20 février 2024 -
CADA - Décision n° 382 : Commune – Document relatif à des distributeurs de billets – Procès-verbal – Document inachevé ou incomplet (oui) – Ordre public (non) – Protection des intérêts afférents à la recherche ou la poursuite de faits punissables (non) – Communication partielle
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Commune – Document relatif à des distributeurs de billets – Procès-verbal – Document inachevé ou incomplet (oui) – Ordre public (non) – Protection des intérêts afférents à la recherche ou la poursuite de faits punissables (non) – Communication partielle
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La commune de Brunehaut,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article L3211-3, ainsi que les articles L3231-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 18 janvier 2024,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 22 janvier 2024 et reçue le 23 janvier 2024,
Vu la réponse de la partie adverse du 12 février 2024.
I. Objet de la demande
1. La demande initiale porte sur la communication d’une copie de « tous les OJ (jusqu’au dernier collège) et PV effectués des collèges à partir du 16 octobre 2023 [ainsi que du] registre des courriers entrants à partir du 23 novembre 2023 ». La partie requérante souhaite consulter ces documents sur « la plateforme ».
La demande initiale porte également sur la communication d’une copie du dossier concernant « les distributeurs à billets et les différentes prises de contacts » et « des 3 projets de PV approuvés lors du dernier conseil communal, les statuts pécuniaire et administratif ainsi que le règlement de travail du CPAS ».
2. Dans le cadre du présent recours, la partie requérante demande une copie du dossier concernant les distributeurs à billets et les différentes prises de contacts. Par ailleurs, elle indique n’avoir reçu que la copie de deux procès-verbaux sur les trois demandés. Elle demande donc une copie « du troisième projet de PV du conseil communal du 13 novembre 2023 ».
II. Compétence de la Commission
3. La Commission est compétente pour connaître du recours.
III. Recevabilité du recours
4. L’article L3231-3, alinéas 3 et 4, du CDLD, rendu applicable à la partie adverse par l’article L3211-3 du même code, dispose comme suit :
« L’autorité administrative provinciale ou communale qui ne peut pas réserver de suite immédiate à une demande de publicité ou qui la rejette communique dans un délai de trente jours de la réception de la demande les motifs de l’ajournement ou du rejet. En cas d’ajournement, le délai ne pourra jamais être prolongé de plus de quinze jours.
En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, la demande est réputée avoir été rejetée ».
5. La demande initiale de publicité administrative a été adressée à la partie adverse le 18 décembre 2023.
La partie adverse a explicitement rejeté la demande le 15 janvier 2024.
La partie requérante a introduit son recours auprès de la Commission le 18 janvier 2024, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995, et rendu applicable par l’article L3231-5, § 1er, du CDLD.
Dès lors, le recours est recevable.
IV. Examen au fond
6. La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les régimes législatifs applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
7. La Commission constate que la partie adverse n’a pas répondu dans le délai imparti à la demande d’informations qui lui a été adressée en application de l’article 8
ter, alinéa 1
er, du décret du 30 mars 1995.
Néanmoins, la partie adverse a, rapidement après l’expiration du délai susvisé, communiqué à la Commission des informations dont il y a lieu, pour des raisons de bonne administration, de tenir compte dans le cadre de l’examen du présent recours.
8. En l’espèce, la partie adverse invoque l’exception relative à la demande concernant un document administratif dont la divulgation peut être source de méprise, le document étant inachevé ou incomplet, prévue à l’article 6, § 3, 1°, du décret du 30 mars 1995. Elle explique que les « communications téléphoniques, par emails ou rendez-vous font partie de la construction administrative du dossier qui conduira à une prise de position, voire une décision dès que les éléments récoltés le permettront ». Elle ajoute que, d’expérience, « l’utilisation de ces infos reste aléatoire dans son objectivité et son intention ».
L’article 6, § 3, 1°, du décret du 30 mars 1995 dispose :
« § 3. L’entité peut rejeter une demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme d’une copie d’un document administratif, dans la mesure où la demande :
1° concerne un document administratif dont la divulgation peut être source de méprise, le document étant inachevé ou incomplet ».
La Commission rappelle que cette exception doit réunir deux conditions cumulatives : le document doit être inachevé ou incomplet, d’une part, et être source de méprise, d’autre part.
La Commission rappelle également que, selon sa jurisprudence, le caractère inachevé et incomplet, engendrant un risque de méprise, peut par exemple se dégager du caractère « non officiel » du document, présenté comme un instrument de travail dont toutes les conséquences ne sont pas dégagées, du caractère partiel des informations en possession de l’autorité ou encore de la présentation formelle du document qui peut être source de méprise[1].
En l’espèce, les documents administratifs sollicités comportent des communications téléphoniques, des courriels ou des rendez-vous qui peuvent être présentés comme des instruments de travail dont toutes les conséquences ne sont pas dégagées ou encore du caractère partiel des informations en possession de l’autorité et de la présentation formelle des documents qui peuvent être source de méprise. En effet, les documents communiqués à la Commission contiennent des courriels qui ont pour finalité « une prise de position, voire une décision ». La partie adverse explique par ailleurs « le stade primaire de ce dossier et son incomplétude ». Dans l’attente de l’aboutissement du dossier, il y a lieu de considérer l’exception invoquée.
La partie adverse peut donc refuser la communication des documents demandés qui relèvent de l’hypothèse précitée.
La partie adverse invoque également l’exception relative à l’ordre public, prévue à l’article 6, § 1
er, 3°, du décret du 30 mars 1995. Elle affirme que l’intérêt de la publicité ne l’emporte pas sur la protection de l’ordre public.
9. La partie adverse ne justifie cependant pas en quoi, concrètement, l’exception relative à l’ordre public serait applicable en l’espèce[2].
Il y a lieu de rejeter cette exception à la publicité administrative.
La partie adverse invoque l’exception relative à la recherche ou la poursuite de faits punissables, visée à l’article 6, § 1
er, 4°, du décret du 30 mars 1995.
10. La partie adverse ne justifie cependant pas en quoi l’exception relative à la recherche ou la poursuite de faits punissables serait applicable en l’espèce et la Commission n’est pas en mesure de le déterminer elle-même à défaut de disposer des documents concernés.
Il y a lieu de rejeter cette exception à la publicité administrative.
11. Concernant le troisième projet de procès-verbal du conseil communal du 13 novembre 2023 sollicité par la partie requérante, la Commission constate que la partie adverse ne lui a pas communiqué le document concerné, en sorte qu’elle n’est pas en mesure d’exercer, en pleine connaissance de cause, la mission qui lui est dévolue.
Dans ce contexte, par analogie avec l’article 8 ter, alinéa 2, du décret du 30 mars 1995, la partie adverse doit communiquer le document concerné à la partie requérante, moyennant le respect des exceptions prévues à l'article 6 du même décret.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est partiellement fondé. La partie adverse communique à la partie requérante le troisième projet de procès-verbal du conseil communal du 13 novembre 2023 et ce dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.
[1] Voy., notamment, les décisions n° 90 du 12 octobre 2020, n° 125 du 1er mars 2021, n° 131 et 132 du 12 avril 2021 et n° 151 du 3 mai 2021 de la CADA wallonne.
[2] Michiels, V., (dir.), La publicité de l'administration, Bruxelles, Bruylant, 2015, p. 157.