AVIQ – Rapport d'enquête – Maison de repos – Document à caractère personnel – Vie privée- Secret médical – Avis ou opinion communiqué librement et à titre confidentiel – Recherche ou poursuite de faits punissables – Communication (non)
En cause :
[…],
Partie requérante,
Contre :
Agence Wallonne pour une vie de Qualité (AVIQ),
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution ;
Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, tel qu’il a été modifié par le décret du 2 mai 2019, l’article 8, § 1er ;
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs ;
Vu le recours introduit par un courriel le 21 juillet 2021 ;
Vu la demande d’information adressée à la partie adverse le 22 juillet 2021 et reçue le 26 juillet 2021 ;
Vu la réponse de la partie adverse du 9 aout 2021.
Objet et recevabilité du recours
1. La demande du 19 juin 2021 porte sur l’obtention du rapport d’enquête dressé par la partie adverse à l’égard d’une maison de repos nommément identifiée dans le recours ainsi que de la liste des recommandations des inspectrices.
2. Le document sollicité est, dès lors qu’il existe et est en possession de la partie adverse, un document administratif au sens de l’article 1er, alinéa 2, 2°, du décret du 30 mars 1995.
3. En ce qui concerne les modalités d’introduction du recours, la partie requérante a introduit son recours par courriel. Or, en principe, le simple courrier électronique n’est pas de nature à conférer une date certaine.
Toutefois, la date du courrier recommandé envoyé à la partie adverse en application de l’article 8bis, alinéa 3, du décret du 30 mars 1995[1], confère, le cas échéant, date certaine au recours. La Commission attire l’attention sur le risque que prend la partie requérante en termes d’expiration du délai de recours dans un tel cas[2].
4. En l’espèce, le courrier recommandé en application de l’article 8bis, alinéa 3, susmentionné a été envoyé à la partie adverse le 22 juillet 2021. Dès lors, il y a lieu de considérer cette date certaine comme celle du présent recours. La demande date du 19 juin 2021, et a été rejetée implicitement par l’entité concernée le 20 juillet 2021. La partie requérante a donc introduit valablement son recours dans le délai de 30 jours visé à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du décret du 30 mars 1995, prenant cours le lendemain du rejet implicite.
5. La partie adverse avance dans sa réponse à la Commission que la partie requérante ne dispose pas d’un intérêt personnel lui permettant l’obtention des données souhaitées car des points d’inspection non visés par la plainte de la partie requérante y sont repris.
La Commission rappelle qu’en ce qui concerne les documents à caractère personnel, la justification d’un intérêt constitue une condition de recevabilité de la demande d’accès, et, partant, du recours. La notion de document à caractère personnel est définie comme « un document administratif comportant une appréciation ou un jugement de valeur relatif à une personne physique nommément désignée ou aisément identifiable, ou la description d’un comportement dont la divulgation peut manifestement causer un préjudice à cette personne » (article 1er, alinéa 2, 3°, du décret du 30 mars 1995).
6. En l’espèce, la Commission estime que le document sollicité à savoir un rapport d’inspection, dans lequel se trouvent également des recommandations, ne constitue pas un document à caractère personnel.
Si les rapports d’inspection sont généralement considérés comme des documents à caractère personnel[3], la Commission n’a pas relevé d’appréciation ou de jugement de valeur relatif à une personne physique dans les documents transmis par la partie adverse.
La partie requérante ne doit donc pas justifier d’un intérêt afin d’obtenir la copie de ce document.
Examen du recours
7. La partie adverse soulève tout d’abord, dans sa réponse du 9 aout 2021, l’exception relative à la protection de la vie privée prévue à l’article 6, §2, 1°, du décret du 30 mars 1995. Cette disposition prévoit que :
« § 2. L'entité ou l'autorité administrative non régionale rejette la demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif, qui lui est adressée en application du présent décret, si la publication du document administratif porte atteinte :
1° à la vie privée, sauf les exceptions prévues par la loi ; (…) ».
