En cause de : |
l’asbl … ayant pour conseil Partie requérante |
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Contre : |
le Service public de Wallonie SPW Agriculture, Ressources naturelles et Environnement Département de la nature et des forêts (DNF) Avenue Prince de Liège, 7 5100 JAMBES Partie adverse |
Vu la requête du 16 août 2023, réceptionnée le jour même, par laquelle la partie requérante a introduit le recours prévu à l’article D.20.6 du livre Ier du code de l’environnement, contre l’absence de suite réservée à sa demande visant à obtenir une copie des dossiers administratifs relatifs aux autorisations de détention d’oiseaux d’élevage accordées par l’Inspecteur général du DNF à des membres de l’asbl … (RAOB) sur la base de l’article 25 de l’arrêté du Gouvernement wallon du 27 novembre 2003 fixant des dérogations aux mesures de protection des oiseaux ;
Vu l’accusé de réception de la requête du 29 août 2023 ;
Vu la notification de la requête à la partie adverse en date du 29 août 2023 ;
Vu la décision de la Commission du 26 septembre 2023 prolongeant le délai pour statuer ;
- Les dispositions normatives relatives à la détention d’oiseaux d’élevage avec lesquelles la présente affaire est à mettre en rapport
Considérant que la présente affaire est à mettre en rapport avec plusieurs dispositions normatives relatives à la détention d’oiseaux d’élevage :
- Considérant que cette matière trouve son fondement légal dans la disposition qui, à l’article 2 de la loi du 12 juillet 1973 sur la conservation de la nature, consacre le principe de la protection intégrale des oiseaux appartenant à une des espèces vivant naturellement à l'état sauvage sur le territoire européen ;
Considérant qu’en vertu de l’article 2, § 2, 4°, de la loi du 12 juillet 1973, « [c]ette protection implique l'interdiction […] de détenir, de céder, d'offrir en vente, de demander à l'achat, de vendre, d'acheter, de livrer, de transporter, même en transit, d'offrir au transport, les oiseaux, ou leurs œufs, couvées ou plumes ou toute partie de l'oiseau ou produit facilement identifiable obtenus à partir de l'oiseau ou tout produit dont l'emballage ou la publicité annonce contenir des spécimens appartenant à l'une des espèces protégées, à l'exception de celles de ces opérations qui sont constitutives d'une importation, d'une exportation ou d'un transit d'oiseau non indigène » ;
Considérant que l’article 2, § 4, de la loi du 12 juillet 1973 ajoute toutefois que, « [p]ar dérogation à l'article 2, § 2, 4°, le Gouvernement arrête les conditions d'élevage d'oiseaux en vue de garantir la protection des oiseaux sauvages » ;
- Considérant que le pouvoir dont l’article 2, § 4, de la loi du 12 juillet 1973 a chargé le Gouvernement d’arrêter les conditions d'élevage d'oiseaux en vue de garantir la protection des oiseaux sauvages a été mis en œuvre par le biais de l’adoption de diverses dispositions figurant dans l’arrêté du Gouvernement wallon du 27 novembre 2003 fixant des dérogations aux mesures de protection des oiseaux ;
Considérant que cet arrêté distingue quatre catégories d’oiseaux d’élevage : les oiseaux d’élevage d’une espèce mentionnée à l’annexe II de l’arrêté, appelés « oiseaux d’élevage communément élevés » ; les oiseaux d’élevage d’une espèce mentionnée à l’annexe III de l’arrêté, appelés « oiseaux d’élevage non communément élevés » ; les oiseaux d’élevage ne figurant pas aux annexes II et III, qui font plus particulièrement l’objet des articles 25 et 26, figurant dans la sous-section 4 du titre 2, chapitre II, section 2, de l’arrêté, intitulée « Des autres oiseaux d’élevage » ; et les oiseaux d’élevage d’origine étrangère ;
Considérant que, pour la présente affaire, il convient surtout d’avoir égard aux articles 25 et 26 de l’arrêté de l’arrêté du Gouvernement wallon du 27 novembre 2003, lesquels sont rédigés comme suit :
« Art. 25. § 1er. L'inspecteur général [1] peut autoriser la détention d'oiseaux d'élevage ne figurant pas aux annexes II et III sur la base d'un dossier technique établi par l'éleveur et sur la base du rapport de l'ingénieur chef de cantonnement et après l'avis du pôle [2]. La demande de détention des oiseaux d'élevage visés à l'alinéa précédent accompagnée du dossier technique établi par l'éleveur est adressée à l'ingénieur chef de cantonnement du ressort dans lequel a lieu l'élevage.
