Organisme d'intérêt public – AWEX – Fonction publique – Voiture de fonction – Document à caractère personnel (non) – Vie privée – Communication partielle
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
L’Agence wallonne à l’Exportation et aux investissements étrangers (AWEX),
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 1er, alinéa 1er, et l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article 3, § 1er, 2°, du décret du 12 février 2004 relatif au statut de l’administrateur public,
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 23 septembre 2022,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 30 novembre 2022 et reçue le 2 décembre 2022,
Vu la réponse de la partie adverse du 14 décembre 2022,
Vu la seconde demande d’informations adressée à la partie adverse le 3 février 2023,
Vu la réponse de la partie adverse du 6 février 2023.
- Objet de la demande
- La demande initiale portait sur l’obtention d’une copie des documents concernant « :
Les cartes essence : la copie des relevés mensuels des cartes essence montrant les montants dépensés en lien avec chaque véhicule de fonction pour la période du 1er janvier 2021 au jour de la demande. »
- La partie adverse a transmis une partie des documents demandés le 30 août 202
- La partie requérante a introduit le présent recours pour obtenir l'accès aux documents manquants, à savoir : « le nom de la personne à laquelle le véhicule de fonction est attribué », les contrats de leasing et la copie des relevés mensuels des cartes essence.
- Compétence de la Commission
- La Commission est compétente pour connaître du présent recours.
- Recevabilité du recours
- La demande a été adressée à la partie adverse le 17 août 2022.
En transmettant une partie des documents demandés le 30 août 2022, la partie adverse a implicitement pris une décision de rejet de la demande portant sur les autres documents faisant l’objet du présent recours.
La partie requérante a introduit son recours le 23 septembre 2022, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995.
Dès lors, le recours est recevable.
- La partie adverse soulève l’absence d’intérêt de la partie requérante, la demande portant selon elle sur des documents à caractère personnel. Ce faisant, la partie adverse confond la notion spécifique de document à caractère personnel au sens du décret du 30 mars 1995, d’une part, avec la notion de données à caractère personnel utilisée par un certain nombre d’autres normes belges et européennes.
Selon l’article 1er, alinéa 2, 3°, du décret du 30 mars 1995, un document à caractère personnel se définit comme tout « document administratif comportant une appréciation ou un jugement de valeur relatif à une personne physique nommément désignée ou aisément identifiable, ou la description d'un comportement dont la divulgation peut manifestement causer un préjudice à cette personne ».
C'est uniquement pour de tels documents que l’article 4, § 1er, alinéa 2, du décret du 30 mars 1995 prévoit que « le demandeur doit justifier d’un intérêt ».
En l’espèce, les documents demandés ne comportent par nature aucune appréciation ou jugement de valeur relatifs aux personnes physiques concernées, de sorte que la partie requérante ne doit pas justifier d'un intérêt.
Le recours est recevable.
- Examen du recours
- La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les régimes législatifs applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif.
- En l’espèce, la partie adverse invoque l’exception relative à la vie privée, prévue à l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995. Elle explique notamment que la notion de vie privée n’est pas liée à un cercle intime; que les voitures de fonction servent également dans le cadre privé, confirmé par le fait qu’un avantage de toute nature est déduit fiscalement par chaque membre du personnel concerné, conformément à une car policy signée par chacun d’eux; qu’au travers des contrats de leasing, des indications seraient données quant au type de véhicule choisi, à son coût ainsi qu’aux autres modalités choisies; qu’au travers des relevés mensuels de carte essence, les fréquences de déplacements pour raisons propres seraient enfin identifiables, tout comme les dates et lieux de remplissage de carburant ou le total mensualisé de la consommation par véhicule ; et enfin qu’une comparaison des situations personnelles de chacun pourrait être réalisée.
- L’exception relative à la protection de la vie privée est prévue à l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995, lequel dispose que :
« § 2. L'entité ou l'autorité administrative non régionale rejette la demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif, qui lui est adressée en application du présent décret, si la publication du document administratif porte atteinte :
1° à la vie privée, sauf les exceptions prévues par la loi ; ».
Le décret du 30 mars 1995 interdit donc à la partie adverse de transmettre des informations qui portent atteinte à la vie privée.
A cet égard, il y a d’abord lieu de relever que toutes les données à caractère personnel au sens du droit européen ne relèvent pas de la vie privée au sens de l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995. En outre, la Commission rappelle que les données déjà rendues publiques, ou que les données de personnes exerçant une fonction publique ne bénéficient pas d’une protection équivalente à celles des autres personnes physiques. Elle partage toutefois l’avis de l’ancienne Commission de protection de la vie privée, selon laquelle « le fait même d'exercer une fonction publique ou d'utiliser des ressources publiques ne peut pas aboutir à une négation totale du droit au respect de la vie privée des personnes concernées »[1].
- Eu égard aux informations transmises, lier chaque véhicule de fonction à une personne nommément identifiée, de même que transmettre les relevés mensuels de carte essence, porte atteinte à la vie privée des membres du personnel de la partie adverse.
- En revanche, la partie adverse reste en défaut d’établir en quoi la communication des contrats de leasing pourrait porter atteinte à la vie privée des membres de son personnel, en particulier si l’identité et le numéro de plaque d’immatriculation de ceux-ci étaient occultés. En particulier, le type de véhicule choisi a déjà été communiqué par la partie adverse ; la valeur mentionnée de l’avantage de toute nature est expressément indicative ; et le coût payé pour le véhicule comme les options et accessoires choisis, dès lors qu’ils seraient anonymisés, ne pourraient pas porter atteinte à la vie privée des personnes concernées.
Le recours est recevable.
Le recours est partiellement fondé. La partie adverse communique à la partie requérante les contrats de leasing demandés, dans une version anonymisée, et ce dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.