20 février 2024 -
CADA - Décision n° 379 : Ministre – RW – Aides – Subsides – Financements – Echanges de documents – Entité qui n'est pas en possession du document administratif – Vie privée – Informations environnementales (oui) – Communication partielle
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Ministre – RW – Aides – Subsides – Financements – Echanges de documents – Entité qui n'est pas en possession du document administratif – Vie privée – Informations environnementales (oui) – Communication partielle
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
Le Ministre-Président wallon,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu les articles 1er, alinéa 1er, et 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 18 décembre 2023,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 21 décembre 2023 et reçue le 22 décembre 2023,
Vu la réponse de la partie adverse du 23 janvier 2024.
I. Objet de la demande
1. La demande porte sur la communication d’une copie des documents suivants « entre le 1
er janvier 2013 et le 12 novembre 2023 :
toute demande d'aides, de subsides ou de financements réalisée par le groupe ArdentCircus ou ses filiales (Ardent Namur Immo, Ardent Invest, Gaming One, Immo Circus, Ardent Real Estate, Immo Retail, Ardent Finance ou toutes autres entreprises présentes dans Ardent Group) au gouvernement wallon, ainsi que toute autre demande d'aides, de subsides ou de financements adressée au gouvernement wallon dans le cadre de la rénovation du Casino de Namur ;
tout octroi d'aides, de subsides ou de financements de la part du gouvernement wallon à l'attention du groupe ArdentCircus ou de ses filiales, ainsi que tout autre octroi d'aides, de subsides ou de financements de la part du gouvernement wallon adressé à un tier dans le cadre de la rénovation du Casino de Namur ;
la liste des investissements réalisés par le gouvernement wallon dans le cadre du projet de rénovation du Circus Casino Resort à Namur ;
la liste et le descriptif des subsides ou aides adressés au groupe ArdentCircus et ses filiales par le gouvernement wallon ;
les rémunérations et avantages de l’ancien chef de cabinet, M. Philippe Buelen, de l’ancien Viceprésident du gouvernement wallon et Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine, M. Maxime Prévot, entre juillet 2014 et 2017 ;
tout échange de mails, documents, lettres et rapports échangés par rapport au dossier de rénovation du Casino de Namur entre M. Philippe Buelen et l’ancien Ministre, M. Maxime Prévot, entre 2014 et 2017 ;
tout échange de mails, documents, lettres et rapports échangés par rapport au dossier de rénovation du Casino de Namur entre M. Philippe Buelen, ancien chef de cabinet de M. Prévot, et le groupe Ardent ou ses filiales (Ardent Invest, Immo Circus, Ardent Real Estate, Ardent Namur Immo, Immo Retail, Ardent Finance ou toutes autres entreprises présentes dans Ardent Group), propriétaire du Casino de Namur ;
tout échange de mails, documents, lettres et rapports échangés par rapport au dossier de rénovation du Casino de Namur entre M. l’ancien Ministre Maxime Prévot et le groupe Ardent ou ses filiales ;
tout échange de mails, documents, lettres et rapports échangés par rapport au dossier de rénovation du Casino de Namur entre le gouvernement wallon et la Ville de Namur ;
tout document relatif à la nomination de la commissaire du gouvernement wallon à la Sowalfin désignée par le CDH et M. Maxime Prévot en février 2017 ;
tout document du gouvernement wallon (à savoir PV de réunions, accords, plans financiers, cahiers des charges, contrat de bail, documents notariaux) qui a trait à la rénovation du bâtiment Circus Casino Resort Namur situé sur la parcelle cadastrale 206H ».
La partie requérante indique que « bien que l’ancien Ministre, M. Maxime Prévot, ne soit plus en poste depuis juillet 2017, l’article 5 du décret wallon sur la publicité de l’administration précise que : "Lorsque la demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie est adressée à une entité (décret du 2 mai 2019, art. 14) qui n'est pas en possession du document administratif, celle-ci en informe sans délai le demandeur et lui communique la dénomination et l'adresse de l'entité (décret du 2 mai 2019, art. 14) qui, selon les informations dont elle dispose, est détentrice du document" ».
