11 mai 2023 -
CADA – Avis n° 321 : SPW SG – Consultation – Conseil de l'Economie circulaire
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SPW SG – Consultation – Conseil de l'Economie circulaire
Consultation par le Service public de Wallonie - Secrétariat Général
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 2, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu la demande de consultation introduite le 2 septembre 2022 et rappelée le 31 mars 2023.
La Commission rend l’avis suivant :
- Objet de la consultation
- La consultation porte sur l’analyse du cadre de la publicité qui s’applique aux avis émis par le Conseil de l’Economie circulaire dans le cadre de « Circular Wallonia ».
- Compétence de la Commission
- La demande ayant été introduite par une autorité administrative régionale, la Commission est compétente pour en connaître.
- Examen de la demande
- L’article 1er de l’arrêté du Gouvernement wallon du 1er juillet 2022 ‘relatif au fonctionnement et à la nomination des membres du Conseil de l’Economie circulaire mise en place dans le cadre de la stratégie wallonne de déploiement de l’économie circulaire, Circular Wallonia, et dans le cadre du Plan de relance de la Wallonie’ prévoit qu’un « Conseil » est mis en place pour une durée de quatre ans. Celui-ci est visé dans le chapitre “Gouvernance de la Stratégie wallonne de déploiement de l’économie circulaire (Circular Wallonia)”.
Conformément à l’article 2 du dispositif précité, le Conseil de l’Economie circulaire a pour missions de :
- Veiller à la pertinence et la cohérence des décisions prises et des actions menées dans le cadre de la Stratégie ;
- Emettre des avis et des recommandations au Gouvernement sur la mise en œuvre de la stratégie et sur l’actualisation potentielles des mesures ;
- Identifier les enjeux majeurs liés à l’économie circulaire, les pratiques internationales les plus pertinentes et dégager les mécanismes vertueux à mettre en place pour stimuler l’économie circulaire en Wallonie ;
- Agir comme conseil du Gouvernement pour garantir que les travaux en matière d’économie circulaire avancent suffisamment rapidement ;
- Veiller à ce que les actions et travaux menés par les pouvoirs publics correspondent aux besoins observés sur le terrain.
L’article 4, § 4, de cet arrêté prévoit des règles de confidentialité applicables aux membres du Conseil de l’Economie circulaire.
- L’article 1er du décret du 30 mars 1995 « relatif à la publicité de l’Administration » prévoit que ses dispositions s’appliquent aux autorités administratives au sens de l’article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat.
Il en résulte que pour pouvoir déterminer si le Conseil de l’Economie circulaire se voit appliquer le régime de la publicité passive visé par le décret du 30 mars 1995, il importe de déterminer s’il peut être qualifié d’autorité administrative au sens de l’article 14 précité.
A cet égard, la Commission relève qu’en se référant à l’article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d’État et à la jurisprudence y afférente pour interpréter la notion d’« autorité administrative », le législateur fédéral[1], suivi en cela par le législateur wallon[2], a voulu lier le champ d’application de la législation en matière de publicité administrative au développement éventuel de cette jurisprudence. Le législateur a ainsi opté pour une notion « évolutive » qui permet de tenir compte des évolutions sociales. Parce que la notion d’« autorité administrative » n’est pas définie à l’article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d’État, l’interprétation qui en est donnée dans l’exposé des motifs est la reproduction d’une situation contemporaine dépendante de la jurisprudence de l’époque.
Il s’ensuit que les développements exposés dans les travaux préparatoires à la loi du 11 avril 1994 « relative à la publicité de l’administration »[3] apparaissent devoir être appréhendés avec la plus grande circonspection lorsqu’ils visent à qualifier telle ou telle instance comme étant une autorité administrative, étant entendu qu’ils n’explicitent, tout au mieux, que le cadre à la notion d’autorité administrative qui prévalait à l’époque.
- La Commission relève tout d’abord que le Conseil de l’Economie circulaire n’a pas la personnalité juridique mais consiste en une instance d’avis consultatifs créée au sein de la Région wallonne.
