Région wallonne – Formulaire d'informations et rapport – Bien-être animal – Protection des intérêts afférents à la recherche ou la poursuite de faits punissables (non) – Communication (non)
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La Région wallonne, le Service Public de Wallonie Agriculture, Ressources naturelles et Environnement, Département de la Police et des Contrôles, Unité du Bien-Être Animal,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu les articles 1er et 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel et par courrier adressé par pli recommandé le 11 mars 2023,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 14 mars 2023 et reçue le 15 mars 2023,
Vu la réponse de la partie adverse du 28 mars 2023,
Vu la décision de proroger le délai prévu à l’article 8quinquies, § 1er, du décret du 30 mars 1995, compte tenu de la charge de travail importante de la Commission.
- Objet de la demande
- La demande porte sur l’obtention d’une copie « des formulaires d’information et les rapports reçus par l’Unité du bien-être animal concernant les infractions sur le bien-être animal (lors de l’abattage (étourdissement etc.), le transport, l’infrastructure,…) constatés par les chargés de mission (CDM) de l’AFSCA dans les abattoirs de Liège […], Mouscron […] et Bastogne […] dans la période du 1er janvier 2019 jusqu’à ce jour ».
- Compétence de la Commission
- La Commission est compétente pour connaître du recours.
- Recevabilité du recours
- La demande a été adressée à la partie adverse le 9 février 202
La partie adverse a explicitement rejeté la demande le 6 mars 2023.
La partie requérante a introduit son recours le 11 mars 2023, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995.
Dès lors, le recours est recevable.
- Selon l’article 1er, alinéa 2, 3°, du décret du 30 mars 1995, un document à caractère personnel se définit comme tout « document administratif comportant une appréciation ou un jugement de valeur relatif à une personne physique nommément désignée ou aisément identifiable, ou la description d'un comportement dont la divulgation peut manifestement causer un préjudice à cette personne ».
Pour toute demande relative à un tel document, l’article 4, § 1er, alinéa 2, du décret du 30 mars 1995, du CDLD prévoit que « le demandeur doit justifier d’un intérêt ».
En l’espèce, la Commission estime que les documents sollicités, portant sur des éléments pénaux ou assimilés comme tels, d’une entreprise déterminée, constituent bien des documents à caractère personnel, dès lors que leur divulgation peut manifestement causer un préjudice à ses dirigeants, lesquels sont aisément identifiables en l’espèce.
Dès lors, la partie requérante doit justifier d’un intérêt afin d’obtenir la copie de ces documents.
En l’espèce, la partie requérante justifie son intérêt à agir en invoquant sa qualité de « plus grande association d’adhérents à la cause animale en Belgique ».
La Commission rappelle à cet égard que « l’intérêt requis n’est cependant pas nécessairement un intérêt personnel ». En l’espèce, en sa qualité de plus grande association d’adhérents à la cause animale en Belgique, la partie requérante a pour objet statutaire la protection des animaux en général.
Dès lors que les documents sollicités sont tous liés à cet objet statutaire, la partie requérante justifie de l’intérêt requis, de sorte que le recours est recevable.
Cependant, l’intérêt de la partie requérante n’emporte pas automatiquement la reconnaissance d’un droit dans son chef d’accéder aux documents à caractère personnel sollicités. En effet, les exceptions prévues par le décret peuvent s’appliquer même si l’intérêt de la partie requérante est démontré.
- Examen au fond
- La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les régimes législatifs applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
- En l’espèce, la partie adverse invoque notamment l’exception à la communication prévue à l’article 6, § 1er, alinéa 1er, 4°, du décret du 30 mars 1995, s’agissant de la protection des intérêts afférents à la recherche ou la poursuite de faits punissables.
Elle soutient que les formulaires d’information sont des documents officiels qui peuvent fonder la rédaction de procès-verbaux rédigés par les agents de police judiciaire qui, à ce titre, sont susceptibles d’être communiqués au Parquet. Dans ce cadre, ils sont couverts par le secret de l’enquête pénale. Elle s’autorise de la décision n° 64 du 8 juin 2020 de la Commission. Elle observe qu’à l’exception de l’article D.166, § 1er, du livre Ier du Code de l’environnement, les agents de police judiciaire de l’Unité du Bien-être animal n’ont plus de délai de rigueur pour rédiger leurs procès-verbaux d’infraction, en sorte qu’il n’est pas exclu que de tels procès-verbaux soient rédigés sur la base de ces formulaires. Elle en déduit que leur transmission à ce stade est susceptible de porter atteinte à la présomption d’innocence des personnes concernées.
Elle estime, par ailleurs, que la partie requérante ne démontre pas à suffisance que son intérêt à prendre connaissance de ces formulaires l’emporte sur les intérêts en jeu.
