Zone de police pluricommunale – Procès-verbaux de conseils de police – Comptes-rendus de réunions – Échange de courriers – Incompétence de la CADA
En cause :
[…],
Parties requérantes,
Contre :
La zone de police des Trieux,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution ;
Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, tel qu’il a été modifié par le décret du 2 mai 2019, l’article 8, § 1er ;
Vu le Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après : le CDLD) ;
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs ;
Vu le recours introduit par courrier recommandé le 7 mai 2021 ;
Vu la demande d’information adressée à la partie adverse le 7 juin 2021 et reçue le 8 juin 2021 ;
Vu la réponse de la partie adverse du 21 juin 2021.
Objet et recevabilité du recours
1. La demande porte sur l’obtention d’une copie :
- de tous les échanges de courriers et de mails, les délibérations de conseils de police, les comptes-rendus de réunions ou tout autre document qui justifierait, par rapport à d’autres alternatives, l’utilité des bollards placés au croisement de la rue Vandervelde et de la rue des Juifs à Forchies-la-Marche ;
- des documents de la demande de la zone de police à la commune de Fontaine-l’Évêque pour le placement des bollards.
2. La demande date du 17 mars 2021 et a été rejetée implicitement par l’entité concernée le 17 avril 2021.
Le recours à la Commission a été introduit par courrier recommandé le 7 mai 2021. La partie requérante a donc introduit valablement son recours dans le délai de 30 jours visé à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du décret du 30 mars 1995, prenant cours le lendemain du rejet implicite.
3. La partie adverse est une zone de police pluricommunale[1]. Sur la base de l’article 9, alinéa 2, de la loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux, une telle zone est dotée de la personnalité juridique.
Dans son arrêt n° 232.974 du 20 novembre 2015[2], le Conseil d’État a jugé ce qui suit :
« Considérant que la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration s’applique aux autorités administratives fédérales, et aux autorités administratives autres que les autorités administratives fédérales, mais uniquement dans la mesure où, pour des motifs relevant des compétences fédérales, cette loi interdit ou limite la publicité de documents administratifs ; que les zones de police pluricommunales sont, de par leur organisation, des institutions qui relèvent des pouvoirs subordonnés ; qu’au sujet de ceux-ci, l’article 6, § 1er, VIII, de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, place dans les compétences régionales :
‘‘VIII. En ce qui concerne les pouvoirs subordonnés : ...
1° la composition, l’organisation, la compétence et le fonctionnement des institutions provinciales et communales et des collectivités supracommunales, à l’exception : ...
- de l’organisation de et de la politique relative à la police, en ce compris l’article 135, § 2, de la nouvelle loi communale, et aux services d’incendie’’ ;
Considérant que si la compétence des régions connaît une exception à l’égard de la police, c’est que celle-ci est restée de la compétence fédérale ; que la zone de police est, au sens de la loi de 1994, une des ‘‘autorités administratives autres que les autorités administratives fédérales’’, auxquelles la loi s’applique ‘‘mais uniquement dans la mesure où, pour des motifs relevant des compétences fédérales, la présente loi interdit ou limite la publicité de documents administratifs’’ ; qu’il s’ensuit que les restrictions à la publicité sont applicables aux documents des zones de police, mais que les procédures dites de ‘‘publicité passive’’ ne le sont pas ».
Il découle de ce qui précède que les articles 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 et L3231-5 du CDLD ne sont pas applicables en l’espèce. Dès lors, la Commission n’est pas compétente pour connaître du recours des parties requérantes.
4. Néanmoins, la Commission souhaite insister sur le fait que cela n’exclut pas que les parties requérantes puissent directement faire un recours non seulement auprès du Conseil d’État, mais également auprès des tribunaux de l’ordre judiciaire, lorsqu’une zone de police pluricommunale refuse de donner accès aux documents administratifs demandés.
En effet, la Commission rappelle, à l’instar de son homologue fédérale[3], que les parties requérantes peuvent invoquer l’article 32 de la Constitution devant les juridictions judiciaires et administratives, qui produit des effets directs, et selon lequel « Chacun a le droit de consulter chaque document administratif et de s'en faire remettre copie, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 ».
S’agissant d’un droit fondamental, la notion de document administratif visé à l’article 32 de la Constitution doit être interprétée très largement[4].
La Commission entend également souligner qu’une zone de police pluricommunale, telle la partie adverse, est incontestablement une autorité administrative, au sens de l’article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d’État. Par conséquent, elle doit communiquer tout document administratif en sa possession, conformément à l’article 32 de la Constitution, et ne peut refuser cette communication que sur la base des motifs d’exceptions légales prévus notamment à l’article 6, §§ 1er et 2, de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration, lesquels s’appliquent en effet à la fois aux autorités administratives fédérales et non fédérales et, par conséquent, aussi aux zones de police pluricommunales, « dans la mesure où, pour des motifs relevant des compétences fédérales, la [loi précitée] interdit ou limite la publicité de documents administratifs ».
5. Pour le surplus, la Commission souligne, à titre informatif, qu’il ressort de la réponse de la partie adverse qu’aucun des documents sollicités n’existent et qu’ils ne constitueraient par conséquent pas des documents administratifs au sens de l’article 1er, alinéa 2, 2°, du décret du 30 mars 1995 et de l’article L3211-3 du CDLD.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est irrecevable.