La jurisprudence spécifique à ce type d’instances, dépourvues de personnalité juridique, afin d’appréhender les contours de la notion d’autorité administrative, est presque inexistante[4]. La Commission constate qu’en revanche, la jurisprudence est abondante lorsqu’il s’agit de déterminer dans quelle mesure une personne morale de droit privé doit être considérée comme étant une autorité administrative au sens de l’article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat. En substance, la Cour de cassation[5] et la Cour constitutionnelle[6] jugent qu’une telle personne morale peut être qualifiée d’autorité administrative, lorsque, cumulativement, elle a été créée ou est agréée par les personnes morales de droit public, elle est chargée d’un service public, elle ne fait pas partie du pouvoir judiciaire ou législatif, son fonctionnement est déterminé et contrôlé par les personnes morales de droit public et, enfin, si elle est compétente pour prendre des décisions obligatoires à l’égard des tiers.
Toutefois, la Commission estime que la jurisprudence relative aux personnes morales de droit privé créées par les pouvoirs publics ne s’applique pas aux instances internes à une autorité administrative. En effet, par l’arrêt n° 157/2020 du 26 novembre 2020[7], la Cour constitutionnelle a jugé que les personnes morales de droit privé ne se trouvent pas dans une situation objectivement identique à celle d’un « service public au sens organique », même lorsque les premières sont étroitement liées à des pouvoirs publics, sont investies d’une mission d’intérêt général et peuvent prendre des décisions obligatoires à l’égard des tiers, et ce, compte tenu de leur structure de droit privé. Au regard de la différence objective entre personnes morales de droit privé et instances internes à une administration, il semble à la Commission que c’est bien la circonstance que de telles instances soient « parties intégrantes » de l’administration qui peut conduire à leur reconnaître la qualité d’autorité administrative, quand bien même elles ne disposent pas du pouvoir de prendre des décisions contraignantes à l’égard des tiers. La Commission constate que la jurisprudence de la Cour de cassation n’a pas censuré une telle appréciation.
C’est, selon la Commission, par une approche similaire que la CADA fédérale a relevé qu’une instance d’avis créée ou agréée par une autorité administrative peut être elle-même qualifiée d’autorité administrative au sens de l’article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat lorsqu’elle joue un « rôle crucial dans l’élaboration d’actes juridiques complexes »[8], lorsqu’elle est un « organe de l’Etat fédéral »[9] ou encore lorsqu’elle « formule des avis contraignants, c’est-à-dire des avis qui sont de telle nature qu’ils limitent considérablement une autorité administrative dans sa prise de décision administrative »[10].
Concernant le Conseil de l’Economie circulaire, il a été créé par le Gouvernement wallon. Il est bien chargé d’un service public en tant qu’il participe, par voie consultative, au déploiement de Circular Wallonia. Enfin, son fonctionnement est déterminé et contrôlé par la Région wallonne, conformément aux dispositions reprises dans l’arrêté du Gouvernement wallon du 1er juillet 2022 précité. Ces éléments permettent de considérer que le Conseil de l’Economie circulaire fait partie intégrante d’une autorité administrative sachant qu’il jouera un rôle crucial dans le déploiement de « Circular Wallonia ».
Partant, il y a lieu de considérer que le Conseil de l’Economie circulaire est une autorité administrative au sens l’article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat. La circonstance que les compétences du Conseil de l’Economie circulaire se limitent à des prérogatives consultatives, en sorte qu’il n’est pas lui-même en mesure de prendre des décisions obligatoires à l’égard des tiers, n’énerve en rien ce qui précède.
Partant, la Commission considère que le Conseil de l’Economie circulaire est soumis aux règles de publicité administrative passive visées par le décret du 30 mars 1995.
Il résulte des développements repris précédemment que cette solution n’est nullement définitive mais qu’elle dépend de l’évolution qui sera donnée par la jurisprudence à la notion d’autorité administrative.
- Il reste qu’il existe des exceptions et des tempéraments à la transparence administrative, prévus par le décret du 30 mars 1995.
Parmi ces exceptions, la Commission relève, à titre illustratif et sans préjuger de ce qu’elle déciderait en cas de recours introduits devant elle en application de l’article 8, § 1er, alinéa 2, du décret du 30 mars 1995, les suivantes :
- L’article 6, § 1er, 6°, du décret du 30 mars 1995 vise l’« intérêt économique ou financier de la Région » qui peut, dans les circonstances de l’espèce, l’emporter sur l’intérêt de la publicité ;
- L’article 6, § 2, 1°, du même décret concerne l’exception à la publicité si la publication du document porte atteinte à « la vie privée, sauf les exceptions prévues par la loi », ce qui vise notamment le secret d’affaires, au sens de l’article I.17/1, 1°, du Code de droit économique ;
- Il est encore question de l’atteinte au « secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du Gouvernement ou auxquelles une autorité régionale est associée » (article 6, § 2, 3°, du décret du 30 mars 1995).
