Commune – Extrait de procès-verbal – Document inachevé ou incomplet (non) – Demande abusive (non) – Communication
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La Commune de Nassogne,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article L3211-3, ainsi que les articles L3231-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 1er décembre 2022,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 22 décembre 2022 et reçue le 23 décembre 2022,
Vu la réponse de la partie adverse du 11 janvier 2023,
Vu la décision de proroger le délai prévu à l’article 8quinquies, § 1er, du décret du 30 mars 1995, compte tenu de la charge de travail importante de la Commission.
2. La Commission est compétente pour connaître du recours.
III. Recevabilité du recours
3. La demande a été adressée à la partie adverse le 28 octobre 2022.
La partie adverse a explicitement rejeté la demande le 29 novembre 2022.
La partie requérante a introduit son recours le 1er décembre 2022, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995.
Dès lors, le recours est recevable.
IV. Examen au fond
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
Néanmoins, la partie adverse a, rapidement après l’expiration du délai susvisé, communiqué à la Commission des informations dont il y a lieu, pour des raisons de bonne administration, de tenir compte dans le cadre de l’examen du présent recours.
L’article L3231-3 du CDLD dispose notamment comme il suit :
« Sans préjudice des autres exceptions établies par la loi ou le décret pour des motifs relevant de l’exercice des compétences de l’autorité fédérale, de la Communauté ou de la Région, l’autorité administrative provinciale ou communale peut rejeter une demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif dans la mesure où la demande : […]
3° est manifestement abusive ou répétée ».
La Commission rappelle qu’« une demande abusive est une demande qui nécessite pour y répondre un travail qui mette en péril le bon fonctionnement de la commune. Un simple surcroît de travail ne peut suffire à considérer une demande comme manifestement abusive »[1].
Il a, par ailleurs, été jugé par le Conseil d’Etat[2] que :
« Peut être considérée comme manifestement abusive […] et comme justifiant que lui soit opposée l’exception ainsi visée par cette disposition, la demande dont le traitement a pour conséquence de compromettre le bon fonctionnement de l’autorité qui en est saisie. Toutefois, cette exception au droit d’accès, qui est un droit fondamental, est d’interprétation stricte et l’autorité qui entend l’opposer à la demande dont elle est saisie doit la fonder sur les éléments propres au cas d’espèce et aptes à justifier concrètement le recours à cette hypothèse légale d’exception. Ces éléments doivent ressortir de la motivation formelle de la décision de refus ».
Or, en l’espèce, la partie adverse se limite à une affirmation in abstracto et s’abstient de démontrer concrètement les raisons pour lesquelles la demande formulée par la partie requérante aurait compromis le fonctionnement de ses services.
La partie adverse ne démontre pas que les opérations que requerrait le traitement de la demande, qui porte sur un objet très ciblé et un nombre limité de documents (un seul document), justifieraient à fonder le recours à l’exception visée par l’article L3231-3, alinéa 1er, 3°, du CDLD. En effet, à défaut de démontrer l’ampleur ou la complexité des tâches effectivement requises en l’espèce, l’affirmation de la partie adverse ne répond pas à l’exigence de démonstration circonstanciée qui s’impose en cas d’application de cette disposition décrétale.
Il ne peut, par conséquent, pas en être inféré que « les recherches et la transmission des documents sollicités auraient inévitablement occasionné des retards dans la bonne gestion des dossiers et mis à mal la continuité du service public ».
Par ailleurs, l’introduction par la même partie requérante de sept demandes auprès de la même autorité dans un laps de temps réduit n’est pas, en l’espèce, abusive faute de démonstration concrète par l’autorité de graves difficultés à répondre aux différentes demandes[3]. Toutefois, à l’avenir, la répétition de demandes très spécifiques entraînant une charge de travail disproportionnée au regard des intérêts en cause et mettant en péril le bon fonctionnement de l’administration pourrait constituer une demande abusive.
L’exception est rejetée.
L’article L3231-3, alinéa 1er, 1°, du CDLD dispose notamment comme il suit :
« Sans préjudice des autres exceptions établies par la loi ou le décret pour des motifs relevant de l’exercice des compétences de l’autorité fédérale, de la Communauté ou de la Région, l’autorité administrative provinciale ou communale peut rejeter une demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif dans la mesure où la demande : […]
1° concerne un document administratif dont la divulgation peut être source de méprise, le document étant inachevé ou incomplet ; ».
La Commission rappelle que cette exception doit réunir deux conditions cumulatives : le document doit être inachevé ou incomplet, d’une part, et être source de méprise, d’autre part.
La Commission rappelle également que, selon sa jurisprudence, le caractère inachevé et incomplet, engendrant un risque de méprise, peut par exemple se dégager du caractère « non officiel » du document, présenté comme un instrument de travail dont toutes les conséquences ne sont pas dégagées, du caractère partiel des informations en possession de l’autorité ou encore de la présentation formelle du document qui peut être source de méprise[4].
Or, en l’espèce, le document administratif sollicité ne peut pas être qualifié d’inachevé ou encore d’incomplet. En effet, il constitue un extrait du procès-verbal du Collège communal signé par le bourgmestre.
L’exception ne peut pas être accueillie.
La Commission rappelle qu’en vertu de l’article L3231-7 du CDLD, les documents obtenus en application du droit d’accès aux documents administratifs ne peuvent être utilisés ou diffusés à des fins commerciales. A l’appui de la décision n° 230.17 du 19 octobre 2017 de la CADA bruxelloise, la Commission a déjà précisé que si la publication sur un site internet d’un document obtenu à la suite d’une demande d’accès peut relever de la simple utilisation, non commerciale, d’un tel document, cette utilisation est toutefois limitée par le respect des droits des tiers[5]. Pour rappel, cette décision n° 230.17 du 19 octobre 2017 de la CADA bruxelloise souligne que :
« Il appartient au citoyen qui a obtenu l’accès à un tel document et qui en dispose légitimement, d’assumer la responsabilité de l’usage qu’il entend faire de ce document, notamment au regard des droits intellectuels de l’administration ou des tiers et au regard de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel »[6].
La mise en ligne de documents obtenus en application du droit d’accès aux documents administratifs relève dès lors de la responsabilité de la partie requérante, à laquelle il appartient de veiller au respect des droits des tiers, en ce compris le droit à la vie privée et le droit à la protection des données à caractère personnel des personnes concernées. La partie adverse ne peut justifier son refus par des craintes quant à une possible publication sur un site internet ou sur le réseau social Facebook.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est recevable.
Le recours est fondé.
La partie adverse communique à la partie requérante l’extrait du procès-verbal du Collège communal du 10 octobre 2022 relatif à l’octroi « à certains membres du personnel et à des personnes avec lesquelles ils sont en affaire (DNF) de soupers dans un restaurant de la région » et ce dans un délai de 15 jours