Commune – Inventaire immeubles abandonnés – Document inachevé ou incomplet (non) – Communication
En cause :
[…],
Partie requérante,
Contre :
La Ville de Liège,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution ;
Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, tel qu’il a été modifié par le décret du 2 mai 2019, l’article 8, § 1er ;
Vu le Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après : le CDLD), les articles L3231-1 et suivants ;
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs ;
Vu le recours introduit par courriel le 8 avril 2021 ;
Vu la demande d’information adressée à la partie adverse le 12 avril 2021 et reçue le 13 avril 2021 ;
Vu la réponse de la partie adverse du 23 avril 2021.
Objet et recevabilité du recours
1. La demande du 25 février 2021 porte sur l’obtention d’une copie, sous forme électronique, du ou des « inventaires des immeubles privés inoccupés ou abandonnés ». La partie requérante précise que « cet inventaire existe au moins en deux formats : un provenant du service logement et un provenant du service des taxes ».
2. Les documents sollicités sont, dès lors qu’ils existent et sont en possession de la partie adverse, des documents administratifs au sens de l’article L3211-3 du CDLD.
3. En ce qui concerne les modalités d’introduction du recours, la partie requérante a introduit son recours par courriel. Or, en principe, le simple courrier électronique n’est pas de nature à conférer une date certaine.
Toutefois, la date du courrier recommandé envoyé à la partie adverse en application de l’article 8bis, alinéa 3, du décret du 30 mars 1995[1], confère, le cas échéant, date certaine au recours. La Commission attire l’attention sur le risque que prend la partie requérante en termes d’expiration du délai de recours dans un tel cas[2].
4. En l’espèce, le courrier recommandé en application de l’article 8bis, alinéa 3, susmentionné a été envoyé à la partie adverse le 12 avril 2021. Dès lors, il y a lieu de considérer cette date certaine comme celle du présent recours. La demande date du 25 février 2021, et a été rejetée implicitement par l’entité concernée le 29 mars 2021. La partie requérante a donc introduit valablement son recours dans le délai de 30 jours visé à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du décret du 30 mars 1995, prenant cours le lendemain du rejet implicite.
Examen du recours
5. La partie adverse invoque l’exception relative à un document administratif dont la divulgation peut être source de méprise, le document étant inachevé ou incomplet, prévue à l’article L3231-3, alinéa 1er, 1°, du CDLD. Elle explique que l’inventaire de 2018 réalisé par le Service logement est en cours de vérification.
6. La Commission rappelle que, selon sa jurisprudence, le risque de méprise, peut par exemple se dégager du caractère « non officiel » du document, présenté comme un instrument de travail dont toutes les conséquences ne sont pas dégagées ; du caractère partiel des informations en possession de l’autorité, ou encore de la présentation formelle du document, qui peut être source de méprise[3].
Cette exception légale doit réunir deux conditions cumulatives. Le document doit être inachevé, d’une part, et être source de méprise ou malentendu, d’autre part.
La Commission estime que le fait que le document soit en constante évolution, comme le soutient la partie adverse, ne peut pas raisonnablement permettre de considérer qu'il serait par conséquent nécessairement inachevé. En effet, tout registre est amené à évoluer, ce qui ne doit pas avoir pour effet de s'opposer à son caractère achevé, et à sa publicité le cas échant, à un moment donné.
Pour le surplus, la Commission n'aperçoit pas en quoi ce document, présenté sous forme de tableau, serait inachevé, puisqu'il est bien abouti par rapport au dernier relevé effectué par le service logement, même si celui-ci n’a pas été actualisé depuis lors.
Enfin, la partie adverse ne convainct pas en quoi le requérant pourrait se méprendre sur la portée de ce document. Une mise en contexte du document avec l’année visée et un avertissement sur le fait qu’il n’a pas encore été entièrement vérifié ou actualisé permettrait à la partie requérante d’éviter tout malentendu.
7. Quant au fichier listant les immeubles soumis à l’application de la taxe sur les immeubles bâtis inoccupés, établi par le service de taxation pour l’année 2020, il est terminé, de sorte que l’exception relative au document inachevé et source de méprise ne s’applique également pas.
Enfin, le fait que les deux listes ne sont pas identiques n’est nullement, comme le prétend la partie adverse, à l’origine d’une source de méprise, puisqu’il suffit qu’elle informe la partie requérante de la date de mise à jour des documents pour que celle-ci puisse comprendre les différences entre ceux-ci.
8. La partie adverse estime enfin que la communication de ces listes serait préjudiciable pour leurs propriétaires dans la mesure où ces logements pourraient être squattés et vandalisés.
Outre le fait que l’usage qui pourrait être fait d’un document, fût-il préjudiciable, ne constitue pas en soi une exception légale à la publicité, la partie adverse n'avance en tout état de cause aucun élément permettant de considérer que cette crainte soit réellement fondée.
9. Au surplus, dès lors que cette identité n’est pas reprise dans les listes, la Commission rappelle que conformément à sa jurisprudence[4], la communication de l’identité des propriétaires des biens en question ne violerait pas le droit à leur vie privée, tant qu'aucune information personnelle les concernant n'est divulguée.
10 La partie adverse communique à la partie requérante les deux listes, et ce, vu l’absence de difficulté, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision. Il lui est loisible de contextualiser la communication de la liste du service du Logement en indiquant qu’il s’agit d’une liste de 2018 en cours de vérification, de sorte que ce document, quoique achevé à l’heure actuelle, pourrait à l’avenir conduire à la rédaction d’une nouvelle liste actualisée.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est fondé.
La partie adverse communique à la partie requérante les deux listes, et ce dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.