Commission d'Ethique en expérimentation animale – Décisions d'autorisation – Documents relatifs au fonctionnement de la Commission d'Ethique – Recours sans objet
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La Commission d’Ethique en expérimentation animale de l’UCLouvain,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu les articles 1er et 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel et courrier recommandé le 17 octobre 2022,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 18 novembre 2022 et reçue le 22 novembre 2022,
Vu la réponse de la partie adverse du 7 décembre 2022,
Vu la décision de proroger le délai prévu à l’article 8quinquies, § 1er, du décret du 30 mars 1995, compte tenu de la charge de travail importante de la Commission.
L’article 21, § 3, de la même loi prévoit que le Roi nomme une autorité compétente qui est chargée d’autoriser les projets. Aucun projet ne peut être mené sans qu'une autorisation ne lui soit attribuée au préalable. Un projet ne peut être exécuté que si l'évaluation du projet est favorable. Conformément à l’article 17 de l’arrêté royal du 29 mai 2013 relatif à la protection des animaux d'expérience, tel qu’il est applicable en Région wallonne, chaque utilisateur qui procède à des expériences sur animaux soumet, au préalable, ses projets à évaluation et à autorisation d'une commission d'éthique acceptée par le Service. Un projet ne peut être exécuté qu'après avoir reçu une évaluation favorable.
Dans l’exécution de ses missions, et sous réserve de garantir le respect de la propriété intellectuelle et de la confidentialité des informations, la commission d'éthique doit garantir qu'elle ne connaît aucun conflit d'intérêts et veiller à l'impartialité de jugement en prenant en compte l’avis de parties indépendantes de l'utilisateur qui introduit une demande d’autorisation d’un projet. Par ailleurs, la commission d'éthique doit effectuer les évaluations de manière transparente (article 18, § 2, de l’arrêté royal du 29 mai 2013 précité, tel qu’il est applicable en Région wallonne).
4. Bien qu’en l’espèce, la Commission d’Ethique en expérimentation animale de l’UCLouvain fait organiquement partie intégrante d’un établissement d’enseignement supérieur, à savoir l’Université catholique de Louvain, il y a lieu de considérer qu’elle constitue une autorité administrative au sens de l’article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d’État.
« Une nouveauté à l’égard de la jurisprudence existante du Conseil d’Etat est qu’il conviendra, pour ce qui est de l’application de la présente loi, de déterminer les autorités administratives qui doivent être considérées comme autorités administratives fédérales et celles qui doivent être considérées comme autorités administratives non fédérales. Les autorités administratives fédérales sont, comme l’a précisé le Conseil d’Etat dans l’avis qu’il a donné sur le présent projet, les administrations fédérales, les organismes publics et les services publics assimilés, qui ressortissent à une autorité administrative fédérale, ainsi que les personnes privées chargées par une autorité fédérale, à la suite d’événements autres que fortuits, de l’exercice d’un service public fédéral. Fait également partie du niveau fédéral le personnel des provinces qui dépend des autorités fédérales, y compris les commissaires d’arrondissement.
Les autorités administratives non fédérales sont celles qui font partie des autres niveaux administratifs - les Communautés, les Régions, les provinces et les communes, comme par exemple les services des Communautés, des Régions ou des Commissions Communautaires ou les établissements créés par ceux-ci, les personnes privées qui exercent une mission d’intérêt général relevant des compétences des Communautés ou des Régions, les organes communaux et provinciaux, les intercommunales, les C.P.A.S., les polders et wateringues, les fabriques d’église, etc. »[1].
La notion d’« autorité administrative autre que fédérale » a été créée à la demande expresse de la section de législation du Conseil d’État. L’objectif était de distinguer le champ d’application de l’ensemble de la loi aux seules autorités fédérales et le champ d’application « des dispositions qui sont applicables à toutes les autorités administratives, quel que soit le niveau auquel elles appartiennent. Ces dispositions prévoient des exceptions à la publicité pour des motifs qui concernent une matière qualifiée de matière fédérale par la Constitution ou en vertu de celle-ci »[2]. Ces considérations valent également, au niveau régional, en ce qui concerne la distinction entre autorités administratives régionales et autres que régionales.
Compte tenu de ce qui est dit aux points 4 et 5, il faut considérer que la commission d’éthique en expérimentation animale de l’UCLouvain est un organisme qui exerce « une mission d’intérêt général » relevant des compétences de la Région wallonne. Les commissions d’éthique en expérimentation animale, rattachées ou non à une université, tirent en effet leur compétence de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux et de l’arrêté royal du 29 mai 2013 relatif à la protection des animaux d’expérience qui, depuis la sixième réforme de l’État, relèvent de la compétence de la Région wallonne en matière de bien-être animal (article 6, § 1er, XI, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles).
