11 avril 2024 -
CADA - Décision n° 394 : Commune – Comptes – Vie privée – Communication partielle
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Commune – Comptes – Vie privée – Communication partielle
[…],
Partie requérante,
CONTRE :
La commune de Stoumont,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution,
Vu l’article 8, § 1er, du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration (ci-après, le décret du 30 mars 1995),
Vu l’article L3211-3, ainsi que les articles L3231-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après, le CDLD),
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs,
Vu le recours introduit par courriel le 13 février 2024,
Vu la demande d’informations adressée à la partie adverse le 15 février 2024 et reçue le 16 février 2024,
Vu la réponse de la partie adverse du 6 mars 2024.
I. Objet de la demande
1. La demande porte sur la communication d’une copie de « l’état (chiffres, sommes et PREUVES comme un scan des extraits des comptes [)] de la commune [pour les dates] 3 avril 2018, 4 octobre 2019, 7 juin 2020, 12 août 2021, 2 février 2022, 30 décembre 2023 ».
II. Compétence de la Commission
2. La Commission est compétente pour connaître du recours.
III. Recevabilité du recours
3. L’article L3231-3, alinéas 3 et 4, du CDLD, rendu applicable à la partie adverse par l’article L3211-3 du même code, dispose comme suit :
« L’autorité administrative provinciale ou communale qui ne peut pas réserver de suite immédiate à une demande de publicité ou qui la rejette communique dans un délai de trente jours de la réception de la demande les motifs de l’ajournement ou du rejet. En cas d’ajournement, le délai ne pourra jamais être prolongé de plus de quinze jours.
En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, la demande est réputée avoir été rejetée ».
4. La demande initiale de publicité administrative a été adressée à la partie adverse le 9 janvier 202
La partie adverse n’y ayant pas donné suite, la demande a été rejetée implicitement le 8 février 2024, en application de l’article L3231-3, alinéa 4, du CDLD.
La partie requérante a introduit son recours auprès de la Commission le 13 février 2024, soit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du même décret et rendu applicable par l’article L3231-5, § 1er, du CDLD.
Dès lors, le recours est recevable.
IV. Examen au fond
5. La Commission rappelle que tous les documents administratifs sont en principe publics. C'est le principe consacré à l'article 32 de la Constitution. Une entité ne peut refuser la publicité que dans la mesure où elle peut se baser sur l'un des motifs d'exception visés par les régimes législatifs applicables et motiver sa décision de manière concrète et suffisante. Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l’entité est tenue d’assurer la publicité des documents administratifs.
Dans le cadre de ses prérogatives de réformation, la Commission est elle-même compétente pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de faire droit à la demande d'accès au document administratif, en procédant à la mise en balance requise entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception invoqué.
6. La Commission constate que la partie adverse n’a pas répondu dans le délai imparti à la demande d’informations qui lui a été adressée en application de l’article 8
ter, alinéa 1
er, du décret du 30 mars 1995.
Néanmoins, la partie adverse a, rapidement après l’expiration du délai susvisé, communiqué à la Commission des informations dont il y a lieu, pour des raisons de bonne administration, de tenir compte dans le cadre de l’examen du présent recours.
7. En l’espèce, la partie adverse indique que la commune possède plusieurs comptes bancaires et qu’ « il n’y a pas forcément un extrait de chaque compte » aux dates mentionnées par la partie requérante. Elle explique également que « les extraits de compte contiennent aussi des informations protégées par le R.G.P.D. (nom, adresse, n° de compte et référence de paiement des débiteurs) que [la partie adverse ne peut fournir] ».
De plus, la partie adverse explique que la partie requérante « a transmis sa demande à la Commune le 9 janvier 2024. A cette date, la Commissaire d’arrondissement déléguée par le Gouverneur n’avait pas vérifié la caisse du receveur régional à la date du 31 décembre 2023. Cela a été fait le 21 février 2024 et sera transmis pour lecture au Conseil communal du 14 mars 2024. Ce dernier ne s’est donc pas non plus prononcé sur l’approbation des comptes 2023. Il ne semble donc [à la partie adverse] ni opportun ni respectueux de transmettre à [la partie requérante] des informations qui n’ont pas encore pu être portées à la connaissance des Conseillers communaux ». La partie adverse indique également avoir proposé à la partie requérante « de lui fournir les situations de caisse trimestrielles déjà arrêtées ».Enfin, la partie adverse indique tenir « à disposition les budgets et comptes à la maison communale sans déplacement, tout en publiant la synthèse produite par eComptes sur son site internet. Il semble donc [à la partie adverse] que les documents accessibles au public suffisent pour informer [la partie requérante] de l’état de la trésorerie communale ».
Par courriel du 16 février 2024, la partie adverse informe la partie requérante que « pour l’année 2023, la situation de caisse au 31 décembre 2023 ainsi que les comptes annuels n’ont pas encore été examinés ni approuvés par le Conseil communal. Nous ne pouvons donc vous les transmettre en l’état. Si vous en faites la demande, nous pouvons vous transmettre la situation de caisse de fin de trimestre ».
Il ressort des explications fournies par la partie adverse que celle-ci entend soulever l’exception relative à la vie privée, prévue à l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995.
L’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995, rendu applicable par l’article L3231-3 du CDLD, dispose comme il suit :
« § 2. L’entité ou l’autorité administrative non régionale rejette la demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif, qui lui est adressée en application du présent décret, si la publication du document administratif porte atteinte :
1° à la vie privée, sauf les exceptions prévues par la loi ; […] ».
Le décret du 30 mars 1995 interdit donc à l’autorité communale de transmettre des informations qui portent atteinte à la vie privée.
La Commission rappelle toutefois que toutes les données à caractère personnel au sens du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) ne relèvent pas de la vie privée au sens de l’article 6, § 2, 1°, du décret du 30 mars 1995. De manière constante, la Commission considère que les données relatives à des personnes exerçant une fonction publique ne bénéficient pas d’une protection équivalente à celles des autres personnes physiques. Pour justifier une restriction au droit à la transparence administrative, il doit être établi que la publicité des informations concernées porte effectivement atteinte à la vie privée, un simple lien avec celle-ci ne suffisant pas. Une telle restriction est d’autant moins admissible lorsque les informations reprises dans le document administratif concerné présentent un intérêt public.
En l’espèce, la Commission constate, à l’analyse des documents communiqués, que ceux-ci contiennent des mentions relevant de l’exception relative à la protection de la vie privée, telle que les noms, les adresses et les numéros de comptes des destinataires des versements.
Afin de respecter le droit à la vie privée de ces personnes, il convient d’occulter toutes les informations permettant de rendre ces personnes identifiables. Pour ce faire, la partie adverse doit occulter les noms, les prénoms, les adresses et les numéros de comptes.
Les autres mentions figurant dans les documents transmis ne portent pas atteinte, à la connaissance de la Commission, à la vie privée. La partie adverse doit néanmoins le vérifier avant de transmettre les documents à la partie requérante.
8. Par ailleurs, les autres éléments invoqués par la partie adverse ne constituent pas un motif justifiant le refus de communication des documents sollicités pour ce qui concerne la date du 30 décembre 2023.
Par ces motifs, la Commission décide :
Le recours est partiellement fondé. La partie adverse communique à la partie requérante les documents sollicités dont elle dispose moyennant occultation des informations relevant du droit au respect de la vie privée et ce, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.