Commune – Procès-verbal – Document à caractère personnel (non) – Demande manifestement trop vague (non) – Demande manifestement abusive (non)– Communication
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La commune de Stoumont,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article L3211-3, ainsi que les articles L3231-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 25 janvier 2024,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 25 janvier 2024 et reçue le 26 janvier 2024,
Vu la réponse de la partie adverse du 29 janvier 2024.
I. Objet de la demande
1. Initialement, la partie requérante a, par une demande introduite sur la plateforme transparencia.be le 27 décembre 2023, sollicité de la partie adverse la communication de la copie « des p.v du collège en date des années 2020 2021… ».
Par une décision du 23 janvier 2023, le collège communal de la partie adverse a informé la partie requérante qu’il ne pouvait accéder à sa demande d’ « obtention des procès-verbaux des années 2020 et 2021 », notamment parce que « [la] demande impliquerait une quantité de travail très importante, exigeant un examen minutieux, pour un ensemble de documents en général sans qu’aucune thématique particulière ne soit visée ». Partant, le collège communal rejette la demande de publicité administrative formulée et invite la partie requérante « à cibler d’avantage » sa demande de publicité passive.
Par une publication sur la plateforme transparencia.be le 25 janvier 2024, la partie requérante sollicite une reconsidération de sa « demande "Procès-verbaux du collège" d’accès aux informations détenues par Commune de Stoumont », en précisant « Je désire toujours les documents ».
2. Par son recours auprès de la Commission, la partie requérante adresse des captures visuelles des antécédents administratifs de sa demande, sans qu’elle ne conteste la portée que le collège communal a donné à sa demande de publicité administrative, par la décision précitée du 23 janvier 2023. Il s’ensuit que l’objet de la présente demande porte sur la communication de la copie des procès-verbaux du collège communal de la partie adverse adoptés en 2020 et 2021.
II. Compétence de la Commission
3. Le présent recours relève de la compétence de la Commission.
III. Recevabilité du recours
4. L’article L3231-3, alinéas 3 et 4, du CDLD, rendu applicable à la partie adverse par l’article L3211-3 du même code, dispose comme suit :
« L’autorité administrative provinciale ou communale qui ne peut pas réserver de suite immédiate à une demande de publicité ou qui la rejette communique dans un délai de trente jours de la réception de la demande les motifs de l’ajournement ou du rejet. En cas d’ajournement, le délai ne pourra jamais être prolongé de plus de quinze jours.
En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, la demande est réputée avoir été rejetée ».
En l’espèce, la demande initiale de publicité administrative a été adressée à la partie adverse le 27 décembre 2023.
La partie adverse a explicitement rejeté la demande le 25 janvier 2024.
La partie requérante a introduit son recours auprès de la Commission le 25 janvier 2024, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, premier tiret, du décret du 30 mars 1995, et rendu applicable par l’article L3231-5, § 1er, du CDLD.
Dès lors, le recours est recevable ratione temporis.
5. Selon l’article L3211-3, 3°, du CDLD, un document à caractère personnel se définit comme tout « document administratif comportant une appréciation ou un jugement de valeur relatif à une personne physique nommément désignée ou aisément identifiable, ou la description d'un comportement dont la divulgation peut manifestement causer un préjudice à cette personne ».
Pour toute demande relative à un tel document, l’article L3231-1, alinéa 2, du prévoit que « le demandeur doit justifier d’un intérêt ».
En l’espèce, la partie adverse n’indique pas en quoi les documents demandés consisteraient en des documents à caractère personnel. Ces documents n’étant pas produits par la partie adverse, la Commission n’est pas en mesure de vérifier s’ils relèvent de l’article L3211-3, 3°, du CDLD.
La partie requérante ne doit dès lors pas justifier d’un intérêt pour en obtenir la copie.
6. Partant, le recours est recevable.
IV. Examen au fond
7. La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les régimes législatifs applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
8. La Commission souligne que la partie adverse n’a pas transmis la copie des documents administratifs sollicités par la partie requérante en méconnaissance de l’article 8ter, alinéa 1er, du décret du 30 mars 1995.
Si elle estime que la requête est formulée de manière manifestement vague, il reste que les procès-verbaux du collège communal pour les années 2020 et 2021 sont des documents clairement identifiables, que la partie adverse se devait de communiquer à la Commission.
Faute d’une telle communication, la Commission n’est pas en mesure d’apprécier de manière concrète la pertinence des exceptions invoquées par la partie adverse au regard des circonstances de l’espèce.
Il s’ensuit qu’afin d’assurer l’effectivité du droit fondamental à la publicité passive et au vu de ce qui précède, la partie adverse doit communiquer les documents demandés à la partie requérante, sous réserve des exceptions prévues à l’article 6 du décret du 30 mars 1995 et à l’article L3231-3 du CDLD, compte tenu des précisions qui suivent.
9. La partie adverse invoque l’exception relative à la demande formulée de façon manifestement trop vague, prévue à l’article L3231-3, alinéa 1er, 4°, du CDLD. Elle explique que la demande vise « un ensemble de document général, sans qu’aucune thématique particulière ne soit visée ».
