Commune – Procès-verbaux du collège communal – Confidentialité (non) – Informations environnementales – Demande manifestement abusive (oui) – Communication (non)
En cause :
[…],
Partie requérante,
Contre :
Commune de Fléron,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution ;
Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, tel qu’il a été modifié par le décret du 2 mai 2019, l’article 8, § 1er ;
Vu le Code de la démocratie locale et de la décentralisation, les articles L3231-1 et suivants ;
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs ;
Vu le recours introduit par courriel le 29 juin 2020 ;
Vu la demande d’information adressée à la partie adverse le 3 juillet 2020 et reçue le 6 juillet 2020 ;
Vu la réponse de la partie adverse reçue le 13 juillet 2020.
Objet et recevabilité du recours
1. La demande du 26 mai 2020 porte sur l’obtention des « PV du Collège du 19 mars 2020 jusqu'à ce jour ».
Dans son courrier de saisine de la Commission, le requérant indique ce qui suit :
« La Commune de Fléron n’a toujours pas répondu à ma demande du 26 mai 2020 concernant les copies des PV du Collège pendant la période des pouvoirs spéciaux confiés à ceux-ci suite au confinement crise Covid.
Ils se sont mélangé les pinceaux avec une réponse sur une autre demande n’ayant rien à voir avec celle-ci ».
Cependant, il ressort de l’examen de la délibération du 18 juin 2020 du collège communal de Fléron que cette délibération est relative à la demande d’accès du 26 mai 2020 du requérant, qui demande à la commune de lui « envoyer tous les PV du Collège du 19 mars 2020 jusqu'à ce jour ». Cette décision a été notifiée au requérant par email du 22 juin 2020.
Il y a donc lieu d’interpréter le recours de manière bienveillante, en décidant qu’il vise la décision explicite de la commune, et non une décision implicite de rejet par l’effet du décret[1].
2. Les documents sollicités sont des documents administratifs au sens de l’article L3211-3 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation.
3. En ce qui concerne les modalités d’introduction du recours, la partie requérante n’a pas introduit son recours par recommandé, ni par tout autre moyen conférant date certaine à l’envoi. En soi, le simple courrier électronique n’est pas de nature à conférer une date certaine. Toutefois, la date du courrier recommandé envoyé à la partie adverse en application de l’article 8bis, alinéa 3, du décret du 30 mars 1995[2], confère, le cas échéant, date certaine au recours.
La Commission attire l’attention sur le risque que prend la partie requérante en termes d’expiration du délai de recours dans un tel cas[3].
4. En l’espèce, le courrier recommandé en application de l’article 8bis, alinéa 3, susmentionné a été envoyé à la partie adverse le 3 juillet 2020. Dès lors, il y a lieu de considérer cette date certaine comme celle du présent recours. Or la demande date du 26 mai 2020 et a été rejetée explicitement par l’entité concernée le 22 juin 2020.
La partie requérante a donc introduit valablement son recours dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995, prenant cours le lendemain de la réception du rejet explicite.
Examen du recours
5. Par une délibération du 18 juin 2020, la décision dont recours indique ce qui suit, en réponse à la demande du requérant :
« Considérant que les séances du collège communal se tiennent à huis-clos; que les contenus des procès-verbaux contiennent de nombreuses informations qui vont au delà de la simple mention des décisions prises et qui peuvent être soumises à des exceptions légales; qu'en l'état il s'agit d'un motif suffisant pour ne pas communiquer tout ou partie des procès-verbaux réclamés;
Considérant que la demande telle que formulée n'est pas ciblée et partant, manifestement disproportionnée et abusive;
Considérant que la sélection et l'examen de chacun des documents susvisés relève d'une logistique très conséquente notamment en termes de temps, de moyens financiers et de vérification au regard des différentes législations à respecter (transparence administrative, respect de la vie privée, RGPD, secret des affaires, marchés publics, droits d'auteurs, ...);que concrètement cela représente plusieurs centaines de pages ; que l'examen de chacun de ces documents constitue en soi un travail considérable;
Considérant que le collège communal est fondé à rejeter une demande manifestement abusive selon le prescrit de l'article L 3231-3 du CDLD;
Considérant qu'une demande abusive est une demande qui nécessite pour y répondre un travail qui mette en péril le bon fonctionnement de la commune;
Considérant que l'examen auquel il doit ainsi être procédé ne se réduit pas à une simple opération matérielle consistant à d'abord rassembler des pièces de dossiers mais encore à en extraire certaines; qu'il II faut aussi dresser la liste précise des pièces retirées des dossiers et rendre compte de manière concrète et pertinente des motifs pour lesquels elles le sont; que vu le nombre de pièces en cause et la minutie qui doit présider à l'examen auquel il y a lieu de procéder, la charge de travail qu'occasionne celui-ci est d'une ampleur considérable;
Considérant que réserver une suite favorable à une demande d'information qui, comme en l'espèce, porterait, sur plusieurs centaines de pages, impliquerait une charge de travail disproportionnée au regard des intérêts en cause; qu'il convient en effet d'avoir égard au fait que les missions dont ce service est chargé présentent un caractère d'intérêt général et qu'il importe de veiller à ce que leur exercice ne soit pas entravé ou déraisonnablement perturbé; que si l'information du public doit faire partie des préoccupations de l'autorité administrative, toutefois, celle-ci ne peut être tenue de consacrer une charge de travail d'une ampleur de celle décrite ci-dessus, en vue de répondre à la demande de la partie requérante; que si légitimes que soient les intérêts de cette dernière, ils ne suffisent pas à justifier que soient mises à la charge de la commune des obligations d'une telle ampleur,
Considérant que, pour ces motifs, il y lieu de rejeter la demande ».
