Commune – École communale – Courrier de parents d'élèves au Pouvoir Organisateur – Document à caractère personnel (oui) – Avis ou opinion communiqué librement et à titre confidentiel (non) – Vie privée (oui) – Communication partielle
En cause :
[…],
Partie requérante,
Contre :
La Ville de Spa,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution ;
Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, tel qu’il a été modifié par le décret du 2 mai 2019, l’article 8, § 1er ;
Vu le Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après : le CDLD), les articles L3231-1 et suivants ;
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs ;
Vu le recours introduit par courrier recommandé le 28 mai 2021 ;
Vu la demande d’information adressée à la partie adverse le 4 juin 2021 et reçue le 7 juin 2021 ;
Vu la réponse de la partie adverse du 22 juin 2021.
Objet et recevabilité du recours
1. La demande du 29 avril 2021 porte sur l’obtention d’une copie du courrier envoyé par certains parents d’élèves au Pouvoir Organisateur de l’école communale de Nivezé au sujet du fils de la partie requérante.
2. La demande a été rejetée explicitement par l’entité concernée le 18 mai 2021. Le recours à la Commission a été introduit par courrier recommandé le 28 mai 2021. La partie requérante a donc introduit valablement son recours dans le délai de 30 jours visé à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995, prenant cours le lendemain du rejet explicite.
3. Le document sollicité est, dès lors qu’il existe et est en possession de la partie adverse, un document administratif au sens de l’article L3211-3 du CDLD.
Examen du recours
4. La Commission rappelle qu’en présence d’un document à caractère personnel, le demandeur doit justifier d’un intérêt, conformément à l’article L3231-1, alinéa 2, du CDLD. Il s’agit d’une condition de recevabilité de la demande d’accès[1].
Un document administratif à caractère personnel est défini comme « un document administratif comportant une appréciation ou un jugement de valeur relatif à une personne physique nommément désignée ou aisément identifiable, ou la description d’un comportement dont la divulgation peut manifestement causer un préjudice à cette personne » par l’article L3211-3, 3°, du CDLD.
La Commission rappelle également que l’intérêt requis n’est cependant pas nécessairement un intérêt personnel[2].
En l’espèce, la Commission estime que le document sollicité est un document à caractère personnel. En effet, le courrier sollicité contient la description d’événements et de comportements, d’au minimum une personne identifiable – dont le fils de la partie requérante –, dont la divulgation pourrait manifestement causer un préjudice aux personnes concernées, ou, à tout le moins, emporter un jugement de valeur négatif sur les faits ainsi relatés.
Au vu de ce qui précède, la Commission estime que la partie requérante justifie pleinement, tant à titre personnel qu’au nom de son enfant, de l’intérêt requis pour obtenir la communication du document à caractère personnel visé dans la demande, dès lors que ce document concerne directement son enfant mineur.
5. Dans sa réponse, la partie adverse soulève l’exception relative à un avis ou une opinion, communiqué librement et à titre confidentiel à l’autorité, prévue à l’article L3231-3, alinéa 1er, 2°, du CDLD. Elle allègue aussi que la communication du document sollicité pourrait altérer le climat relationnel dans l’école communale concernée.
6. Il ressort des travaux préparatoires que cette exception, initialement prévue par l’article 6, § 3, 2°, de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration, a pour objectif « d'éviter la création d'un circuit ‘secret’ parallèle d'avis informels, communiqués de manière confidentielle », dans la mesure où « celui qui les donne, ne veut pas que son identité ou son opinion devienne publique », étant entendu que la protection conférée par cette exception « ne vaut qu'à l'égard d'opinions personnelles, et pas à l'égard de données de faits reprises dans les avis ou opinions »[3].
Les conditions d’application de cette exception, cumulatives, sont les suivantes :
- Seuls des avis ou opinions peuvent être pris en considération, à l’exception de simples faits ou constats ;
- L’avis ou l’opinion doit avoir été communiqué spontanément, librement à l’autorité administrative, en l’absence de toute obligation légale ;
- L’avis ou l’opinion est communiqué, de manière expresse, sous le sceau de la confidentialité à l’autorité administrative ;
- La mention de ce caractère confidentiel doit être concomitante à la communication de l’avis ou de l’opinion ;
- L’avis ou l’opinion émane de tiers, à l’exclusion donc des fonctionnaires ou préposés de l’entité administrative[4].
7. Pour qu’un avis ou une opinion puisse être qualifié de « confidentiel », la mention de ce caractère confidentiel doit donc émaner de son auteur, de manière expresse et concomitante à cette communication, ce qui n’est pas le cas dans le document sollicité.
L’exception n’est, en conséquence, pas applicable.
Pour le surplus, le fait que la communication du courrier sollicité puisse influencer les relations au sein de l’établissement scolaire concerné ne constitue pas un motif d’exception.
8. L’exception relative à la protection de la vie privée est prévue à l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995, qui dispose :
« § 2. L'entité ou l'autorité administrative non régionale rejette la demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif, qui lui est adressée en application du présent décret, si la publication du document administratif porte atteinte :
1° à la vie privée, sauf les exceptions prévues par la loi ; […] ».
9. Concernant cette exception, la Commission rappelle que les données à caractère personnel, notamment au sens du droit européen[5], sont les informations relatives à une personne physique identifiée ou identifiable, et notamment les informations spécifiques propres à l’identité physique, physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle ou sociale de la personne concernée.
10. En l’espèce, le nom des personnes physiques identifiées dans le document sollicité sont des informations à caractère personnel dont la divulgation pourrait porter atteinte à leur vie privée.
Toutefois, les données relatives à des personnes exerçant une fonction publique ne bénéficient pas d’une protection équivalente à celles des autres personnes physiques. En l’espèce, le nom de l’instituteur d’une école communale, cité à plusieurs reprises dans le courrier sollicité, est une donnée à caractère personnel relevant strictement de l’exercice de la fonction publique.
En conséquence, la divulgation du nom des personnes physiques identifiées dans le document sollicité porterait atteinte à leur vie privée, à l’exception du nom de l’instituteur.
Par ces motifs, la Commission décide :
La partie adverse communique le document sollicité, en occultant les noms des personnes physiques mentionnées, à l’exception de celui de l’instituteur, et ce, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.