Commune – Mitoyenneté – Procès-verbaux du Collège communal – Document inexistant – Recours sans objet – Demande manifestement abusive (oui) – Demande manifestement trop vague – Communication partielle
En cause :
[…],
Parties requérantes,
Contre :
La commune de Onhaye,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution ;
Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, tel qu’il a été modifié par le décret du 2 mai 2019, l’article 8, § 1er ;
Vu le Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après : le CDLD), les articles L3231-1 et suivants ;
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs ;
Vu le recours introduit par courriel le 18 janvier 2021 ;
Vu la demande d’information adressée à la partie adverse le 26 janvier 2021 et reçue le 28 janvier 2021 ;
Vu la réponse de la partie adverse reçue le 10 février 2021.
Objet et recevabilité du recours
1. La demande du 11 décembre 2020 porte sur la consultation « des différents dossiers concernant la problématique du chantier situé […] à Anthée » ainsi que les dossiers concernant les parties requérantes.
La demande vise plus précisément l’obtention d’une copie électronique des documents suivants :
1) “Les courriers concernant le contrat qui a été signé en date du 22 juin 2006 pour la démolition et la reconstruction du mur qui sépare [l’habitation des requérants] de l’église et le long du jardin du presbytère d’Anthée” ;
2) “Les échanges de courriers de l’année 2007 avec les différents intervenants suite aux recours déposés au Tribunal de la Justice de Paix de Florennes, et au Tribunal de Première Instance de Namur division Dinant” ;
3) “Les décisions du Collège communal approuvées au conseil communal concernant la désignation des avocats, leur mandat, qui ont représenté la Commune d’Onhaye de 2007 jusqu’à ce jour concernant les litiges judiciaires entre nous et la Commune d’Onhaye” ;
4) “Les courriers concernant les rapports de Monsieur l’Architecte […] qui a été mandaté par le Collège communal pour rendre un avis sur la reconstruction du mur mitoyen” ;
5) “Tous les courriers échangés entre la Commune et Monsieur […], conciliateur que nous avions mandaté, qui est intervenu pour avoir une solution à l’amiable pour la reconstruction du mur” ;
6) “Tous les échanges de courriers avec les différents intervenants de 2006 à nos jours” ;
7) “Le contrat qui a été signé entre la Commune et l’entreprise de Transport […] d’Onhaye concernant l’évacuation des moellons de pierre qui étaient entreposé derrière l’église d’Anthée ainsi que la facture relative à cette évacuation” ;
8) “Le mandat signé par un juge d’instruction qui a autorisé le Collège communal de s’introduire sur un chantier privé dans le cadre d’un reportage photographique de la journée du 19 mai 2011” ;
9) “Le mandat signé par un juge d’instruction autorisant Monsieur l’inspecteur principal […] et Monsieur l’inspecteur […] de s’introduire dans une propriété privée ou à défaut la justification de cette introduction” ;
10) “Le plan de la construction de la nouvelle église d’Anthée qui a été dessiné par un architecte en 1863” ;
11) “Le plan de l’atlas des chemins vicinaux qui a été acté par la commune d’Anthée en 1841” ;
12) “Le contrat qui a été signé entre la commune et Monsieur […] pour la location de la grue pour l’évacuation des matériaux qui étaient sur la propriété de l’Entreprise Générale de Construction de [la partie requérante] ainsi que la facture de cette location” ;
13) “La copie de tous les arrêtés de police qui ont été déposés sur les barrières de chantier de [la propriété privée des parties requérantes], les décisions et les motivations du Collège communal” ;
14) “Tous les courriers qui concernent la propriété [des parties requérantes]” ;
15) “Le 19 mai 2011 et le 6 septembre 2016 les barrières Erras qui sécurisaient le chantier ont été fracturé par des ouvriers de la commune ce qui est une infraction pénale pourriez-vous également nous fournir la preuve et avec qu’elle droit vous avez agit de cette façon” ;
16) “Pourriez-vous également nous fournir l’autorisation reçue par Madame, Monsieur le juge d’instruction du tribunal de première instance de Namur division Dinant le jugement qui devrait avoir été signifié par un huissier de justice, qui aurait pu autoriser Monsieur l’inspecteur principal […] et Monsieur l’inspecteur principal […]” ;
17) “Les courriers des citoyens d’Anthée qui revendiquent la propriété publique du terrain situé entre notre habitation et l’église d’Anthée” ;
18) “La copie du virement fait suite à la condamnation de la commune d’Onhaye par le jugement du tribunal de police de l’arrondissement Dinant prononcé le 17 février 2014” ;
19) “La décision et la motivation du collège communal concernant un courrier du 25 octobre 2011”.
