CPAS – Tutelle générale d'annulation - Arrêtés d'annulation du Gouverneur de province – Vie privée – Demande abusive (non) – Communication
En cause :
[…],
Partie requérante,
Contre :
Centre public d’action sociale de Bernissart,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution ;
Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, tel qu’il a été modifié par le décret du 2 mai 2019, l’article 8, § 1er ;
Vu la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d’action sociale, l’article 31bis ;
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs ;
Vu le recours introduit par courrier simple le 21 avril 2021 ;
Vu la demande d’information adressée à la partie adverse le 28 avril 2021 et reçue le 29 avril 2021 ;
Vu la réponse de la partie adverse du 12 mai 2021.
Objet et recevabilité du recours
1. La demande du 26 mars 2021 porte sur la prise de « connaissance in extenso de trois arrêtés pris par Monsieur le Gouverneur de la province de Hainaut », dans l’exercice de sa compétence de tutelle générale d’annulation sur les décisions des CPAS (art. 112 de la loi du 8 juillet 1976 précitée).
La partie requérante précise que « le premier concerne la délibération du 17 décembre 2020 octroyant la prime de fin d’année au personnel contractuel à l’exclusion des travailleurs engagés sur pied de l’article 60 §7 de la loi organique des CPAS. Le second concerne la délibération du 17 décembre 2020 octroyant l’allocation de diplôme au délégué à la protection des données.
Le troisième concerne la délibération du 29 octobre 2020 décidant de ne pas récupérer les jetons de présence perçus indûment en 2019. »
Très concrètement, la demande porte en réalité sur les noms des personnes concernées par les arrêtés d’annulation du Gouverneur. Ces noms ont en effet été occultés dans la version des arrêtés dont dispose déjà la partie requérante.
2. Les documents sollicités sont, dès lors qu’ils existent et sont en possession de la partie adverse, des documents administratifs au sens de l’article 1er, alinéa 2, 2°, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration.
3. La demande date du 26 mars 2021, et a été rejetée explicitement par l’entité concernée le 31 mars 2021. La partie requérante a donc introduit valablement son recours dans le délai de 30 jours visé à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995, prenant cours le lendemain de la réception du rejet explicite.
Examen du recours
4. La partie adverse indique à la Commission que la demande du 26 mars 2021 était formulée de manière trop vague et que ce n’est qu’après l’introduction du présent recours qu’elle a compris ce que souhaitait la partie requérante.
C’est suite à cette incompréhension que la partie adverse a indiqué dans son refus à la partie requérante qu’elle ne possédait pas les documents sollicités.
Tel n’est donc pas le cas, et les documents demandés sont bien en possession de la partie adverse.
5. La partie adverse indique également que la partie requérante a déjà eu accès aux documents sollicités. Elle invoque donc l’exception de la demande abusive prévue par l’article 6, §3, 3°, du décret du 30 mars 1995.
Les trois documents sollicités ont effectivement été publiés sur la page Facebook d’un groupe politique actif dans la commune, mais avec l’occultation des noms des personnes concernées.
La Commission estime dès lors que la partie requérante n’abuse pas de son droit en demandant pour une première fois à l’entité partie adverse de pouvoir obtenir les documents dans une version complète.
6. La partie adverse indique encore, dans ses échanges avec la CADA, avoir occulté les documents demandés en vue de protéger la vie privée des personnes concernées. L’exception relative à la vie privée prévue par l’article 6, §2, 1°, du décret du 30 mars 1995 dispose :
« §2. L'entité ou l’autorité administrative non régionale rejette la demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif, qui lui est adressée en application du présent décret, si la publication du document porte atteinte :
1° à la vie privée, sauf les exceptions prévues par la loi […] ».
Le décret wallon du 30 mars 1995 interdit donc à l’autorité de transmettre des informations qui portent atteinte à la vie privée.
Concernant cette exception, la Commission rappelle que les données à caractère personnel, notamment au sens du droit européen[1], sont les informations relatives à une personne physique identifiée ou identifiable, et notamment les informations spécifiques propres à l’identité physique, physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle ou sociale de la personne concernée. Tel est bien sûr le cas des noms des personnes ici concernées.
La Commission souligne néanmoins que les données déjà rendues publiques, ou que les données de personnes exerçant une fonction publique ne bénéficient pas d’une protection équivalente à celles des autres personnes physiques. Elle partage également l’avis de l’ancienne Commission de protection de la vie privée, selon laquelle « le fait même d'exercer une fonction publique ou d'utiliser des ressources publiques ne peut pas aboutir à une négation totale du droit au respect de la vie privée des personnes concernées »[2].
En l’espèce, les noms et qualité des personnes concernées sont liées à des informations relatives à l’heure d’arrivée lors d’une séance du conseil de l’action sociale ou à une prime pour diplôme. Ces informations sont intrinsèquement liées à l’exercice d’une fonction publique par les personnes concernées, de sorte qu’elles ne peuvent pas être considérées comme protégées par l’exception relative à la vie privée. L’exception invoquée par la partie adverse n’est donc pas justifiée.
7. La partie adverse communique les documents sollicités à la partie requérante et ce, vu l’absence d’occultation, dans un délai de 15 jours à compter à partir de la notification de la présente décision.
Par ces motifs, la Commission décide :
La partie adverse communique les documents sollicités à la partie requérante et ce, vu l’absence d’occultation, dans un délai de 15 jours à compter à partir de la notification de la présente décision.