RW – Ministre-Président – Notes au Gouvernement wallon – Communication partielle
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
Le Gouvernement wallon, représenté par son Ministre-Président,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 1er, alinéa 1er, et l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 16 septembre 2022,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 10 novembre 2022 et reçue le 16 novembre 2022,
Vu la réponse de la partie adverse des 6 décembre 2022 et 8 février 2023,
Vu la convocation adressée aux parties le 19 janvier 2023,
Vu la correspondance échangée avec les parties en préparation de l’audition,
Vu le courriel du 7 février 2022 par lequel la partie adverse informe la Commission que son représentant ne sera pas présent lors de l’audition du 9 février 2023,
Vu la mesure d’instruction du 7 février 2023,
Entendu la partie requérante le 9 février 2023.
- Objet de la demande
- La demande porte sur l’obtention d’une copie des « notes au Gouvernement wallon et leurs annexes éventuelles reprises aux points B2 de la séance du 31 mars 2022 du Conseil des Ministres.
« Point B2 : Comité de concertation Gouvernement fédéral -Gouvernements des Communautés et des Régions.
(GW XI/2022/31.03/Doc. 4885.01/EDR-C.C.)
NGW Saisine CODECO
(GW XI/2022/31.03/Doc. 4885.02/EDR-C.C.) ».
Aux termes de sa demande de publicité du 20 juillet 2022 à la partie adverse, la partie requérante renvoie, notamment, à sa demande initiale du 28 avril 2022, à savoir :
« Point B2 : Comité de concertation Gouvernement fédéral - Gouvernement des Communautés et des Régions, plus précisément les documents suivants :
1. La “NGW saisine CODECO” mentionnée sous l’intitulé du point ;
2. Le document reprenant les conclusions et les recommandations de la Task-Force Finances locales en ce qui concerne les dépenses de transfert impactées en tout ou en partie par le niveau Fédéral. »
Cette demande de publicité est bien celle qui est visée par le présent recours.
- Il semble ressortir des mesures d’instructions opérées que deux notes au Gouvernement wallon existeraient, comme le soutient la partie requérante. La notification du Gouvernement wallon du 31 mars 2022 fait état de deux références et la notification de la décision relative au point B.2 fait état de deux notes au Gouvernement wallon.
- Compétence de la Commission
- La Commission est compétente pour connaître du recours.
- Recevabilité du recours
- La demande de publicité a été adressée à la partie adverse par un courriel du 20 juillet 2022 de la partie requérante.
La partie adverse n’y ayant pas donné suite, la demande a été rejetée implicitement le 19 août 2022, conformément à l’article 6, § 5, du décret du 30 mars 1995.
La partie requérante a introduit son recours auprès de la Commission le 16 septembre 2022, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du même décret.
Le recours est recevable.
- Examen du recours
- La Commission constate tout d’abord que la partie requérante a précisé avoir déjà reçu, en sa qualité de parlementaire, la « notification » de la décision du Gouvernement adoptée le 31 mars 2022, mais que cette notification ne lui permettait pas d’appréhender la décision de façon complète. Elle estime que l’intitulé du point B2 n’indique pas à suffisance le contenu des annexes audit point.7.
- La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les régimes législatifs applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif.
- La Commission constate que la partie adverse n’a pas répondu à la demande d’informations lui adressée dans le délai visé à l’article 8ter, alinéa 1er, du décret du 30 mars 1995.
Néanmoins, la partie adverse a communiqué au secrétariat de la Commission des informations dont il y a lieu, pour des raisons de bonne administration, de tenir compte dans le cadre de l’examen du présent recours.
- En ce qui concerne la première note au Gouvernement sollicitée relative aux Finances locales – Plan « Oxygène », seule l’annexe intitulée « analyses, conclusions et recommandations de la Task-Force Finances locales en ce qui concerne les dépenses de transfert impactées en tout ou en partie par le niveau Fédéral » a été communiquée à la Commission. En revanche, la NGW saisine CODECO afférente à cet objet n’a pas été communiquée à la Commission. Cette note doit donc être communiquée d’office, moyennant le respect des exceptions prévues par le décret wallon du 30 mars 1995, en particulier les exceptions retenues ci-après à l’égard de l‘annexe émanant de la Task-Force Finances locales.
