Commune – Notes de jurisprudence – Document en possession de l'autorité (non) – Rejet du recours – Texte de constitution de partie civile – Obligation de collaboration avec la CADA (article 8ter) – procès-verbal du conseil communal – Communication partielle
En cause :
[…],
Partie requérante,
Contre :
La Ville de Huy,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution ;
Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, tel qu’il a été modifié par le décret du 2 mai 2019, l’article 8, § 1er ;
Vu le Code de la démocratie locale et de la décentralisation, les articles L3231-1 et suivants ;
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs ;
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 2 du 18 mars 2020 relatif à la suspension temporaire des délais de rigueur et de recours fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 contenant le budget général des dépenses de la Région wallonne pour l'année budgétaire 2020, tel qu’il a été modifié par l’arrêté de pouvoirs spéciaux n° 20 du 18 avril 2020 ;
Vu le recours introduit par courriel le 25 mai 2020 ;
Vu la demande d’information adressée à la partie adverse le 26 mai 2020 et reçue le 27 mai 2020 ;
Vu la réponse de la partie adverse reçue le 5 juin 2020.
Objet et recevabilité du recours
1. La demande du 20 février 2020 porte sur l’obtention d’une copie :
- du point n° 134 du PV du conseil communal du 21 octobre 2019 de la Ville de Huy ainsi que tous les éléments qui ont été présentés aux conseillers ;
- des trois jurisprudences référencées dans le PV du 22 mars 2019 (C. cass 27/12/88, CE 11.429 5/10/65, CE 146.149 du 16/06/2005).
2. Les documents sollicités sont des documents administratifs au sens de l’article L3211-3 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation s’ils existent et sont en possession de la partie adverse.
3. La demande date du 20 février 2020. Dès lors, vu la suspension des délais en vertu de l’arrêté de pouvoirs spéciaux du Gouvernement wallon n° 2[1], la demande a été rejetée implicitement le 5 mai 2020.
En ce qui concerne les modalités d’introduction du recours, la partie requérante n’a pas introduit son recours par recommandé, ni par tout autre moyen conférant date certaine à l’envoi. En soi, le simple courrier électronique n’est pas de nature à conférer une date certaine.
Toutefois, la date du courrier recommandé envoyé à la partie adverse en application de l’article 8bis, alinéa 3, du décret du 30 mars 1995[2], confère, le cas échéant, date certaine au recours.
La Commission attire l’attention sur le risque que prend la partie requérante en termes d’expiration du délai de recours dans un tel cas[3].
Le courrier recommandé en application de l’article 8bis, alinéa 3, du décret du 30 mars 1995 a été envoyé à la partie adverse le 26 mai 2020. Il y a lieu de considérer cette date comme la date certaine du présent recours. Dès lors, la partie requérante a introduit valablement son recours dans le délai de 30 jours prenant cours, conformément à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du décret du 30 mars 1995, le lendemain du rejet implicite.
Examen du recours
4. Dans sa réponse, la partie adverse indique à la Commission qu’elle n’est pas en possession des trois jurisprudences. Il s’agit de notes de jurisprudence citées dans un ouvrage.
Le recours est rejeté concernant les trois jurisprudences sollicitées à défaut d’entrer dans la définition de document administratif de l’article 1er, alinéa 2, 2° du décret.
À titre surabondant, la Commission constate que s’agissant de l’arrêt du Conseil d’État du 16 juin 2005, il est librement accessible sur le site internet du Conseil d’État[4].
5. La partie adverse avance à juste titre que cette demande recoupe largement les demandes ayant fait l’objet des décisions nos 8 et 37[5] de la Commission introduites par une partie requérante différente.
6. Les documents transmis par la partie adverse sont :
- Le point n° 134 du PV du conseil communal du 21 octobre 2019 ;
- La délibération n° 77 du collège communal du 4 avril 2016 ;
- La délibération n° 4 du collège communal du 22 mars 2019 ;
- La délibération n° 4 du collège communal du 10 mai 2019.
Le texte de la constitution de partie civile a aussi été présenté aux conseillers lors du conseil du 21 octobre 2019. L’ensemble de ces documents sont donc les documents sollicités par la partie requérante.