- 2. Le dossier technique doit être annexé à la demande et doit notamment comprendre :
1° tout élément justificatif attestant de la connaissance et de l'expérience de l'éleveur;
2° une description des méthodes d'élevage pour les espèces dont la détention est sollicitée;
3° une description des installations, du matériel et des conditions d'élevage.
- 3. L'ingénieur chef de cantonnement ou son délégué se rend chez l'éleveur pour s'assurer de la pertinence des éléments du dossier technique.
Art. 26. L'inspecteur général fixe le diamètre des bagues [3] et délivre la carte d'identification dont le modèle est fixé à l'annexe IV.
Toute bague fermée délivrée par un groupement agréé [4] ainsi que toute bague fermée utilisée par les parcs zoologiques porte, outre les indications visées à l'article 18, § 2, un numéro d'ordre permettant d'identifier de manière unique chaque bague d'un même diamètre. Pour l'obtention de bagues en vue de l'élevage d'espèces de la catégorie des autres oiseaux d'élevage, l'éleveur doit accompagner sa demande de la carte d'identification prévue à l'annexe IV pour l'espèce ou les espèces concernées. La carte d'identification doit rester constamment en possession du détenteur de l'oiseau d'élevage. Elle peut être contrôlée à tout moment par le Service. Les opérations visées à l'article 2, § 2, 4°, de la loi sur la conservation de la nature ne sont autorisées que si l'oiseau d'élevage issu d'une des espèces visées à l'article 25, § 1er, est accompagné de sa carte d'identification. » ;
- La demande d’information et le recours introduits par la partie requérante
- Considérant que la demande d’information est contenue dans une lettre que le conseil de la partie requérante a envoyée par courriel, le 4 juillet 2023, à l’Inspecteur général du DNF ;
Considérant que, dans cette lettre, le conseil de la partie requérante écrit ce qui suit :
« Il ressort de la Revue de mai 2023 de l’asbl RAOB que des quantités très importantes d’espèces, non visées aux annexes II et III de l’AGW du 27 novembre 2003 fixant des dérogations aux mesures de protection des oiseaux, sont détenues parmi les membres de la RAOB.
Sans préjudice du respect de l’article 27 dudit arrêté [5] dont nous vous demandons d’assurer le contrôle, l’article 25 autorise à titre exceptionnel l’Inspecteur général à autoriser la détention d’oiseaux d’élevage ne figurant pas aux annexes II et III sur base d’un dossier technique établi par l’éleveur et sur base du rapport de l’Ingénieur chef de cantonnement et après avis du Pôle ruralité - section nature.
En conséquence, soit les oiseaux visés dans la Revue précitée sont détenus en infraction à l’article 25, et ma cliente vous prie de prendre toutes les mesures judiciaires et administratives nécessaires, soit des dérogations de détention ont été octroyées par vous ou vos prédécesseurs sur base de l’article 25, et je vous prie, sur base des articles D.10 et suivants du Code de l’environnement, de bien vouloir me fournir une copie des divers dossiers administratifs concernés. » ;
- Considérant qu’il ressort d’une pièce jointe au recours que le conseil de la partie requérante a reçu le même jour un courriel de réponse automatique de l’Inspecteur général du DNF, libellé ainsi :
« Bonjour,
Je vous remercie pour votre courriel.
