Commune – Liste de logements inoccupés et abandonnés – Vie privée – Recevabilité – Communication
En cause :
[…],
Partie requérante,
Contre :
Commune de Braine-l’Alleud,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article L3211-3 ainsi que les articles L3231-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 21 septembre 2022,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 10 novembre 2022 et reçue le 15 novembre 2022,
Vu la réponse de la partie adverse du 9 décembre 2022.
- Objet du recours
- La demande porte sur l’obtention d’une copie de « la dernière liste des logements inoccupés et/ou abandonnées sur la commune de Braine-l’Alleud sous réserve de l’occultation des données protégées par le droit à la vie privée ».
II. Compétence de la Commission
- La Commission est compétente pour connaître du recours.
III. Recevabilité du recours
- La demande a été adressée à la partie adverse le 18 août 2022.
La partie adverse a explicitement rejeté la demande le 22 août 2022.
La partie requérante a introduit son recours le 21 septembre 2022, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du même décret.
Dès lors, le recours est recevable.
- Selon l’article L3211-3, 3°, du CDLD, un document à caractère personnel se définit comme tout « document administratif comportant une appréciation ou un jugement de valeur relatif à une personne physique nommément désignée ou aisément identifiable, ou la description d'un comportement dont la divulgation peut manifestement causer un préjudice à cette personne ».
Pour toute demande de publicité passive relative à un tel document, l’article L3231-1 du CDLD prévoit que « le demandeur doit justifier d’un intérêt ».
En l’espèce, le document sollicité ne constitue pas un document à caractère personnel au sens de l’article L3211-3, 3°, précité. La requérante ne doit donc pas justifier d’un intérêt pour obtenir la communication de celui-ci.
IV. Examen du recours
- La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les régimes législatifs applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même en charge d'apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif.
La Commission constate que la partie adverse n’a pas répondu à la demande d’informations lui adressée dans le délai visé à l’article 8ter, alinéa 1er, du décret du 30 mars 1995. Comme le prévoit l’article 8ter, alinéa 2, du décret du 30 mars 1995, la Commission doit dès lors en principe faire « d’office droit au recours et décide[r], moyennant le respect des exceptions prévues à l’article 6 du présent décret, la production du document demandé ».
Néanmoins, la partie adverse a rapidement communiqué au secrétariat de la Commission, après l’expiration du délai susvisé, des informations dont il y a lieu, pour des raisons de bonne administration, de tenir compte dans le cadre de l’examen du présent recours.
- Dans sa réponse, la partie adverse invoque l’exception relative au respect du droit à la vie privée prévue à l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration.
Elle se réfère à l’avis n° 247 rendu par la Commission le 10 décembre 2018, aux termes duquel il a été souligné qu’« afin de respecter le droit à la vie privée des personnes propriétaires d’un immeuble inoccupé ou abandonné, il conviendrait d’occulter toute information qui permettrait de rendre ces personnes identifiables (par exemple : leur nom, leur numéro de rôle, les numéros des immeubles visés,…) », et explique que « le but est notamment d’éviter que l’identité de ces propriétaires soit découvertes grâce aux informations contenues dans la liste des logements inoccupés ou abandonnés ».
La partie adverse avance que la requérante souhaite obtenir cette liste afin de contacter les propriétaires des logements repris dans la liste dans le but de trouver un logement. Selon elle, « même si l’Administration communale ne communiquait pas elle-même des informations relevant de la vie privée en fournissant une copie du document sollicité, elle aurait participé indirectement à une atteinte à la vie privée des personnes dont le logement est repris dans la liste compte tenu de la volonté manifeste de la requérante de prendre contact avec eux pour tenter d’occuper leur logement ». Elle craint que communiquer cette liste risque « d’indisposer des centaines de personnes dans leur vie privée » et de « donner le répertoire des logements qui peuvent encore être meublés et dont la visite des lieux semble facilitée par l’absence des personnes physiques ».
Pour le surplus, la partie adverse attire l’attention de la Commission « sur le fait que le fichier ne distingue pas les logements réellement inoccupés des secondes résidences ».
- L’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, rendu applicable par l’article L3231-3 du CDLD, dispose comme il suit :
« § 2. L’entité ou l’autorité administrative non régionale rejette la demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif, qui lui est adressée en application du présent décret, si la publication du document administratif porte atteinte :
1° à la vie privée, sauf les exceptions prévues par la loi ; […] ».
Le décret wallon du 30 mars 1995 interdit donc à l’autorité communale de transmettre des informations qui portent atteinte à la vie privée.
En l’espèce, la Commission constate, à l’analyse du document sollicité, que celui-ci contient des mentions relevant de l’exception relative à la protection de la vie privée, telle que l’adresse complète des immeubles concernés sur la commune de Braine-l’Alleud. En effet, si le document sollicité ne reprend pas l’identité des propriétaires des immeubles listés en tant que telle, l’adresse complète de ces immeubles rend l’identité de ces propriétaires identifiable, notamment par une consultation des données reprises dans des registres publics (la conservation des hypothèques) ou par l’accès aux informations, publiques elles aussi, de l’administration du cadastre[1]. Afin de respecter le droit à la vie privée des personnes propriétaires d’un immeuble inoccupé, il convient d’occulter toute information permettant de rendre ces personnes identifiables.
Pour ce faire, la partie adverse doit occulter les numéros des immeubles visés. Les autres mentions figurant dans le document sollicité ne permettent pas, à la connaissance de la Commission, à tout un chacun d’identifier les propriétaires d’un immeuble inoccupé ou abandonné. La partie adverse doit néanmoins le vérifier avant de transmettre le document à la partie requérante.
- Sous réserve de ce qui précède, aucune exception légale ne fait obstacle à la communication du document sollicité. En effet, dès lors que, comme précisé au point 4, la partie requérante ne doit pas faire valoir un intérêt pour exercer le droit d’accès au document sollicité, il n’appartient pas à la Commission de préjuger de l’usage qu’elle pourrait éventuellement faire des informations contenues dans ledit document. Pour le surplus, lors de la communication de ce document, la partie adverse est libre d’attirer l’attention de la partie requérante sur le fait que celui-ci ne distingue pas les logements réellement inoccupés des secondes résidences.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est recevable.
Le recours est fondé. La partie adverse communique à la partie requérante le document sollicité en occultant les numéros des immeubles visés ainsi que, le cas échéant, tout autre information permettant de rendre les propriétaires de ces immeubles identifiables, et ce, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.