La partie requérante a également saisi la Commission de recours pour le droit d’accès à l’information environnementale (CRAIE) d’un recours ayant le même objet.
II. Compétence de la Commission
2. Par sa décision n° 1386 du 14 février 2024, la CRAIE s’est déclarée compétente pour connaître des premier à quatrième, sixième à neuvième et onzième objets du recours pendant devant elle, lesquels coïncident avec les mêmes objets de la présente demande. Elle expose sa décision sur ce point comme suit :
“II. Le caractère environnemental ou non environnemental des informations réclamées par le requérant, et l’étendue de la compétence de la Commission
1. Considérant que la Commission a demandé au requérant de lui indiquer le plus précisément possible, en passant en revue chacune des catégories de documents énumérées dans la demande d’information, quels types d’informations proprement environnementales il espère ou s’attend à recevoir ;
Considérant que le requérant a apporté à la Commission la réponse suivante :
‘[J]e ne peux vous apporter plus de précisions que ce qui est déjà indiqué dans ma demande. Il convient à la CRAIE de statuer sur ce qui est ou non de sa compétence. Par ailleurs, il est clairement indiqué dans mon recours que : ‘[d]ans le doute concernant la nature des documents, ce recours a été effectué simultanément à la CRAIE et à la CADA’. ‘ ;
Considérant que, renvoyée de la sorte aux termes dans lesquels la demande d’information est rédigée, la Commission se doit de constater que ces termes sont tels qu’en l’état il ne peut être exclu a priori que certaines des informations réclamées par le requérant soient des informations environnementales, soumises aux dispositions du livre Ier du code de l’environnement relatives au droit d’accès à l’information, tandis que d’autres sont des informations non environnementales, soumises aux dispositions du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’administration ;
Considérant que ce constat vaut en particulier pour celles des informations réclamées par le requérant qui se rapportent spécifiquement à la rénovation du Casino de Namur ;
Considérant à ce sujet qu’invité par la Commission à préciser les questions ou problématiques, liées au Circus Casino Resort de Namur, qu’il entend aborder dans l’article qu’il déclare réaliser, le requérant a expliqué ceci :
‘Je m'intéresse essentiellement aux aspects urbanistiques, financiers et politiques entourant ce dossier, et notamment au rôle de M. Buelen, présent à la fois chez Ardent Group et à la Région wallonne (ancien chef de cabinet du Ministre Prévot) au moment de la rénovation. Il s'agit donc d'éclairer au mieux, par le biais de ces documents administratifs (et donc publics), comment s'est déroulé ce processus de rénovation entre les parties (gouvernement wallon, Ville de Namur, Ardent Group, etc).’ ;
Considérant à cet égard que des informations relatives aux aspects proprement et strictement urbanistiques de la rénovation du Casino de Namur ont a priori vocation à être considérées comme étant des informations environnementales ; que, par contre, il n’en va a priori pas de même d’informations touchant aux autres aspects de la rénovation de cet établissement qui sont pointés par le requérant ;
Considérant qu’en tout état de cause, il peut au-delà de tout doute raisonnable être considéré comme établi que certaines des informations réclamées par le requérant n’ont, en tant que telles, pas de portée ni de contenu environnemental ; que tel est le cas des ‘rémunérations et avantages de l’ancien chef de cabinet, M. Philippe Buelen, de l’ancien Vice-président du gouvernement wallon et Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine, M. Maxime Prévot, entre juillet 2014 et 2017’ (cinquième objet de la demande d’information) et de ‘tout document relatif à la nomination de la commissaire du gouvernement wallon à la Sowalfin désignée par le CDH et M. Maxime Prévot en février 2017’ (dixième objet de la demande d’information) ;