S’agissant de l’annexe précitée, la partie adverse formule diverses exceptions à la publicité administrative.
Elle fait valoir que la diffusion de ce document de travail, transmis confidentiellement au Gouvernement wallon par la Task force finances locales, pourrait compromettre les travaux en cours de ce dernier avec l’Etat fédéral et les autres entités fédérées. Pour ces raisons, elle estime que ce document ne peut, à l’heure actuelle, être diffusé, conformément à l’article 1er, alinéa 1er, 3°, du décret du 30 mars 1995. Elle insiste également sur le fait que ce document consiste en une étude au sens littéral du terme avec une table des matières, des données et leur analyse, des interprétations et suggestions et une bibliographie. Elle relève qu’elle a été réalisée dans le cadre de la Task Force Finances Locales, qui a été chargée par arrêté du Gouvernement wallon de le conseiller sur différents aspects.
Aux termes du troisième moyen de son recours, la partie requérante fait valoir que les intitulés des annexes au point B2 du Conseil des Ministres du 30 mars 2022 ne portent pas des qualificatifs tels qu’ils laisseraient suggérer que ces points constituent des études commandées par contrat à une personne physique ou morale. Elle observe qu’à l’heure de déposer son recours, elle n’a pas connaissance d’une décision motivée de restriction de la diffusion du document en question, en sorte qu’il lui est impossible matériellement de déterminer si les points ou les annexes constituent ou non des études. Elle relève encore que l’article 1er, alinéa 1er, 3°, précité, ne crée pas d’interdiction tout à fait absolue de communiquer au public, ce qui semblerait contraire à l’arrêt n° 169/2013 du 19 décembre 2013 de la Cour constitutionnelle.
L’article 1er, alinéa 1er, 3°, du décret du 30 mars 1995 dispose comme suit :
« Le présent décret s'applique :
[...]
3° pour ce qui concerne les études, au Gouvernement régional et aux membres de ce Gouvernement. On entend par étude, tout document écrit, contenant des données de nature qu'elles soient, destiné à inspirer, à conforter ou à orienter la politique régionale dans une des matières qui sont de sa compétence et commandé par contrat à toute personne physique ou morale. Le Gouvernement peut en interdire la communication ou en restreindre la diffusion par décision motivée. »
La Commission constate que la partie adverse ne produit pas de décision motivée du Gouvernement justifiant l’interdiction de communication ou à la restriction de diffusion de ce document.
Il s’ensuit que la première exception à la publicité administrative doit être rejetée.
- La partie adverse soulève également les exceptions à la publicité administrative visées à l’article 6, § 1er, 6°, à savoir l’ « intérêt économique ou financier de la Région » et § 2, 3°, à savoir le « secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relavant du Gouvernement auxquelles une autorité régionale est associée », du décret du 30 mars 1995.
Aux termes de son recours (cinquième moyen), la partie requérante soutient que le document sollicité ne concerne pas, a priori, le secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du Gouvernement ou auxquelles une autorité régionale est associée. Il insiste sur la faculté dans le chef de l’entité, prévue à l’article 6, § 4, du décret du 30 mars 1995, de ne communiquer que des éléments partiels des documents administratifs. Il expose que la loi fédérale protège la délibération en tant que telle, non pas le document administratif découlant de cette délibération. Ce n’est que si la publicité du document administratif adopté par le Gouvernement porte atteinte au secret de la délibération gouvernementale que l’exception à la publicité devient absolue.
Or, l’objectif poursuivi par le législateur en prévoyant l’exception prise du secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du Gouvernement ou auxquelles une autorité régionale est associée est « d’éviter que la discussion politique ne soit paralysée »[1], notamment par la crainte de divulgation des opinions et prises de position des parties impliquées dans le processus de décision.