Je suis actuellement absent et ce jusqu’au 5 juillet prochain.
Pour vos demandes urgentes et celles liées à la gestion quotidienne, veuillez utiliser l'adresse générique du Département (departement.nature.forets@spw.wallonie.be) ou contacter directement mon intérimaire.
Pour le reste, je vous reviendrai dès que possible.
Je vous remercie pour votre compréhension.
Bien à vous,
Ir …, Inspecteur général » ;
- Considérant qu’à défaut d’obtenir une réponse à sa demande d’information, la partie requérante a, par le biais de son conseil, saisi la Commission du présent recours le 16 août 2023 ;
III. La partie adverse a-t-elle bien été saisie de la demande d’information ?
Considérant que, dans un courriel du 19 septembre 2023, la partie adverse s’est, par le biais d’un de ses agents, adressée comme suit au conseil de la partie requérante :
« |J]e tiens à vous informer que malgré nos recherches, nous n’avons pas retrouvé votre mail du 04 juillet 2023.
Peut-être celui-ci n’est-il pas parvenu à destination au vu de l’absence de notre Inspecteur général, …, à qui vous l’avez adressé.
Son email d’absence indiquait ce qui suit :
« Bonjour, Je vous remercie pour votre courriel. Je suis actuellement absent et ce jusqu’au 5 juillet prochain.
Pour vos demandes urgentes et celles liées à la gestion quotidienne, veuillez utiliser l'adresse générique du Département (departement.nature.forets@spw.wallonie.be) ou contacter directement mon intérimaire. (nous soulignons)
Pour le reste, je vous reviendrai dès que possible. Je vous remercie pour votre compréhension. Bien à vous, Ir …, Inspecteur général »
Dans l’hypothèse où celui-ci aurait bien été transféré à la boîte générique, pourriez-vous nous en apporter la preuve ?
Il s’agirait alors d’une erreur de notre part, pour laquelle nous vous prions de nous excuser. » ;
Considérant que la partie adverse paraît ainsi se demander si elle a bien été saisie de la demande d’information et si, par conséquent, la partie requérante était en droit de considérer qu’à défaut d’avoir obtenu une réponse au courriel contenant cette demande dans le délai d’un mois prescrit par l’article D.15, § 1er, du livre Ier du code de l’environnement, elle pouvait introduire le présent recours auprès de la Commission ;
Considérant que le conseil de la partie requérante a produit une copie du courriel de réponse automatique de l’Inspecteur général du DNF, qu’il a reçu en réponse au courriel contenant la demande d’information ; que la pièce produite par le conseil de la partie requérante indique que le courriel de réponse automatique de l’Inspecteur général a été envoyé le 4 juillet 2023 ; que ledit courriel annonçait l’absence de l’Inspecteur général jusqu’au lendemain ; que le conseil de la partie requérante pouvait donc légitimement considérer que la partie adverse acquerrait connaissance de l’existence et du contenu de la demande d’information au plus tard le 6 juillet 2023 et répondrait alors à sa demande à partir de ce moment-là, dans le délai d’un mois prescrit par l’article D.15, § 1er, du livre Ier du code de l’environnement ; que, dans ces conditions, le conseil de la partie requérante n’était nullement tenu ni d’envoyer un courriel à l’adresse générique du DNF, ni de contacter directement l’intérimaire de l’Inspecteur général ;
Considérant qu’en conséquence, la recevabilité du recours - lequel a été introduit le 16 août 2023 - ne peut être contestée ;
- Quant au fond
- Les informations ou observations communiquées par les parties au cours de l’instruction du recours
- Considérant que, dans des courriels du 19 septembre 2023, la partie adverse a communiqué divers documents au conseil de la partie requérante et à la Commission ; que, dans ces courriels, elle indique que lesdits documents sont ceux qui ont été sollicités ; qu’elle les présente dans les termes suivants :
« • un tableau des cartes d’autorisation délivrées à des éleveurs de l’AOB de 2019 à 2023 (septembre)
- une copie des cartes d’autorisation délivrées
