Ministre – Données relatives à des animaux – Demande manifestement trop vague (oui) – Demande manifestement abusive (oui) – Communication partielle
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La Ministre de l’Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-Être animal,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 1er, alinéa 1er, et l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 17 août 2023,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 18 août 2023 et reçue le 21 août 2023,
Vu la réponse de la partie adverse du 12 octobre 2023.
- Objet de la demande
- La demande porte sur l’obtention d’une copie des documents suivants relatifs à l’abandon des animaux :
« 1) La liste des "acteurs de la filière" enregistrés au sein de la base de données DOG ID et CAT ID. Pour chacun de ces acteurs nous souhaiterions :
- le numéro d'identification de l'entreprise/association/etc (équivalent du SIRET français)
- la dénomination sociale
- l'adresse postale
- le code postal
- la ville
- le téléphone
- l'email
2) La liste des "ayant droit" enregistrés au sein de la base de données DOG ID et CAT ID. Pour chacun de ces acteurs nous souhaiterions :
- le numéro d'identification de l'entreprise/association/etc (équivalent du SIRET français)
- la dénomination sociale
- l'adresse postale
- le code postal
- la ville
- le téléphone
- l'email
3) La liste des cliniques et cabinets vétérinaires enregistrés au sein de la base de données DOG ID et CAT ID. Pour chacun de ces acteurs nous souhaiterions :
- le numéro d'identification de l'entreprise/association/etc (équivalent du SIRET français)
- la dénomination sociale
- l'adresse postale
- le code postal
- la ville
- le téléphone
- l'email
4) Pour chaque professionnel, nous souhaiterions avoir pour les années de 2017 à 2022 inclus :
- le nom de chaque animal identifié au nom de ces acteurs de la filière
- le numéro d'identification de chaque animal identifié au nom de ces acteurs de la filière
- l'espèce de chaque animal identifié au nom de ces acteurs de la filière
- la race de chaque animal identifié au nom de ces acteurs de la filière
- le sexe de chaque animal identifié au nom de ces acteurs de la filière
- la date de naissance ou l'âge de chaque animal identifié au nom de ces acteurs de la filière
- la date d'identification de chaque animal
Il faut que nous puissions rattacher chaque animal à un des acteurs de la filière bien entendu.
Nous aimerions également savoir si ces animaux :
- ont été déclarés morts
- ont été identifiés pour la première fois par ces acteurs de la filière ou s'ils étaient déjà identifiés. Dans ce cas nous aimerions savoir s'il s'agit d'une cession de particulier à professionnel ou de professionnel à professionnel.
Dans le cas où il s'agit d'une cession entre professionnels, merci de transmettre la dénomination sociale et Siret professionnel du professionnel cédant
- ont vu leur propriété transférée à des tiers et si c'est le cas combien ont été cédés à des particuliers ou à des professionnels (dans ce cas, nous aimerions avoir le numéro d'identification du professionnel donc l'équivalent du SIRET français et la dénomination sociale)
5) Dans la mesure où certains chats ont un statut chat libre, nous souhaiterions savoir
- combien d'animaux ont été identifiés avec ce statut depuis le début de la mise en place de ce statut
- Combien ont été identifiés avec ce statut de 2017 à 2022 inclus de même que
- connaître le nombre de chats libres identifiés au nom des mairies et le nombre de chats libres au nom des associations de protection animale :
- le nom de chaque animal identifié au nom de ces acteurs de la filière
- le numéro d'identification de chaque animal identifié au nom de ces acteurs de la filière
- l'espèce de chaque animal identifié au nom de ces acteurs de la filière
- la race de chaque animal identifié au nom de ces acteurs de la filière
- le sexe de chaque animal identifié au nom de ces acteurs de la filière
- la date de naissance de chaque animal identifié au nom de ces acteurs de la filière
6) Pour les particuliers, la liste des animaux présents dans DOG ID et CAT ID et détenus par des particuliers avec :
- le nom de chaque animal identifié au nom d'un particulier
- le numéro d'identification de chaque animal identifié au nom d'un particulier
- l'espèce de chaque animal identifié au nom d'un particulier
- la race de chaque animal identifié au nom d'un particulier
- le sexe de chaque animal identifié au nom d'un particulier
- la date de naissance ou l'âge de chaque animal identifié au nom d'un particulier
- la date d'identification de chaque animal ».
