SPW IAS – Consultation – Rapport interne adressé par l'administration à un ministre – Consultation d'avocat - Document à caractère personnel – Secret des délibérations – Avis ou opinion communiqués librement et à titre confidentiel – Obligation de secret prévue par la loi.
Consultation par le Service public de Wallonie Intérieur et Action sociale
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 2, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu la demande de consultation introduite par courriel le 15 février 2023.
La Commission rend l’avis suivant :
- Objet de la consultation
- La consultation porte sur l’analyse des questions suivantes : «
- Le décret du 30 mars 1995 précité autorise-t-il un requérant en tutelle d’annulation d’une décision individuelle prise à son encontre par son employeur, pouvoir local, à réclamer le rapport du SPW IAS - contenant son analyse juridique de la délibération soumise à tutelle et son avis sur la décision à prendre en cette affaire - adressé au Ministre de tutelle qui a fait choix de ne pas exercer son pouvoir de tutelle, en ce sens que cela reviendrait à donner au requérant des éléments susceptibles de justifier le choix du Ministre de tutelle alors qu’il n’en n’est pas tenu ?;
- Dans un avis n° 122 du 6 mars 2017, votre Commission indiquait ceci :
« (…) l’article 6 §2, 3° du décret permet de rejeter une demande d’accès lorsque la publicité porte atteinte « au secret des délibérations du Gouvernement ». En ce sens, le Conseil d’Etat a récemment jugé que « Les communications internes et les messages échangés entre le cabinet du ministre et l’administration sont des documents qui sont couverts par le secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif régional et qui figurent au nombre des documents que l’ordonnance du 30 mars 1995 relative à la publicité permet de soustraire à la publicité « (C.E., arrêt n° 223.260 du 24 avril 2013, Commune d’Auderghem). En vue de respecter cette exception, il convient néanmoins de démontrer concrètement que la diffusion de la note révélerait des opinions et prises de position des parties impliquées dans le processus de décision ou que cette diffusion risquerait de paralyser le processus de décision politique. En synthèse, la Commission estime que la divulgation d’une note de l’administration ayant pour objectif d’éclairer ou d’orienter la décision politique, avant sa communication au ministre, et donc avant la prise de décision, peut porter atteinte au secret des délibérations, au sens de l’article 6 §2, 3° du décret. En revanche, il n’est pas impossible qu’après la prise de décision, cette atteinte disparaisse ou s’amenuise. En toute hypothèse, il faut à chaque fois procéder à une appréciation au cas par cas (dans le même sens : Doc. Parl., Chambre, sess. 1992-1993, n° 1112/1, p.16) ».
Dans la mesure où le Ministre a clôturé la procédure de tutelle en indiquant ne pas se prononcer dans cette affaire et où il n’a pas à justifier son choix, le décret du 30 mars 1995 précité considère-t-il que le rapport précité du SPW IAS constitue une exception au sens de l’article 6, § 2, 3° dudit décret dès lors que cela reviendrait à révéler en tout ou en partie le choix du Ministre de tutelle de ne pas se prononcer ? ;
- Si la question précédente appelle une réponse négative, dans la mesure où le Ministre a clôturé la procédure de tutelle en indiquant ne pas se prononcer dans cette affaire et où il n’a pas à justifier son choix, le décret du 30 mars 1995 précité considère-t-il que le rapport précité du SPW IAS constitue une exception au sens de l’article 6, § 3, 2° dudit décret en ce sens qu’il s’agirait « d’un avis ou d’une opinion communiquée librement et à titre confidentiel à l’entité », le Ministre ne s’étend pas prononcé et étant en droit de le faire ? ;
- Le décret du 30 mars 1995 précité considère-t-il que le document communiqué par l’avocat de l’intercommunale au SPW IAS dans le cadre de l’instruction du dossier de tutelle générale d’annulation constitue une exception au sens de l’article 6, § 3, 2° (concerne un avis ou une opinion communiquée librement et à titre confidentiel à l'entité) dudit décret dès lors que ce document constitue un argumentaire circonstancié défendant la légalité de la décision de licenciement prise par l’intercommunale et répondant aux griefs du réclamant licencié ? ».
- Compétence de la Commission
- La demande ayant été introduite par une autorité administrative régionale, la Commission est compétente pour en connaître.
- Examen de la demande
- La première question posée concerne la possibilité pour un citoyen de demander l’accès à un rapport administratif dont l’autorité administrative régionale dispose. Quelles que soient les raisons de sa demande, et quelles que soient les procédures administratives ou juridictionnelles existantes par ailleurs, un citoyen dispose toujours du droit fondamental à demander l’accès à n’importe quel document administratif, tel que prévu par les articles 32 de la Constitution et 4 du décret wallon du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’administration.
Dans la situation décrite par la demande d’avis, la personne demandant l’accès au rapport administratif est celui qui est directement visé par la décision dont la validité est analysée par le rapport. A supposer même que ce rapport constitue un document à caractère personnel, il faudra donc considérer qu’une telle personne dispose de l’intérêt requis pour en demander la communication.
- Les deux questions suivantes sont relatives à l'applicabilité des exceptions légales à un rapport contenant l’analyse juridique faite par l’administration à l’attention du ministre compétent, lorsque ce rapport concerne la validité d’une décision adoptée par une autorité locale soumise à la tutelle d’annulation du ministre.