- les tableaux des bagues distribuées par l’AOB à ces membres (suite au commande que vous mentionnez dans votre requête). » ;
Considérant que les « cartes d’autorisation » dont la partie adverse a communiqué une copie sont des cartes d’identification délivrées par l’Inspecteur général du DNF et dûment complétées, dont le contenu correspond à celui du modèle de la carte d’identification fixé par l'annexe IV de l’arrêté du Gouvernement wallon du 27 novembre 2003 ;
Considérant qu’il convient de relever que les tableaux communiqués par la partie adverse ne comportent généralement pas l’indication des noms et adresses des détenteurs d’oiseaux concernés ; que, dans les copies des « cartes d’autorisation » qu’a transmises la partie adverse, les noms et adresses des détenteurs d’oiseaux ont été occultés ;
- Considérant qu’invité à réagir à la communication de ces documents, le conseil de la partie requérante a, dans un courrier daté du 25 septembre 2023, indiqué à la Commission que sa cliente n’était pas satisfaite ; que, dans un courrier du même jour qu’il a adressé à la partie adverse, il écrit ceci :
« En ce qui concerne les informations que vous m'avez adressées le 19 septembre, il y a divers tableaux qui sont difficilement interprétables. Il appartiendra à la CRAIE de statuer à cet égard mais je ne puis dire à première vue qu'ils me satisfassent à défaut d'explications complémentaires.
Vous m'envoyez également des cartes d'identification relatives à vingt chouettes effraies ainsi qu'à une chouette lapone et à un harfang des neiges. Or, si ces cartes d'identification sont bien signées par l'Inspecteur général, elles ne constituent pas pour autant une décision de l'Inspecteur général d'autorisation de détention à titre exceptionnel desdits oiseaux prétendument d'élevage. Les décisions motivées concernant ces vingt-deux rapaces nocturnes sont absentes des documents que vous m'adressez. Sont également absents le dossier administratif qui doit contenir à tout le moins le rapport de l'Ingénieur chef de cantonnement et l'avis du Pôle ruralité.
Dois-je en conclure que ces éléments n'existent pas ? S'ils existent, je vous remercie de me les transmettre dans les plus brefs délais. » ;
Considérant qu’en outre, le conseil de la partie requérante a, le 28 septembre 2023, adressé à la partie adverse un autre courrier, qu’elle présente à la Commission comme « [contenant] incidemment de nouvelles contestations quant à l’incomplétude de l’information fournie » ; que ce courrier comporte les considérations suivantes :
« En ce qui concerne les cartes vertes de détention pour les rapaces nocturnes, ma cliente s'étonne que les chouettes effraies sont immatriculées avec des bagues d'un diamètre différent. Elle s'étonne également que, pour une chouette née en 2013, son inscription ne se fasse que huit ans plus tard...
Pour en revenir à l'information fournie, sous réserve de documents complémentaires que vous fourniriez, il n'apparaît pas que la détention desdits rapaces nocturnes soit légale et que les contrôles soient suffisants. Ceci signifie que ma cliente se voit obligée d'envisager des actions juridictionnelles tant contre les autorisations de détention données que contre la détention elle-même dans le chef des détenteurs. Si un éventuel recours au Conseil d'État contre la Région wallonne sur base des informations déjà fournies est possible, il n'en demeure pas moins qu'il s'agirait d'un détour chronophage alors que la durée de vie de ces oiseaux est limitée et qu'il convient de prendre des mesures urgentes et de la compétence tout aussi possible du juge judiciaire. En n'indiquant pas les coordonnées complètes des détenteurs de ces oiseaux très probablement illégalement détenus et dont l'origine est plus que douteuse, le DNF ne permet pas à ma cliente d'exercer son rôle de chien de garde - pour reprendre l'expression de la Cour européenne des droits de l'Homme - et de sentinelle de l'environnement.