La partie requérante précise qu’elle ne souhaite pas obtenir les coordonnées des particuliers ni même leur identité. Elle souhaite obtenir les informations demandées en format Excel ou CSV.
- Compétence de la Commission
- La Commission est compétente pour connaître du recours.
- Recevabilité du recours
- La demande a été adressée à la partie adverse le 8 juillet 202
La partie adverse n’y ayant pas donné suite, la demande a été rejetée implicitement le 7 août 2023, en application de l’article 6, § 5, du décret du 30 mars 1995.
La partie requérante a introduit son recours le 17 août 2023, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du même décret.
Dès lors, le recours est recevable.
- Examen au fond
- La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les régimes législatifs applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
- La Commission constate que la partie adverse n’a pas répondu dans le délai de quinze jours, à compter de la demande d’information qui lui a été adressée en application de l’article 8ter, alinéa 1er, du décret du 30 mars 199 Il y a cependant lieu, pour des raisons de bonne administration, de tenir compte dans le cadre de l’examen du recours des informations communiquées hors délai par la partie adverse.
- La partie adverse indique que la demande de [la partie requérante] semble porter sur la totalité des données des bases de données Dog ID et Cat ID. Elle considère qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande pour plusieurs motifs. Selon la partie adverse, l’objectif de [la partie requérante], qui est de « réaliser un état des lieux de la protection animale, réaliser une étude sur l’abandon des animaux en France et à l’étranger afin d’anticiper voire d’éviter certains abandons et étendre la réalisation de son travail au maximum pour avoir une portée plus large encore », ne correspond pas aux objectifs liés aux bases de données Dog ID et de Cat ID. La partie adverse fait également valoir que l’accès aux bases de données est limité par les arrêtés qui règlent ces bases de données et que [la partie requérante] ne fait pas partie des personnes autorisées à accéder aux bases de données. La demande serait également manifestement abusive en ce qu’il n’est pas établi en quoi la mise à disposition des données sollicitées permettrait de répondre à l’objectif de [la partie requérante]. Elle soutient que la base de données Cat ID ne contient pas de données relatives aux « chats libres ». Enfin, elle invoque la protection des données à caractère personnel qui sont contenues dans les bases de données. Elle fait à cet égard valoir qu’il n’est pas possible d’effectuer une distinction entre ces données et les autres données sans efforts proportionnés. Selon elle, « Les demandes d’information sont à ce point précises et nombreuses que le risque d’une individualisation ne peut être écarté ».
- La Commission rappelle que pour déterminer si des documents administratifs doivent être communiqués, il n’y a pas lieu, en principe, d’avoir à égard à l’objectif poursuivi par le demandeur.
Il s’ensuit que le fait que l’objectif poursuivi par [la partie requérante] ne corresponde pas à l’objectif poursuivi par la création des bases de données Dog ID et Cat ID ne suffit pas pour rejeter la demande de communication.
La liste des « acteurs de la filière » et des « ayant-droits » enregistrés au sein des bases de données Dog ID et Cat ID (points 1 et 2 de la demande)
- En ce qui concerne la demande de la liste des « acteurs de la filière » et des « ayant-droits » enregistrés au sein de la base de données Dog ID et Cat ID (points 1 et 2 de la demande), il y a lieu de relever que ces notions ne correspondent à aucune des notions utilisées dans les arrêtés qui règlent les bases de données concernées, à savoir l’arrêté royal du 25 avril 2014 relatif à l'identification et l'enregistrement des chiens et l’arrêté du Gouvernement wallon du 28 avril 2016 relatif à l'identification et l'enregistrement des chats. C’est ce qui ressort d’un échange entre la Commission et la partie adverse.
Dès lors qu’il n’est pas possible de déterminer avec suffisamment de certitude quelles sont les informations demandées, il convient de considérer que la demande « est formulée de manière manifestement trop vague », au sens de l’article 6, § 3, 4°, du décret du 30 mars 1995, et que la partie adverse pouvait rejeter la demande de communication.
La demande de données relatives aux « chats libres » (chats enregistrés par un maire ou une association) (point 5 de la demande)
- Dès lors que la base de données Cat ID ne contient pas de données relatives aux « chats libres » (point 5 de la demande), la demande de communication est sans objet sur ce point.
