Commune – Document relatif au salaire de directeur général – Vie privée – Communication partielle
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La commune de Nassogne,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article L3211-3, ainsi que les articles L3231-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 30 octobre 2023,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 31 octobre 2023 et reçue le 6 novembre 2023,
Vu la réponse de la partie adverse du 22 novembre 2023.
- Objet de la demande
- La demande porte sur la communication d’une copie des documents « reprenant les sommes mensuelles qui ont été payées en "faisant fonction" de remplacement de directeur général lorsque […] était en congé ».
La partie requérante indique qu’elle n’a « pas besoin de savoir à qui étaient destinées ces sommes ». Elle désire comprendre, à la suite des explications du directeur financier dans son rapport annuel 2022 qui prévoit que les frais de personnel augmentent de 9,95 %, pourquoi ces primes bénéficient d’une augmentation supérieure à celle liée à l’indexation des salaires – soit de 5,33 %.
- Compétence de la Commission
- La Commission est compétente pour connaître du recours.
- Recevabilité du recours
- L’article L3231-3, alinéas 3 et 4, du CDLD dispose comme suit :
« L’autorité administrative provinciale ou communale qui ne peut pas réserver de suite immédiate à une demande de publicité ou qui la rejette communique dans un délai de trente jours de la réception de la demande les motifs de l’ajournement ou du rejet. En cas d’ajournement, le délai ne pourra jamais être prolongé de plus de quinze jours.
En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, la demande est réputée avoir été rejetée ».
- La demande a été adressée à la partie adverse le 16 octobre 2023.
La partie adverse a explicitement rejeté la demande le 27 octobre 2023.
La partie requérante a introduit son recours le 30 octobre 2023, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995, et rendu applicable par l’article L3231-5, § 1er, du CDLD.
Dès lors, le recours est recevable.
- Examen au fond
- La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les régimes législatifs applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
- En l’espèce, la partie adverse invoque l’exception relative à la vie privée, prévue à l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995. Elle explique que les documents reprenant les sommes mensuelles demandées « sont versées par l’administration vers les personnes en fonction, en l’absence du titulaire du poste ». Elle estime qu’en « transmettant au demandeur ces informations quant à leur salaire, il serait porté atteinte à la vie privée tant de [...] que de [...] ».
- L’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995, rendu applicable par l’article L3231-3 du CDLD, dispose comme il suit :
« § 2. L’entité ou l’autorité administrative non régionale rejette la demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif, qui lui est adressée en application du présent décret, si la publication du document administratif porte atteinte :
1° à la vie privée, sauf les exceptions prévues par la loi ; […] ».
Le décret du 30 mars 1995 interdit donc à l’autorité communale de transmettre des informations qui portent atteinte à la vie privée.
La Commission rappelle toutefois que toutes les données à caractère personnel au sens du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) ne relève pas de la vie privée au sens de l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995. De manière constante, la Commission considère que les données relatives à des personnes exerçant une fonction publique ne bénéficie pas d’une protection équivalente à celles des autres personnes physiques. Pour justifier une restriction au droit à la transparence administrative, il doit être établi que la publicité des informations concernées porte effectivement atteinte à la vie privée, un simple lien avec celle-ci ne suffisant pas. Une telle restriction est d’autant moins admissible lorsque les informations reprises dans le document administratif concerné présentent un intérêt public.
- En l’espèce, à l’analyse des documents précités, la Commission constate que la plupart des informations qui y sont reprises présentent un intérêt public. Ils précisent les montants versés aux personnes concernées pour assurer le remplacement d’un titulaire d’un grade légal, dont les conditions de rémunération sont encadrées par les articles L1124-6 et suivants du CDLD. De telles informations, si elles visent deux personnes identifiables, n’en restent pas moins publiques compte du cadre strict dans lequel ces primes de fonctions supérieures doivent nécessairement intervenir.
En revanche, dès lors que la partie requérante précise n’avoir “pas besoin de savoir à qui ces sommes étaient destinées”, les noms, prénoms et matricules des personnes concernées peuvent être occultés.
Les documents contiennent également des colonnes intitulées “Saisies/Récup”, "Préc. Prof.", "Autres Cot.". La divulgation des données reprises dans ces colonnes est susceptible de constituer une atteinte à la vie privée des personnes concernées. Ces informations doivent dès lors être occultées.
- La Commission n’aperçoit pas, à la lecture des éléments communiqués par la partie adverse, quelles autres exceptions pourraient être invoquées pour refuser la communication des documents concernés.
Partant, la partie adverse doit communiquer ces documents à la partie requérante en occultant les informations précitées.
Il s’ensuit que l’exception doit être rejetée.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est partiellement fondé. La partie adverse communique à la partie requérante les documents sollicités en occultant les noms, prénoms et matricules des personnes concernées ainsi que les colonnes intitulées “Saisies/Récup”, "Préc. Prof.", "Autres Cot.", et ce dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.