Commune – Plan comptable de l'eau – Demande abusive (non) – Documents inexistants – Recours sans objet – Envoi électronique sous une forme spécifique – Communication
En cause :
[…],
Partie requérante,
Contre :
La Ville de Saint-Hubert,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution ;
Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, tel qu’il a été modifié par le décret du 2 mai 2019, l’article 8, § 1er ;
Vu le Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après : le CDLD), les articles L3231-1 et suivants ;
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs ;
Vu le recours introduit par courriel le 3 avril 2021 ;
Vu la demande d’information adressée à la partie adverse le 12 avril 2021 et reçue le 13 avril 2021 ;
Vu la réponse de la partie adverse du 26 avril 2021.
Objet et recevabilité du recours
1. La demande du 2 mars 2021 porte sur l’obtention d’une copie, sous forme électronique, des :
1) « plans comptables EAU de la Ville de Saint-Hubert pour les années 2013 à 2020 » ;
2) « un relevé des montants excédentaires qui auraient été dégagés par le compte EAU pour les années 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019 et 2020 ».
3) « un relevé précis, pièces justificatives à l’appui, de l’affectation, nécessairement spécifique à l’EAU, de tous montants excédentaires qui auraient été dégagés par le compte EAU pour la période 2013-2020 » ;
4) « un relevé précis des emprunts que la Ville de Saint-Hubert aurait contracté durant la période 2013-2020 pour l’hypothèse où tout excédent éventuel aurait été affecté au remboursement de prêts spécifiques EAU » ;
5) et « un relevé précis, année par année, des montants affectés par la Ville de Saint-Hubert à la rénovation et à l’entretien de son réseau d’eau pour la période 2013-2020 ».
2. Les documents sollicités sont, dès lors qu’ils existent et sont en possession de la partie adverse, des documents administratifs au sens de l’article L3211-3 du CDLD.
3. En ce qui concerne les modalités d’introduction du recours, la partie requérante a introduit son recours par courriel. Or, en principe, le simple courrier électronique n’est pas de nature à conférer une date certaine.
Toutefois, la date du courrier recommandé envoyé à la partie adverse en application de l’article 8bis, alinéa 3, du décret du 30 mars 1995[1], confère, le cas échéant, date certaine au recours. La Commission attire l’attention sur le risque que prend la partie requérante en termes d’expiration du délai de recours dans un tel cas[2].
4. En l’espèce, le courrier recommandé en application de l’article 8bis, alinéa 3, susmentionné a été envoyé à la partie adverse le 12 avril 2021. Dès lors, il y a lieu de considérer cette date certaine comme celle du présent recours. La demande date du 2 mars 2021 et a été rejetée implicitement par l’entité concernée le 2 avril 2021. La partie requérante a donc introduit valablement son recours dans le délai de 30 jours visé à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du décret du 30 mars 1995, prenant cours le lendemain du rejet implicite.
Examen du recours
5. La partie adverse invoque l’exception relative à la demande manifestement abusive prévue à l’article L3231-3, alinéa 1er, 3°, du CDLD car la partie requérante exercerait abusivement son droit à la publicité passive en multipliant ses demandes.
La partie adverse informe la Commission que la partie requérante a « déjà effectué quatre demandes (23 février, 2 mars, 11 mars et 20 mars) de documents en moins d’un mois monopolisant ainsi une administration de petite taille ».
La partie adverse continue en précisant que « si ce type de comportement se développait, l’action administrative serait réellement entravée compte tenu du nombre trop importants de vérifications à réaliser. Cela est d’autant plus évident que chaque demande de [la partie requérante] porte sur plusieurs documents (sauf la demande du 11 mars 2021). Sa demande du 2 mars, objet du recours, en est l’illustration […] ».
6. Une demande abusive est une demande qui nécessite pour y répondre un travail qui mette en péril le bon fonctionnement de la commune. Un simple surcroît de travail ne peut suffire à considérer une demande comme manifestement abusive[3].
L’accès aux documents administratifs est un droit fondamental, garanti par l’article 32 de la Constitution. « Des exceptions au principe de la publicité des documents administratifs ne sont possibles que dans les conditions fixées par la loi, le décret ou l’ordonnance. Elles doivent être justifiées et sont de stricte interprétation (Doc. parl., Sénat, 1991-1992, n° 100-49/2°, p. 9) »[4].
