Commune – Délibérations du conseil communal – Huis-clos – Vie privée – Document à caractère personnel – Secret des affaires – Communication partielle
En cause :
[…],
Partie requérante,
Contre :
La commune de Perwez,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution ;
Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, tel qu’il a été modifié par le décret du 2 mai 2019, l’article 8, § 1er ;
Vu le Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après : le CDLD), les articles L3231-1 et suivants ;
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs ;
Vu le recours introduit par courriel le 11 septembre 2021 ;
Vu la demande d’information adressée à la partie adverse le 13 septembre 2021 et reçue le 14 septembre 2021 ;
Vu la réponse de la partie adverse reçue le 23 septembre 2021.
Objet et recevabilité du recours
1. La demande du 19 juillet 2021 porte sur l'obtention d'une copie électronique des « délibérations du conseil communal pour les points listés ci-dessous » :
- Conseil communal du 14 décembre 2020 : Point intitulé : Règlement Général sur la Protection des Données - Convention de mise à disposition de notre Délégué à la Protection des Données (DPO) entre les communes de PERWEZ, ORPJAUCHE, HELECINE et RAMILLIES pour la période du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2021 - Renouvellement - 2.08/ec ;
- Point intitulé : Taxe communale sur les mâts d'éoliennes destinées à la production industrielle d'électricité - Exercices 201 5, 2017 et 2018 - Convention - Décision - 1.713.411 /sdw ;
- Conseil communal du 21 avril 2021 : Point intitulé : Ecole communale de THOREMBAIS-LES-BEGUINES - Directrice nommée à titre définitif- 6 périodes - A partir du 01er septembre 2021 - Disponibilité pour raison de convenance personnelle précédant la pension de retraite (DPPR de type IV) - Décision - 1.851.11,08/vs/ec ;
- Conseil communal du 19 mai 2021 : Point intitulé : Commune-CPAS- Convention relative à la mise à disposition de travailleur - Confirmation- 2.08/ec.
2. En ce qui concerne les modalités d’introduction du recours, la partie requérante a introduit son recours par courriel. Or, en principe, le simple courrier électronique n’est pas de nature à conférer une date certaine.
Toutefois, la date du courrier recommandé envoyé à la partie adverse en application de l’article 8bis, alinéa 3, du décret du 30 mars 1995[1], confère, le cas échéant, date certaine au recours.
La Commission attire l’attention sur le risque que prend la partie requérante en termes d’expiration du délai de recours dans un tel cas[2].
3. En l’espèce, le courrier recommandé en application de l’article 8bis, alinéa 3, susmentionné a été envoyé à la partie adverse le 13 septembre 2021. Dès lors, il y a lieu de considérer cette date certaine comme celle du présent recours. La demande date du 19 juillet 2021, et a été rejetée implicitement par l’entité concernée le 19 aout 2021.
La partie requérante a donc introduit valablement son recours dans le délai de 30 jours visé à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du décret du 30 mars 1995, prenant cours le lendemain du rejet implicite.
4. Les documents sollicités sont des informations dont la partie adverse dispose, et constituent donc des documents administratifs au sens de l’article L3211-3 du CDLD.
Examen du recours
5. Dans sa réponse, la partie adverse indique que comme il s’agit de délibérations à huis-clos, celles-ci n’ont pas été transmises à la partie requérante.
6. La Commission rappelle que l’article L3231-1 du CDLD consacre le droit à chacun de recevoir communication de tout document administratif, y compris des délibérations de séances qui ont lieu à huis-clos.
Ce droit ne peut toutefois pas être considéré comme absolu. L’article L3231-1 du CDLD doit en effet être interprété de manière systémique, en combinaison avec les autres dispositions du CDLD, notamment l’article L3231-3 du CDLD qui prévoit des exceptions à cette publicité, « sans préjudice des autres exceptions établies par la loi ou le décret ».
Parmi ces exceptions, l’article 6, §1er, du décret du 30 mars 1995 prévoit que l'autorité administrative régionale ou non régionale rejette la demande lorsque l'intérêt de la publicité ne l'emporte pas, notamment, sur la sécurité de la population (1°), les libertés et les droits fondamentaux des administrés (2°) ou l'ordre public (3°). L’article 6, § 2, du décret du 30 mars 1995 prévoit en outre que l'autorité administrative régionale ou non régionale rejette la demande si la publication du document porte atteinte, notamment, à la vie privée (1°) ou à une obligation de secret instaurée par une loi ou par un décret (2°).
La Commission rappelle à cet égard que le droit au respect de la vie privée « a une portée étendue et englobe notamment la protection des données à caractère personnel et des informations personnelles »[3].
Par conséquent, il faut constater que le huis-clos ne constitue pas en soi un motif d’exception à la publicité de l’administration. La partie adverse peut cependant invoquer les exceptions précitées pour ne pas communiquer, le cas échéant, tout ou partie d’une délibération à huis-clos d’une séance.
7. L’article 6, §2, 1°, du décret du 30 mars 1995 dispose comme suit :
« § 2. L'entité ou l'autorité administrative non régionale rejette la demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif, qui lui est adressée en application du présent décret, si la publication du document administratif porte atteinte :
1° à la vie privée, sauf les exceptions prévues par la loi ; »
La Commission rappelle que toutes les données à caractère personnel au sens du droit européen ne relèvent pas de la vie privée au sens l’article 6, §2, 1°, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration. De plus, les données déjà rendues publiques, ou les données de personnes exerçant une fonction publique ne bénéficient pas d’une protection équivalente à celles des autres personnes physiques.