Le décret wallon du 30 mars 1995 interdit donc à l’autorité communale de transmettre des informations qui portent atteinte à la vie privée.
Concernant cette exception, la Commission rappelle que les données à caractère personnel, notamment au sens du droit européen[4], sont les informations relatives à une personne physique identifiée ou identifiable, et notamment les informations spécifiques propres à l’identité physique, physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle ou sociale de la personne concernée. Tel est bien sûr le cas des noms des personnes ici concernées.
La Commission souligne néanmoins que les données déjà rendues publiques, ou que les données de personnes exerçant une fonction publique ne bénéficient pas d’une protection équivalente à celles des autres personnes physiques. Elle partage également l’avis de l’ancienne Commission de protection de la vie privée, selon laquelle « le fait même d'exercer une fonction publique ou d'utiliser des ressources publiques ne peut pas aboutir à une négation totale du droit au respect de la vie privée des personnes concernées »[5].
La Commission constate à l’analyse du document sollicité qu’il existe plusieurs points relevant de l’exception de la protection de la vie privée, tels que les noms, prénoms et numéro de chambre des personnes physiques résidant au sein de la maison de repos.
Cette exception est donc soulevée à juste titre par la partie adverse et ces points devraient, en tout état de cause, être occultés.
8. La partie adverse soulève également l’exception prévue à l’article 6, §2, 2°, du décret du 30 mars 1995 relatif à une obligation de secret instaurée par une loi ou par un décret, à savoir le secret médical.
Les documents sollicités contiennent effectivement des informations relatives à la santé de certaines personnes physiques mentionnées.
Cette exception est donc soulevée à juste titre par la partie adverse et ces éléments devraient être occultés.
9. La partie adverse se prévaut encore des exceptions prévues à l’article 6, §1er, 2°, et §3, 2°, du décret du 30 mars 1995, relatives à un avis ou opinion communiqué librement et à titre confidentiel à l’autorité, d’une part, et à la protection des droits fondamentaux, « en particulier de la liberté d’expression et de la liberté d’opinion (qui incluent le droit de communiquer son opinion à titre confidentiel) ainsi que du respect de la vie privée (qui inclut les avis, opinions même relatifs à un cadre professionnel) » des personnes auditionnées lors de l’enquête, d’autre part.
La partie adverse conclut en soulignant que « la transmission du rapport d’inspection nuirait à la confiance des institutions et de leur personnel envers le service d’audit et de contrôle de l’Agence et, par la suite, à la fiabilité des informations susceptibles d’être recueillies par le service ».
La Commission estime que ces exceptions invoquées doivent être combinées avec l’exception relative à la recherche ou la poursuite des faits punissables instituée par l’article 6, § 1er, alinéa 1er, 4°, du décret du 30 mars 1995. La Commission rappelle, en ce qui concerne cette exception, que toute information « qui pourrait porter atteinte à la recherche et à la poursuite de faits punissables tombe sous le coup de l’exception, […] »[6].
Le document litigieux dévoile tant la méthode de contrôle que les avis et opinions des personnes auditionnées. Le contrôle exercé par la partie adverse participe incontestablement à la recherche ou la poursuite de faits punissables dans la gestion d’un établissement pour aînés, au sens des articles 365 et suivants du Code wallon de l’action sociale et de la santé (partie décrétale). La Commission est d’avis que dévoiler la procédure au travers du rapport d’enquête pourrait donc entraver celle-ci tant dans ce cas particulier que de manière générale.
En l’espèce, la partie requérante ne démontre donc pas que l’intérêt pour elle d’accéder au document sollicité l’emporte sur l’intérêt de protéger la confidentialité de la présente procédure d’inspection.
10. Le document sollicité ne doit donc pas être communiqué. En outre, il est impossible de procéder à une communication partielle des autres informations concernées sans porter atteinte aux intérêts protégés par les exceptions légales applicables.
Par ces motifs, la Commission décide :
La partie adverse ne doit pas communiquer le document sollicité.