Commune – Fonction publique – Volume horaire et modalité d'engagement – Vie privée – Communication (non)
En cause :
[…],
Partie requérante,
Contre :
La Ville de Verviers,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution ;
Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, tel qu’il a été modifié par le décret du 2 mai 2019, l’article 8, § 1er ;
Vu le Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après : le CDLD), les articles L3231-1 et suivants ;
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs ;
Vu le recours introduit par courriel le 27 février 2021 ;
Vu la demande d’information adressée à la partie adverse le 2 mars 2021 et reçue le 3 mars 2021 ;
Vu la réponse de la partie adverse du 15 mars 2021.
Objet et recevabilité du recours
1. La demande du 10 janvier 2021 porte sur l’obtention d’une copie électronique de l’organigramme actualisé de la Ville de Verviers, incluant :
- Nom et prénom de tous les membres du personnel ;
- Leur grade ;
- Leur statut (contractuel ou statutaire) ;
- Le volume global d’équivalent temps plein concerné pour chaque membre (temps plein/partiel – X hr/semaine).
La partie adverse a répondu, en dehors du délai légal, à cette demande le 11 février 2021 en communiquant un fichier des agents anonymisé.
Le 25 février 2021, la partie adverse a ensuite communiqué un nouveau fichier reprenant les nom, prénom et qualité (grade ou fonction) des membres du personnel à la partie requérante.
Ces deux réponses de la partie adverse correspondent aux trois premiers points de la demande de la partie requérante, laquelle devient sans objet sur ces points.
2. En ce qui concerne les modalités d’introduction du recours, la partie requérante a introduit son recours par courriel. Or, en principe, le simple courrier électronique n’est pas de nature à conférer une date certaine à son envoi.
Toutefois, la date du courrier recommandé envoyé à la partie adverse en application de l’article 8bis, alinéa 3, du décret du 30 mars 1995[1], confère, le cas échéant, date certaine au recours. La Commission attire l’attention sur le risque que prend la partie requérante en termes d’expiration du délai de recours dans un tel cas[2].
En l’espèce, le courrier recommandé en application de l’article 8bis, alinéa 3, susmentionné a été envoyé à la partie adverse le 2 mars 2021. Dès lors, il y a lieu de considérer cette date certaine comme celle du présent recours. La demande date du 10 janvier 2020 et a été rejetée implicitement par l’entité concernée le 10 février 2021. La partie requérante a donc introduit valablement son recours dans le délai de 30 jours visé à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du décret du 30 mars 1995, prenant cours le lendemain du rejet implicite.
Examen du recours
3. La partie adverse avance qu’elle a fourni à la partie requérante, sur base d’avis du conseiller de l’Union des Villes et Communes et du responsable du traitement des données de la ville, un fichier reprenant les noms, prénoms et qualité (grade ou fonction) des membres du personnel, considérant que ces données professionnelles ne relèvent pas de leur vie privée et qu’il existe une base de licéité pour ce traitement induite par l’article L3221-1, 3°, du CDLD.
La partie adverse a cependant refusé de communiquer individuellement le statut des agents (contractuel ou statutaire) et leur volume d’emploi (ETP). La partie adverse soulève à cet égard l’exception prévue par l’article 6, §2, 1°, du décret du 30 mars 1995 qui dispose :
« §2. L'entité ou l’autorité administrative non régionale rejette la demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif, qui lui est adressée en application du présent décret, si la publication du document porte atteinte :
1° à la vie privée, sauf les exceptions prévues par la loi […] ».
4. La Commission rappelle que toutes les données à caractère personnel au sens du droit européen ne relèvent pas de la vie privée au sens l’article 6, §2, 1°, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration. De plus, les données déjà rendues publiques, ou les données de personnes exerçant une fonction publique ne bénéficient pas d’une protection équivalente à celles des autres personnes physiques.
5. En l’espèce, la partie adverse a communiqué à la requérante un tableau anonymisé reprenant l’ensemble des agents communaux, avec leur statut (N pour Nommé - C pour contractuel et S pour Subsidié) et le volume horaire correspondant, ce qui lui permet de connaître le volume global d’équivalents temps plein ou de temps partiel ainsi que le nombre d’agents communaux statutaires, contractuels ou subsidiés.
6. En ce qui concerne le souhait de la requérante de connaître, pour chaque agent pris individuellement, (dont l’identité et le grade lui ont parallèlement été communiqués dans un organigramme distinct) son volume horaire et le type d’engagement qui le lie à la commune, il convient de donner raison à la partie adverse lorsqu’elle indique que cette information individualisée risque de porter atteinte au respect de la vie privée des agents, que la commune est en devoir de protéger. A cet égard, la Commission partage l’avis de l’ancienne Commission de protection de la vie privée, selon laquelle « le fait même d'exercer une fonction publique ou d'utiliser des ressources publiques ne peut pas aboutir à une négation totale du droit au respect de la vie privée des personnes concernées »[3].
La Commission s’est déjà prononcée en ce sens dans son avis n° 176 du 5 mars 2018, en ces termes :
« […] les informations relatives au volume d’emploi[4], ainsi que la copie de la fiche de rémunération annuelle brute, relèvent de la vie privée des personnes concernées. Pour ces informations, l’exception invoquée par la partie adverse est justifiée ».
Certes, dans cet avis la Commission a considéré que la modalité de l’engagement des membres et des experts des cabinets mayoral et scabinaux devait être rendue publique.
En l’espèce cependant, les personnes concernées sont tous des agents communaux, et non des experts ou des consultants. Or, révéler la modalité individuelle de leur engagement porte atteinte à leur vie privée.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est devenu sans objet en ce qui concerne « le Nom et prénom de tous les membres du personnel et Leur grade », cette information ayant été communiquée ;
Pour le surplus, le recours est rejeté en tant qu’il vise « Leur statut (contractuel ou statutaire) et le volume global d’équivalent temps plein concerné pour chaque membre (temps plein/partiel – X hr/semaine) ».