Votre caviardage de l'identité des bénéficiaires de ces autorisations exceptionnelles me semble méconnaître la jurisprudence issue de la décision n° 536 de la CRAIE très explicite du 29 mars 2012 qui opposait un de vos prédécesseurs en matière de dérogations relatives à des espèces de mammifères protégés.
Je vous prie donc de bien vouloir compléter mon information à ce sujet. La même remarque sur l'absence d'identification du titulaire vaut évidemment aussi pour les fichiers que vous avez envoyés pour les autres oiseaux et qui sont des oiseaux communément détenus ceux-là. » ;
- Considérant qu’invitée à réagir aux courriers du conseil de la partie requérante des 25 et 28 septembre 2023, la partie adverse a, dans un courriel du 3 octobre 2023, transmis à la Commission divers documents qu’elle présente dans les termes suivants :
« • Le tableau mis à jour avec l’identité des bénéficiaires des cartes d’identification ainsi que l’objet de la délivrance (contrôle par les directions du DNF)
- Les tableaux mis à jour relatifs aux bagues délivrées par l’AOB avec l’identité des bénéficiaires. Ces tableaux visent à informer sur les bagues commandées par les différents éleveurs membres de l’AOB.
- Les certificats Cites des oiseaux fournis lors de la demande et attestant leur détention légale » ;
Considérant que les tableaux transmis à la Commission correspondent à ceux qui avaient été communiqués à la Commission et au conseil de la partie requérante le 19 septembre 2023 ; que les tableaux initiaux ont toutefois été complétés, en particulier par l’indication de l’identité des détenteurs d’oiseaux concernés ;
Considérant que les « certificats Cites » produits par la partie adverse sont des documents émanant du SPF Santé publique, Sécurité Chaîne alimentaire et Environnement et établis en application du règlement (CE) n° 338/97 du Conseil et du règlement (CE) n° 805/2006 de la Commission européenne relatifs à la protection des espèces de faune et de flore pour le contrôle de leur commerce ;
Considérant que, dans son courriel du 3 octobre 2023, la partie adverse indique encore ceci :
« Nous soulignons également que les cartes d’identification délivrées sont bien conformes aux prescrits légaux notamment l’article 26 et l’annexe IV de l’AGW fixant des dérogations aux mesures de protection des oiseaux de 2003.
Pour le reste nous n’avons pas de documents complémentaires relatifs au dossier administratif à transmettre. » ;
- Examen
- Considérant que la demande d’information introduite par la partie requérante vise à obtenir une copie des dossiers administratifs relatifs aux autorisations de détention d’oiseaux d’élevage accordées par l’Inspecteur général du DNF à des membres de l’asbl Royale association ornithologique de Belgique (RAOB) sur la base de l’article 25 de l’arrêté du Gouvernement wallon du 27 novembre 2003 ;
Considérant que, parmi les pièces qui sont appelées à faire partie de tout dossier ayant cet objet, il convient tout particulièrement de citer :
- d’une part, la décision par laquelle l’Inspecteur général du DNF délivre l’autorisation en question ;
- et, d’autre part, les documents suivants, qui, conformément à l’article 25 de l’arrêté du Gouvernement wallon du 27 novembre 2003, doivent être soumis à l’Inspecteur général du DNF et pris en considération par lui pour qu’il puisse adopter sa décision : la demande de détention accompagnée du dossier technique établi par l’éleveur concerné et comprenant les éléments mentionnés à l’article 25, § 2 ; le rapport de l’ingénieur chef de cantonnement ; et l’avis du pôle « Ruralité », section « Nature » ;
Considérant qu’à ce propos, au vu du contenu des documents qu’a communiqués la partie adverse, la Commission fait les constats suivants :