[1]
Doc. parl., Chambre, session 1992-1993, n° 1112/1, pp. 8 à 11.
[2]
Doc. parl., Parl. wall., session, p. 4, où il est souligné que le recours à la notion d’ « autorité administrative », comme pour la loi du 11 avril 1994 « relative à la publicité de l’administration » et pour la loi du 29 juillet 1991 « relative à la motivation formelle des actes administratifs », « conférera au décret le plus vaste champ d’application possible ».
[3] Il est notamment exposé que :
« En outre de ces organismes, la question doit être posée au sujet du caractère d’autorité administrative des organismes qui ont été créés suite à une initiative privée mais qui sont chargés d’une mission d’intérêt public.
Par rapport à ces organismes qui ne sont pas des autorités administratives en tant que telles, mais qui peuvent prendre des décisions habilitées d’un pouvoir public, qui sont susceptibles d’être annulées par le Conseil d’État, la loi relative à la publicité de l’administration n’est d’application que dans les affaires pour lesquelles l’organisme obtient le caractère d’autorité administrative. Pour les entreprises avec une gestion mixte, cela concerne par exemple la compétence qui est exercée à l’égard du personnel.
Les organismes consultatifs publics (comme le Conseil central de l’Economie, le Conseil supérieur des classes moyennes, le Conseil national du Travail), sont aussi soumis à ce raisonnement : ils ne sont pas une autorité administrative quand ils formulent leur avis, mais bien au moment de l’exécution de leur pouvoir de décision à l’égard de leur personnel.
Dans ce cas uniquement, ils tombent sous l’application de la présente loi » ( Doc. parl., Chambre, session 1992-1993, n° 1112/1, pp. 10 et 11).
« En outre de ces organismes, la question doit être posée au sujet du caractère d’autorité administrative des organismes qui ont été créés suite à une initiative privée mais qui sont chargés d’une mission d’intérêt public.
Par rapport à ces organismes qui ne sont pas des autorités administratives en tant que telles, mais qui peuvent prendre des décisions habilitées d’un pouvoir public, qui sont susceptibles d’être annulées par le Conseil d’État, la loi relative à la publicité de l’administration n’est d’application que dans les affaires pour lesquelles l’organisme obtient le caractère d’autorité administrative. Pour les entreprises avec une gestion mixte, cela concerne par exemple la compétence qui est exercée à l’égard du personnel.
Les organismes consultatifs publics (comme le Conseil central de l’Economie, le Conseil supérieur des classes moyennes, le Conseil national du Travail), sont aussi soumis à ce raisonnement : ils ne sont pas une autorité administrative quand ils formulent leur avis, mais bien au moment de l’exécution de leur pouvoir de décision à l’égard de leur personnel.
Dans ce cas uniquement, ils tombent sous l’application de la présente loi » ( Doc. parl., Chambre, session 1992-1993, n° 1112/1, pp. 10 et 11).
[4] Les avis de la CADA fédérale sont une source intéressante au vu de ce contexte particulier.
[5] Cass., arrêt du 28 mars 2019, C.18.0272.F ; arrêt du 5 février 2016, C.15.0164.F ; arrêt du 12 février 2015 ; ch. réunies, arrêt du 13 juin 2013, C.12.0458.F. ; arrêt du 30 mai 2011, C.10.0508.N ; arrêt du 28 octobre 2008 ; arrêt du 9 septembre 2002 ; ch. réunies, arrêt du 10 septembre 1999, C.98.0141.F ; ch. réunies, arrêt du 14 février 1997.
[6] C. Const., arrêt n° 131/2012 du 30 octobre 2012, B.8.1.
[7] B.10.
[8] Avis n° 2020-112 du 2 septembre 2020.
[9] Traduction de « een orgaan van de Federale Staat », avis n° 15/2013.
[10] Avis n° 2010-45 du 9 août 2010.