi du 4 août 1996 ‘relative au bien être-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail’ et le Code du bien-être au travail, et dans un contexte confidentiel, de sorte que la partie requérante n’a pas à recevoir copie de ce document.
La partie adverse avance également que :
« S’il devait être considéré que le courrier litigieux ne constitue pas une opinion communiquée dans un contexte confidentiel au regard de la loi, notamment, il en résulterait nécessairement une violation du principe d’égalité et de non-discrimination tel que visé aux articles 10 et 11 de la Constitution. »
9. La Commission rappelle que le caractère « confidentiel » d’un document ne constitue pas en soi un motif légal d’exception à la publicité de l’administration. En outre, le fait que les documents aient été communiqués dans le cadre de la législation relative au bien-être au travail ne constitue pas non plus, en soi, une exception au droit constitutionnel d’accès aux documents administratifs.
Le fait que, dans le cadre d’un recours introduit par la requérante devant l’Autorité de protection des données, le destinataire du courrier litigieux, à savoir le service externe de la prévention et de la protection au travail, estime que ce courrier est soumis au principe de confidentialité et refuse d’en délivrer une copie ne modifie pas cette conclusion.
10. L’exception relative à l’avis ou opinion communiqué librement et à titre confidentiel à l’autorité, prévue à l’article L1561-6, alinéa 1er, 3°, n’est pas applicable en l’espèce. En effet, les conditions cumulatives d’application de cette exception sont :
- seuls des avis ou opinions peuvent être pris en considération, à l’exception de simples faits ou constats ;
- l’avis ou l’opinion doit avoir été communiqué spontanément, librement à l’autorité administrative, en l’absence de toute obligation légale ;
- l’avis ou l’opinion est communiqué, de manière expresse, sous le sceau de la confidentialité, à l’autorité administrative ; la mention de ce caractère confidentiel doit être concomitant à la communication de l’avis ou de l’opinion ;
- l’avis ou l’opinion émane de tiers, à l’exclusion donc des fonctionnaires ou préposés de l’autorité administrative[3].
Or, le document sollicité contient essentiellement une énumération de faits, le caractère confidentiel n’en ressort pas expressément et l’opinion n’émane pas d’un tiers mais de la directrice générale de l’entité administrative.
L’exception n’est pas applicable.
11. La partie adverse invoque également que le document sollicité est protégé par « le secret des correspondances visé à l’article 29 de la Constitution, secret inviolable. Ce courrier ne peut en conséquence faire l’objet de divulgation. »
L’article 29 de la Constitution dispose :
« Le secret des lettres est inviolable.
La loi détermine quels sont les agents responsables de la violation du secret des lettres confiées à la poste. »
Par son arrêt n° 202/2004, la Cour constitutionnelle souligne que :
« B.12.2. Si le secret des lettres a pu être conçu comme absolu, lors de l’adoption de la Constitution, il ne peut être fait abstraction aujourd’hui, pour en déterminer la portée, d’autres dispositions constitutionnelles ainsi que de conventions internationales.
Les articles 15 et 22 de la Constitution, qui garantissent respectivement l’inviolabilité du domicile et le droit au respect de la vie privée et familiale, sont liés à l’article 29 et participent de la même volonté du Constituant de protéger l’individu dans sa sphère privée afin de permettre son développement et son épanouissement.
Si l’article 29 de la Constitution ne prévoit, explicitement, aucune restriction au droit fondamental qu’il consacre, une telle restriction peut néanmoins se justifier si elle est nécessaire pour assurer le respect d’autres droits fondamentaux. »[4].
L’article 29 de la Constitution n’est dès lors plus absolu et doit être lu au regard du droit fondamental que constitue le droit d’accès aux documents administratif, consacré par l’article 32 de la Constitution. La protection de l’article 29 de la Constitution ne peut donc pas, en l’espèce, constituer une exception à la communication, par son auteur, du document sollicité.
12. Dans son refus explicite du 12 novembre 2020 adressé à la partie requérante, la partie adverse invoque le secret médical comme exception à la transmission du document sollicité. Or, après la lecture du document sollicité, la Commission constate que le document concerne uniquement la partie requérante.
L’exception n’est pas applicable.
13. Dans son refus explicite du 12 novembre 2020, la partie adverse invoque également l’exception relative à un document administratif dont la divulgation peut être source de méprise, le document étant inachevé ou incomplet.
La Commission rappelle que, selon sa jurisprudence, le caractère inachevé et incomplet, engendrant un risque de méprise, peut par exemple se dégager du caractère « non officiel » du document, présenté comme un instrument de travail dont toutes les conséquences ne sont pas dégagées, du caractère partiel des informations en possession de l’autorité ou encore de la présentation formelle du document, qui peut être source de méprise[5].
Le document sollicité ayant été signé et envoyé à son destinataire, il présente un caractère officiel et définitif.
L’exception n’est pas applicable.
14. La Commission ne perçoit pas d’autre exception qui pourrait s’appliquer au document sollicité. Par conséquent, la partie adverse doit communiquer le document sollicité à la partie requérante, et ce, vu l’absence d’occultation ou de volume particulier, dans le délai minimal de 15 jours à compter à partir de la notification de la présente décision.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le document sollicité doit être communiqué par la partie adverse à la partie requérante, et ce dans un délai de 15 jours à compter à partir de la notification de la présente décision.