Intercommunale – IDEA – Compte rendu du conseil d'administration – Séance à huis clos – Avis ou opinion communiqué librement à titre confidentiel – Intérêt financier intercommunal – Secret professionnel – Document inachevé ou incomplet (non) – Vie privée – Communication (non)
En cause :
[…],
Partie requérante,
Contre :
L’intercommunale de développement économique et d’aménagement du cœur du Hainaut (IDEA),
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution ;
Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, tel qu’il a été modifié par le décret du 2 mai 2019, l’article 8, § 1er ;
Vu le Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après : le CDLD), les articles L1561-1 et suivants ;
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs ;
Vu le recours introduit par courriel le 31 juillet 2020 ;
Vu la demande d’information adressée à la partie adverse le 12 aout 2020 et reçue le 13 aout 2020 ;
Vu la réponse de la partie adverse reçue le 27 aout 2020 ;
Vu la note d’observation envoyée à la partie requérante le 28 aout 2020.
Objet et recevabilité du recours
1. La demande du 24 juillet 2020 porte sur l’obtention d’une copie du procès-verbal du Conseil d’Administration du 13 mai 2020 relatif à l’implantation d’une entreprise nommément citée.
2. La partie adverse est une intercommunale wallonne, soumise au CDLD dont les articles L1561-1 et suivants organisent la publicité des intercommunales.
3. Le document sollicité est un document administratif au sens de l’article L1561-1 du CDLD dès lors qu’il existe et est en possession de la partie adverse.
4. En ce qui concerne les modalités d’introduction du recours, la partie requérante n’a pas introduit son recours par recommandé, ni par tout autre moyen conférant date certaine à l’envoi. En principe, le simple courrier électronique n’est pas de nature à conférer une date certaine. Toutefois, la date du courrier recommandé envoyé à la partie adverse en application de l’article 8bis, alinéa 3, du décret du 30 mars 1995[1], confère, le cas échéant, date certaine au recours.
La Commission attire l’attention sur le risque que prend la partie requérante en termes d’expiration du délai de recours dans un tel cas[2].
5. En l’espèce, le courrier recommandé en application de l’article 8bis, alinéa 3, susmentionné a été envoyé à la partie adverse le 12 aout 2020. Dès lors, il y a lieu de considérer cette date certaine comme celle du présent recours.
En l’espèce, la demande date du 24 juillet 2020 et a été rejetée explicitement par l’entité concernée le 28 juillet 2020.
La partie requérante a donc introduit valablement son recours dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995, prenant cours le lendemain de la réception du rejet explicite.
Examen du recours
6. Dans sa réponse du 27 aout 2020, la partie adverse avance que les discussions du Conseil d’Administration se sont tenues à huis clos et font état d’opinions et de points de vue exprimés librement par les administrateurs.
7. La Commission rappelle que le caractère « confidentiel des réunions du Conseil d’administration » ne constitue pas en soi un motif légal d’exception à la publicité de l’administration. À l’instar des procès-verbaux des séances à huis clos d’un conseil communal, les documents demandés doivent être communiqués ou un extrait de ceux-ci selon les cas lorsqu’une exception légale trouve spécifiquement à s’appliquer.
8. L’exception relative à l’avis ou opinion communiqué librement et à titre confidentiel à l’autorité, prévue à l’article L1561-6, alinéa 1er, 3°, n’est pas applicable en l’espèce. En effet, le document sollicité ne contient aucun avis ou opinion individualisé ou attribuable à une personne en particulier.
9. La partie adverse invoque l’exception prévue à l’article L1561-6, alinéa 2 sur la protection de l’intérêt financier ou commercial de l’intercommunale.
La partie adverse expose à ce propos que :
« Considérant en effet que la bonne fin des projets d’implantation d’acteurs économiques sur le territoire de l’intercommunale peut constituer un intérêt financier de l’intercommunale justifiant, par exception à la règle de la publicité, de refuser la communication de documents administratifs si elle est de nature à lui nuire.
Par ailleurs, la délibération concernée aborde également les risques financiers liés au projet pour l’intercommunale. A cet égard, il est nécessaire de tenir compte notamment du fait que le conseil juridique de quelques membres du collectif citoyen, dont le requérant se revendique, a déjà écrit à IDEA pour indiquer que 'ses clients n’accepteront pas une décision qui permettrait l’implantation d’une industrie à cet endroit et qu’ils prendront les mesures idoines pour s’y opposer et pour se faire indemniser s’ils ne pouvaient en empêcher l’installation'.
Cela signifie que ce collectif, dont le requérant se revendique, a déjà menacé de mettre en cause la responsabilité de l’IDEA dans le cadre de ce dossier, et que tout document dans lequel des points stratégiques ou confidentiels – comme c’est le cas ici – sont examinés, est susceptible in fine d’être utilisé à des fins d’actions, le cas échéant judiciaires ».
10. La Commission rappelle que cette exception doit être interprétée restrictivement, dès lors « qu’elle ne peut viser toute activité susceptible d’avoir une répercussion sur les finances »[3] de l’intercommunale.
Toutefois, en l’espèce, la partie adverse relève à juste titre que le document sollicité est le résultat d’une réflexion globale, arrêtée à l’issue de discussions avec le cabinet d’avocat consulté par l’intercommunale, dans lequel les risques financiers sont chiffrés en fonction des différentes stratégies de défense. Ces échanges, outre qu’ils sont soumis au secret professionnel, peuvent porter préjudice à l’intérêt financier de l’intercommunale.