2. Considérant que l’article 2, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’administration, remplacé par le décret du 2 mai 2019, dispose comme ceci :
‘§ 1er. Le présent décret ne s’applique pas aux informations environnementales définies à l’article D.6, 11°, du livre Ier du code de l’environnement. La commission de recours visée à l’article D.20.3, § 1er, du livre Ier du code de l’environnement est chargée de l’application du présent décret pour les documents administratifs dans les recours qu’elle a à connaitre au titre de la procédure de rectification et de recours prévue au sein de la Section 3, du Chapitre II, du Titre Ier, de la Partie III du même Code. » ;
Considérant qu’il résulte de la seconde phrase de cette disposition, d’une part, que la Commission est chargée de connaître pour le tout de recours dans lesquels sont indissociablement en cause aussi bien des informations non environnementales que des informations environnementales et, d’autre part, qu’à cette occasion, la Commission applique le décret du 30 mars 1995 en ce qui concerne les informations non environnementales ;
Considérant qu’en l’espèce, au vu de ce qui a été exposé au point II.1 ci-dessus :
- la Commission est incompétente pour connaître du recours en tant qu’il se rapporte aux cinquième et dixième objets de la demande d’information, dès lors que ceux-ci portent sur des informations ne présentant pas de caractère environnemental et qu’ils sont présentés distinctement des autres objets de la demande d’information ; l’examen du recours qui est fait ci-après ne porte donc pas sur ces deux objets de la demande d’information ;
- pour le surplus, le recours a, a priori, indissociablement trait à des informations environnementales et non environnementales, et la Commission est donc compétente pour connaître du recours en ce qui concerne l’ensemble de ces informations, en appliquant, selon le cas, le livre Ier du code de l’environnement ou le décret du 30 mars 1995 ;”.
La Commission fait sienne la décision de la CRAIE quant à la compétence. Il s’ensuit que ne relèvent de la compétence de la Commission que les cinquième et dixième objets du présent recours – soit « les rémunérations et avantages de l’ancien chef de cabinet, M. Philippe Buelen, de l’ancien Vice-président du gouvernement wallon et Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine, M. Maxime Prévot, entre juillet 2014 et 2017 » et « tout document relatif à la nomination de la commissaire du gouvernement wallon à la Sowalfin désignée par le CDH et M. Maxime Prévot en février 2017 » – , tandis qu’elle n’est pas compétente pour les premier à quatrième, sixième à neuvième et onzième objets du présent recours.
III. Recevabilité du recours
3. L’article 8
bis, alinéa 1
er, du décret du 30 mars 1995 dispose comme il suit :
« Le recours devant la Commission peut être introduit par tout demandeur n'ayant pas obtenu satisfaction auprès de l'entité compétente par requête adressée au secrétariat de la Commission par lettre recommandée ou par tout autre moyen conférant date certaine à l'envoi et à la délivrance de cet envoi dans un délai de trente jours, qui en fonction du cas prend effet :
- le lendemain de la réception de la décision de rejet ;
- le lendemain de l'expiration du délai visé à l'article 6, § 5, ou à l'article 7, alinéa 2 ».
4. La demande initiale de publicité administrative a été adressée à la partie adverse le 12 novembre 2023.
La partie adverse n’y ayant pas donné suite, la demande a été rejetée implicitement le 12 décembre 2023, en application de l’article 6, § 5, du décret du 30 mars 1995.
La partie requérante a introduit son recours auprès de la Commission le 18 décembre 2023, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du même décret.
Dès lors, le recours est recevable.
