Intercommunale – CHR de Huy – Dossier d'instruction pré-disciplinaire – Vie privée – Document à caractère personnel (oui) – Obligation de secret imposé par la loi (non)– Opinion communiquée librement ou à titre confidentiel (oui) – Rejet du recours – Communication partielle
En cause :
[…],
Partie requérante,
Contre :
L’intercommunale Centre Hospitalier régional de Huy, […],
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution ;
Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, tel qu’il a été modifié par le décret du 2 mai 2019, l’article 8, § 1er ;
Vu le Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après : le CDLD), les articles L1561-1 et suivants ;
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs ;
Vu le recours introduit par courriel le 16 octobre 2020 ;
Vu la demande d’information adressée à la partie adverse le 16 octobre 2020 et reçue le 19 octobre 2020 ;
Vu la réponse de la partie adverse reçue le 30 octobre 2020 ;
Vu la note d’observation envoyée à la partie requérante le 30 octobre 2020.
Objet et recevabilité du recours
1. La demande du 25 septembre 2020 porte sur l’obtention d’une copie « de différentes pièces rassemblées par l’instructeur afin d’assurer la défense de ses intérêts et pouvoir se prononcer en toute connaissance de cause sur les manquements qui lui seraient reprochés et d’assurer utilement et de manière complète ses droits à la défense ».
Dans son recours, la partie requérante précise sa demande en énumérant chaque document dont elle souhaite avoir une copie :
1) Copie du PV de l’audition de ses trois confrères : […] ;
2) Copie du PV de l’audition de Mme […] ;
4) Copie du PV de l’audition de Mme. […] ;
4) Copie du PV de l’audition de Mme. […] ;
5) Copie du PV de l’audition de M. […] ;
6) Copie du courrier adressé au Conseil médical par la Direction du Département Infirmier et évoqué lors de la réunion du 21/04/2020 du Conseil médical ;
7) Copie du courrier adressé au Conseil médical par le […] et évoqué lors de la réunion du 21/04/2020 du Conseil médical ;
8) Copie des lettres des démissions des 5 agents ([…]) imputées au […], démissions citées dans le courrier que la Direction générale a adressé au […] le 24/01/2019 ;
9) Copie de la lettre de démission de M. […] imputée au […], démission citée par le courrier que le Directeur médical a adressé au […] le 17/06/2019 annonçant l’ouverture de l’audit médical ciblé ;
10) Copie des demandes de mutations des agents PSG imputées au […], mutations citées par le […] dans son courrier du 28/01/2020 ;
11) Les réponses données par le Directeur médical aux dix questions qui lui ont été adressées par le Conseil médical dans le cadre de l’instruction, ainsi que la liste de ces dix questions ;
12) Copie de tout autre document inclus dans le dossier de cette instruction.
2. La partie adverse conteste la qualité d’entité administrative du conseil médical en argumentant que :
« Le Conseil médical est l’organe représentatif des médecins de l’hôpital et est, à ce titre, l’interlocuteur obligé du Gestionnaire pour toutes questions relevant de sa compétence conformément à la loi sur les hôpitaux à laquelle il est soumis. Il n’est pas en soi une autorité administrative ni-même décisionnelle raison pour laquelle le principe général de bonne administration […] ne s’applique pas au Conseil médical dans le cadre de cette instruction ce qui a justifié la non-transmission des documents demandés par la partie requérante. »
Le Conseil médical est un organe de l’Intercommunale Centre Hospitalier régional de Huy, dont les compétences sont notamment prévues dans la « Règlementation générale médicale du Centre hospitalier régional de Huy ».
Il y a donc lieu de désigner comme partie adverse l’intercommunale Centre Hospitalier régional de Huy, en lieu et place de son conseil médical. Dès lors qu’elle est constituée en Intercommunale, la partie adverse est soumise au CDLD dont les articles L1561-1 et suivants organisent la publicité des intercommunales.
L’exception d’irrecevabilité soulevée par la partie adverse est donc rejetée.
3. La partie adverse a informé la Commission qu’elle ne dispose pas de tous les documents sollicités. Les documents qui ne sont pas en possession de la partie adverse ne sont par conséquent pas des documents administratifs au sens de l’article au sens de l’article L1561-1 du CDLD. Le recours est donc rejeté en ce qui les concerne.
Ainsi, aucun document n’ayant été transmis à la Commission en réponse au point 12 de la demande, la Commission rappelle que ces documents, s’ils existent, doivent être communiqués sous réserve des exceptions légales.
4. La Commission rappelle qu’elle n’est pas compétente pour statuer sur des demandes nouvelles. Le recours est donc rejeté pour les documents qui n’existaient pas au moment de la demande du 25 septembre 2020, dont le PV de l’audition de M. […] (point 5) et les PV des auditions qui devaient se dérouler le mardi 27 octobre 2020.
5. Les autres documents sollicités sont des documents administratifs au sens de l’article L1561-1 du CDLD dès lors qu’ils existent et sont en possession de la partie adverse.