La Commission estime dès lors que cette exception peut être appliquée dans le présent cas d’espèce.
11. La partie adverse soulève aussi l’exception prévue à l’article L1561-6, alinéa 1er, 1° :
« le document sollicité fait en outre état de procédure mais aussi de travaux encore inachevés et informe, de manière préalable, le Conseil d’Administration des conséquences potentielles de l’évolution du dossier.
Les considérations et les discussions du Conseil d’Administration du 13 mai 2020 traitant du dossier C. ne peuvent par conséquent être communiquées.
Concrètement, et comme le fait apparaître le dispositif – communiqué au requérant – de la délibération, IDEA a décidé de tenir compte de l'avis et des recommandations du Comité d'audit formulés dans le cadre de la clôture des comptes 2019 en jugeant qu’au vu de la stabilité financière de l’Intercommunale, de sa solvabilité et de sa liquidité, il n’était plus nécessaire de prendre des décisions préalables à celle de la clôture des comptes annuels qui interviendrait le 20 mai 2020 ».
12. La Commission rappelle que l’exception ici invoquée doit réunir deux conditions cumulatives.
Le document doit être inachevé, d’une part, et être source de méprise ou malentendu, d’autre part. Le document sollicité ayant été approuvé par le Conseil d’administration, il ne peut donc s’agir d’un document inachevé. L’exception ne s’applique pas.
13. La partie adverse avance encore que :
« la demande du requérant porte également sur des documents confidentiels (note des avocats de l’IDEA,…) qui n’ont pas vocation à alimenter la ligne de défense des autres parties prenantes dans le cadre de ce dossier.
Compte tenu notamment des menaces de mise en cause de la responsabilité d’IDEA, les discussions relatives au dossier induisent également des discussions stratégiques quant à la position à adopter, celles-ci devant nécessairement conserver un caractère confidentiel, à défaut de quoi leur divulgation pourrait nuire aux intérêts de l’IDEA.
De même, le document dont la communication est demandée porte également sur des discussions entre un avocat et son client (l’IDEA en l’occurrence), pour lesquelles le caractère confidentiel doit être préservé. »
14. La Commission est d’avis que les courriers, entre les cabinets d’avocats et la partie adverse, relèvent de l’exception relative à une obligation de secret instaurée par la loi (secret professionnel) ou le décret prévue à l’article L1561-6, alinéa 2, 2°, du CDLD[4]. Ces parties du document ne doivent donc pas être communiquées.
15. Enfin, la partie adverse invoque que :
« la demande du requérant porte enfin sur des documents comprenant des informations relatives à la vie privée de la société C. (cette dernière bénéficiant aussi du droit au respect de sa vie privée, prenant la forme, pour une personne morale, du doit au secret d’affaires).
Dans le cadre du dossier concerné par la délibération, l’IDEA dispose d’informations relatives aux activités de la société C. – examinées dans la délibération –, et seule cette dernière est habilitée à approuver leur communication, dès lors qu’elles relèvent de son activité commerciale, et partant, du secret des affaires dont elle peut se prévaloir. »
16. La Commission rappelle à cet égard que les données à caractère personnel, notamment au sens du droit européen[5], sont les informations relatives à une personne physique identifiée ou identifiable, et notamment les informations spécifiques propres à l’identité physique, physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle ou sociale de la personne concernée.
En l’espèce, les documents sollicités concernant une entreprise particulière, clairement identifiée, l’anonymisation des documents sollicités ne peut donc pas garantir le droit de cette entreprise à une protection de sa réputation.
Cependant, le document sollicité ne concerne pas spécifiquement les activités menées par cette entreprise. La Commission ne perçoit donc pas en quoi les informations présentes porteraient atteinte à la vie privée ou au secret des affaires de l’entreprise concernée.
17. La partie adverse indique que la partie requérante a déjà obtenu les informations sollicitées :
« En effet, en date du 24 juillet 2020, [la partie requérante] motivait sa demande d’accès au compte-rendu du Conseil d’Administration par le fait qu’il était « intéressé par les décisions qui ont été prises ».
A cet égard, [la partie requérante] a été informé[e] le 31 juillet des décisions prises par le Conseil d’Administration qui a simplement « pris acte du suivi donné au dossier C. et que, s’agissant particulièrement du droit de préférence, le Conseil d’Administration a décidé de tenir compte de l'avis et des recommandations du Comité d'audit formulé dans le cadre de la clôture des comptes 2019 en jugeant qu’au vu de la stabilité financière de l’Intercommunale, de sa solvabilité et de sa liquidité, il n’était plus nécessaire de prendre des décisions préalables à celle de la clôture des comptes annuels qui interviendrait le 20 mai 2020 » .
Aucune autre décision relative au droit de préférence octroyé en 2018 à la société C. n’a été prise par l’intercommunale lors de ce Conseil. La dernière décision en date sur ce sujet a été prise par le Conseil d’Administration du 15 mai 2019, décision qui a été transmise à [la partie requérante] dans le cadre d’une de ses précédentes demandes via transparencia (demande du 12 juin 2019 traitée par IDEA le 1er juillet 2019). »
18. Dans le cas où la partie requérante a obtenu certaines informations sollicitées d’une manière différente, il ne lui est pas interdit de demander l’obtention d’une copie d’un autre document administratif relatant le même sujet. En effet, cette situation ne constitue pas un motif d’exception.
19. Au vu du raisonnement ci-dessus, et des exceptions qui ont été considérées comme étant fondées, le document sollicité ne doit pas être communiqué.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le document sollicité ne doit pas être communiqué.