La liste des « cliniques et cabinets vétérinaires » enregistrés au sein des bases de données Dog ID et Cat ID (point 3 de la demande),
- La Commission n’aperçoit pas de motif justifiant de refuser de communiquer la liste des cliniques et cabinets vétérinaires enregistrés en qualité de « vétérinaires », c’est-à-dire à titre professionnel, dans les bases de données Dog ID et Cat ID, ainsi que les données de contact qui y figureraient pour autant que ces données puissent être extraites par un traitement d’usage courant.
Par ailleurs, la circonstance qu’en l’espèce, les informations demandées sont contenues dans des bases de données dont l’accès est limité à des personnes limitativement énumérées, conformément à l’article 38 de l’arrêté royal du 25 avril 2014 relatif à l’identification et l’enregistrement des chiens et à l’article 19 de l’arrêté du Gouvernement wallon du 28 avril 2016 relatif à l'identification et l'enregistrement des chats, et que le demandeur ne figure pas parmi les personnes autorisées à accéder aux bases de données n’est pas en soi suffisante pour conclure au rejet de la demande de communication, en tant qu’elle porte sur la liste des cliniques et cabinets vétérinaires enregistrés en qualité de « vétérinaires » et les données de contact qui y figureraient.
Il s’ensuit que la demande est fondée sur ce point et que la partie adverse doit communiquer les informations demandées de la manière décrite dans le dispositif.
Les données relatives à chaque animal identifié au nom de chaque professionnel, pour les années 2017 à 2022 incluse (point 4 de la demande) et les données relatives à chaque animal détenu par des particuliers et identifié au nom d’un particulier (point 6 de la demande)
- La partie adverse invoque l’exception relative à la demande manifestement abusive prévue à l’article 6, § 3, 3°, du décret du 30 mars 1995. Elle indique ne pas percevoir « en quoi la mise à disposition des données sollicitées permettrait de répondre à l’objectif annoncé par [la partie requérante] ».
- La Commission rappelle qu’une demande abusive est une demande qui nécessite pour y répondre un travail qui mette en péril le bon fonctionnement de l’autorité. Un simple surcroît de travail ne peut suffire à considérer une demande comme manifestement abusive.
Il a, par ailleurs, été jugé par le Conseil d’Etat que :
« Peut être considérée comme manifestement abusive […], la demande dont le traitement a pour conséquence de compromettre le bon fonctionnement de l’autorité qui en est saisie. Toutefois, cette exception au droit d’accès, qui est un droit fondamental, est d’interprétation stricte et l’autorité qui entend l’opposer à la demande dont elle est saisie doit la fonder sur les éléments propres au cas d’espèce et aptes à justifier concrètement le recours à cette hypothèse légale d’exception. Ces éléments doivent ressortir de la motivation formelle de la décision de refus »[1].
- Comme il est dit au point 7, pour déterminer si des documents administratifs doivent être communiqués, il n’y a en principe pas lieu d’avoir à égard à l’objectif poursuivi par le demandeur.
Ceci étant, en l’espèce, la partie adverse soutient que la demande porte sur un nombre colossal de données contenues dans les bases de données Dog ID et Cat ID et qu’elle concerne un nombre très élevé d’animaux (environ 4 millions de chiens et entre 600 000 à 700 000 chats). L’extraction de ces données est un travail particulièrement lourd qui suppose de dégager des moyens spécifiques. En outre, comme l’invoque la partie adverse, de nombreuses données relèvent de la protection de la vie privée, raison pour laquelle, d’ailleurs, l’accès à ces bases de données est légitimement limité par les arrêtés concernés. L’anonymisation de ces données demanderait un travail exagérément important et le risque d’une divulgation de données protégées ne peut pas être totalement écarté.
Dans ces conditions et compte tenu de l’ampleur particulière de la demande, il y a lieu de décider qu’en ce qu’elle concerne les données de chaque animal identifié au nom de chaque professionnel, pour les années 2017 à 2022 incluse (point 4 de la demande) et les données de chaque animal détenu par des particuliers et identifié au nom d’un particulier (point 6 de la demande), la demande est manifestement abusive. Il s’ensuit que la partie adverse pouvait rejeter la demande de communication sur ces points.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est recevable.
Le recours est partiellement fondé. La partie adverse communique à la partie requérante la liste des vétérinaires enregistrés à titre professionnel au sein des bases de données Dog ID et Cat ID, ainsi que les données de contact qui y figureraient pour autant que ces données puissent être extraites par un traitement d’usage courant, dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la présente décision.
Le recours n’est pas fondé pour le surplus.