Les parties requérantes demandent également ce que sont devenus les matériaux de construction qui sont la propriété du mur mitoyen enlevé par la commune suite à un courrier du 3 juillet 2012.
2. Les documents sollicités sont, dès lors qu’ils existent et sont en possession de la partie adverse, des documents administratifs au sens de l’article L3211-3 du CDLD.
3. En ce qui concerne les modalités d’introduction du recours, la partie requérante a introduit son recours par courriel. Or en principe, le simple courrier électronique n’est pas de nature à conférer une date certaine. Toutefois, la date du courrier recommandé envoyé à la partie adverse en application de l’article 8bis, alinéa 3, du décret du 30 mars 1995[1], confère, le cas échéant, date certaine au recours. La Commission attire l’attention sur le risque que prend la partie requérante en termes d’expiration du délai de recours dans un tel cas[2].
4. En l’espèce, le courrier recommandé en application de l’article 8bis, alinéa 3, susmentionné a été envoyé à la partie adverse le 26 janvier 2021. Dès lors, il y a lieu de considérer cette date certaine comme celle du présent recours. La demande date du 11 décembre 2020 et a été rejetée implicitement par l’entité concernée le 11 janvier 2021. La partie requérante a donc introduit valablement son recours dans le délai de 30 jours visé à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du décret du 30 mars 1995, prenant cours le lendemain du rejet implicite.
Examen du recours
5. Vu la quantité de documents sollicités, la partie adverse n’a pas communiqué de copie des documents sollicités à la Commission, dont la transmission n’était matériellement pas possible pour elle dans le délai imparti.
6. La partie adverse avance pour les documents visés au n° 3 du point 1 que ces décisions de désignation sont jointes aux mandats et qu’elles auraient dépassé leur date de conservation.
Si la partie adverse possède toujours ces documents malgré le dépassement invoqué de leur date de conservation, elle doit transmettre ces documents, sous réserve des exceptions légales à la partie requérante, l’élément déterminant étant la possession du document, peu importe le délai de conservation.
7. La partie adverse soulève l’exception relative à la demande formulée de façon manifestement trop vague prévue à l’article L3231-3, alinéa 1er, 4°, du CDLD, pour les documents visés aux nos 2, 4, 5, 6, 11 et 17 du point 1 de la présente décision.
La Commission rappelle qu’est considéré comme vague « ce qui est confus, imprécis, incertain, indécis, indéfini, indéterminé »[3]. De plus, on ne peut pas considérer comme manifestement trop vague une demande qui permet d’identifier sans équivoque l’objet de celle-ci[4].
En l’espèce, les objets des documents visés aux nos 2 et 17 sont bien déterminés, à savoir les courriers échangés entre les différentes parties prenantes qui font suite aux différents recours en justice de la partie requérante contre la partie adverse ainsi que les courriers de citoyens d’Anthée qui revendiquent la propriété publique du terrain décrit. La partie adverse ne peut pas raisonnablement soutenir avoir une difficulté à identifier les pièces dont elle dispose en relation avec ces dossiers.
De même, les objets des documents visés aux nos 4 et 5 sont les courriers concernant les rapports de l’architecte mandaté par le Collège nommément identifié et les courriers échangés entre la partie adverse et un conciliateur que la partie requérante avait mandaté. Tous ces courriers concernent un même dossier déterminé, de sorte que la partie adverse ne peut pas raisonnablement soutenir avoir une difficulté à identifier les pièces dont elle dispose en relation avec ces dossiers.
L’exception est donc rejetée en ce qui concerne l’ensemble de ces documents.
En revanche, la demande générale relative à la correspondance “avec les différents intervenants de 2006 à nos jours” est manifestement imprécise. Il en va de même de l’Atlas des chemins vicinaux, au sein duquel la partie requérante ne précise pas le chemin dont elle souhaiterait la copie. Pour ces deux ensembles de documents, visés aux nos 6 et 11 du point 1, l’exception est fondée. La Commission invite, le cas échéant, la partie requérante à préciser sa demande auprès de la partie adverse.
Pour sa complète information concernant le document visé au n° 11, la partie requérante peut également consulter le Géoportail de la Wallonie[5]. Une carte de l’Atlas de 1841 est accessible, cependant celle-ci ne revêt pas un caractère légal et peut ne pas être complète.
