Commune – Procès-verbaux du collège communal – Confidentialité (non) – Vie privée – Informations environnementales – Demande manifestement abusive (oui) – Communication (non)
En cause :
[…],
Partie requérante,
Contre :
Commune de Nassogne,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution ;
Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, tel qu’il a été modifié par le décret du 2 mai 2019, l’article 8, § 1er ;
Vu le Code de la démocratie locale et de la décentralisation, les articles L3231-1 et suivants ;
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs ;
Vu le recours introduit par courriel le 22 juin 2020 ;
Vu la demande d’information adressée à la partie adverse le 3 juillet 2020 et reçue le 6 juillet 2020 ;
Vu la réponse de la partie adverse reçue le 6 juillet 2020.
Objet et recevabilité du recours
1. La demande du 6 juin 2020 porte sur l’obtention d’une copie des « PV de toutes les réunions du collège communal de Nassogne depuis la sortie de la circulaire du ministre Dermagne qui prévoit que les compétences exercées initialement par le Conseil communal le soient par le Collège ».
2. Les documents sollicités sont des documents administratifs au sens de l’article L3211-3 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation.
3. En ce qui concerne les modalités d’introduction du recours, la partie requérante n’a pas introduit son recours par recommandé, ni par tout autre moyen conférant date certaine à l’envoi. En soi, le simple courrier électronique n’est pas de nature à conférer une date certaine.
Toutefois, la date du courrier recommandé envoyé à la partie adverse en application de l’article 8bis, alinéa 3, du décret du 30 mars 1995[1], confère, le cas échéant, date certaine au recours.
La Commission attire l’attention sur le risque que prend la partie requérante en termes d’expiration du délai de recours dans un tel cas[2].
4. En l’espèce, le courrier recommandé en application de l’article 8bis, alinéa 3, précité a été envoyé à la partie adverse le 3 juillet 2020. Dès lors, il y a lieu de considérer cette date certaine comme celle du présent recours. Or la demande date du 6 juin 2020 et a été rejetée explicitement par l’entité concernée le 11 juin 2020.
La partie requérante a donc introduit valablement son recours dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995, prenant cours le lendemain de la réception de la décision de rejet explicite.
Examen du recours
5. Dans sa réponse du 6 juillet 2020, la partie adverse soulève que :
« vu que les séances du Collège communal se déroulent à huis clos et que les PV qui en ressortent ne sont pas rendus publics, nous n'estimions pas que ceux contenant des informations provenant de compétences habituellement dévolues au Conseil devaient être diffusés, alors que le législateur n'avait rien prévu de tel ».
6. Le caractère « confidentiel des réunions du Collège » ne constitue pas en soi un motif légal d’exception à la publicité de l’administration.
A l’instar des procès-verbaux des séances à huis clos d’un conseil communal, les documents demandés doivent être communiqués ou un extrait de ceux-ci selon les cas lorsqu’une exception légale trouve spécifiquement à s’appliquer[3].
7. La Commission rappelle toutefois que, lorsque les documents sollicités relèvent d’informations relatives à l’environnement visées à l’article D.10 du Code de l’environnement ou d’information environnementale telle que définie par l’article D.6, 11°, du Code de l’environnement, la présente Commission n’est pas compétente, seule la Commission régionale d’accès à l’information environnementale (CRAIE) étant compétente. Il ressort, en effet, des travaux parlementaires que l’intention des auteurs de l’avant-projet de Code de l’environnement était établie en ce sens que l’application des textes généraux relatifs à la publicité de l’administration (notamment pour les pouvoirs locaux) ne s’étend pas aux matières environnementales[4].
Les documents sollicités regroupent plusieurs thématiques dont certaines en lien direct avec des informations environnementales (permis d’urbanisme entre autres). La Commission n’est dès lors pas compétente concernant les points relatifs aux informations environnementales présents dans les différents procès-verbaux sollicités.
8. Statuer sur une telle demande implique de vérifier l’application des exceptions légales applicables à chaque points des 16 procès-verbaux sollicités.
9. L’article L3231-3 du CDLD dispose notamment comme suit :
« Sans préjudice des autres exceptions établies par la loi ou le décret pour des motifs relevant de l’exercice des compétences de l’autorité fédérale, de la Communauté ou de la Région, l’autorité administrative provinciale ou communale peut rejeter une demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif dans la mesure où la demande: 3° est manifestement abusive ou répétée (…) »
Eu égard à l’ampleur de la vérification susmentionnée, la Commission rappelle qu’elle s’est déjà prononcée à plusieurs reprises sur la communication d’un nombre important de procès-verbaux du collège communal[5]. Elle y a notamment admis que le travail de vérification des exceptions légales pouvait rendre une demande manifestement abusive, au sens de l’article L3231-3 du CDLD, tout en rappelant que : « Une demande abusive est une demande qui nécessite pour y répondre un travail qui mette en péril le bon fonctionnement de la commune. Un simple surcroît de travail ne peut suffire à considérer une demande comme manifestement abusive » [6].
Il a par ailleurs été jugé par le Conseil d’Etat[7] que :
« L'examen auquel il doit ainsi être procédé, d'abord pour vérifier si une pièce contient des informations environnementales, et ensuite, le cas échéant, pour déterminer s'il y a lieu d'y appliquer l'une ou l'autre des restrictions au droit d'accès aux informations environnementales, ne se réduit pas à une simple opération matérielle consistant à extraire des pièces des dossiers. Il faut aussi dresser la liste précise des pièces retirées des dossiers et rendre compte de manière concrète et pertinente des motifs pour lesquels elles le sont. Vu le nombre de pièces en cause et la minutie qui doit présider à l'examen auquel il y a lieu de procéder, la charge de travail qu'occasionne celui-ci est d'une ampleur considérable.
Compte tenu de ce qui précède, réserver une suite favorable à une demande d'information qui, comme en l'espèce, porterait, selon la partie intervenante, sur pas moins de 10.000 pages, lesquelles ne sont pas toutes rédigées dans une des langues nationales, impliquerait une charge de travail disproportionnée au regard des intérêts en cause. Il convient en effet d'avoir égard au fait que les missions dont ce service est chargé présentent un caractère d'intérêt général et qu'il importe de veiller à ce que leur exercice ne soit pas entravé ou déraisonnablement perturbé. Si l'information du public doit faire partie des préoccupations de l'autorité administrative, toutefois, celle-ci ne peut être tenue de consacrer une charge de travail d'une ampleur de celle décrite ci-dessus, en vue de répondre à la demande de la partie requérante, fût-elle une association de défense de l'environnement. Si légitimes que soient les intérêts de cette dernière, ils ne suffisent pas à justifier que soient mises à la charge du S.P.F. concerné des obligations d'une telle ampleur ».
A cet égard, il apparaît à la Commission que la demande implique une quantité de travail importante pour un ensemble de documents volumineux (156 pages), sollicités en bloc et en général, sans qu’aucune thématique particulière ne soit visée. Cet examen minutieux apparaît d’une ampleur telle que la demande peut être considérée comme manifestement abusive.
Il en va d’autant plus ainsi que la première séance du conseil communal après l’application du système dérogatoire lié à la pandémie a rappelé toutes les décisions prises par le collège communal en lieu et place du conseil[8]. La séance était publique et est encore disponible sur la chaîne Youtube de la commune.
10. La partie requérante reste libre de réitérer sa demande en la précisant auprès de l’entité dans des proportions raisonnables[9], par exemple en ciblant les points relevant de la compétence du conseil communal.
Par ces motifs, la Commission décide :
La demande est manifestement abusive, de sorte que les documents sollicités ne doivent pas être communiqués.