1.1. Considérant que la partie adverse n’a produit aucun document écrit, daté et signé par l’Inspecteur général du DNF, ayant spécifiquement et explicitement pour objet de décider de délivrer, sur la base de l’article 25 de l’arrêté du Gouvernement wallon du 27 novembre 2003, l’autorisation de détenir des oiseaux d’élevage ; que, dès lors que la partie adverse a signalé à la Commission, le 3 octobre 2023, qu’elle « n’[a] pas de documents complémentaires relatifs au dossier administratif à transmettre », il semble qu’il n’existe pas de documents présentant les caractéristiques qui viennent d’être indiquées ; que, cependant, les explications données par la partie adverse ne donnent pas toute certitude à ce sujet ;
Considérant que la partie adverse a produit des cartes d’identification pour des oiseaux relevant de la catégorie des « autres oiseaux d’élevage », soumis aux articles 25 et 26 de l’arrêté du Gouvernement wallon du 27 novembre 2003 ; que ces cartes sont datées et signées par l’Inspecteur général du DNF ; que leur délivrance trouve son fondement dans l’article 26 - et non pas dans l’article 25 - de l’arrêté du Gouvernement wallon du 27 novembre 2003 ; que, d’un point de vue formel, elles n’ont pas spécifiquement et explicitement pour objet de délivrer l’autorisation de détenir les oiseaux d’élevage auxquels elles s’appliquent ; qu’il convient toutefois de noter que, dans les courriels qu’elle a adressés au conseil de la partie requérante et à la Commission le 19 septembre 2023, la partie adverse qualifie lesdites cartes de « cartes d’autorisation » ; qu’est ainsi suggérée l’idée qu’à défaut de document écrit, daté et signé par l’Inspecteur général du DNF, ayant spécifiquement et explicitement pour objet de décider de délivrer, sur la base de l’article 25 de l’arrêté du Gouvernement wallon du 27 novembre 2003, l’autorisation de détenir des oiseaux d’élevage, la délivrance, par l’Inspecteur général du DNF, des cartes d’identification emporte délivrance de l’autorisation de détenir les oiseaux concernés ; que, dans la logique de cette idée, lesdites cartes doivent alors être considérées, en pareille hypothèse, comme contenant les autorisations dont la partie requérante a réclamé une copie ;
1.2. Considérant que la partie adverse n’a produit aucun des documents qui, conformément à l’article 25 de l’arrêté du Gouvernement wallon du 27 novembre 2003, doivent être soumis à l’Inspecteur général du DNF et pris en considération par lui pour qu’il puisse délivrer l’autorisation de détention requise par cette disposition ; que, dès lors que la partie adverse a signalé à la Commission, le 3 octobre 2023, qu’elle « n’[a] pas de documents complémentaires relatifs au dossier administratif à transmettre », il semble, ici aussi, qu’il n’existe pas de documents présentant les caractéristiques qui viennent d’être indiquées ; que, cependant, ici également, les explications données par la partie adverse ne donnent pas toute certitude à ce sujet ;
- Considérant qu’en ce qui concerne la question de savoir s’il y a lieu ou non de divulguer les noms et adresses des détenteurs d’oiseaux, la Commission relève ce qui suit :
2.1. Considérant, avant toutes choses, qu’il convient de rappeler que, lorsque la Commission est saisie d’un recours contre la suite ou l’absence de suite réservée à une demande d’information introduite sur la base des dispositions du livre Ier du code de l’environnement consacrant et réglant le droit d’accès à l’information sur demande, elle doit se limiter à s’assurer que ces dispositions ont été ou soient correctement appliquées à la demande d’information telle qu’elle a été déterminée par son auteur au moment où celui-ci l’a introduite ; qu’il incombe donc à la Commission de s’en tenir à l’objet de la demande d’information, tel qu’il a été circonscrit lors de l’introduction de cette dernière ;
Considérant dès lors que, dans le cadre du présent recours, la question de savoir s’il y a lieu ou non de divulguer les noms et adresses des détenteurs d’oiseaux se pose uniquement en ce qui concerne les détenteurs d’oiseaux d’élevage visés par la demande d’information, à savoir les détenteurs d’oiseaux d’élevage soumis aux articles 25 et 26 de l’arrêté du Gouvernement wallon du 27 novembre 2003, qui sont les seuls à être visés par la demande d’information ;