8. La partie adverse avance encore que les documents visés aux nos 9 et 16 du point 1 concernent la zone de police.
La partie adverse ne peut pas refuser une demande de consultation ou de communication au seul motif que le document n’est pas relatif à la commune. L’entité ne doit pas nécessairement être l’auteur du document administratif ou concerné par son contenu pour se voir appliquer la législation relative à la publicité de l’administration. Le simple fait d’en disposer suffit pour que l’article L3231-1 du CDLD s’applique[6].
Pour le surplus, la Commission rappelle qu’en application de l’article L3231-2, alinéa 2, du CDLD, lorsque l’autorité communale n’est pas en possession du document administratif sollicité, elle doit en informer sans délai le demandeur et lui communiquer la dénomination et l’adresse de l’autorité qui, selon les informations dont elle dispose, est détentrice du document.
9. En ce qui concerne la demande visée au n° 15 du point 1, la partie adverse soulève qu’il ne s’agit pas d’une demande de consultation ou de copie d’un document administratif.
Si, certes, la formulation de la partie requérante est peu explicite, l’explication de la partie adverse montre assez clairement que les arrêtés de police et le jugement rendu par la justice de paix qui ont justifié l’intervention de 2011 et 2016 constituent la demande de la partie requérante. Ces documents, sauf s’ils sont déjà en possession de la partie requérante, doivent être communiqués.
10 La partie adverse avance, concernant le document visé au n° 18 du point 1, qu’il s’agit « d’un paiement pour le tribunal de police qui ne concerne donc pas [les parties requérantes] ».
La partie adverse semble donc penser qu’il s’agit d’un document à caractère personnel, seul type de document administratif pour lequel il faut justifier d’un intérêt.
La Commission rappelle que le requérant doit justifier d’un intérêt lorsqu’il s’agit d’un document à caractère personnel. Il s’agit d’une condition de recevabilité de la demande d’accès. La notion de document à caractère personnel est définie comme « un document administratif comportant une appréciation ou un jugement de valeur relatif à une personne physique nommément désignée ou aisément identifiable, ou la description d’un comportement dont la divulgation peut manifestement causer un préjudice à cette personne » par l’article 1er, alinéa 2, 3°, du décret du 30 mars 1995.
Or, un virement bancaire ne peut raisonnablement pas être considéré comme un document à caractère personnel compte tenu des informations y figurant habituellement. La partie adverse n’avance aucune autre exception pour la transmission de ce document, et la Commission n’en aperçoit pas non plus s’agissant d’un virement d’une autorité publique à une autre.
Le document sollicité doit être transmis à la partie requérante, et ce vu l’absence d’occultation, dans un délai de 15 jours à compter à partir de la notification de la présente décision.
11. Concernant la demande dans son ensemble, la partie adverse souligne que la partie requérante sollicite la production d’une quantité gigantesque d’informations dont la partie requérante aurait, par ailleurs, connaissance dans la mesure où elles relèvent de procédures judiciaires auxquelles elle est partie. La partie adverse indique en effet qu’il n’y a eu pas moins de 8 procédures judiciaires entre les parties, étalées sur 15 années, et dont la dernière est toujours en cours.
La partie adverse invoque donc l’exception relative à la demande abusive telle que prévue à l’article L3231-3, alinéa 1er, 3°, du CDLD. Selon cet article :
« Sans préjudice des autres exceptions établies par la loi ou le décret pour des motifs relevant de l’exercice des compétences de l’autorité fédérale, de la Communauté ou de la Région, l’autorité administrative provinciale ou communale peut rejeter une demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif dans la mesure où la demande:
3° est manifestement abusive ou répétée (…) »
La Commission rappelle que : « Une demande abusive est une demande qui nécessite pour y répondre un travail qui mette en péril le bon fonctionnement de la commune. Un simple surcroît de travail ne peut suffire à considérer une demande comme manifestement abusive » [7].
Il a par ailleurs été jugé par le Conseil d’Etat[8] que :
« L'examen auquel il doit ainsi être procédé, d'abord pour vérifier si une pièce contient des informations environnementales, et ensuite, le cas échéant, pour déterminer s'il y a lieu d'y appliquer l'une ou l'autre des restrictions au droit d'accès aux informations environnementales, ne se réduit pas à une simple opération matérielle consistant à extraire des pièces des dossiers. Il faut aussi dresser la liste précise des pièces retirées des dossiers et rendre compte de manière concrète et pertinente des motifs pour lesquels elles le sont. Vu le nombre de pièces en cause et la minutie qui doit présider à l'examen auquel il y a lieu de procéder, la charge de travail qu'occasionne celui-ci est d'une ampleur considérable.