IV. Examen au fond
5. La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les régimes législatifs applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
6. Dans sa réponse à la Commission, la partie adverse précise que « la majorité des demandes effectuées concernent des documents internes lors de législatures précédentes ». Elle indique ne pas avoir accès à ces documents. Elle expose en outre plus particulièrement ce qui suit :
7. Concernant les rémunérations et avantages de l’ancien chef de cabinet, M. Philippe Buelen, de l’ancien Vice-président du gouvernement wallon et Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine, M. Maxime Prévot, entre juillet 2014 et 2017 :
La partie adverse explique que « le Cabinet du Ministre-Président ne dispose pas de ces informations directement, dans la mesure où elles concernent des membres en place lors de législatures précédentes. Par ailleurs, ces informations relèvent des données personnelles des personnes concernées. Le Cabinet du Ministre-Président n’est donc pas habilité à les solliciter ».
Si la partie adverse ne devait effectivement pas disposer des documents administratifs concernés, il lui revient toutefois de donner à la partie requérante toutes les informations à sa disposition de manière à lui permettre d’identifier auprès de quelle entité elle peut s’adresser pour obtenir les documents demandés et ce, dans l’esprit de l’article 5, alinéa 2, du décret du 30 mars 1995.
Pour le surplus, il ressort des explications fournies par la partie adverse que celle-ci entend soulever l’exception relative à la vie privée, prévue à l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995.
L’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995 dispose comme il suit :
« § 2. L’entité ou l’autorité administrative non régionale rejette la demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif, qui lui est adressée en application du présent décret, si la publication du document administratif porte atteinte :
1° à la vie privée, sauf les exceptions prévues par la loi ;
[…] ».
Le décret du 30 mars 1995 interdit donc à l’autorité administrative de transmettre des informations qui portent atteinte à la vie privée.
A cet égard, il y a d’abord lieu de relever que toutes les données à caractère personnel au sens du droit européen ne relèvent pas de la vie privée au sens de l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995. En outre, la Commission rappelle que les données déjà rendues publiques, ou que les données de personnes exerçant une fonction publique ne bénéficient pas d’une protection équivalente à celles des autres personnes physiques. Elle partage toutefois l’avis de l’ancienne Commission de protection de la vie privée, selon laquelle « le fait même d'exercer une fonction publique ou d'utiliser des ressources publiques ne peut pas aboutir à une négation totale du droit au respect de la vie privée des personnes concernées »[1].
En l’espèce, la Commission constate que la partie adverse n’a pas adressé les documents administratifs concernés de telle sorte qu’elle n’est pas en mesure d’exercer, en pleine connaissance de cause, la mission qui lui est dévolue.
Dès lors, par analogie à l’article 8ter, alinéa 2, du décret du 30 mars 1995, la partie adverse doit communiquer le document à la partie requérante, moyennant le respect des exceptions prévues à l'article 6 du même décret dont notamment le respect de la vie privée précisé ci-avant.
8. Concernant tout document relatif à la nomination de la commissaire du gouvernement wallon à la Sowalfin désignée par le CDH et M. Maxime Prévot en février 2017 :
La partie adverse expose qu’ « il n’y a pas eu de modification des Commissaire du Gouvernement au sein de la SOWALFIN en février 2017. En effet, en décembre 2014, Monsieur Patrick Delaunois et Madame Valérie Potier ont été nommés Commissaires du Gouvernement au sein de la SOWALFIN. Ensuite, en août 2017 et suite au changement de majorité au Gouvernement wallon, Madame Valérie Potier et Madame Bernadette Adnet ont été nommés en qualité de Commissaire du Gouvernement ».
Partant, le recours est sans objet pour ce qui concerne cet aspect de la demande.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est fondé en ce qui concerne « les rémunérations et avantages de l’ancien chef de cabinet, M. Philippe Buelen, de l’ancien Vice-président du gouvernement wallon et Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine, M. Maxime Prévot, entre juillet 2014 et 2017 ». Il est rejeté pour le surplus.
La partie adverse communique à la partie requérante les documents sollicités, pour autant qu’elle en dispose et moyennant le respect des exceptions prévues à l’article 6 du décret du 30 mars 1995, et ce dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.
[1] Décision n° 237 du 12 avril 2022 de la CADA wallonne.