7. Le point n° 134 du procès-verbal du 21 octobre 2019 du conseil communal doit être communiqué à la partie requérante en occultant les mentions relatives à la vie privée, comme lors de la décision n° 8.
8. La délibération n° 77 du collège communal du 4 avril 2016, la délibération n° 4 du collège communal du 22 mars 2019, et la délibération n° 4 du collège communal du 10 mai 2019 doivent être communiquées à la partie requérante en occultant les mentions relatives à la vie privée, à savoir le nom mentionné à plusieurs reprises dans ces différentes délibérations.
9. La partie adverse doit communiquer ces documents. Vu le peu d’occultation à réaliser sur les documents sollicités, la partie adverse les communique dans le délai de 15 jours à partir de la notification de la présente décision.
10. La Commission constate que la partie adverse refuse de transmettre le texte de la constitution de partie civile aux motifs que : « ce texte fait désormais partie intégrante d’un dossier répressif. Le principe de la séparation des pouvoirs de même que le principe du secret de l’instruction consacré par le code d’instruction criminelle impliquent à tout le moins que la partie civile devant le juge répressif ne soit pas contrainte à communiquer le texte à la CADA, laquelle est une autorité administrative indépendante ».
11. A cet égard, la Commission rappelle que la circonstance qu’une procédure judiciaire est actuellement pendante ne fait pas obstacle à l’exercice de la compétence de la Commission pour statuer sur le présent recours. En effet, ni la loi du 11 avril 1994, ni le décret du 30 mars 1995 ne définissent d’exceptions liées à l’existence d’une procédure juridictionnelle et, par conséquent, la Commission est compétente nonobstant la saisine du juge judiciaire.
Il est encore précisé qu’il ne paraît pas contraire au principe de la séparation des pouvoirs que de permettre l’accès aux documents administratifs, d’une part, par la voie administrative et, d’autre part, par la voie judiciaire : ces procédures sont distinctes et se fondent sur des législations différentes, quand bien même les mêmes documents sont également sollicités par le même demandeur sur la base de l'article 877 du Code judiciaire ou de l’article 61ter du Code d’instruction criminelle[6].
12. La Commission rappelle encore qu’aucune exception à l’obligation de collaboration dans l’instruction du dossier, instaurée par l’article 8ter, alinéa 1er, du décret du 30 mars 1995 tel qu’inséré par le décret du 2 mai 2019[7], n'est prévue par le décret et ce même si la partie adverse expose les motifs qui justifieraient, selon elle, que les documents sollicités ne pourraient pas être communiqués à la partie requérante.
Il ressort de l’esprit du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’administration que les informations obtenues par la Commission dans le cadre de l’instruction du dossier sont confidentielles.
En ne communiquant pas la moindre information à la Commission, la partie adverse fait obstruction à la mission dévolue à celle-ci, laquelle participe pourtant à la protection d’un droit fondamental, garanti par l’article 32 de la Constitution. La Commission est en effet dans l’impossibilité d’apprécier concrètement l’application des exceptions prévues par le décret. L’absence de collaboration de la partie adverse avec la Commission, en contradiction flagrante avec l’intention du législateur, n’est donc pas admissible.
13. Comme le prévoit l’article 8ter, alinéa 2, du décret du 30 mars 1995, la Commission doit dès lors faire « d'office droit au recours et décide[r], moyennant le respect des exceptions prévues à l'article 6 du présent décret, la production du document demandé » concernant le texte de la constitution de partie civile.
14. Cependant, la communication du document sollicité porterait atteinte à une obligation de secret instauré par une loi, à savoir l’article 57 du code d’instruction criminelle. Par conséquent, conformément à l’article 6, §2, 2°, du décret, la partie adverse ne doit pas communiquer ce document.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est rejeté en ce qu’il concerne les trois jurisprudences.
La partie adverse ne doit pas communiquer le texte de constitution de partie civile.
La partie adverse communique les documents suivants en occultant les mentions relatives à la vie privée à la partie requérante et ce, dans un délai de 15 jours à partir de la notification de la présente décision :
- Le point n° 134 du PV du conseil communal du 21 octobre 2019 ;
- La délibération n° 77 du collège communal du 4 avril 2016 ;
- La délibération n° 4 du collège communal du 22 mars 2019 ;
- La délibération n° 4 du collège communal du 10 mai 2019.