Considérant, par conséquent, que la critique, formulée par le conseil de la partie requérante dans le courrier adressé à la partie adverse le 28 septembre 2023, qui est relative à l’absence d’identification de détenteurs d’autres oiseaux dans les fichiers communiqués par la partie adverse, n’a donc pas à être examinée dans le cadre du présent recours ;
2.2. Considérant que, selon l’article 86 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données), « [l]es données à caractère personnel figurant dans des documents officiels détenus par une autorité publique ou par un organisme public ou un organisme privé pour l'exécution d'une mission d'intérêt public peuvent être communiquées par ladite autorité ou ledit organisme conformément au droit de l'Union ou au droit de l'État membre auquel est soumis l'autorité publique ou l'organisme public, afin de concilier le droit d'accès du public aux documents officiels et le droit à la protection des données à caractère personnel au titre du présent règlement » ;
Considérant que le droit au respect de la vie privée est incontestablement un droit fondamental, dont la sauvegarde est essentielle ; qu’il convient toutefois d’observer qu’il en va de même du droit d’accès à l’information, singulièrement du droit d’accès à l’information en matière d’environnement, que consacrent, notamment, divers textes de droit international et européen, en particulier la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, conclue à Aarhus le 25 juin 1998, et la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement ; qu’en application de ces textes de droit international et européen, des dispositions particulières, figurant à l’article D.19 du livre Ier du code de l’environnement et à l’article 27 de la loi du 5 août 2006 relative à l’accès du public à l’information en matière d’environnement, règlent le pouvoir reconnu à l’autorité publique saisie d’une demande d’accès à l’information en cette matière de limiter le droit d’accès à l’information en cas de risque d’atteinte à la vie privée ; qu’il résulte de ces dispositions, d’une part, que les motifs de limitation du droit d’accès à l’information en matière d’environnement doivent être interprétés de manière restrictive en tenant compte de l’intérêt que présente pour le public la divulgation de l’information et, d’autre part, que l’autorité publique est tenue, dans chaque cas particulier, de mettre en balance l’intérêt public servi par la divulgation avec l’intérêt servi par le refus de divulguer ;
Considérant qu’à cet égard diverses considérations conduisent à affirmer qu’en l’espèce, la balance des intérêts en cause penche du côté de l’intérêt public servi par la divulgation des noms et adresses des détenteurs d’oiseaux concernés, plutôt que du côté de l’intérêt servi par le refus de divulguer ces données :
- il résulte de l’article 25, § 2, de l’arrêté du Gouvernement wallon du 27 novembre 2003 que la connaissance et l’expérience dont les éleveurs peuvent se prévaloir et la pertinence des méthodes d’élevage, des installations, du matériel et des conditions d’élevage qui leur sont propres constituent des éléments essentiels du régime d’autorisation en cause dans la présente affaire ; des considérations propres aux qualités personnelles des éleveurs concernés et aux lieux dans lesquels ils exercent leurs activités sont donc déterminantes pour la bonne application de ce régime ;
- il ne peut être perdu de vue que la protection des espèces constitue une matière d’intérêt général, en l’occurrence l’intérêt général de la sauvegarde du caractère, de la diversité et de l’environnement naturel, pour reprendre les termes utilisés à l’article 1er de la loi du 12 juillet 1973 sur la conservation de la nature ;
