Commune – Procédure de recrutement – Vie privée – Recevabilité partielle – Communication
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La commune de Florennes,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article L3211-3, ainsi que les articles L3231-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courrier simple le 17 novembre 2023,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 21 novembre 2023 et reçue le 22 novembre 2023,
Vu la réponse de la partie adverse du 24 novembre 2023.
- Objet de la demande
- La demande porte sur la communication d’une copie et/ou l’obtention d’explications au sujet des documents relatifs « à la procédure de recrutement d’un agent externe chargé de mission Terres publiques ».
La partie requérante dresse dans sa demande initiale une liste non exhaustive des documents :
« - Convention de partenariat entre la Commune de Florennes et l’ASBL DBH emploi ;
- Profil de la fonction du chargé de mission dans le cadre de la remise à niveau du foncier public florennois ;
- Formulaire d’adhésion de membre effectif de "AS Emploi" ;
- Règlement d’ordre intérieur de l’ASBL AS Emploi ;
- Le questionnaire de l’examen écrit ;
- Tous documents relatifs à l’élaboration des critères d’évaluation de l’examen écrit ;
- Tous documents motivant la présence de questions relatives à la fonction de Data Protection Officer (Règlement Général sur la Protection des données) au programme de l’examen écrit pour le poste de chargé de mission ;
- Tous documents relatifs à l’information des candidats sur les modalités du test avant embauche ;
Toute(s) autre(s) donnée(s) à caractère personnel relative(s) à la manière dont j’ai été évaluée au cours de cette procédure ;
- Tous documents relatifs à la composition du jury de l’entretien oral ;
- Tous documents motivant la présence d’organismes intéressés par le recrutement d’une secrétaire et d’un Data Protection Officer dans le jury d’un entretien individuel pour le poste de chargé de mission ;
- Tous documents relatifs aux critères d’évaluation de l’entretien oral ;
- Tout (extraits de) décisions du conseil communal relatives au Projet Terres publiques et à l’engagement du chargé de mission ».
Par courrier du 24 août 2023, l’administration communale de Florennes transmet « le formulaire d’adhésion de membre effectif de "AS Emploi", ainsi que la décision du 22/08/2023 rendue par le collège communal désignant le candidat chargé de mission pour le projet Terres publiques ».
Dans le présent recours, la partie requérante établit la liste non exhaustive des documents demandés suivante :
« - Convention de partenariat entre la Commune de Florennes et l’AS-Emploi asbl ;
- Profil de la fonction du chargé de mission dans le cadre de la remise à niveau du foncier public florennois ;
- Règlement d’ordre intérieur de l’AS-Emploi asbl ;
- L’entier questionnaire de l’examen écrit ;
- Tous documents relatifs aux critères d’évaluation de l’examen écrit ;
- Tous documents motivant la présence de questions évaluant des compétences techniques relatives à la fonction de Data Protection Officer (Règlement Général sur la Protection des Données) au programme de l’examen écrit pour le poste de chargé de mission ;
- Tous documents relatifs à l’information des candidats sur les modalités du test avant embauche, en ce compris les informations transmises aux autres candidats ;
- Tous documents à caractère personnel relatifs à la manière dont [la partie requérante a] été évaluée au cours de cette procédure ;
- Tous documents relatifs à la composition du jury de l’entretien oral ;
- Tous documents relatifs à la composition du jury de l’entretien oral [de la partie requérante] ;
- Tous documents relatifs à la composition du jury de l’entretien oral du candidat […] ;
- Tout document motivant la présence d’organismes potentiellement intéressés par le recrutement d’une secrétaire administrative comptable et d’un Data Protection Officer dans le jury d’un entretien individuel pour le poste de chargé de mission ;
- Tous documents relatifs aux critères d’évaluation de l’entretien oral ;
- Tous documents reprenant des critères objectifs de sélection auxquels devraient satisfaire les candidats au poste à pourvoir ;
- Tous (extraits de) décision(s) du conseil communal relative(s) au Projet Terres publiques et à l’engagement du chargé de mission ;
- Toute(s) décision(s) du collège communal relative(s) au Projet Terres publiques et à l’engagement du chargé de mission ;
- La décision du Collège communal du 19 juillet 2023 ;
- Tous documents relatifs aux échanges entre la commune de Florennes et AS-Emploi asbl au sujet du recrutement d’un agent externe chargé de mission Terres publiques ».
- Compétence de la Commission
- La Commission est compétente pour connaître du recours.
- Recevabilité du recours
- L’article L3231-3, alinéas 3 et 4, du CDLD dispose comme suit :
« L’autorité administrative provinciale ou communale qui ne peut pas réserver de suite immédiate à une demande de publicité ou qui la rejette communique dans un délai de trente jours de la réception de la demande les motifs de l’ajournement ou du rejet. En cas d’ajournement, le délai ne pourra jamais être prolongé de plus de quinze jours.
En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, la demande est réputée avoir été rejetée ».
- La demande a été adressée à la partie adverse le 18 août 2023.
La partie adverse a explicitement rejeté la demande le 24 août 2023.
La partie requérante a introduit son recours le 17 novembre 2023, soit en dehors du délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995, et rendu applicable par l’article L3231-5, § 1er, du CDLD.
