Commune – Enseignement – Nomination – Vie privée – Demande abusive – Communication (non)
En cause :
[…],
Partie requérante,
Contre :
La Ville de Liège, […],
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution ;
Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, tel qu’il a été modifié par le décret du 2 mai 2019, l’article 8, § 1er ;
Vu le Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après : le CDLD), les articles L3231-1 et suivants ;
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs ;
Vu le recours introduit par courrier recommandé le 8 mars 2021 ;
Vu la demande d’information adressée à la partie adverse le 10 mars 2021 et reçue le 11 mars 2021 ;
Vu la réponse de la partie adverse du 26 mars 2021 ;
Vu la décision n° 89 du 12 octobre 2020, rendue entre les mêmes parties.
Objet et recevabilité du recours
1. La demande du 18 janvier 2021 porte sur l’obtention de différents documents relatifs aux diplômes, contrats, justifications des compétences et autres de différentes personnes nommément désignées dans la demande, ainsi que sur « les documents PromS12 pour chaque désignation relevant des fonctions CT Economie générale, CT cours commerciaux et CT psychopédagogie faites en 2017-2018, 2018-2019, 2019-2020 et 2020-2021 ».
2. Les documents sollicités sont, dès lors qu’ils existent et sont en possession de la partie adverse, des documents administratifs au sens de l’article L3211-3 du CDLD.
3. La demande date du 18 janvier 2021, et, à défaut de réponse dans le délai imparti par le décret, a été rejetée implicitement par l’entité concernée le 18 février 2021. La partie requérante a donc introduit valablement son recours dans le délai de 30 jours visé à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du décret du 30 mars 1995, prenant cours le lendemain du rejet implicite.
Examen du recours
4. Dans sa réponse du 26 mars 2021, la partie adverse informe la Commission, qu’elle a déjà fourni, par courrier daté du 12 mars 2021, la plupart des documents sollicités par la partie requérante.
Le recours a dès lors perdu son objet pour ce qui concerne les documents transmis le 12 mars 2021 à la partie requérante.
5. En ce qui concerne les contrats d’expert et les copies de chaque document justifiant des compétences, la partie adverse soutient que « les documents précédemment communiqués, à savoir les actes des autorités communales et le récapitulatif des dossiers des compétences reprenant l’ensemble des informations ayant entrainé l’engagement comme expert des personnes concernées, permettent à [la partie requérante] d’examiner les engagements des experts et d’éventuellement les contester ».
La partie adverse avance également que « les documents demandés, à savoir les diplômes, titres, expériences utiles, reconnaissances, dossier de compétence,…, constitue[nt] des actes de la vie privée qui nécessitent l’accord des personnes concernées ».
6. La partie adverse communique aussi l’avis du délégué à la protection des données qui estime qu’il n’y a pas d’obligation légale ou contractuelle de communication ce qui impliquerait l’obligation d’obtenir le consentement des personnes concernées.
Or, la Commission rappelle que ces documents constituent des documents administratifs. De sorte que le décret du 30 mars 1995 ainsi que les articles L3231-1 et suivants du CDLD s’y appliquent.
7. La partie adverse soulève l’exception prévue par l’article 6, §2, 1°, du décret du 30 mars 1995 qui dispose :
« §2. L'entité ou l’autorité administrative non régionale rejette la demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif, qui lui est adressée en application du présent décret, si la publication du document porte atteinte :
1°à la vie privée, sauf les exceptions prévues par la loi […] ».
Concernant cette exception, la Commission relève qu’elle a été mise en possession, à titre confidentiel, de documents contenant des éléments relatifs à la vie privée des différents candidats en concurrence avec le requérant. Sans préjudice de l’exception relative au caractère abusif de la demande, laquelle sera examinée ci-dessous, plusieurs points présents dans les documents sollicités contiennent dès lors des informations relatives à la vie privée de différentes personnes physiques. Conformément à l’article 6, §2, 1°, et §4[1], du décret du 30 mars 1995, les mentions relatives à la vie privée devront faire l’objet d’une analyse in concreto et le cas échéant d’une communication partielle.
