Ville – Décision de Collège communal – Marché public – Communication partielle
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La Ville de Ciney,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article L3211-3, ainsi que les articles L3231-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 18 avril 2023,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 19 avril 2023 et reçue le 20 avril 2023,
Vu la réponse de la partie adverse du 26 avril 2023,
Vu la décision de proroger le délai prévu à l’article 8quinquies, § 1er, du décret du 30 mars 1995, compte tenu de la charge de travail importante de la Commission.
- Objet de la demande
- La demande porte sur :
- L’obtention d’une copie « de la décision du Collège relative au renouvellement du système audio du centreville en ce compris la motivation du caractère d’utilité publique qui a été donnée à ce dossier » ;
- La consultation des « documents relatifs au choix du matériel, à son achat et à son installation ».
- Compétence de la Commission
- La Commission est compétente pour connaître du recours.
- Recevabilité du recours
- La demande a été adressée à la partie adverse le 17 mars 202
La partie adverse n’y ayant pas donné suite, la demande a été rejetée implicitement le 16 avril 2023, en application de l’article 6, § 5, du décret du 30 mars 1995.
La partie requérante a introduit son recours le 18 avril 2023, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du même décret.
Dès lors, le recours est recevable.
- Examen au fond
- La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les régimes législatifs applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
- En l’espèce, la partie adverse n’invoque aucune exception pour s’opposer à la communication des documents à la partie requérante.
- En ce qui concerne le document contenant la justification de la décision du Collège relative au renouvellement du système audio du centre-ville en ce compris la motivation du caractère d’utilité publique : la partie adverse n’a pas transmis un tel document à la Commission mais apporte une justification du caractère d’utilité publique dans sa réponse. Pour autant que ce document existe, il doit être communiqué à la partie requérante moyennant le respect des exceptions prévues à l’article 6 du décret du 30 mars 1995.
- En ce qui concerne la demande de consultation des « documents relatifs au choix du matériel, à son achat et à son installation » : la Commission relève que tant dans son offre que dans l’option complémentaire déposée, la société adjudicataire du marché a précisé que « le présent projet (…) ne peut être transféré à une personne étrangère à la commune ». Celle-ci a donc clairement exprimé le fait qu’elle considère son offre comme confidentielle. Il y a dès lors lieu de vérifier si les documents du marché contiennent des éléments qui peuvent être couverts par le secret des affaires[1].
« (…) secret d’affaires : information qui répond à toutes les conditions suivantes :
a) elle est secrète en ce sens que, dans sa globalité ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, elle n'est pas généralement connue des personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre d'information en question, ou ne leur est pas aisément accessible ;
b) elle a une valeur commerciale parce qu'elle est secrète ;
c) elle a fait l'objet, de la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à la garder secrète ».
Le secret d’affaires protège notamment « les informations techniques et financières relatives au savoir-faire, les méthodes de calcul des coûts, les secrets et procédés de fabrication, les sources d’approvisionnement, les quantités produites et vendues, les parts de marché, les fichiers de client et de distributeurs, la stratégie commerciale, la structure de coûts et de prix ou encore la politique de vente d’une entreprise »[2].
Selon la jurisprudence du Conseil d’Etat, « peuvent contenir des informations relevant du secret des affaires, les offres déposées dans le cadre de la procédure d’attribution du marché litigieux ou d’un marché antérieur, ainsi que les documents établis dans le cadre des échanges ultérieurs entre le pouvoir adjudicateur et les soumissionnaires, relatifs soit à des demandes de précisions et aux réponses apportées à celles-ci, soit à l’invitation à déposer de nouvelles offres et à la suite réservée à celle-ci, particulièrement, […] dans le cadre d’une procédure négociée au cours de laquelle des offres améliorées ont pu être déposées à la suite de négociations »[3].
En l’espèce, la Commission considère que l’offre remise par la société adjudicataire contient de nombreux éléments qui répondent aux trois conditions cumulatives prévues à l’article 1.17/1, 1°, du Code de droit économique, tels par exemple les prix unitaires, la solution et la description technique du matériel proposé.
Compte tenu de son caractère confidentiel, ce document ne doit pas être communiqué.
S’agissant en revanche des autres documents relatifs au marché en cause communiqués à la Commission, il n’apparaît pas que ceux-ci contiennent des éléments susceptibles de relever du secret des affaires. Partant, ces documents doivent être soumis à consultation.
S’agissant des documents relatifs au marché qui n’ont pas été communiqués à la Commission, comme par exemple la proposition d’attribution rédigée par la Cellule Marché Public de la partie adverse ou le rapport d’examen des offres, ceux-ci doivent être communiqués d’office sous réserve des exceptions prévues à l’article 6 du décret du 30 mars 1995.
Au vu de l’examen qui doit être effectué par la partie adverse, celle-ci dispose d’un délai de 15 jours pour communiquer ou permettre la consultation des documents demandés.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est recevable.
Le recours est partiellement fondé. La partie adverse communique à la partie requérante ou permet la consultation par celle-ci des documents sollicités sous réserve des exceptions prévues à l’article 6 du décret du 30 mars 1995, et ce dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.