Toutefois, la partie adverse n’a pas indiqué les voies éventuelles de recours dans son refus. Or, l’article L3221-1, 4°, du CDLD dispose :
« 4° tout document, par lequel une décision ou un acte administratif à portée individuelle émanant d’une autorité administrative provinciale ou communale est notifié à un administré, indique les voies éventuelles de recours, les instances compétentes pour en connaître ainsi que les formes et délais à respecter, faute de quoi le délai de prescription pour introduire le recours ne prend pas cours ».
La notification de la décision de refus d’accès au document administratif est irrégulière et n’a pas pu, partant, faire courir le délai prévu à l’article 8bis du décret du 30 mars 1995.
La partie requérante a donc introduit valablement son recours.
- La demande initiale de publicité passive auprès de la partie adverse ne portait pas sur l’obtention d’une copie des documents suivants :
« - Toute(s) décision(s) du collège communal relative(s) au Projet Terres publiques et à l’engagement du chargé de mission ;
- La décision du Collège communal du 19 juillet 2023 ;
- Tous documents relatifs aux échanges entre la commune de Florennes et AS-Emploi asbl au sujet du recrutement d’un agent externe chargé de mission Terres publiques ».
Il s’ensuit que le présent recours n’est pas recevable en tant qu’il porte sur ces documents.
- Il en résulte que le recours est partiellement recevable.
- Examen au fond
- La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les régimes législatifs applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
- En l’espèce, la partie adverse explique que la partie requérante « n’a pas introduit sa candidature auprès de [son] administration publique mais auprès du groupement d’employeurs AS emploi ». Elle renvoie, pour le reste, la Commission à « la décision 2023/195 rendue par Madame DELHEZ et Monsieur Luc DONNAY en date du 11/09/2023 évoquant que l’entreprise DBH n’est pas une autorité administrative au sens de la loi du 11/04/1994 ».
- La Commission constate que, à la lecture de l’avis n° 2023/195 du 11 septembre 2023 rendue par la CADA fédérale, le recours avait pour partie adverse l’asbl AS-Emploi. Le présent recours a pour partie adverse la commune de Florennes, qui est une autorité communale à laquelle s’applique le Livre II du CDLD relatif à la publicité de l’administration, conformément à ce que prévoit l’article L3211-3 du CDLD. Cet avis n’est donc pas transposable en l’espèce.
- La partie adverse indique dans son courrier du 24 août 2023 que « certaines pièces contractuelles ne font pas l’objet d’une publicité au public et les clauses demeurent sous le champ de la confidentialité entre les parties en présence :
- La convention de partenariat entre la Commune de Florennes et l’ASBL DBH Emploi ;
- Tout document à caractère confidentiel et personnel concernant les autres candidats et la procédure de recrutement ».
Il ressort des explications fournies par la partie adverse que celle-ci entend soulever l’exception relative à la vie privée, prévue à l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995.
L’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995, rendu applicable par l’article L3231-3 du CDLD, dispose comme il suit :
« § 2. L’entité ou l’autorité administrative non régionale rejette la demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif, qui lui est adressée en application du présent décret, si la publication du document administratif porte atteinte :
1° à la vie privée, sauf les exceptions prévues par la loi ; […] ».
Le décret du 30 mars 1995 interdit donc à l’autorité communale de transmettre des informations qui portent atteinte à la vie privée.
La Commission rappelle toutefois que toutes les données à caractère personnel au sens du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) ne relève pas de la vie privée au sens de l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995. De manière constante, la Commission considère que les données relatives à des personnes exerçant une fonction publique ne bénéficie pas d’une protection équivalente à celles des autres personnes physiques. Pour justifier une restriction au droit à la transparence administrative, il doit être établi que la publicité des informations concernées porte effectivement atteinte à la vie privée, un simple lien avec celle-ci ne suffisant pas. Une telle restriction est d’autant moins admissible lorsque les informations reprises dans le document administratif concerné présentent un intérêt public.
- En l’espèce, la Commission souligne que la partie adverse n’a pas transmis la copie des documents administratifs sollicités par la partie requérante en méconnaissance de l’article 8ter, alinéa 1er, du décret du 30 mars 1995. Dans ces conditions, la Commission n’est pas en mesure d’apprécier de manière concrète les exceptions qui seraient susceptibles de s’appliquer au regard des circonstances de l’espèce.
La Commission, ses membres et son secrétariat sont par ailleurs soumis au secret professionnel visé à l’article 458 du Code pénal, compte tenu de la nature des missions de la Commission, ce qui a été confirmé par la Cour constitutionnelle[1].
Il s’ensuit que la partie adverse doit communiquer les documents demandés à la partie requérante, sous réserve des exceptions prévues à l’article 6 du décret du 30 mars 1995 et à l’article L3231-3 du CDLD.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est partiellement recevable.
Pour le surplus, le recours est fondé. La partie adverse communique à la partie requérante les documents sollicités, pour autant qu’ils existent et moyennant le respect des exceptions prévues à l’article 6 du décret du 30 mars 1995 et à l’article L3231-3 du CDLD, et ce dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.