Commune – Dossier épreuve de recrutement – Document à caractère personnel (oui) – Vie privée – Demande relativement vague et incomplète (non) – Communication partielle
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La Commune de Nassogne,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article L3211-3, ainsi que les articles L3231-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 24 juillet 2023,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 31 juillet 2023 et reçue le 1er août 2023,
Vu la réponse de la partie adverse du 9 août 2023.
- Objet de la demande
- La demande porte sur l’obtention d’une copie « informatique de tous les documents versés au dossier administratif concernant l’épreuve de recrutement du nouveau Directeur général de la Commune de Nassogne ».
- Compétence de la Commission
- La Commission est compétente pour connaître du recours.
- Recevabilité du recours
- La demande a été adressée à la partie adverse le 28 juin 202
La partie adverse a explicitement rejeté la demande le 13 juillet 2023.
La partie requérante a introduit son recours le 24 juillet 2023, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995.
Dès lors, le recours est recevable.
- Selon l’article L3211-3, 3°, du CDLD, un document à caractère personnel se définit comme tout « document administratif comportant une appréciation ou un jugement de valeur relatif à une personne physique nommément désignée ou aisément identifiable, ou la description d'un comportement dont la divulgation peut manifestement causer un préjudice à cette personne ».
Pour toute demande relative à un tel document, l’article L3231-1, alinéa 2, du CDLD prévoit que « le demandeur doit justifier d’un intérêt ».
En l’espèce, la partie requérante est domiciliée dans la commune de Nassogne. La Commission estime que cette qualité ne suffit pas à justifier de l’intérêt requis par l’article L3231-1, alinéa 2, du CDLD pour ce qui concerne les documents relatifs à la procédure de sélection du nouveau Directeur général qui contiennent des appréciations ou des jugements de valeur relatifs aux candidats à cette fonction. En ce qu’elle porte sur ce type de document, la requête est irrecevable.
Pour le surplus, le recours est recevable.
- Examen au fond
- La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les régimes législatifs applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
- En l’espèce, la partie adverse invoque l’exception relative à la vie privée, prévue à l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995. Elle explique que « les documents ayant trait à ce dossier comportent d’innombrables données à caractère personnel ». Elle indique également que « si la communication des documents peut en effet être réalisée moyennant une suppression des données à caractère personnel, celle-ci engagerait une charge de travail non négligeable vu la quantité de données à caractère personnel composant un dossier de recrutement ».
Au vu des documents communiqués, la Commission n’aperçoit pas en quoi l’anonymisation des données à caractère personnel comporterait « une charge de travail non négligeable ».
- La partie adverse rajoute que le dossier a été abordé lors d’une séance à huis clos au conseil communal. Elle indique également la jurisprudence de la Commission et précise que « le droit au respect de la vie privée "a une portée étendue et englobe notamment la protection des données à caractère personnel et des informations personnelles" ».
La Commission rappelle que « le caractère "confidentiel des réunions du Conseil d’administration" ne constitue pas en soi un motif légal d’exception à la publicité de l’administration. À l’instar des procès-verbaux des séances à huis clos d’un conseil communal, les documents demandés doivent être communiqués ou un extrait de ceux-ci selon les cas lorsqu’une exception légale trouve spécifiquement à s’appliquer »[1].
La Commission précise à cet effet que « les données relatives à des personnes exerçant une fonction publique ne bénéficient pas d’une protection équivalente à celles des autres personnes physiques »[2].
Pour autant, pour justifier une restriction au droit à la publicité, il doit être démontré que « la publicité des informations concernées porterait effectivement atteinte à la vie privée », un « simple ‘lien’ avec la vie privée ne suffi[san]t pas »[3].
Partant, les documents doivent être communiqués moyennant le caviardage des noms, adresses et autres informations relevant de la vie privée des candidats.
- La partie adverse invoque enfin l’exception relative à la demande « particulièrement vague et incomplète », prévue à l’article L3231-3, alinéa 1er, 4°, du CDLD. Elle signale qu’elle ne perçoit pas l’objet exact de la demande et ce que vise « tous les documents versés au dossier administratif ». S’agit-il, selon elle, des « CV et lettre de motivation des candidats ? La copie de leurs diplômes ? Les résultats des épreuves de recrutement (écrite ? orale ?) ? Les courriers d’invitation aux épreuves ? Le rapport du jury ? La délibération du conseil désignant le lauréat ? ».
La Commission rappelle qu’une demande formulée de façon manifestement trop vague est relative à ce qui est confus, imprécis, indécis, indéfini, indéterminé[4]. Il s’agit notamment d’une demande qu’un agent familier de la matière concernée ne parvient pas à identifier, ou d’une demande équivoque[5].
En l’espèce, la demande porte de manière précise et sans équivoque sur « tous les documents versés au dossier administratif concernant l’épreuve de recrutement du nouveau Directeur général de la Commune de Nassogne ». Cette demande ne peut être qualifiée de « manifestement trop vague ». La partie adverse ne peut raisonnablement pas soutenir une difficulté à identifier les pièces dont elle dispose en relation avec ce dossier.
L’exception invoquée par la partie adverse n’est donc pas fondée et les documents doivent être communiqués à la partie requérante, sous réserve des autres exceptions prévues à l’article 6 du décret du 30 mars 1995.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est recevable.
Le recours n’est pas recevable en ce qu’il vise les documents relatifs à la procédure de sélection du nouveau Directeur général qui contiennent des appréciations ou des jugements de valeur relatifs aux candidats à cette fonction.
Pour le surplus, le recours est fondé. La partie adverse communique à la partie requérante les documents sollicités, moyennant le respect des exceptions prévues à l’article 6 du décret du 30 mars 1995 et moyennant le caviardage des noms, adresses et autres informations relevant de la vie privée des candidats, et ce dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.