Or, dans le cas d’espèce, la partie adverse est en défaut de démontrer in concreto la mise en péril du bon fonctionnement de la commune, en raison de quatre demandes dans un délai d’un mois. L’exception n’est pas applicable. Elle pourrait toutefois le devenir si, à l’avenir, la commune devait constater la multiplication de demandes spécifiques de la part du requérant, dans un laps de temps particulièrement court.
7. La partie adverse ne soulève aucune autre exception prévue par le CDLD ou par le décret lui permettant de refuser la communication des documents sollicités pour le point 1) de la demande. Cependant, la partie adverse refuse de communiquer une version sous format Excel.
8. En ce qui concerne la modalité de communication des documents, la Commission rappelle son avis n° 245 du 10 décembre 2018[5] :
« L’article 4, §1er, du décret wallon du 30 mars 1995 prévoit que ‘chacun, selon les conditions prévues par le présent décret, peut prendre connaissance sur place de tout document administratif, obtenir des explications à son sujet et en recevoir communication sous forme de copie, selon les modalités arrêtées par le Gouvernement’. Selon le §2 du même article, ‘La délivrance d’une copie d’un document administratif peut être soumise au paiement d’une rétribution dont le montant est fixé par le Gouvernement. Le montant de cette rétribution ne peut être supérieur au prix coûtant’. Il résulte de ces dispositions que l’Administration doit respecter la volonté du demandeur de consulter un document sur place, et/ou d’obtenir des explications son sujet, et/ou d’en recevoir communication sous forme de copie sur place ou par courrier postal ou électronique. Cela ne prive pas l’Administration d’essayer de privilégier une modalité plutôt qu’une autre, pour des motifs propres au document concerné, mais elle ne peut pas contraindre le demandeur à suivre une modalité plutôt qu’une autre. En d’autres termes, si un demandeur exige l’envoi d’une copie d’un ou plusieurs documents administratifs par courrier électronique, cette demande doit être satisfaite, sauf preuve d’une difficulté particulière, notamment sur un plan purement technique ».
Rien ne s’oppose à ce que le document sollicité soit transmis en format PDF. En effet, la demande ne vise pas de format particulier. Toutefois, la version transmise devra permettre au demandeur d’accéder à tous les onglets. La Commission relève toutefois que l’envoi d’informations sous un format électronique modifiable est également possible. L’utilisation de l’information sollicitée ne permet pas à la partie adverse de s’opposer à la communication du document, hormis l’utilisation à des fins commerciales tel que prévu par la législation en vigueur. L’usage qui sera fait du document par le demandeur ne relève pas des exceptions légales et ne permet pas de s’affranchir d’une obligation de communication lorsqu’aucune exception légale ne s’y oppose.
La partie adverse doit dès lors procéder à l’envoi des documents sollicités dans un délai de 30 jours à partir de la notification de la présente décision. En principe, le délai minimal de 15 jours est retenu par la Commission mais compte tenu des quatre demandes du requérant en un mois, ce délai d’exécution de la présente décision est allongé à 30 jours.
9. Concernant les documents sollicités aux points 2 à 5, il ressort de la réponse de la partie adverse qu’aucun relevé de ce genre n’existe. Le décret du 30 mars 1995 n’impose pas aux entités administratives de créer de nouveau document administratif pour remplir leurs obligations relatives à la publicité passive.
Le recours n’a dès lors pas d’objet pour ces points.
10. La partie adverse ne s’oppose cependant pas à la communication des informations contenues dans des documents administratifs déjà existants, à savoir les copies des comptes communaux concernés, ce qui permettrait à la partie requérante de réaliser ces relevés. Dès lors, la Commission invite la partie adverse à communiquer une copie des comptes communaux concernés.
11. À titre subsidiaire, pour répondre aux affirmations erronées de la partie adverse sur le fait que les conseillers communaux « doivent avoir davantage de droits de regard sur l’action administrative qu’un administré [lambda] », il convient de rappeler que l’article 32 de la Constitution garantit un droit d’accès à toute personne, sauf dans les cas et les conditions fixés par la loi ou le décret. Le décret du 30 mars 1995 ou le CDLD ne distingue pas de catégorie de personnes ayant plus ou moins de droit d’accès aux documents administratifs, hormis pour les documents à caractère personnel pour lesquels le demandeur doit justifier d’un intérêt.
Par ces motifs, la Commission décide :
La partie adverse doit procéder à l’envoi des plans comptables EAU pour les années 2013 à 2020 par voie électronique à la partie requérante, dans un délai de 30 jours à partir de la notification de la présente décision.
Le recours est sans objet pour le surplus.