Ville – Adjudication publique ou vente de gré à gré – Coupe de bois – Informations environnementales (oui) – Incompétence
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La Ville d’Arlon,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article L3211-3, ainsi que les articles L3231-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 18 mars 2023,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 6 avril 2023 et reçue le 7 avril 2023,
Vu la réponse de la partie adverse du 19 avril 2023,
Vu la décision de proroger le délai prévu à l’article 8quinquies, § 1er, du décret du 30 mars 1995, compte tenu de la charge de travail importante de la Commission.
- Objet de la demande
- La demande porte sur l’obtention d’une copie des documents suivants :
« les documents relatifs aux relations commerciales, ventes de bois ou dons de bois, sains ou scolytés attribués à l'usine ERDA depuis sa création à nos jours (y compris depuis 2014, quand la société FRUYTIER a racheté ERDA...) […]; les documents relatifs à la traçabilité des lots de bois vendus ou donnés, sains ou scolytés, directement ou indirectement ayant alimenté cette usine de cogénération produisant pellets et électricité ; […] ce même type de document pour toute transaction, tractation ayant trait aux filiales attachées à la maison-mère groupe FRUYTIER ».
- Compétence de la Commission
- L'article 2, § 1er, du décret du 30 mars 1995 dispose :
« Le présent décret ne s'applique pas aux informations environnementales définies à l'article D.6., 11°, du Livre 1er du Code de l'Environnement ».
Selon l’article D.6, 11°, du Code de l’Environnement, la notion d’« information environnementale » est définie comme étant :
« toute information, détenue par une autorité publique ou pour son compte, disponible sous forme écrite, visuelle, sonore, électronique ou toute autre forme matérielle, concernant :
a. l'état des éléments de l'environnement, tels que l'air et l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages et les sites naturels, y compris les biotopes humides, les zones côtières et marines, la diversité biologique et ses composantes, y compris les organismes génétiquement modifiés, ainsi que l'interaction entre ces éléments ;
b. des facteurs, tels que les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements ou les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets dans l'environnement, qui ont ou sont susceptibles d'avoir des incidences sur les éléments de l'environnement visés au point a. ;
c. les mesures, y compris les mesures administratives, telles que les politiques, les dispositions législatives, les plans, les programmes, les accords environnementaux et les activités ayant ou susceptibles d'avoir des incidences sur les éléments et les facteurs visés aux points a. et b., ainsi que les mesures ou activités destinées à protéger ces éléments ;
d. les rapports sur l'application de la législation environnementale ;
e. les analyses coûts-avantages et autres analyses et hypothèses économiques utilisées dans le cadre des mesures et activités visées au point c. ;
f. l'état de la santé humaine, la sécurité, y compris, le cas échéant, la contamination de la chaîne alimentaire, le cadre de vie, le patrimoine, pour autant qu'ils soient ou puissent être altérés par l'état des éléments de l'environnement visés au point a., ou, par l'intermédiaire de ces éléments, par l'un des facteurs, mesures ou activités visés aux points b. et c. ; ».
Ainsi, en vertu de l’article D.6, 11°, c., du Code de l’Environnement, la notion d’« information environnementale » couvre toute information détenue par une autorité publique, concernant les mesures et les activités ayant ou susceptibles d’avoir des incidences sur l’environnement ou destinées à protéger celui-ci[1].
Lorsque les documents ou informations faisant l’objet du recours constituent des informations environnementales telles que définies par l’article D.6, 11°, du Code de l’Environnement, la Commission n’est pas compétente et seule la Commission de recours pour le droit d’accès à l’information environnementale (CRAIE) est susceptible d’être compétente.
Cette exclusion de la compétence de la Commission au bénéfice de la CRAIE a été renforcée par le décret du 2 mai 2019 modifiant le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l'Administration et le Code de la démocratie locale et de la décentralisation en vue de renforcer le rôle de la Commission d'accès aux documents administratifs de la Région wallonne, lequel a complété l’article 2, § 1er, du décret du 30 mars 1995 par un second alinéa rédigé comme suit :
« La commission de recours visée à l'article D.20.3, § 1er, du Livre 1er du Code de l'Environnement est chargée de l'application du présent décret pour les documents administratifs dans les recours qu'elle a à connaitre au titre de la procédure de rectification et de recours prévue au sein de la Section 3, du Chapitre II, du Titre 1er, de la Partie III du même Code ».
À ce sujet, les travaux parlementaires précisent :
« Concrètement, cela signifie dès lors que : d’une part, si une personne demande à se voir communiquer un élément de nature non-environnementale présent dans un document de nature environnementale et que celui-ci introduit un recours devant la CADA, celle-ci devra inviter ladite personne à introduire son recours non pas devant la CADA mais devant la CRAIE ; d’autre part, lors de ce recours, la CRAIE aura potentiellement à connaitre des demandes de ladite personne traitant d’informations environnementales (matière réglée par le Code de l’Environnement) et des demandes de cette même personne traitant d’informations non-environnementales réglées par le présent décret »[2],[3].
- En l’espèce, les documents faisant l’objet du recours sont des informations environnementales. En effet, la vente (ou le don ou toute transaction) de coupe ou d’arbre effectuée conformément aux articles 73 et suivants du Code forestier a nécessairement une incidence sur l’état des sols, des terres et des paysages concernés, puisqu’il s’agit d’une mesure ou d’une activité ayant pour conséquence la coupe, l’abattage ou l’enlèvement d’un ou plusieurs arbres.
Ces ventes doivent également respecter le « cahier des charges pour la vente des coupes de bois dans les bois et forêts des personnes morales de droit public belge autre que ceux de la Région wallonne »[4]. Ce cahier des charges, auxquels certains des documents demandés font systématiquement référence, prévoit également la délivrance d’un permis d’exploitation et une série de mesures relatives à la réparation des dégâts d’exploitation, confirmant ainsi l’incidence de ces procédures sur l’état des sols, des terres et des paysages concernés.
Les documents demandés peuvent enfin contenir des conditions particulières proposées par l’adjudicataire d’une vente de coupe ou d’arbre, lesquelles conditions pourraient par exemple concerner certaines modalités de coupe, de ramassage, de reprise des chablis et des bois scolytés, etc., confirmant encore une fois l’incidence de telles transactions sur l’environnement.
Dès lors qu’il s’agit d’informations environnementales, la Commission est incompétente pour connaître du présent recours.
Par ces motifs, la Commission décide :
La Commission est incompétente.