- La Commission rappelle tout d’abord que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les régimes législatifs applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
- La première exception évoquée par le demandeur d’avis est relative au secret des délibérations du Gouvernement, visée à l’article 6, § 2, 3°, du décret du 30 mars 1995. Comme rappelé par la Commission dans sa décision n° 274 du 9 février 2023 :
« L’objectif poursuivi par le législateur en prévoyant l’exception relative au secret des délibérations du Gouvernement est « d’éviter que la discussion politique ne soit paralysée »[1], notamment par la crainte de divulgation des opinions et prises de position des parties impliquées dans le processus de décision.
Si cette exception a un caractère absolu, il reste que la Commission doit apprécier si le document litigieux relève bien du secret des délibérations. A cet égard, il ressort des travaux préparatoires qu’il est « [...] possible qu’un document déterminé ne puisse pas être rendu public à un moment déterminé, parce que cela porterait atteinte au caractère secret d’une délibération, tandis que ceci n’est plus le cas à un moment ultérieur, ce qui implique que l’objection à la publicité tombe. Il est donc nécessaire de procéder à une appréciation concrète »[2].
Par sa décision n° 50 du 4 mai 2020, citant son avis n° 122 du 6 mars 2017, la Commission a rappelé que :
« le Conseil d’Etat a récemment jugé que ‘Les communications internes et les messages échangés entre le cabinet du ministre et l’administration sont des documents qui sont couverts par le secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif régional et qui figurent au nombre des documents que l’ordonnance du 30 mars 1995 relative à la publicité de l’administration permet de soustraire à la publicité »[3].
En vue de respecter cette exception, il convient néanmoins de démontrer concrètement que la diffusion de la note révélerait des opinions et prises de position des parties impliquées dans le processus de décision ou que cette diffusion risquerait de paralyser le processus de discussion politique.
En synthèse, la Commission estime que la divulgation d’une note de l’administration ayant pour objectif d’éclairer ou d’orienter la décision politique, avant sa communication au ministre, et donc avant la prise de décision, peut porter atteinte au secret des délibérations, au sens de l’article 6, §2, 3° du décret. En revanche, il n’est pas impossible qu’après la prise de décision, cette atteinte disparaisse ou s’amenuise. En toute hypothèse, il faut à chaque fois procéder à une appréciation au cas par cas[4] ».
Il semble donc nécessaire de maintenir la confidentialité d’un rapport analysant la validité juridique d’une décision prise par un pouvoir local et soumise à la tutelle d’annulation du ministre compétent, avant la décision du ministre d’utiliser ou non son pouvoir de tutelle. En effet, la publicité pourrait porter atteinte au processus de décision en matière de tutelle d’annulation, notamment eu égard aux délais dans lesquels une tutelle d’annulation doit intervenir (le plus souvent 30 jours).
Après la décision du ministre, il convient en revanche, pour pouvoir appliquer cette exception, d’expliquer concrètement en quoi la communication du rapport serait susceptible de révéler les opinions ou prises de position des parties impliquées dans la prise de décision. Il doit s’agir à cet égard de points de vue et avis exprimés à titre personnel par des membres identifiés de l’administration. Il est aussi possible d’expliquer concrètement en quoi la communication du rapport porterait encore atteinte au processus de décision. L’absence d’obligation pour le ministre de motiver son choix de ne pas recourir à la tutelle d’annulation n’est pas un argument suffisant pour justifier l’atteinte au processus de décision.
A défaut de pouvoir présenter des explications concrètes, l’exception ne serait plus applicable après la décision du ministre d’utiliser ou non son pouvoir de tutelle.
- La seconde exception évoquée par le demandeur d’avis est celle relative à un avis ou une opinion communiqués à titre confidentiel, visée à l’article 6, § 3, 2°, du décret du 30 mars 1995.
- seuls des avis ou opinions peuvent être pris en considération, à l’exception de simples faits ou constats ;
- l’avis ou l’opinion doit avoir été communiqué spontanément, librement à l’autorité administrative, en l’absence de toute obligation légale ;
- l’avis ou l’opinion est communiqué, de manière expresse, sous le sceau de la confidentialité, à l’autorité administrative ; la mention de ce caractère confidentiel doit être concomitante à la communication de l’avis ou de l’opinion ;
- l’avis ou l’opinion émane de tiers, à l’exclusion donc des fonctionnaires ou préposés de l’autorité administrative.
- La dernière question porte sur l'applicabilité des exceptions légales à une consultation juridique d’avocat commandée par une autorité locale pour soutenir la validité de sa décision, et transmise ensuite à l’administration et au ministre de tutelle.
Une consultation d’avocat relative à la validité d’une décision administrative, et destinée directement ou indirectement à l’autorité de tutelle, est cependant protégée par le secret professionnel, soit une obligation de secret instaurée par la loi au sens de l’article 6, § 2, 2°, du décret du 30 mars 1995. Le secret professionnel est d’autant plus protégé lorsqu’il intervient dans une procédure administrative contentieuse, et non un simple conseil stratégique ou une explication juridique. Ce secret n’est pas levé au seul motif que le destinataire de la consultation d’avocat la transmet à son autorité de tutelle.
Dans la mesure où il est protégé par le secret professionnel de l’avocat, un tel document ne peut donc pas être transmis sur la base des législations relatives à la publicité de l’administration sans l’autorisation de la personne ou de l’institution destinataire de la consultation d’avocat.