6. Dans sa réponse du 13 juillet 2020, la partie adverse soulève que les documents sollicités comportent des décisions d’intérêt communal et d’intérêt général, dont un certain nombre porte sur des données à caractère personnel.
7. La Commission rappelle que, lorsque les documents sollicités relèvent d’informations relatives à l’environnement visées à l’article D.10 du Code de l’environnement ou d’information environnementale telle que définie par l’article D.6, 11°, du Code de l’environnement, la présente Commission n’est pas compétente, seule la Commission régionale d’accès à l’information environnementale (CRAIE) étant compétente. Il ressort, en effet, des travaux parlementaires que l’intention des auteurs de l’avant-projet de Code de l’environnement était établie en ce sens que l’application des textes généraux relatifs à la publicité de l’administration (notamment pour les pouvoirs locaux) ne s’étend pas aux matières environnementales[4].
Les documents sollicités regroupent plusieurs thématiques dont certaines en lien direct avec des informations environnementales (permis d’urbanisme entre autres). La Commission n’est dès lors pas compétente concernant les points relatifs aux informations environnementales présents dans les différents procès-verbaux sollicités.
8. Statuer sur une telle demande implique de vérifier l’application des exceptions légales applicables à chacun des points de chacun des 13 procès-verbaux sollicités.
Ainsi, plusieurs points présents dans les documents sollicités contiennent des informations relatives à la vie privée de différentes personnes physiques. Conformément à l’article 6, §2, 1°, du décret du 30 mars 1995, les mentions relatives à la vie privée doivent être occultées.
9. Par ailleurs, l’article L3231-3 du CDLD dispose notamment comme suit :
« Sans préjudice des autres exceptions établies par la loi ou le décret pour des motifs relevant de l’exercice des compétences de l’autorité fédérale, de la Communauté ou de la Région, l’autorité administrative provinciale ou communale peut rejeter une demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif dans la mesure où la demande: 3° est manifestement abusive ou répétée (…) »
Eu égard à l’ampleur de la vérification susmentionnée, la Commission rappelle qu’elle s’est déjà prononcée à plusieurs reprises sur la communication d’un nombre important de procès-verbaux du collège communal[5]. Elle y a notamment admis que le travail de vérification des exceptions légales pouvait constituer une demande manifestement abusive, au sens de l’article L3231-3 du CDLD, tout en rappelant que : « Une demande abusive est une demande qui nécessite pour y répondre un travail qui mette en péril le bon fonctionnement de la commune. Un simple surcroît de travail ne peut suffire à considérer une demande comme manifestement abusive » [6].
Il a par ailleurs été jugé récemment par le Conseil d’Etat[7] que :
« L'examen auquel il doit ainsi être procédé, d'abord pour vérifier si une pièce contient des informations environnementales, et ensuite, le cas échéant, pour XIII - 7825 - 31/32 déterminer s'il y a lieu d'y appliquer l'une ou l'autre des restrictions au droit d'accès aux informations environnementales, ne se réduit pas à une simple opération matérielle consistant à extraire des pièces des dossiers. Il faut aussi dresser la liste précise des pièces retirées des dossiers et rendre compte de manière concrète et pertinente des motifs pour lesquels elles le sont. Vu le nombre de pièces en cause et la minutie qui doit présider à l'examen auquel il y a lieu de procéder, la charge de travail qu'occasionne celui-ci est d'une ampleur considérable.
Compte tenu de ce qui précède, réserver une suite favorable à une demande d'information qui, comme en l'espèce, porterait, selon la partie intervenante, sur pas moins de 10.000 pages, lesquelles ne sont pas toutes rédigées dans une des langues nationales, impliquerait une charge de travail disproportionnée au regard des intérêts en cause. Il convient en effet d'avoir égard au fait que les missions dont ce service est chargé présentent un caractère d'intérêt général et qu'il importe de veiller à ce que leur exercice ne soit pas entravé ou déraisonnablement perturbé. Si l'information du public doit faire partie des préoccupations de l'autorité administrative, toutefois, celle-ci ne peut être tenue de consacrer une charge de travail d'une ampleur de celle décrite ci-dessus, en vue de répondre à la demande de la partie requérante, fût-elle une association de défense de l'environnement. Si légitimes que soient les intérêts de cette dernière, ils ne suffisent pas à justifier que soient mises à la charge du S.P.F. concerné des obligations d'une telle ampleur ».
A cet égard, la demande implique une quantité de travail importante pour un ensemble de documents volumineux (318 pages), sollicités en bloc et en général, sans qu’aucune thématique particulière ne soit visée. Cette vérification minutieuse apparaît d’une ampleur telle que la demande peut être considérée comme manifestement abusive.
10. La partie requérante reste libre de réitérer sa demande en la précisant auprès de l’entité dans des proportions raisonnables[8], par exemple en ciblant les points relevant de la compétence du conseil communal eu égard à l’arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 5[9].
Par ces motifs, la Commission décide :
La demande est manifestement abusive, de sorte que les documents sollicités ne doivent pas être communiqués.