23 janvier 2024 -
CADA - Décision n° 374 : Ministre – RW – Cahier des charges – Communication d'office
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Ministre – RW – Cahier des charges – Communication d'office
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
1. L’Opérateur de Transport de Wallonie (OTW),
Première partie adverse,
2. Le Ministre de la Mobilité,
Seconde partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu les articles 1er, alinéa 1er, et 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courrier recommandé le 6 décembre 2023,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 7 décembre 2023 et reçue le 8 décembre 2023,
Vu l’absence de réponse de la partie adverse.
I. Objet de la demande
1. La demande initiale portait sur la communication d’une copie « des cahiers des charges pour le tram de Liège en 2014/2015 (premier projet, avorté) et 2016/2017 (le projet actuel) ».
Cette demande a, tout d’abord, été adressée à la première partie adverse le 16 juin 2023. Le 30 juin 2023, la première partie adverse a rejeté la demande, précisant que les cahiers des charges sollicités n’étaient pas publiquement accessibles et que le contrat PPP était confidentiel.
La partie requérante a, ensuite, formulé une demande portant sur le même objet auprès de la seconde partie adverse le 17 octobre 2023. Celle-ci n’y a pas donné suite dans le délai de 30 jours prévu à l’article 6, § 5, du décret du 30 mars 1995.
Le 24 novembre 2023, la première partie adverse a finalement communiqué à la partie requérante les documents suivants, en lien avec le projet de 2018 :
« - l’avis de marché ;
- le guide de sélection ;
- le cahier spécial des charges ;
- la décision d’attribution du marché (dans sa version non confidentielle), en ce compris le rapport d’analyse des offres (dans sa version non confidentielle) ;
- le contrat (dans sa version non confidentielle) ».
La partie requérante précise toutefois que la réponse fournie est incomplète. Dans le cadre du présent recours, elle sollicite, par conséquent, la communication d’une copie des « cahiers des charges dans leur entièreté, annexes comprises pour les projets de 2014 et 2018 du tram de Liège ».
II. Désistement partiel
2. La partie requérante indique à la Commission qu’elle se désiste de son recours en tant qu’il est dirigé à l’encontre de la première partie adverse.
Rien ne s’oppose à ce désistement.
III. Recevabilité du recours
3.La demande a été adressée à la seconde partie adverse le 17 octobre 202
La seconde partie adverse n’y ayant pas donné suite, la demande a été rejetée implicitement le 16 novembre 2023, en application de l’article 6, § 5, du décret du 30 mars 1995.
La partie requérante a introduit son recours le 6 décembre 2023, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du même décret.
Dès lors, le recours est recevable en tant qu’il est dirigé à l’encontre de la seconde partie adverse.
IV. Examen au fond
4. La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les régimes législatifs applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
5. La Commission constate que la partie adverse n’a pas répondu à la demande d’informations qui lui a été adressée en application de l’article 8 ter, alinéa 1 er, du décret du 30 mars 1995, de telle sorte qu’elle n’est pas en mesure d’exercer la mission qui lui est dévolue et, plus particulièrement, d’apprécier si, et dans quelle mesure, les documents sollicités portent sur des éléments confidentiels, couverts par le secret des affaires.
Aucune exception à cette obligation de collaboration dans l’instruction du dossier n'est prévue par le décret.
Dès lors, conformément à l’article 8ter, alinéa 2, du décret du 30 mars 1995, la Commission doit d’office faire droit au recours. La partie adverse doit, par conséquent, communiquer le document à la partie requérante, moyennant le respect des exceptions prévues à l'article 6 du même décret et, vu les antécédents de l’affaire, spécialement l’exception relative au respect de la vie privée contenue à l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995, laquelle englobe, pour les personnes morales, la protection de leurs secrets d’affaires.
La Commission rappelle, à cet égard, que la protection du secret d’affaires est assurée par les articles XI.332/1 et suivants du Code de droit économique, tandis que l’article I.17/1, 1°, du même Code définit cette notion comme suit :
« (…) secret d’affaires : information qui répond à toutes les conditions suivantes :
a) elle est secrète en ce sens que, dans sa globalité ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, elle n'est pas généralement connue des personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre d'information en question, ou ne leur est pas aisément accessible ;
b) elle a une valeur commerciale parce qu'elle est secrète ;
c) elle a fait l'objet, de la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à la garder secrète ».
Le secret d’affaires protège notamment « les informations techniques et financières relatives au savoir-faire, les méthodes de calcul des coûts, les secrets et procédés de fabrication, les sources d’approvisionnement, les quantités produites et vendues, les parts de marché, les fichiers de client et de distributeurs, la stratégie commerciale, la structure de coûts et de prix ou encore la politique de vente d’une entreprise »[1].
Selon la jurisprudence du Conseil d’État, « peuvent contenir des informations relevant du secret des affaires, les offres déposées dans le cadre de la procédure d’attribution du marché litigieux ou d’un marché antérieur, ainsi que les documents établis dans le cadre des échanges ultérieurs entre le pouvoir adjudicateur et les soumissionnaires, relatifs soit à des demandes de précisions et aux réponses apportées à celles-ci, soit à l’invitation à déposer de nouvelles offres et à la suite réservée à celle-ci, particulièrement, […] dans le cadre d’une procédure négociée au cours de laquelle des offres améliorées ont pu être déposées à la suite de négociations »[2].
La Cour de justice de l’Union européenne a récemment précisé les contours du secret d’affaires et la manière avec laquelle les autorités doivent procéder à la balance des intérêts en présence[3].
Spécifiquement en matière de marchés publics, il est prévu des règles de confidentialité applicables au pouvoir adjudicateur à l'article 13, § 2, de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics, qui prévoit :
« § 2. Sans préjudice des obligations en matière de publicité concernant les marchés publics attribués et l'information des candidats, des participants et des soumissionnaires, l'adjudicateur ne divulgue pas les renseignements que l'opérateur économique lui a communiqué à titre confidentiel, y compris, les éventuels secrets techniques ou commerciaux et les aspects confidentiels de l'offre. Il en est de même pour toute personne qui, en raison de ses fonctions ou des missions qui lui ont été confiées, a connaissance de tels renseignements confidentiels. »
S’agissant d’une exception au droit fondamental à la publicité administrative, le secret des affaires doit être interprété restrictivement.
En l’espèce, il appartiendra donc à la partie adverse d’en tenir compte dans le cadre de la communication des documents sollicités.
Par ces motifs, la Commission décide :
La Commission prend acte du désistement de la partie requérante en tant que le recours est dirigé à l’encontre de la première partie adverse.
Le recours est recevable en tant qu’il est dirigé à l’encontre de la seconde partie adverse.
Le recours est fondé. La partie adverse communique à la partie requérante les documents sollicités, moyennant le respect des exceptions prévues à l’article 6 du décret du 30 mars 1995, et ce dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.