Ville – Liste de logements inoccupés – Rôle de la taxe communale sur les immeubles inoccupés – Vie privée (oui) – Communication partielle
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La Ville de Liège,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article L3211-3, ainsi que les articles L3231-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 13 août 2023,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 14 août 2023 et reçue le 16 août 2023,
Vu la réponse de la partie adverse du 3 octobre 2023.
- Objet de la demande
- La demande porte sur l’obtention d’une copie des documents suivants :
« 1) une version électronique des listings des logements inoccupés de la commune pour les années 2019/2020/2021/2022 y compris les bâtiments inoccupés appartenant aux institutions publiques ;
2) le rôle de la taxe sur les immeubles inoccupés et/ou abandonnés (depuis 2019) ».
- Compétence de la Commission
- La Commission est compétente pour connaître du recours.
- Recevabilité du recours
- L’article L3231-3, alinéas 3 et 4, du CDLD dispose comme suit :
« L’autorité administrative provinciale ou communale qui ne peut pas réserver de suite immédiate à une demande de publicité ou qui la rejette communique dans un délai de trente jours de la réception de la demande les motifs de l’ajournement ou du rejet. En cas d’ajournement, le délai ne pourra jamais être prolongé de plus de quinze jours.
En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, la demande est réputée avoir été rejetée ».
- La demande a été adressée à la partie adverse le 11 juillet 2023.
La partie adverse n’y ayant pas donné suite, la demande a été rejetée implicitement le 10 août 2023, en application de l’article L3231-3, alinéa 4, du CDLD.
La partie requérante a introduit son recours le 13 août 2023, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du décret du 30 mars 1995 et rendu applicable par l’article L3231-5, § 1er, du CDLD.
Dès lors, le recours est recevable.
- Examen au fond
- La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les régimes législatifs applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
- La Commission constate que la partie adverse n’a pas répondu dans le délai imparti à la demande d’informations qui lui a été adressée en application de l’article 8ter, alinéa 1er, du décret du 30 mars 1995.
Néanmoins, la partie adverse a, après l’expiration du délai susvisé, communiqué à la Commission des informations dont il y a lieu, pour des raisons de bonne administration, de tenir compte dans le cadre de l’examen du présent recours.
- En l’espèce, la partie adverse invoque – bien qu’implicitement en se référant au Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (ci-après RGPD) ou encore à l'article 8, § 1er, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 16, § 1er, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne – l’exception relative au respect du droit à la vie privée, prévue à l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995. Elle explique que « la version électronique des listings des logements inoccupés dont la communication est demandée, comportent des informations telles que les libellés des rues, les numéros des habitations ainsi que l’index (l’identification ou sous-numérotation de la partie concernée de l’immeuble) ». Elle indique également que « les rôles de la taxe sur les immeubles inoccupés dont la communication est demandée, comportent des informations telles que les noms et adresses de chaque redevable concerné ainsi que les lieux faisant l’objet de l’imposition ».
L’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995 rendu applicable par l’article L3231-3 du CDLD, dispose comme il suit :
« § 2. L’entité ou l’autorité administrative non régionale rejette la demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif, qui lui est adressée en application du présent décret, si la publication du document administratif porte atteinte :
1° à la vie privée, sauf les exceptions prévues par la loi ; […] ».
Le décret du 30 mars 1995 interdit donc à l’autorité communale de transmettre des informations qui portent atteinte à la vie privée.
- La partie adverse fonde encore son refus de publicité des documents sollicités sur l’article 6, § 1er, 2°, du décret du 30 mars 1995, en soutenant que cette disposition « permet à l’Autorité administrative solliciter de refuser d’accéder à une demande si l’intérêt du public est primé par les libertés et les droits fondamentaux des administrés », plus particulièrement le droit à la vie privée des redevables (en lien avec leurs données financières).
L’article 6, § 1er, 2°, précité, rendu applicable par l’article L3231-3 du CDLD, dispose comme il suit :
« § 1er. L'entité ou l'autorité administrative non régionale rejette la demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif, si elle a constaté que l'intérêt de la publicité ne l'emporte pas sur la protection de l'un des intérêts suivants:
[…]
2° les libertés et les droits fondamentaux des administrés ;
[…] ».
- En l’espèce, la Commission constate, à l’analyse des documents sollicités, que ceux-ci contiennent des mentions relevant de l’exception relative à la protection de la vie privée, telles que le nom et l'adresse complète des redevables ou encore l'adresse complète des immeubles situés sur le territoire de la partie adverse et concernés par la taxation sur les immeubles inoccupés et/ou abandonnés. Ces informations révèlent l’identité de ces propriétaires ou les rendent identifiables, notamment par une consultation des données reprises dans des registres publics (la conservation des hypothèques) ou par l’accès aux informations, publiques elles aussi, de l’administration du cadastre[1]. Afin de respecter le droit à la vie privée des personnes propriétaires d’un immeuble inoccupé, il convient d’occulter toute information permettant que ces personnes soient identifiées ou identifiables.
Pour ce faire, la partie adverse doit occulter les noms et les adresses des propriétaires concernés et les numéros des immeubles visés par la taxation. Les autres mentions figurant dans les documents sollicités ne permettent pas, à la connaissance de la Commission, à tout un chacun d’identifier les propriétaires d’un immeuble inoccupé ou abandonné. La partie adverse doit néanmoins le vérifier avant de transmettre les documents à la partie requérante.
Sous réserve de ce qui précède, aucune autre exception légale ne fait obstacle à la communication des documents sollicités.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est recevable.
Le recours est fondé. La partie adverse communique à la partie requérante les documents sollicités en occultant les noms, les adresses des propriétaires visés ainsi que les numéros des immeubles concernés par la taxation et, le cas échéant, tout autre information permettant de rendre les propriétaires de ces immeubles identifiables, et ce dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la présente décision.