Dans la mesure où elle exerce des missions qui relèvent de la compétence de la Région wallonne en matière de bien-être animal, la commission d’éthique en expérimentation animale de l’UCLouvain doit être considérée comme étant, dans cette hypothèse, une autorité administrative régionale soumise au décret du 30 mars 1995.
7. La partie adverse soutient encore que la législation relative au bien-être animal « procède à une harmonisation maximale et exhaustive des obligations de transparence applicables aux commissions d’éthique », et par conséquent que le décret du 30 mars 1995 ne s’applique pas. La partie adverse s'appuie notamment, à cette fin, sur le principe selon lequel une norme spéciale (la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, telle qu’elle a été exécutée par l’arrêté royal du 29 mai 2013 relatif à la protection des animaux d'expérience) prime sur une norme générale (le décret du 30 mars 1995).
Les normes « spéciales » qui dérogeraient au décret du 30 mars 1995 sont prévues par l’arrêté royal du 29 mai 2013. Prévoir une dérogation à une norme décrétale par voie d'arrêté est déjà contraire au respect de la hiérarchie des normes.
La norme générale comme la norme spéciale constituent en toute hypothèse des exceptions au droit fondamental consacré par l’article 32 de la Constitution. Or, les restrictions au droit fondamental d’accès aux documents administratifs « doivent être justifiées et sont de stricte interprétation »[3]. Déduire des règles de transparence imposées par l’arrêté royal du 29 mai 2013 que celles-ci excluent implicitement l’application des règles de transparence prévues par le décret wallon du 30 mars 1995, est contraire à cette obligation d’interprétation restrictive. Il n’est en effet pas admissible de contourner par une interprétation a contrario ou implicite le droit fondamental consacré à l’article 32 de la Constitution[4]. Toute restriction à ce droit fondamental doit être explicitement prévue par un dispositif législatif et justifiée ; et toute dérogation aux lois générales en matière de publicité de l’administration qui restreint davantage cette publicité, doit donc également être explicitement prévue par un dispositif législatif et être suffisamment justifiée[5].
Dès lors, l’arrêté royal du 29 mai 2013 ne peut pas être interprété comme excluant l’application du décret du 30 mars 1995, et la Commission est compétente pour connaître du présent recours.
III. Recevabilité du recours
La partie adverse n’y ayant pas donné suite, la demande a été rejetée implicitement le 17 septembre 2022, en application de l’article 6, § 5, du décret du 30 mars 1995.
La partie requérante a introduit son recours le 17 octobre 2022, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du même décret.
Dès lors, le recours est recevable.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
Le droit d’obtenir des explications au sujet d’un document administratif est une des modalités de la publicité passive prévue par toutes les législations relatives à la publicité de l’administration.
Selon les travaux préparatoires de la loi fédérale, ce droit d’explication s’impose car « dans la plupart des cas, la publicité sans explications resterait lettre morte en raison du caractère administratif du langage utilisé ou de la technicité des documents »[7].
Selon la Commission fédérale d’accès aux documents administratifs, « le droit d’explication comprend seulement la possibilité pour le demandeur d’obtenir des informations dans un langage compréhensible au sujet du contenu d’un texte existant et se limite à cela »[8]. Elle précise par ailleurs que toute question (et donc toute demande d’explication) doit porter sur un document existant, et dont l’information est matérialisée sur un support[9].
La Commission régionale d’accès à l’information environnementale (CRAIE) précise ces avis en rejetant systématiquement les demandes d’explication lorsque « la réponse à ces demandes d’explications ou de précisions implique l’établissement d’un document nouveau »[10]. L’information doit donc préexister à l’explication, et l’autorité peut donc légitimement rejeter « les demandes qui impliqueraient un réel travail de consolidation, d’analyse ou d’interprétation de données de la part de l’autorité publique qui en est saisie »[11].
Il s’ensuit que les explications qui doivent être données par les autorités administratives se limitent strictement au contenu du document demandé, et ne devraient porter que sur l’explication des termes administratifs, juridiques ou techniques utilisés dans ce document. Il est néanmoins possible que, dans ce cadre, des étapes de l’instruction du dossier doivent parfois être expliquées.
Par conséquent, le droit d’obtenir des explications au sujet d’un document administratif suppose que ce document soit identifié et existant et ne peut être interprété comme ouvrant un droit général à interroger une entité sur une thématique donnée, par le biais de questions ouvertes appelant des justifications ou explications d’ordre général.
En l’espèce, la demande d’« une explication ou d’une clarification concernant la composition, le mode de décision interne et la publication des décisions de la Commission d’Éthique », telle que formulée auprès de la partie adverse, ne se rattache à aucun document administratif identifié par la partie requérante ; elle est dès lors sans objet.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est recevable.
Le recours est sans objet.