L’article L3231-3 du CDLD dispose notamment comme il suit :
« Sans préjudice des autres exceptions établies par la loi ou le décret pour des motifs relevant de l’exercice des compétences de l’autorité fédérale, de la Communauté ou de la Région, l’autorité administrative provinciale ou communale peut rejeter une demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif dans la mesure où la demande :
[…]
4° est formulée de façon manifestement trop vague ».
La Commission rappelle qu’une demande formulée de façon manifestement trop vague est relative à ce qui est confus, imprécis, indécis, indéfini, indéterminé[1]. Il s’agit notamment d’une demande qu’un agent familier de la matière concernée ne parvient pas à identifier, ou d’une demande équivoque[2].
En l’espèce, la demande porte de manière précise et sans équivoque sur « les PV du collège en date des années 2020, 2021… ». Cette demande a été comprise par la partie adverse comme visant spécifiquement les années 2020 et 2021, ce que la partie requérante n’a pas contesté.
Une telle demande ne peut être qualifiée de « manifestement trop vague », étant entendu que la partie adverse ne peut raisonnablement pas soutenir une difficulté à identifier les pièces concernées, s’agissant des procès-verbaux adoptés par son conseil communal en 2020 et 2021.
L’exception invoquée par la partie adverse ne peut donc pas être retenue.
10. La partie adverse indique encore que la demande parait « disproportionnée, y répondre demanderait une charge de travail considérable afin d’effectuer un examen de l’ensemble des documents pour vérification au regard des différentes législations ». Une telle argumentation peut se comprendre, sans doute raisonnable, comme visant à soulever l’exception relative à la demande manifestement abusive, prévue à l’article L3231-3, alinéa 1er, 3°, du CDLD.
L’article L3231-3 du CDLD dispose notamment comme il suit :
« Sans préjudice des autres exceptions établies par la loi ou le décret pour des motifs relevant de l’exercice des compétences de l’autorité fédérale, de la Communauté ou de la Région, l’autorité administrative provinciale ou communale peut rejeter une demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif dans la mesure où la demande :
[…]
3° est manifestement abusive ou répétée ».
La Commission rappelle qu’ « une demande abusive est une demande qui nécessite pour y répondre un travail qui mette en péril le bon fonctionnement de la commune. Un simple surcroît de travail ne peut suffire à considérer une demande comme manifestement abusive »[3].
Il a, par ailleurs, été jugé par le Conseil d’Etat que :
« Peut être considérée comme manifestement abusive […], la demande dont le traitement a pour conséquence de compromettre le bon fonctionnement de l’autorité qui en est saisie. Toutefois, cette exception au droit d’accès, qui est un droit fondamental, est d’interprétation stricte et l’autorité qui entend l’opposer à la demande dont elle est saisie doit la fonder sur les éléments propres au cas d’espèce et aptes à justifier concrètement le recours à cette hypothèse légale d’exception. Ces éléments doivent ressortir de la motivation formelle de la décision de refus »[4].
En l’espèce, à défaut de disposer des procès-verbaux concernés, la Commission n’est pas en mesure d’établir en pleine connaissance de cause la charge de travail qui incomberait à la partie adverse afin de donner une suite favorable à la demande de la partie requérante. La Commission rappelle que les exceptions au droit fondamental à la publicité administrative sont de stricte interprétation et qu’un refus de communication sur la base de cette exception ne pourrait intervenir que dans le strict respect des principes ci-avant rappelés.
11. Enfin, dans sa réponse du 26 janvier 2024 à la partie requérante, la partie adverse insiste sur le fait que « les séances du Collège communal se tiennent à huis clos ».
La Commission rappelle que le huis-clos ne constitue pas en soi un motif d’exception à la publicité de l’administration[5].
Il s’ensuit que cette circonstance est sans effet sur l’obligation de communication des procès-verbaux litigieux existante dans le chef de la partie adverse.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est fondé. La partie adverse communique à la partie requérante les procès-verbaux de son collège communal adoptés en 2020 et 2021, sous réserve des exceptions prévues à l’article 6 du décret du 30 mars 1995 et à l’article L3231-3 du CDLD, et ce, dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la présente décision.
- Accueil
- CADA - Décision n° 386 : Commune – Procès-verbal – Document à caractère personnel (non) – Demande manifestement trop vague (non) – Demande manifestement abusive (non)– Communication
20 février 2024 -
CADA - Décision n° 386 : Commune – Procès-verbal – Document à caractère personnel (non) – Demande manifestement trop vague (non) – Demande manifestement abusive (non)– Communication
Télécharger
Ajouter aux favoris
Connectez-vous ou inscrivez-vous pour ajouter à vos favoris.
[1] C.E., n° 126.340 du 12 décembre 2003, Vanderzande.
[2] Voir décision n° 257 du 13 décembre 2022 de la CADA wallonne.
[3]
Voy. avis n° 199 du 18 juin 2018 de la CADA wallonne.
[4]
Voy. arrêt n° 250.170 du 19 mars 2021, A.S.B.L. Animal Rights.
[5] Voy. not. Décision n° 31 du 6 janvier 2020 de la CADA wallonne, Décision n°57 du 6 avril 2020 de la CADA wallonne, Décisions n° 206, 207 et 208 du 11 octobre 2021 de la CADA wallonne, Décision n° 255 du 8 novembre 2022 de la CADA wallonne et Décision n° 343 du 14 septembre 2023 de la CADA wallonne.
Mon compte