6. En ce qui concerne les modalités d’introduction du recours, la partie requérante n’a pas introduit son recours par recommandé, ni par tout autre moyen conférant date certaine à l’envoi. En principe, le simple courrier électronique n’est pas de nature à conférer une date certaine. Toutefois, la date du courrier recommandé envoyé à la partie adverse en application de l’article 8bis, alinéa 3, du décret du 30 mars 1995[1], confère, le cas échéant, date certaine au recours.
La Commission attire l’attention sur le risque que prend la partie requérante en termes d’expiration du délai de recours dans un tel cas[2].
7. En l’espèce, le courrier recommandé en application de l’article 8bis, alinéa 3, susmentionné, a été envoyé à la partie adverse le 16 octobre 2020. Dès lors, il y a lieu de considérer cette date certaine comme celle du présent recours.
La demande date du 25 septembre 2020 et a été rejetée explicitement par l’entité concernée le 13 octobre 2020. La partie requérante a donc introduit valablement son recours dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995, prenant cours le lendemain de la réception du rejet explicite.
8. La Commission estime que certains documents sollicités sont des documents à caractère personnel, pour lesquels il faut justifier d’un intérêt en vertu de l’article L1561-4, alinéa 2, du CDLD.
En effet, la Commission rappelle que le requérant doit justifier d’un intérêt lorsqu’il s’agit d’un document à caractère personnel. Il s’agit d’une condition de recevabilité de la demande d’accès. La notion de document à caractère personnel est définie comme « un document administratif comportant une appréciation ou un jugement de valeur relatif à une personne physique nommément désignée ou aisément identifiable, ou la description d’un comportement dont la divulgation peut manifestement causer un préjudice à cette personne » par l’article L1561-1, alinéa 1er, 2°, du CDLD.
Dès lors, la partie requérante doit justifier d’un intérêt afin d’obtenir la copie de ces documents. La Commission rappelle également que «l’intérêt requis n’est cependant pas nécessairement un intérêt personnel ».
En l’espèce, la partie requérante justifie pleinement de l’intérêt requis pour obtenir la communication des documents à caractère personnel visés dans la demande, dès lors que ces documents la concernent directement et personnellement.
Examen du recours
9. Dans sa réponse du 30 octobre 2020, la partie adverse avance les exceptions relatives à la vie privée et à une obligation de secret prévues à l’article 6, §2, 1°, du décret du 30 mars 1995.
10. L’article 6, §2, 1°, précité dispose comme suit :
« §2. L'entité ou l’autorité administrative non régionale rejette la demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif, qui lui est adressée en application du présent décret, si la publication du document porte atteinte :
1° à la vie privée, sauf les exceptions prévues par la loi […] ».
Concernant cette exception, la Commission rappelle à cet égard que les données à caractère personnel, notamment au sens du droit européen[3], sont les informations relatives à une personne physique identifiée ou identifiable, et notamment les informations spécifiques propres à l’identité physique, physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle ou sociale de la personne concernée.
La Commission rappelle également que toutes les données à caractère personnel au sens du droit européen ne relèvent pas de la vie privée au sens l’article 6, §2, 1° décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, et qu’en l’espèce, les données à caractère personnel présentes dans les différents documents relèvent de la sphère strictement professionnelle. La Commission ne distingue dès lors pas d’atteinte à la vie privée des personnes mentionnées.
11. Concernant l’exception relative à une obligation de secret, la partie adverse invoque le secret médical sans autre explication. La Commission constate qu’aucun document sollicité ne concerne des patients ou ne permet de les identifier. Si cependant, il devait y avoir, dans un des documents sollicités, des passages concernant des patients dont l’identité pourrait être déduite, il y aura lieu d’occulter ces passages.
L’exception, telle qu’invoquée, n’est pas applicable.
12. Par ailleurs, l’article L1561-6, alinéa 1er, 3°, du CDLD, non invoqué par la partie adverse en l’espèce, permet de rejeter une demande d’accès à un document administratif qui concerne « un avis ou une opinion communiquée librement ou à titre confidentiel ».
Dès lors, les documents contenant un avis ou une opinion communiquée librement ou à titre confidentiel - à condition que les auteurs aient déclaré expressément leur volonté de garder leurs propos confidentiels - peuvent ne pas être transmis, si, au terme d’une balance des intérêts en présence que l’autorité doit opérer, l’intérêt de la publicité, lié aux droits de la défense de la requérante, dont le respect est un droit fondamental, ne devait pas primer sur l’intérêt fonctionnel du service à ne pas communiquer ces documents.
13 La partie adverse doit transmettre les documents qui sont communicables à la partie requérante, et ce, vu la situation de crise sanitaire et des éventuelles occultations à réaliser, dans un délai de 30 jours à compter à partir de la notification de la présente décision.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est rejeté en ce qui concerne les documents dont la partie adverse ne dispose pas.
Le recours est rejeté en ce qui concerne les documents demandés postérieurement à la demande du 25 septembre 2020.
La partie adverse communique les documents sollicités qui ne font pas l’objet de l’exception développée au point 12 de la décision, et ce dans un délai de 30 jours à compter à partir de la notification de la présente décision.