- le nom et l’adresse d’une personne qui demande ou obtient une autorisation telle que l’autorisation requise en vertu de l’article 25 de l’arrêté du Gouvernement wallon du 27 novembre 2003 ne figure pas parmi les données qui, telles celles visées aux articles 8, 9 et 10 du règlement (UE) 2016/679 ainsi qu’aux articles 8 à 10 de la loi du 30 juillet 2018 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel, appellent plus particulièrement un régime de protection renforcée de la vie privée ;
- selon la dernière phrase de l’article 26 de l’arrêté du Gouvernement wallon du 27 novembre 2003, « [l]es opérations visées à l'article 2, § 2, 4°, de la loi sur la conservation de la nature ne sont autorisées que si l'oiseau d'élevage issu d'une des espèces visées à l'article 25, § 1er, est accompagné de sa carte d'identification » ; parmi les « opérations » visées par cette disposition, il en est qui ont ou peuvent avoir lieu avec des tiers ou en leur présence ; aussi, des tiers ont ou peuvent avoir déjà accès aux informations qui figurent sur les cartes d’identification, y compris les noms et adresses des éleveurs concernés ;
- Considérant, pour le surplus, que la partie adverse n’a fait valoir et que la Commission n’aperçoit aucun motif prévu par les dispositions relatives à l’accès aux informations environnementales, qui soit de nature ou suffise à justifier qu’il ne soit pas réservé une suite favorable à tout ou partie de la demande d’information de la partie requérante ;
PAR CES MOTIFS,
LA COMMISSION DECIDE :
Article 1er : Le recours est recevable et fondé.
Article 2 : La partie adverse communiquera à la partie requérante (en son domicile élu, étant le cabinet de son conseil), dans les huit jours de la notification de la présente décision, une copie des dossiers administratifs relatifs aux autorisations de détention d’oiseaux d’élevage accordées par l’Inspecteur général du DNF à des membres de l’asbl Royale association ornithologique de Belgique (RAOB) sur la base de l’article 25 de l’arrêté du Gouvernement wallon du 27 novembre 2003 fixant des dérogations aux mesures de protection des oiseaux.
A cette occasion, elle communiquera en tout cas à la partie requérante une copie des documents suivants :
- s’ils existent, les documents écrits, datés et signés par l’Inspecteur général du DNF, ayant spécifiquement et explicitement pour objet de décider de délivrer, sur la base de l’article 25 de l’arrêté du Gouvernement wallon du 27 novembre 2003, l’autorisation de détenir des oiseaux d’élevage ; à défaut, les cartes d’identification délivrées par l’Inspecteur général du DNF pour les oiseaux concernés ;
- s’ils existent, les documents suivants relatifs aux autorisations concernées : la demande de détention accompagnée du dossier technique établi par l’éleveur qui a introduit la demande de détention et comprenant les éléments mentionnés à l’article 25, § 2, de l’arrêté du Gouvernement wallon du 27 novembre 2003 ; le rapport de l’ingénieur chef de cantonnement ; et l’avis du pôle « Ruralité », section « Nature » ;
Dans les documents communiqués, les noms et adresses des personnes concernées ne seront pas occultés.
[1] Est visé ici l’Inspecteur général du DNF.
[2] Est visé ici le pôle « Ruralité », section « Nature ».
[3] L’article 17 de l’arrêté du Gouvernement wallon du 27 novembre 2003 impose et règle l’obligation de baguer tout oiseau d’élevage au moyen d’une bague fermée.
[4] Sont visés ici les groupements d’amateurs d’oiseaux d’élevage agréés par le directeur général du SPW Agriculture, Ressources naturelles et Environnement. Ces groupements sont notamment chargés de délivrer à leurs membres les bagues destinées à l’élevage. L’article 18 de l’arrêté du Gouvernement wallon du 27 novembre 2003 règle la délivrance des bagues par lesdits groupements.
[5] Cette disposition est relative à la détention d’oiseaux d’élevage d’origine étrangère.