Le décret wallon du 30 mars 1995 interdit donc à l’autorité communale de transmettre des informations qui portent atteinte à la vie privée. La Commission rappelle néanmoins que les données déjà rendues publiques, ou que les données de personnes exerçant une fonction publique ne bénéficient pas d’une protection équivalente à celles des autres personnes physiques. Elle partage également l’avis de l’ancienne Commission de protection de la vie privée, selon laquelle « le fait même d'exercer une fonction publique ou d'utiliser des ressources publiques ne peut pas aboutir à une négation totale du droit au respect de la vie privée des personnes concernées » [4].
8. En ce qui concerne le premier point sollicité (voir point 1., 1), de la présente décision), les noms, prénoms et qualité (grade ou fonction) des membres du personnel cités dans la délibération litigieuse sont des données professionnelles et ne relèvent pas de leur vie privée. Il existe une base de licéité pour ce traitement induite par l’article L3221-1, 3°, du CDLD. La Commission ne distingue dès lors pas d’atteinte à la vie privée des personnes mentionnées.
Cependant, la Commission décide que le volume horaire et le type d’engagement qui lie le DPO à la commune ne doivent pas être communiqués car cela risque de porter atteinte au respect de la vie privée de l’agent, que la commune est en devoir de protéger[5].
Aucune autre exception n’est relevée concernant ce point.
Dès lors, la partie adverse doit communiquer le point en occultant les mentions relatives au volume horaire et le type d’engagement qui lie le DPO à la partie adverse et ce, dans un délai de 20 jours à compter à partir de la notification de la présente décision.
9. Concernant le deuxième point sollicité (voir point 1., 2), de la présente décision), il s’agit d’un document à caractère personnel au sens de l’article L3211-3, 3°, du CDLD. En effet, ce document contient la description d’un comportement qui met la responsabilité d’un membre de la commune en cause dont la divulgation peut manifestement causer un préjudice à cette personne.
En vertu de l’article L3231-1, alinéa 2, du CDLD, le demandeur doit justifier d’un intérêt. Il s’agit d’une condition de recevabilité de la demande d’accès.
Dès lors, la partie requérante doit justifier d’un intérêt afin d’obtenir la copie de ces documents. La Commission rappelle également que « l’intérêt requis n’est cependant pas nécessairement un intérêt personnel ».
En l’espèce, la partie requérante ne justifie pas de l’intérêt requis pour obtenir la communication de ce document, en ce qu’en partie, il peut être qualifié de document à caractère personnel.
10. Le document contient par ailleurs des données chiffrées dont la révélation serait susceptible de porter atteinte au secret des affaires de la société d'exploitation d’éoliennes en cause ainsi que des données qui relèvent de la vie privée (par exemple, le nom de la société en cause et les montants indiqués dans le document sollicité).
La partie adverse doit donc communiquer le document sollicité en veillant à occulter les informations revêtant un caractère personnel (les passages où est mise en cause la responsabilité du membre de la commune concerné), les informations permettant d’identifier la société concernée ou de dévoiler (indirectement) ses secrets d’affaires, notamment toutes les données chiffrées. Vu le travail d’occultation à réaliser, la communication doit être faite dans un délai de 20 jours à compter à partir de la notification de la présente décision.
11. Concernant le troisième point sollicité (voir point 1., 3), de la présente décision), le document demandé concerne la mise en disponibilité d’un agent pour des raisons de convenance personnelle. Un tel document concerne par nature la vie privée de l’agent concerné.
La Commission estime par conséquent que la communication de ces informations porte atteinte à la vie privée des personnes mentionnées, et que celles-ci ne doivent donc pas être communiquées.
12. Concernant le dernier point sollicité (voir point 1., 4), de la présente décision), la Commission ne relève aucune exception à la publicité de ce document hormis le volume horaire et le type d’engagement qui lie l’agent à la commune. Ces informations ne doivent pas être communiquées car cela risque de porter atteinte au respect de la vie privée de l’agent, que la commune est en devoir de protéger[6].
Dès lors, la partie adverse doit communiquer le point en occultant les mentions relatives au volume horaire et le type d’engagement qui lie l’agent à la partie adverse et ce, dans un délai de 20 jours à compter à partir de la notification de la présente décision.
Par ces motifs, la Commission décide :
La partie adverse doit communiquer les premier et quatrième documents sollicités, en occultant les mentions relatives au volume horaire et le type d’engagement, à la partie requérante et ce, dans un délai de 20 jours à compter à partir de la notification de la présente décision.
La partie adverse doit communiquer le deuxième document sollicité, en occultant les informations revêtant un caractère personnel(les passages où est mise en cause la responsabilité du membre de la commune concerné), les informations permettant d’identifier la société concernée ou de dévoiler (indirectement) ses secrets d’affaires, notamment les données chiffrées, et ce, dans un délai de 20 jours à compter à partir de la notification de la présente décision.
En ce qui concerne le troisième document sollicité, le recours est rejeté.