8. Par ailleurs, l’article L3231-3 du CDLD dispose notamment comme suit :
« Sans préjudice des autres exceptions établies par la loi ou le décret pour des motifs relevant de l’exercice des compétences de l’autorité fédérale, de la Communauté ou de la Région, l’autorité administrative provinciale ou communale peut rejeter une demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif dans la mesure où la demande :
3° est manifestement abusive ou répétée (…) »
Eu égard à l’ampleur de la vérification susmentionnée, la Commission rappelle qu’elle s’est déjà prononcée à plusieurs reprises sur la communication d’un nombre important de documents[2]. Elle y a notamment admis que le travail de vérification des exceptions légales pouvait constituer une demande manifestement abusive, au sens de l’article L3231-3 du CDLD, tout en rappelant que :
« Une demande abusive est une demande qui nécessite pour y répondre un travail qui mette en péril le bon fonctionnement de la commune. Un simple surcroît de travail ne peut suffire à considérer une demande comme manifestement abusive »[3].
Il a par ailleurs été jugé par le Conseil d’Etat[4] que :
« L'examen auquel il doit ainsi être procédé, d'abord pour vérifier si une pièce contient des informations environnementales, et ensuite, le cas échéant, pour déterminer s'il y a lieu d'y appliquer l'une ou l'autre des restrictions au droit d'accès aux informations environnementales, ne se réduit pas à une simple opération matérielle consistant à extraire des pièces des dossiers. Il faut aussi dresser la liste précise des pièces retirées des dossiers et rendre compte de manière concrète et pertinente des motifs pour lesquels elles le sont. Vu le nombre de pièces en cause et la minutie qui doit présider à l'examen auquel il y a lieu de procéder, la charge de travail qu'occasionne celui-ci est d'une ampleur considérable. Compte tenu de ce qui précède, réserver une suite favorable à une demande d'information qui, comme en l'espèce, porterait, selon la partie intervenante, sur pas moins de 10.000 pages, lesquelles ne sont pas toutes rédigées dans une des langues nationales, impliquerait une charge de travail disproportionnée au regard des intérêts en cause. Il convient en effet d'avoir égard au fait que les missions dont ce service est chargé présentent un caractère d'intérêt général et qu'il importe de veiller à ce que leur exercice ne soit pas entravé ou déraisonnablement perturbé. Si l'information du public doit faire partie des préoccupations de l'autorité administrative, toutefois, celle-ci ne peut être tenue de consacrer une charge de travail d'une ampleur de celle décrite ci-dessus, en vue de répondre à la demande de la partie requérante, fût-elle une association de défense de l'environnement. Si légitimes que soient les intérêts de cette dernière, ils ne suffisent pas à justifier que soient mises à la charge du S.P.F. concerné des obligations d'une telle ampleur ».
En l’espèce, la partie adverse avance que rien que pour « les recherches et vérifications aux seules désignations des membres du personnel enseignant mentionné dans le classement TP définitif et moins bien classés que [la partie requérante], cela représente 47 enseignants dans 8 établissements scolaires de promotion sociale, 6 établissements scolaires d’enseignement secondaire et un CEFA ». Cela impliquerait la mobilisation de « deux agents de l’instruction publique à temps plein pendant environ une semaine et demie ».
La demande implique une quantité de travail importante pour un ensemble de documents volumineux, qui doivent en outre être d’abord identifiés, s’agissant de ceux portant sur « les documents PromS12 pour chaque désignation relevant des fonctions CT Economie générale, CT cours commerciaux et CT psychopédagogie faites en 2017-2018, 2018-209, 2019-2020 et 2020-2021 ». Cette vérification minutieuse apparaît d’une ampleur telle que la demande peut être considérée comme manifestement abusive, d’autant plus qu’une grande partie de la demande a été satisfaite le 9 mars 2021.
Le cas échéant, le requérant pourra introduire une nouvelle demande mieux ciblée pour les documents dont il souhaite encore obtenir communication.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours a perdu son objet pour ce qui concerne les documents transmis le 12 mars 2021 à la partie requérante et est rejeté pour le surplus.