Compte tenu de ce qui précède, réserver une suite favorable à une demande d'information qui, comme en l'espèce, porterait, selon la partie intervenante, sur pas moins de 10.000 pages, lesquelles ne sont pas toutes rédigées dans une des langues nationales, impliquerait une charge de travail disproportionnée au regard des intérêts en cause. Il convient en effet d'avoir égard au fait que les missions dont ce service est chargé présentent un caractère d'intérêt général et qu'il importe de veiller à ce que leur exercice ne soit pas entravé ou déraisonnablement perturbé. Si l'information du public doit faire partie des préoccupations de l'autorité administrative, toutefois, celle-ci ne peut être tenue de consacrer une charge de travail d'une ampleur de celle décrite ci-dessus, en vue de répondre à la demande de la partie requérante, fût-elle une association de défense de l'environnement. Si légitimes que soient les intérêts de cette dernière, ils ne suffisent pas à justifier que soient mises à la charge du S.P.F. concerné des obligations d'une telle ampleur ».
En l’espèce, le travail de recherche des multiples correspondances demandées en bloc aux n° 2, 4, 5, 6 et 17 apparaît d’une ampleur telle qu’il impliquerait une charge disproportionnée au regard des intérêts en cause. Il en va a fortiori ainsi dès lors que la partie requérante est déjà en possession d’une part importante des documents demandés grâce aux nombreuses procédures judiciaires qui l’opposent à la partie adverse, notamment ceux visés aux points nos 1, 13 et 14 du point 1.
Enfin, la demande porte encore sur certains documents très volumineux (tel l’atlas des chemins vicinaux demandé au point n° 11 du point 1 ou les correspondances demandées en bloc), ce qui implique une charge de travail sans commune mesure avec l’usage limité que la partie requérante pourrait en faire (l’atlas étant disponible en ligne, et sans doute utile uniquement pour le chemin vicinal faisant l’objet du litige qui oppose les parties; et une partie des correspondances demandées étant vraisemblablement déjà en possession de la partie requérante).
Pour tous ces motifs, la demande est donc manifestement abusive. Par conséquent, l'ensemble des documents visés sous ces points ne doivent pas être communiqués à la partie requérante.
12. La partie adverse précise qu’elle ne dispose pas de plan de l’église datant de 1863 (document n° 10). La partie adverse informe également qu’à son estime, les documents sollicités visés aux nos 7, 8, 12 et 19 du point 1 de la présente décision n’existeraient pas.
Il résulte donc de l’instruction du dossier que la partie adverse n’est pas en possession de ces documents, de sorte que ceux-ci ne peuvent pas être considéré comme des documents administratifs au sens de l’article L3211-3 du CDLD. Le recours est sans objet pour ces points.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est sans objet pour les documents visés aux nos 7, 8, 10, 12 et 19 du point 1.
Le recours est rejeté concernant les documents sollicités aux nos 1, 2, 4, 5, 6, 11, 13, 14 et 17 du point 1 de la présente décision.
La partie adverse communique et laisse consulter les documents visés au n° 3 du point 1, si elle est en possession de ceux-ci, et ce dans un délai de 30 jours à compter à partir de la notification de la présente décision afin de lui permettre, le cas échéant, d’occulter les données susceptibles de porter atteinte à une exception légale. Si la partie adverse ne possède pas ces documents, le recours est sans objet pour ce qui les concerne.
La partie adverse communique et laisse consulter les documents visés aux nos 9 et 16 du point 1 si elle est en possession de ceux-ci, et ce dans un délai de 30 jours à compter à partir de la notification de la présente décision afin de lui permettre, le cas échéant, d’occulter les données susceptibles de porter atteinte à une exception légale. Si la partie adverse ne possède pas ces documents, celle-ci doit communiquer la dénomination et l’adresse de l’autorité qui, selon les informations dont elle dispose, est détentrice de ces documents.
S’ils ne sont pas déjà en possession de la partie requérante, la partie adverse communique et laisse consulter la partie requérante les documents visés aux nos 15 et 18, et ce dans un délai de 30 jours à compter à partir de la notification de la présente décision, afin de lui permettre, le cas échéant, d’occulter les données susceptibles de porter atteinte à une exception légale.