- Il n’est pas contesté que les formulaires d’information et rapports dont la communication est sollicitée par la partie requérante, identifient des actes susceptibles de constituer une infraction en matière de bien-être animal et, partant, de faire l’objet de poursuites pénales.
La demande de publicité passive porte sur des documents émis du 1er janvier 2019 jusqu’au 9 février 2023, date de la demande initiale de publicité passive auprès de la partie adverse.
Il s’ensuit qu’il y a lieu d’identifier le régime applicable aux infractions concernées.
L’article D.103 du Code du Bien-être animal, entrée en vigueur le 1er janvier 2019, dispose que :
« Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, les infractions aux dispositions du présent Code et à ses arrêtés d'exécution sont contrôlées, recherchées, constatées, poursuivies et sanctionnées conformément aux dispositions de la Partie VIII du Livre Ier du Code de l'Environnement ».
L’article D.105 du même Code énumère les infractions en matière de bien-être animal de deuxième et troisième catégories au sens du livre Ier du Code de l’environnement.
Les articles D.138 et suivants du livre Ier du Code de l’environnement énoncent les règles applicables en matière de recherche, constatation, poursuite, répression et mesures de réparation des infractions en matière d’environnement. Comme il ressort de l’article D.142, § 1er, l’objectif poursuivi est de régler de manière uniforme ces différentes missions pour l’ensemble des infractions en matière d’environnement. Pour autant, conformément à l’article D.160 du même Code, le Gouvernement peut arrêter des dispositions relatives aux modalités de l'inspection pour toutes ou certaines catégories d'installations et activités visées par les législations reprises à l’article D.138 (dont le Code wallon du Bien-être animal, énoncé sous le 17°). C’est ainsi qu’a été adopté l’arrêté du Gouvernement wallon du 8 juillet 2021 « relatif à la protection des animaux au moment de leur mise à mort », entré en vigueur le 6 août 2021, qui énonce certaines règles particulières, notamment concernant le contrôle de l’abattage par des experts-vétérinaires (articles 9 à 11).
L’article D.166, § 1er, du livre Ier du Code de l’environnement, tel que modifié par le décret du 24 novembre 2021, dispose comme suit :
« § 1er. L’agent qui a constaté une infraction envoie au contrevenant, par recommandé, une copie du procès-verbal :
Cet envoi est opéré :
1° lorsque le procès-verbal n'est pas consécutif à l'expiration du délai de régularisation fixé dans l'avertissement, dans les trente jours de la clôture du procès-verbal;
2° lorsque le procès-verbal est dressé à l'expiration du délai de régularisation fixé dans l'avertissement en vertu de l'article D.164, § 1er, dans les trente jours de l'expiration de ce délai de régularisation.
Au-delà du délai visé à l'alinéa 1er, le procès-verbal perd sa force probante visée à l'article D.165 et vaut comme simple renseignement.
Le procès-verbal mentionne la date de sa clôture ».
Si l’article D.166, § 1er, précité, prévoit un délai de rigueur pour l’établissement d’un procès-verbal d’infraction à la suite d’un avertissement en exécution de l’article D.164, § 1er, la Commission n’aperçoit pas d’autres dispositions applicables aux infractions en matière de bien-être animal imposant aux agents de police judiciaire de l’unité du Bien-être animal, visée à l’article R.87 du même Code, d’établir un procès-verbal d’infraction sur la base des formulaires d’intervention ou des rapports qu’elle reçoit dans un tel délai de rigueur. Il s’ensuit qu’à l’exclusion de cette hypothèse particulière, tout formulaire d’intervention ou tout rapport adressé à l’unité du Bien-être animal peut fonder ultérieurement une procédure pénale, sous réserve du respect du délai raisonnable.
Partant, les documents sollicités par la partie requérante ont trait à l’exception relative à la protection de l’intérêt de la recherche ou la poursuite de faits punissables prévue à l’article 6, § 1er, alinéa 1er, 4°, du décret du 30 mars 1995, puisqu’ils peuvent être appelés à intervenir dans le cadre d’une procédure pénale.
La transmission de ce type d’informations est susceptible, à ce stade, de porter atteinte à la présomption d’innocence dont les personnes visées par les constatations reprises dans ces formulaires d’intervention et rapports bénéficient tout au long de la procédure administrative et pénale, ainsi que de porter atteinte au secret de l’information et l’instruction pénales, garanti par l’article 57, § 1er, du Code d’instruction criminelle.
Si le bien-être animal est un objectif d’intérêt général et que le souhait affiché par la partie requérante de prendre connaissance du bien-être animal dans les abattoirs concernés participe à cet objectif, la Commission est d’avis que les intérêts de la recherche ou la poursuite de faits punissables ou les droits fondamentaux des personnes concernées doivent prévaloir, en sorte que les documents sollicités ne doivent pas être communiqués.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours n’est pas fondé.
Les documents sollicités ne doivent pas être communiqués.