Si cette exception a un caractère absolu, il reste que la Commission doit apprécier si le document litigieux relève bien du secret des délibérations. A cet égard, il ressort des travaux préparatoires qu’il est « [...] possible qu’un document déterminé ne puisse pas être rendu public à un moment déterminé, parce que cela porterait atteinte au caractère secret d’une délibération, tandis que ceci n’est plus le cas à un moment ultérieur, ce qui implique que l’objection à la publicité tombe. Il est donc nécessaire de procéder à une appréciation concrète »[2].
Par sa décision n° 50 du 4 mai 2020, citant son avis n° 122 du 6 mars 2017, la Commission a rappelé que :
« le Conseil d’Etat a récemment jugé que ‘Les communications internes et les messages échangés entre le cabinet du ministre et l’administration sont des documents qui sont couverts par le secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif régional et qui figurent au nombre des documents que l’ordonnance du 30 mars 1995 relative à la publicité de l’administration permet de soustraire à la publicité »[3].
En vue de respecter cette exception, il convient néanmoins de démontrer concrètement que la diffusion de la note révélerait des opinions et prises de position des parties impliquées dans le processus de décision ou que cette diffusion risquerait de paralyser le processus de discussion politique.
En synthèse, la Commission estime que la divulgation d’une note de l’administration ayant pour objectif d’éclairer ou d’orienter la décision politique, avant sa communication au ministre, et donc avant la prise de décision, peut porter atteinte au secret des délibérations, au sens de l’article 6, §2, 3° du décret. En revanche, il n’est pas impossible qu’après la prise de décision, cette atteinte disparaisse ou s’amenuise. En toute hypothèse, il faut à chaque fois procéder à une appréciation au cas par cas[4].
Au vu des explications apportées par la partie adverse et du contenu du document sollicité, la communication de ce document pourrait avoir des conséquences sur l’intérêt économique et financier de la Région et sur le secret des délibérations des gouvernements concernés, en sorte qu’il n’y a pas lieu de le communiquer, conformément à l’article 6, § 1er, 6° et §2, 3°, du décret du 30 mars 1995.
En effet, ce document comporte des informations sensibles de nature économique et financière relatives aux finances locales, collectées à l’occasion de travaux dont la confidentialité est prévue à l’article 1er, § 4, de l’arrêté du Gouvernement wallon du 30 janvier 2020 relatif à la mise en œuvre de la Task Force Finances locales. Le document contient notamment des interprétations relatives aux données financières locales et à l’impact des politiques fédérales sur celles-ci, ainsi que les projections budgétaires de différentes mesures qui pourraient être adoptées par l’Etat fédéral. Ces informations requièrent, à tout le moins à ce stade des négociations politiques et budgétaires entre les entités fédérées et l’Etat fédéral, qu’elles ne soient pas diffusées largement, à peine d’entraver le processus de décision politique tant au sein du comité de concertation qu’après celui-ci, à propos des mesures ayant un impact sur les finances locales qui pourraient être prises par les autres niveaux de pouvoir.
Il n’apparaît pas davantage possible de procéder à une communication partielle de ce document, en application de l’article 6, § 4, du décret du 30 mars 1995, dès lors que les informations sensibles constituent le cœur de ce document. Le document sollicité ne doit donc pas être communiqué.
- La seconde note au Gouvernement, relative à l’accessibilité et la proximité des distributeurs automatiques sur le territoire wallon, a été transmise par la partie adverse. La partie adverse marque son accord pour que cette note soit adressée en l’état à la partie requérante. La note doit donc être communiquée à la partie requérante.
Par ces motifs, la Commission décide :
La Commission est compétente.
Le recours est recevable.
Le recours est partiellement fondé. La partie adverse communique à la partie requérante les documents suivants :
- La première note au Gouvernement relative au finances locales – plan “Oxygène”, moyennant le respect des exceptions prévues par le décret du 30 mars 1995, en particulier celles prévues à l’article 6, § 1er, 6° et § 2, 3° ;
- La seconde note au Gouvernement relative à l’accessibilité et la proximité des distributeurs automatiques sur le territoire wallon ;