Personne morale de droit public – SOGEPA – Rapport – Factures d'honoraires – Secret des affaires – Vie privée – Communication partielle
En cause :
[…],
Partie requérante,
Contre :
La Société wallonne de Gestion et de Participations (SOGEPA),
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution ;
Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, tel qu’il a été modifié par le décret du 2 mai 2019, l’article 8, § 1er ;
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs ;
Vu le recours introduit par courriel le 13 octobre 2020 ;
Vu la demande d’information adressée à la partie adverse le 15 octobre 2020 et reçue le 19 octobre 2020 ;
Vu la réponse de la partie adverse reçue le 2 novembre 2020.
Objet et recevabilité du recours
1. Le recours porte sur l’obtention d’une copie de :
- Le ou les rapports et/ou audits réalisés par la société Deloitte dans le cadre du dossier Thunder Power / reconversion du site Caterpillar ;
- La ou les factures d’honoraires de la société Deloitte pour la réalisation du ou des rapports et/ou audits précités.
2. Les documents sollicités sont, pour autant qu’ils existent et soient en possession de la partie adverse, des documents administratifs au sens de l’article 1er, alinéa 2, 2°, du décret du 30 mars 1995.
3. En ce qui concerne les modalités d’introduction du recours, la partie requérante n’a pas introduit son recours par recommandé, ni par tout autre moyen conférant date certaine à l’envoi. En principe, le simple courrier électronique n’est pas de nature à conférer une date certaine. Toutefois, la date du courrier recommandé envoyé à la partie adverse en application de l’article 8bis, alinéa 3, du décret du 30 mars 1995[1], confère, le cas échéant, date certaine au recours.
La Commission attire l’attention sur le risque que prend la partie requérante en termes d’expiration du délai de recours dans un tel cas[2].
4. En l’espèce, le courrier recommandé en application de l’article 8bis, alinéa 3, susmentionné a été envoyé à la partie adverse le 15 octobre 2020. Dès lors, il y a lieu de considérer cette date certaine comme celle du présent recours.
5. La demande du 7 octobre a été rejetée explicitement par l’entité administrative le 12 octobre 2020. La partie requérante a donc introduit valablement son recours dans le délai de 30 jours visé à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995, prenant cours le lendemain de la réception du rejet explicite.
Examen du recours
6. En ce qui concerne le rapport sollicité, dans sa réponse du 2 novembre 2020, la partie adverse invoque l’exception relative à la vie privée et au secret des affaires, prévue à l’article 6, §2, 1°, du décret du 30 mars 1995.
7. Le droit au respect de la vie privée des personnes morales englobe la protection de leurs secrets d’affaires. Ce principe général de droit a été reconnu par la Cour constitutionnelle dans son arrêt n° 118/2007 du 19 septembre 2007. Selon la Commission européenne, ce principe protège notamment « les informations techniques et financières relatives au savoir-faire, les méthodes de calcul des coûts, les secrets et procédés de fabrication, les sources d’approvisionnement, les quantités produites et vendues, les parts de marché, les fichiers de client et de distributeurs, la stratégie commerciale, la structure de coûts et de prix ou encore la politique de vente d’une entreprise ».
Il est également protégé par les articles XI.332/1 et suivants du Code de droit économique.
L’article I.17/1, 1° du Code de droit économique définit le secret d’affaires comme suit :
« information qui répond à toutes les conditions suivantes : a) elle est secrète en ce sens que, dans sa globalité ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, elle n'est pas généralement connue des personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre d'information en question, ou ne leur est pas aisément accessible ; b) elle a une valeur commerciale parce qu'elle est secrète ; c) elle a fait l'objet, de la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à la garder secrète ».
8. En l’espèce, le rapport sollicité comprend des informations directement liées au « business plan », documents financiers, de la société visée dans le rapport. Ces informations répondent aux conditions citées à l’article 1.17/1, 1°, du Code de droit économique en ce qu’elles sont secrètes, qu’elles ne sont pas connues des personnes appartenant au milieu et que cela leur donne une valeur commerciale.
Le fait qu’ils ont fait l’objet d’une communication à la société Deloitte et de celle-ci à la partie adverse ne met pas en cause ce caractère secret, l’ensemble de ces échanges étant intervenus sous le sceau de la confidentialité.
Il est d’ailleurs mentionné expressément sur la page de garde que le rapport est privé et qu’il est confidentiel, tandis que sur sa deuxième page il précise ceci :
« This report is strictly private and confidential to the Recipient Parties (as defined in the contract dated 19 January 2018 the “ Save as expressly provided for in the Contract, the report must not be recited or referred to in any document, or copied or made available (in whole or in part) to any other party. This report contains a number of outstanding matters identified by square brackets that require clarification or confirmation by management. We therefore reserve the right to add, delete and/or amend the report as appropriate […] »[3].
9. La Commission considère que la communication du rapport susmentionné porte atteinte à la protection des secrets d’affaires, de sorte qu’il ne doit pas être transmis à la partie requérante.
10. En ce qui concerne les factures d’honoraires, la partie adverse les a toutes les trois transmises à la Commission et ne soulève aucune exception à leur communication.
11. La Commission soulève toutefois que les factures contiennent des informations relatives à la vie privée, à savoir le nom du « invoicer » et du « manager » ainsi que les autres noms de personnes physiques mentionnées sur la facture datée du 27 novembre 2018.
12. La partie adverse doit communiquer les factures à la partie requérante, sous réserve de l’occultation des mentions relatives à la vie privée, et ce dans un délai de 15 jours, vu le peu d’informations à occulter.
Par ces motifs, la Commission décide :
La partie adverse doit communiquer les factures à la partie requérante, sous réserve de l’occultation des mentions relatives à la vie privée, et ce dans un délai de 15 jours à compter à partir de la notification de la présente décision.